Le Prince Alexis

 

LA Belle rêva un rêve d’ennui. Elle errait dans le château où elle avait vécu toute sa vie, sans rien à faire, et de temps à autre elle se reposait dans une profonde banquette sous une fenêtre, pour observer les petites silhouettes des paysans dans les champs en contrebas, qui rassemblaient en meules l’herbe fraîchement coupée. Le ciel était sans nuages ; elle n’aimait guère son aspect, son immensité, sa monotonie.

Elle avait la sensation de ne rien pouvoir trouver d’autre à faire qui n’eût été déjà fait des milliers de fois, et puis soudain parvint à ses oreilles un son qu’elle fut incapable de reconnaître.

Elle suivit la trace de ce son, et, par le seuil d’une porte, vit une vieille femme, toute monstrueuse et voûtée, maniant une étrange machine. C’était une grande roue, avec une bobine de fil qui s’enroulait autour d’un fuseau.

— Qu’est-ce ? demanda la Belle avec grand intérêt.

— Viens te rendre compte par toi-même, répondit la vieille femme, qui avait une voix des plus singulières, jeune et forte, si dissemblable de son visage.

À peine la Belle eut-elle touché cette machine fabuleuse avec sa roue vrombissante qu’elle s’écroula en pâmoison, et, tout autour d’elle, elle entendit le monde fondre en larmes.

— … dors, dors pour cent ans.

Et elle aurait voulu crier : « Intolérable, pire que la mort », car cela avait été pour elle comme un gouffre d’ennui contre lequel elle avait lutté, aussi loin que remontait son souvenir, dans cette errance de pièce en pièce. Mais elle se réveilla. Elle n’était pas chez elle.

Elle était étendue sur le lit de son Prince, et elle sentait sous elle le picotement du couvre-lit tissé de joyaux.

La chambre était pleine des ombres dansantes du feu, qui projetaient leur lueur sur les montants ouvragés du lit et la tenture qui tombait autour d’elle en riches couleurs. Animée, envahie de désir, elle se leva, fort soucieuse de se défaire du poids et de la texture de son rêve, et elle se rendit compte que le Prince n’était pas à ses côtés.

Mais il était bien là, devant le feu, le coude contre le manteau de pierre qui soutenait un grand écu aux épées croisées. Il portait sa cape d’un velours rouge éclatant et ses bottes de cuir à bout pointu, retournées au genou, le visage affûté par les pensées qu’il ressassait.

La pulsation entre ses jambes s’accéléra. Elle s’étira, et laissa échapper un faible soupir qui le sortit de ses pensées et le fit approcher d’elle. Dans l’obscurité, elle ne pouvait deviner l’expression de son visage.

— Très bien, il n’est qu’une seule et unique réponse, lui dit-il. Vous vous accoutumerez à tous les regards qui se porteront sur vous dans ce château, et je m’accoutumerai à votre accoutumance.

Il tira sur le cordon de la cloche près du baldaquin. Et, soulevant la Belle, il la fit asseoir au pied du lit, jambes repliées sous elle.

Un Page entra, aussi innocent que le garçon qui avait si diligemment puni le Prince Alexis, et, comme tous les Pages, il était fort grand, avec des bras puissants.

La Belle était certaine qu’on les avait tous choisis en raison de ces attributs. Elle ne doutait pas qu’il fût capable, s’il en recevait l’ordre, de la tenir par les chevilles, mais il avait un doux visage, dénué de toute trace de méchanceté.

— Où est le Prince Alexis ? demanda le Prince.

Il avait l’air résolu, en colère, et parlait en arpentant la pièce.

— Oh, il est dans une méchante querelle ce soir, Votre Altesse. La Reine se soucie fort de sa maladresse. Vous savez qu’il doit prêcher l’exemple pour les autres. Elle l’a fait attacher dans le jardin, dans une posture des plus inconfortables.

— Oui, bien, je vais le mettre dans une posture plus inconfortable encore. Obtenez de ma mère la permission de me l’amener et faites venir le Chevalier Félix avec lui.

La Belle écouta tout ceci avec un secret étonnement. Elle essaya d’apaiser l’expression de son visage, à l’aune de celle du Page. Mais elle était plus qu’alarmée. Elle allait revoir le Prince Alexis, et elle ne pouvait s’imaginer dissimulant ses sentiments aux yeux de son Prince. Si seulement elle parvenait à distraire son attention de la chose.

