CHAPITRE XVI

Ils arrivaient au pied de la rampe qui donnait accès au premier niveau où se trouvait l’entrée des délégations quand trois grands costauds en combinaison noire unie se dressèrent devant eux.

— Messieurs, ce bâtiment est réservé à la Conférence Galactique.

— Nous le savons, nous cherchons le bureau des accréditations. Pouvez-vous nous guider ? répondit Ael.

Les types eurent l’air surpris mais n’insistèrent pas et les devancèrent. Ils s’arrêtèrent devant une alcôve où Ael, Katel et Antonio pénétrèrent, se bornant à tendre leur bracelet devant un appareil de contrôle tenu par un fonctionnaire international de l’OFG en combinaison noire à parements d’argent. Celui-ci regarda l’écran.

— Bienvenu, Monsieur Madec, le dossier de votre délégation va vous être délivré. La séance est suspendue mais reprendra dans quelques minutes.

— Bien. Je veux vous demander quelque chose, qui sont ces trois hommes, derrière moi ?

— Des représentants Galactiques temporaires, d’après leurs combinaisons sans parements.

— Ce qui signifie ?

— Chaque délégation vient avec plusieurs fonctionnaires de confiance qui, le temps de la Conférence, assurent la sécurité, sous autorité Galactique.

Ael hocha lentement la tête.

— Mais ils appartiennent à quelle Fédération ?

— Je ne connais que l’un d’eux, il est de l’Union Altaïr-Procyon.

— Bien. Je souhaite garder secrète ma qualité de ministre plénipotentiaire et le nom de ma Fédération. Il en va de même pour mes amis, ici. Je suppose que c’est possible ?

— En ce qui me concerne, oui. Vous ne désirez pas que je réponde aux éventuelles questions de ces Messieurs, dehors c’est cela ?

— Exactement.

— Je suis seul habilité à contrôler les membres de la Conférence. Le fait que vous portiez les badges que je vais vous remettre suffit à vous accréditer. Personne ne peut obtenir de moi des informations sur une délégation si celle-ci en a manifesté la volonté, Monsieur. Mais il y a d’autres procédés, sachez-le. Si je puis me le permettre, vous devriez commencer par cacher les couleurs des dossiers que je vais vous remettre.

— Merci.

Katel et Antonio reçurent leurs badges en même temps que lui, dissimulèrent leur dossier fédéral, et sortirent sous les yeux, stupéfaits, de l’ex-Colonel qui les avait suivis. Ael se souvint soudain de son nom, Dukray.

Des lumières se mirent à clignoter et la foule commença à pénétrer dans un très grand hémicycle.

— Suivez-moi, on s’installe au fond, dans les derniers rangs. Katel, quelles sont les fonctions exactes de mon gars, Dukray ? J’ai retrouvé son nom.

— Un proche du Directeur Sécurité de l’Union, il a dit la vérité. Un sacré arriviste, ton copain !

— Est-il au courant de l’opération rassemblement des Anciens ?

— Oui, et je sais maintenant où ils sont. Une petite planète d’élevage, pas tellement loin de Procyon, MC 29 III. Mais ils sont nombreux, plus de 30.000 ! Jamais on ne pourra les évacuer assez vite, Ael…

— Il faudra trouver le moyen de paralyser le contrôle de cette planète.

— Mais ils attendent d’autres Anciens ! Les derniers qui ont pu être retrouvés sont environ 5000, techniciens et spécialistes. Essentiellement des femmes, d’ailleurs.

— On verra plus tard. Tu gardes Dukray comme cible. Tu vas lui faire activer l’arrivée des derniers survivants Anciens, “sur l’ordre” du Directeur Sécurité qui ne veut plus qu’on le dérange avec cette histoire et en finir rapidement. “Ordres confidentiels” reçus avant la conférence. Tâche de savoir s’ils avaient des intentions à propos des Anciens. Mais qu’il fasse garder le camp au secret pendant un délai de trois semaines. Il est chargé de mission, on ne peut pas l’effacer de sa mémoire, ça éveillerait la curiosité de son plus proche collaborateur. Je vais imprégner les Directeurs Sécurité et Armée – je suis sûr qu’ils doivent être ici – pour qu’ils ne posent aucune questions à propos des Anciens. Antonio, qui est votre cobaye ?