Mais comme elle émettait un petit chuchotement, il lui ordonna sur-le-champ de faire silence, de s’asseoir là où elle se trouvait, et de se tenir yeux baissés.

Ses cheveux retombèrent tout autour de son corps, chatouillant ses bras nus et ses cuisses, et elle se rendit compte, presque avec plaisir, qu’aucune échappatoire ne s’offrait à elle.

Le Chevalier Félix fit son entrée aussitôt, et comme elle l’avait soupçonné, c’était lui le Page qui avait si vigoureusement fessé le Prince Alexis quelque temps plus tôt. Il portait le battoir d’or attaché à sa ceinture, qui bringuebala contre sa taille quand il s’inclina devant le Prince.

Tous ceux qui servent dans cette maison sont choisis pour leurs dons, se dit la Belle en le regardant, car il était beau lui aussi, et ses cheveux blonds offraient un cadre merveilleux à son visage juvénile, quoiqu’il eut quelque chose de plus ordinaire que ceux des Princes captifs.

— Et le Prince Alexis ? questionna le Prince.

Il avait le visage enflammé, ses yeux dardaient presque des éclats mauvais, et la Belle retomba dans sa frayeur.

— Nous le préparons, Votre Altesse, répondit le Chevalier Félix.

— Et pourquoi cela dure-t-il ? Depuis combien de temps sert-il dans cette maison pour manquer à ce point de respect ?

Aussitôt, on fit paraître le Prince Alexis.

La Belle s’efforça de ne point l’admirer. Il était nu comme auparavant, elle ne s’était pas attendue à moins, naturellement, et, à la lumière du feu, elle pouvait distinguer son visage empourpré, et ses cheveux châtain-roux tombant en bataille sur ses yeux qu’il gardait baissés comme s’il n’osait pas les lever sur le Prince. Ils étaient à peu près du même âge, et de taille similaire, mais le Prince Alexis, plus sombre, restait humble et sans défense devant le Prince qui faisait les cent pas devant l’âtre, la face froide et sans pitié, en proie à une agitation certaine. L’organe du Prince Alexis était rigide. Il se tenait mains derrière la nuque.

— Ainsi, pour moi, vous n’étiez pas prêt ! souffla le Prince.

Il vint l’examiner de près. Il observa l’organe raidi qu’il gifla rudement, ce qui fit tressaillir le Prince Alexis malgré lui.

— Peut-être avez-vous besoin d’un petit apprentissage afin de vous tenir… prêt, chuchota le Prince.

Ses mots s’égrenaient lentement et avec une courtoisie délibérée.

Il releva le menton du Prince Alexis, le fixa droit dans les yeux. La Belle se surprit à les dévisager tous deux sans la moindre pudeur.

— Je vous présente mes excuses, Votre Altesse, fit le Prince Alexis, et le timbre de sa voix était bas, calme, sans trace de rébellion ou de honte.

Lentement, les lèvres du Prince s’élargirent en un sourire. Les yeux du Prince Alexis étaient immenses, et possédaient le même calme que sa voix. Il semblait à la Belle qu’ils auraient même pu tarir la colère du Prince, mais voilà qui était impossible.

Le Prince caressa l’organe du Prince Alexis et lui donna une autre gifle espiègle, puis une autre.

Soumis, le Prince abaissa de nouveau les yeux et il n’émanait plus de lui que la grâce et la dignité dont la Belle avait été déjà le témoin.

Voilà comment je dois me conduire, songea-t-elle. Je dois adopter ces manières-là, cette force, pour braver tout ceci avec la même dignité que lui.

Pourtant cela l’émerveillait. À tout instant, le Prince captif ne pouvait faire autrement que montrer son désir, sa fascination, alors qu’elle, en revanche, était à même de celer ce besoin qui la brûlait entre les jambes, et elle ne put s’empêcher de tressaillir à la vue du Prince qui pinçait les petits tétons durcis du Prince Alexis, et relevait à nouveau son menton, afin d’examiner son visage.

Derrière eux, le Chevalier Félix observait la scène avec un plaisir évident. Il avait croisé les bras, jambes bien écartées, et il parcourait du regard le corps du Prince Alexis, avec avidité.

— Depuis combien de temps êtes-vous au service de ma mère ? questionna le Prince.

— Depuis deux ans, Votre Altesse, répondit humblement le Prince Alexis de sa voix douce.

La Belle fut frappée de cette réponse. Deux ans ! Il lui semblait que sa vie entière n’avait pas été aussi longue, mais c’était plus le son de sa voix que ses mots qui l’avaient ravie. Sa voix le rendait plus palpable et plus visible.

Son corps était plus massif que celui du Prince, et la sombre toison entre ses jambes était belle. Elle devinait son scrotum, guère plus qu’une ombre.

— Vous avez été envoyé ici en guise de Tribut par votre père.

— Comme l’avait demandé votre mère, Votre Altesse.

— Et pour servir combien d’années ?

— Aussi longtemps qu’il plaira à Votre Altesse et à ma maîtresse, la Reine.

— Et vous avez, quoi ? Dix-neuf ans ? Et vous faites figure de modèle auprès des autres Tributs ?

Le Prince Alexis s’empourpra.

D’un coup brutal assené sur l’épaule, le Prince le tourna vers la Belle puis il le mena jusqu’au lit. La Belle se redressa, sentant la chaleur et le sang lui monter au visage.

— Et vous êtes le favori de ma mère ? s’enquit le Prince.

— Pas cette nuit, Votre Altesse, releva le Prince Alexis sans la moindre esquisse de sourire.

Le Prince acquiesça d’un rire léger.

— Non, en effet, vous ne vous êtes pas très bien conduit aujourd’hui, n’est-ce pas ?

— Je ne peux qu’implorer votre pardon, Votre Altesse, reconnut le Prince Alexis.

— Vous pouvez faire plus que cela, lui répliqua le Prince dans le creux de l’oreille, tout en le poussant plus près de la Belle. Vous pouvez souffrir pour cela. Et vous pouvez donner à ma Belle une leçon de bonne volonté et de parfaite soumission.

Puis le Prince posa le regard sur la Belle, la scrutant sans merci. Elle baissa les yeux, terrifiée à l’idée de lui déplaire.

— Regardez le Prince Alexis, lui intima-t-il. Lorsqu’elle eut levé les yeux, elle vit le beau Prince captif à quelques centimètres d’elle. Sa chevelure en désordre lui voilait partiellement la face, et sa peau lui parut d’une exquise douceur. Elle tremblait. Confirmant ses craintes, le Prince releva le menton du Prince Alexis, et ce dernier, la dévisageant de ses grands yeux noisette, lui sourit un instant, avec douceur et sérénité, un sourire qui échappa à la vigilance du Prince. La Belle le but du regard, tout son soûl, car elle n’avait pas le choix, et elle espéra que le Prince ne verrait que sa détresse.

— Embrassez ma nouvelle esclave et accueillez-la dans cette maison. Baisez ses lèvres et ses seins, exigea le Prince.

Et il dénoua les mains du Prince Alexis pour qu’elles retombent de sa nuque, silencieuses et obéissantes, de part et d’autre de la taille.

La Belle sursauta. Le Prince Alexis lui souriait encore, secrètement, tandis que son ombre s’étendait sur elle. Elle sentit ses lèvres toutes proches des siennes et l’onde de son baiser la traversa. Elle sentit sa souffrance entre ses jambes, nouée en un nœud serré, et lorsque ses lèvres touchèrent son sein gauche, puis le droit, elle se mordit la lèvre inférieure, à la faire saigner. La chevelure du Prince Alexis caressait sa joue, ses seins, tandis qu’il accomplissait l’ordre qui lui avait été donné, puis il s’écarta avec la même séduisante sérénité.

La Belle ne put se retenir de porter ses mains à son visage.

Mais le Prince les lui fit retirer immédiatement.

— Regardez bien, Belle. Étudiez cet exemple d’esclave obéissant. Accoutumez-vous à lui afin de mieux le voir, et de ne plus considérer que l’exemple qu’il vous apporte, conseilla le Prince.

Sur ce, d’un geste rude, il tourna le Prince Alexis afin que la Belle pût contempler les marques rouges sur son derrière.

Le Prince Alexis avait reçu un châtiment bien pire que celui de la Belle. Il était marqué de bleus et par quantité de petites zébrures roses sur les cuisses et les mollets. Le Prince examinait tout ceci presque avec indifférence.

— Vous ne détournerez plus le regard, fit le Prince à la Belle, m’avez-vous compris ?