— Plaett, un haut dignitaire de la Sécurité, lui aussi. Il n’est au courant de rien au sujet des Anciens.

— Michelli, qui est le tien ?

— Un Général, proche du Directeur du Département Armée.

— Il est au courant, pour les Anciens ?

— Oui. C’est l’Armée qui gère le camp. Mais c’est la Sécurité qui le garde… Et ce camp-là est clos.

— Il a des moyens, ce Général ? Il est puissant ?

— Il a la confiance du Directeur.

— Imprègne-le. Que l’Armée apporte immédiatement des vivres pour quatre mois, au camp, sur “l’ordre” de son Directeur. En conteneurs déjà chargés sur des Plateaux. Il faudra qu’on fasse vite. Et, comme ça, on récupérera aussi des Plateaux. Il nous faut aussi du matériel de fouissage, et des préfabriqués de grandes tailles avec du matériel spécialisé pour installer des laboratoires d’études. En fait, tout ce que tu peux imaginer. Le tout d’extrême urgence. Je vais sonder les Directeurs de la Sécurité et de l’Armée, je suis sûr qu’ils sont là. Antonio, quittez la salle et trouvez un endroit d’où appeler Grosse Tête pour lui dire de passer l’ordre à toutes les Barges de converger vers MC 29 III. On le contactera. On aura besoin de tous les Transmetteurs, sur place. Une mission spéciale pour Phi : qu’il installe un grand Transmetteur dans la soute de sa Barge et qu’il reprenne contact. On le Transmettra, avec son engin, depuis Amas II à côté de MC 29 III. Bon, je commence à chercher mes deux cibles.

Ael émit pendant dix minutes, insistant sur le fait que peu de collaborateurs devaient être mêlés au projet “Anciens” et que le Président ne voulait plus qu’on lui parle de cette affaire. Après quoi, il écouta ce qui se disait dans la salle.

Un Président de Fédération expliquait que les guerres ne faisaient que ralentir les projets galactiques d’expansion et que chaque Responsable Politique devait mettre un frein à ses rancunes ou ses ambitions. Ael le sonda et découvrit qu’il pensait à l’Union et à la Confédération du Centaure qui se préparaient, effectivement, à un conflit…

Si une guerre se préparait, en effet, les Anciens rassemblés dans le camp y seraient mêlés, c’était évident. Il faudrait en retarder l’échéance…

À l’inspiration, il chercha le Président de la Confédération du Centaure et l’imprégna d’une volonté d’éviter ce conflit le plus longtemps possible, puis il trouva le Président de l’Union et fit la même chose. Ça marcherait peut-être ?

L’annonce d’une demande d’intervention s’alluma, en face des délégations. Le Président de la Confédération Altaïr-Procyon se leva et entama un discours où il affirmait la volonté de paix de son peuple… Ça marchait ! Enfin, pour l’instant. Ce ne sont pas toujours les Chefs d’État les plus dangereux, mais leurs proches !

Ael ne se faisait pas d’illusions, l’imprégnation resterait en place mais l’entourage du Président l’inciterait à revenir sur ce qu’il venait d’annoncer. C’était simplement reculer un risque, si les deux gouvernements étaient décidés, pas davantage. En outre, quoi qu’il pense, un Chef d’État est souvent obligé de suivre l’avis des leaders politiques qui représentent des puissances, souvent économiques…

— Si vous avez terminé, on s’en va, lança-t-il à ses amis, qui hochèrent la tête discrètement. Antonio, voulez-vous vous occuper de ce prêt de l’OFG, demandez la somme la plus importante possible, sur un long délai, si possible, avec des remboursements anticipés, si c’est autorisé.

— Entendu, je vous rejoindrai à la Barge ensuite, fit le Colonel en s’éloignant.

Ils se retirèrent en silence et appelèrent un Mobil, dans le grand hall.

— On revient à la Barge, dit Ael, dehors. On va émettre sans arrêt, avec les grands cristaux, pour prévenir tout le monde d’aller vers MC 29 III, sauf Phi. Il va installer notre défense dans la faille, mais gardera un grand Transmetteur à son bord pour envoyer le matériel qui se trouvera sur MC 29 III, après l’arrivée des hommes pour dégager l’aire d’arrivée.

— Pourquoi cette hâte à installer les grands Transmetteurs dans la faille, que crains-tu, Ael ?