— Oui, mon Prince, répliqua la Belle sur-le-champ, trop soucieuse de montrer son obéissance.

Pleine de sa détresse douloureuse, un étrange sentiment de résignation la submergea. Il lui fallait contempler la musculature exquise du corps du Prince Alexis ; il lui fallait contempler ses fesses fermes et merveilleusement moulées. Si seulement elle avait pu dissimuler sa fascination, ne feindre que la soumission.

Mais le Prince ne la regardait plus. Il avait saisi les deux poignets du Prince Alexis, et, dédaignant le battoir du Chevalier Félix, il s’empara d’une longue cravache plate gainée de cuir, qui avait l’air d’un bon poids, avec lequel il assena au Prince Alexis des coups lourds et rapides, sur les mollets.

Il tira son captif jusqu’au milieu de la chambre. Il posa le pied sur le siège du tabouret, comme auparavant, et poussa le Prince Alexis pour l’installer à cheval sur son genou, ainsi qu’il en avait usé avec la Belle. Le Prince Alexis tournait le dos à la Belle, qui ne pouvait plus voir que son derrière, mais aussi le scrotum entre les jambes, et elle vit les coups de la cravache de cuir plat abattre leurs marques rouges entrecroisées sur le Prince Alexis. Ce dernier ne se défendait pas. Il n’émettait pas un bruit. Les pieds plantés sur le sol, rien, dans son allure, ne suggérait la moindre tentative d’échapper à la cravache qui le visait, comme l’aurait fait la Belle.

Elle l’observait, étonnée de sa maîtrise et de son endurance, et pouvait discerner les marques de l’effort. Il remuait toujours aussi peu, les fesses se soulevant et retombant, les jambes frissonnantes, puis elle fut à même de percevoir un bruit infime émanant de lui, un gémissement dans un souffle qu’il retenait à l’évidence derrière ses lèvres closes. Le Prince fouettait l’air pour le frapper, sa peau prenait une carnation d’un rouge plus sombre à chaque large marque qu’y laissait la cravache, puis, comme apparemment son désir semblait atteindre un sommet, le Prince ordonna au Prince Alexis de se mettre à quatre pattes devant lui.

La Belle put voir le visage du Prince Alexis. Il était souillé de larmes, mais n’avait rien perdu de son sang-froid. Il s’agenouilla devant le Prince, en attente.

Le Prince leva sa botte à bout pointu et l’enfonça par-dessous, atteignant le bout du pénis du Prince Alexis.

Puis il saisit le Prince Alexis par les cheveux et lui leva la tête.

— Ouvre, lui fit-il doucement. Immédiatement, le Prince Alexis avança les lèvres pour les poser sur la couture des hauts-de-chausses du Prince. Avec une habileté qui stupéfia la Belle, il défit les crochets qui dissimulaient le sexe gonflé du Prince, et le dévoila. L’organe avait grandi et durci, et le Prince Alexis le libéra du vêtement, puis l’embrassa tendrement. Mais il souffrait tout de même et quand le Prince enfonça son sexe dans la bouche du Prince Alexis, celui-ci n’était pas prêt. Il bascula sur les genoux, un peu en arrière, et dut se retenir au Prince d’un geste caressant, pour ne pas tomber. Aussitôt, il suça l’organe princier, et s’exécuta avec de grands mouvements de va-et-vient qui étonnèrent la Belle, les yeux clos, les mains en suspens, prêt à recevoir les ordres du Prince.

Le Prince l’interrompit assez vite. Il était clair qu’il ne voulait pas voir sa passion portée à l’extrême. Rien d’aussi simple.

— Allez à ce coffre là-bas dans le coin, fit-il au Prince Alexis, et rapportez-moi l’anneau qui se trouve à l’intérieur.

Le Prince Alexis obéit, à quatre pattes. Mais à l’évidence cela ne satisfit pas le Prince. Il claqua des doigts, et le Chevalier Félix, sur-le-champ, mena le Prince Alexis avec son battoir. Il le conduisit jusqu’au coffre et, tandis que celui-ci l’ouvrait, il continua de le martyriser à coups de battoir. Le Prince Alexis en retira un grand anneau de cuir avec ses dents, et le rapporta.

C’est alors seulement que le Prince renvoya le Chevalier Félix dans un coin de la pièce. Le Prince Alexis tremblait à bout de souffle.

— Enfilez-le, fit le Prince.

Le Prince Alexis ne tenait pas l’anneau par le cuir même, mais par une sorte de petite attache d’or qui y était fixée. Et, le tenant toujours ainsi, entre les dents, il fit glisser l’anneau sur le pénis du Prince, sans le lâcher.

— Vous êtes à mon service. Où je vais, vous allez, fit le Prince, et il se mit à marcher lentement dans la pièce, mains sur les hanches, le regard baissé sur le Prince Alexis qui le suivait à genoux, avec peine, les dents serrées sur l’anneau de cuir.

On eût dit que le Prince Alexis embrassait le Prince ou qu’il était attaché à lui. Il avançait à reculons, mains écartées, afin de ne risquer aucun attouchement irrespectueux sur la personne du Prince.

Le Prince, marchant sans rien laisser transparaître de l’embarras où était son esclave, s’approcha du lit puis, se retournant, revint devant l’âtre, son esclave faisant tous ses efforts pour le précéder.

Soudainement, il tourna le corps d’un coup sec vers la gauche pour faire face à la Belle, et, ce faisant, il contraignit le Prince Alexis à prendre appui sur lui pour retrouver l’équilibre. Le Prince Alexis s’accrocha l’espace un instant, et appuya le front contre la cuisse du Prince. Ce dernier lui caressa les cheveux d’un air plutôt nonchalant. Ce geste avait presque l’air affectueux.

— Cette posture ignominieuse vous répugne, n’est-ce pas ? lui souffla-t-il.

Mais, avant que le Prince Alexis ait pu lui répondre, il lui délivra un coup violent au visage qui l’envoya en arrière, et l’écarta de lui. Puis il poussa le Prince Alexis à quatre pattes.

— Aller et retour dans la pièce, intima-t-il d’un claquement de doigts au Chevalier Félix.

Comme à l’accoutumée, le Chevalier fut trop heureux de rendre service. La Belle le haïssait ! Il mena le Prince Alexis à quatre pattes sur le plancher, jusqu’au mur opposé, puis le ramena à la porte.

— Plus vite ! s’exclama le Prince, d’un ton coupant.

Le Prince Alexis avançait aussi vite qu’il était possible. La Belle ne pouvait supporter d’entendre la colère dans la voix du Prince, et elle leva les mains pour les porter à sa bouche. Mais le Prince voulut que les choses aillent plus vite encore. Le battoir s’abattit à nouveau sur le derrière du Prince Alexis, et l’ordre tomba encore et encore, jusqu’à ce qu’il se précipitât pour obéir, et elle vit bien, en proie à une terrible souffrance, qu’il avait perdu toute grâce et toute dignité. Elle comprenait à présent la raison de la petite raillerie du Prince. À l’évidence, le calme et la grâce du Prince Alexis lui avaient été une consolation.

Mais les avait-il réellement perdues ? Ou bien les offrait-il également au Prince, avec calme ? Elle n’aurait su le dire. Elle tressaillait à chaque coup de battoir, et chaque fois que le Prince Alexis faisait demi-tour pour traverser la pièce, elle saisissait pleinement le spectacle de ses fesses suppliciées.

Tout à coup, cependant, le Chevalier Félix s’arrêta.

— Votre Altesse, je l’ai fait saigner.

Le Prince Alexis s’agenouilla, la tête pendante, haletant.

Le Prince le dévisagea, puis il approuva d’un signe de tête.

Il claqua des doigts pour que le Prince Alexis se dresse, lui releva le menton et scruta la figure maculée de larmes.

— Ainsi, par la grâce de cette peau trop délicate qui est la vôtre, on fera preuve de clémence pour cette nuit, annonça-t-il.

Il le retourna vers la Belle. Le Prince Alexis tenait les mains croisées sur la nuque, et son visage, écarlate et trempé, lui parut d’une beauté indescriptible. Il était plein d’une émotion indicible, et comme on l’amenait plus près d’elle, elle put percevoir les cognements de son cœur. S’il m’embrasse à nouveau, je meurs, pensa-t-elle. Jamais je ne pourrai celer mes sentiments au Prince.

Et si la règle veut que je sois fessée jusqu’au sang… Elle n’avait pas véritablement idée de ce que cela pouvait signifier, si ce n’est un grand surcroît de douleur, plus encore qu’elle n’avait enduré. Mais même cela valait mieux que de laisser le Prince découvrir à quel point le Prince Alexis la fascinait. Pourquoi se conduit-il ainsi ? songea-t-elle avec désespoir.

Mais le Prince poussa le Prince Alexis en avant.

— Posez le visage au creux de ses cuisses, fit-il, et passez vos bras autour d’elle.

La Belle sursauta et se redressa, mais le Prince Alexis obéit immédiatement. La Belle baissa les yeux sur la toison châtain-roux qui couvrait son sexe, sentit ses lèvres contre ses cuisses, et ses bras lui enserrer la taille. Son corps palpitant était chaud ; elle put sentir le battement de son cœur, et, sans le vouloir, elle tendit les mains pour se saisir de ses hanches.

D’un coup de pied, le Prince écarta les jambes du Prince Alexis et, s’emparant brutalement de la tête de la Belle, de la main gauche, pour qu’elle l’embrasse, il enfila son organe dans l’anus du Prince Alexis.

Le Prince Alexis gémit sous la rudesse et la promptitude des coups de boutoir. La Belle le sentit buter contre elle, alors que le Prince Alexis se faisait enfiler de plus en plus vite. Le Prince la laissa aller, et elle fondit en larmes. Elle se blottit contre le Prince Alexis, le Prince délivra sa poussée finale avec un gémissement, les mains calées contre le dos du Prince Alexis, puis il se tint au repos, laissant son plaisir l’envahir.

La Belle tâcha de se tenir tranquille.

Le Prince Alexis la laissa aller à son tour, mais non sans un secret petit baiser entre ses jambes, juste à la crête de la toison pubienne. Alors même qu’on l’entraînait à l’écart, ses yeux sombres se plissèrent en un secret sourire à son attention.

— Faites-le monter dans le corridor, fit le Prince au Chevalier. Et veillez à ce que personne ne l’assouvisse. Maintenez-le dans les tourments. Tous les quarts d’heure, rappelez-le à son devoir envers son Prince, mais ne l’assouvissez pas.

On emmena le Prince Alexis. La Belle était assise, le regard arrêté sur la porte ouverte.

Mais elle n’en avait pas fini. Le Prince tendit la main vers elle et, l’empoignant par les cheveux, lui demanda de le suivre.

— À quatre pattes, ma chère. C’est toujours ainsi que vous vous déplacerez dans le château, à moins que l’on ne vous dise le contraire.

Elle se dépêcha, le suivant hors de la pièce jusqu’au seuil de l’escalier.

À mi-marches, sur un vaste palier, on découvrait la Grande Salle.

Il y avait, sur ce palier, une statue de pierre qui effraya la Belle. C’était l’effigie de quelque dieu païen au phallus dressé.

Sur ce phallus, cette fois, on enfila le Prince Alexis, ses jambes enserrant le piédestal de la statue, la tête renversée sur l’épaule de marbre. Il lâcha encore un gémissement tandis que le phallus l’empalait, puis se tint en repos quand le Chevalier Félix lui lia les mains dans le dos.

Le bras droit de la statue était levé, les doigts de pierre de la main formant un cercle comme si, jadis, ils avaient brandi un poignard ou quelque autre instrument Et voici que le Chevalier plaçait avec grand soin la tête du Prince Alexis sur l’épaule de la statue, au-dessous de cette main. Dans cette main serrée, il assujettit un phallus de cuir, le plantant de manière à ce qu’il entre dans la bouche du Prince Alexis.

La statue avait maintenant l’air de le vriller à la fois par l’anus et par la bouche, et il était comme lié à elle. Quant à son organe, aussi raide que précédemment, il poussait en avant, tandis que le phallus de la statue était en lui.

— Désormais, vous voilà peut-être un peu plus accoutumée à votre Prince Alexis, fit doucement le Prince.

Mais c’est trop terrible, se dit la Belle, de lui faire passer la nuit dans un tel supplice. Le dos du Prince Alexis était douloureusement arqué, ses jambes attachées faisaient le grand écart, et le clair de lune tombant de la fenêtre derrière lui dessinait une longue ligne sur la gorge, sur sa douce poitrine et son ventre plat.

Doucement, le Prince tira les cheveux de la Belle, qu’il tenait enroulés autour de sa main droite, la ramena au lit, la coucha et lui dit de dormir. Bientôt, il en ferait autant à ses côtés.

 

L'initiation
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