— L’arrivée d’un engin de l’Union. Dukray va trouver très vite le nom de notre Fédération. Je l’imagine assez bien faisant envoyer un bâtiment en reconnaissance.

— Et que feras-tu, dans ce cas ?

— On détruit l’un de ses Prop dès son arrivée à proximité du fer à cheval, il s’arrangera pour rentrer comme il pourra. On ne peut plus faire de détails. On n’est pas prêt à affronter l’Union, d’une manière ou d’une autre. Il faut gagner du temps.

— Tu imagines les conséquences de l’attaque contre un bâtiment de la Spatiale ?

— Oui. Ils finiront par comprendre qu’on possède un truc fantastique. Mais à chaque tentative, on fera la même chose. Ils ne progresseront pas. Tôt ou tard, ils essaieront de traverser l’amas, comme nous, avec un petit Patrouilleur, mais à sa sortie, s’il réussit, on l’expédiera, très loin ; il faudra qu’on demande au copain de Grosse Tête si c’est faisable, sans détruire l’engin. Ça peut durer des décennies. Le temps qu’on progresse. C’est une course de vitesse maintenant. C’est pourquoi il nous faut davantage de monde sur Amas II, un niveau de connaissances élevé, des installations industrielles et une puissance économique. Je compte beaucoup sur notre système d’injections hypno-mémorielle pour élever le niveau de connaissances des nôtres. Ce n’est que plus tard, beaucoup plus tard, que nous aborderons la formation hors de notre Fédération, pour nous tailler une réputation, à la fois commerciale et de connaissances de pointe dans le Monde. Il deviendra plus difficile de nous chercher noise. À condition, néanmoins que nous maîtrisions totalement l’usage de cette technique. On engagera du personnel local, dans chaque Centre d’enseignement, pour que les nôtres ne soient pas pris en otage. Mais ces collaborateurs étrangers seront imprégnés soigneusement de fausses pistes. Les autorités de chez eux ne pourront rien en tirer, sinon la manipulation des appareils. Sans connaissance de la technologie de l’injection, personne ne peut rien.

— Un scientifique peut trouver le moyen d’intervenir sur les quartz, remarqua la jeune femme, ajouter des instructions, par exemple. Imagine les dégâts si un quartz contient une obéissance totale à une Fédération ou à n’importe qui, ou même une mission suicide ! C’est un moyen de faire des espions indécelables. De manipuler les foules, quand il s’agit de quartz simples, vendus dans le public. On peut provoquer des haines à l’échelle d’une Confédération ! On détruit le libre-arbitre des individus. On en fait des machines obéissantes, malgré elles.

— Je le sais, dit Ael, j’y ai pensé aussi. Il y a une importante part de risque. Au besoin, on pourrait y parer en emmenant certains de nos collaborateurs étrangers, travaillant sur la fabrication des quartz ou dans les Centres d’enseignement, sur Amas I et en les rendant télépathes, si on était sûr d’eux. Ils sonderaient leurs spécialistes et sauraient à temps s’il y a une manipulation de ces quartz. Je ne suis pas du tout sûr de la bonne méthode à employer. C’est une organisation énorme, je le sais. Je n’ai jamais prétendu que notre projet serait facile et sans danger. Il faudra être sur nos gardes pendant des décennies, un siècle, peut-être… Ceux qui nous succéderont auront du boulot aussi ! Pour l’instant, il faut battre de vitesse ce salopard de Dukray et récupérer les derniers Anciens rassemblés. Ne nous faisons pas d’illusions, ce sera peut-être la dernière fois, au moins en aussi grand nombre. En revanche, on pourra lancer une opération émigration dans le Monde. Chercher des gens voulant quitter leur Fédération pour venir chez nous. Avec un sondage, une imprégnation solide et l’acquisition d’un niveau de connaissances dans un domaine intéressant, on ne risque rien et on enrichit notre population.

— Tu me fous la trouille. Cap à voir si loin. Je m’y perds, moi. Je te serai complètement inutile, dans ces projets-là. Ça me dépasse.

Le moral du Sarmaj venait d’en prendre un coup. Ael lui tapa légèrement sur le bras en souriant ironiquement.

— Ne stresse pas, élève Michelli, tu n’as pas bien écouté. Ces quartz contenant des connaissances… on peut en bénéficier nous aussi ! Katel et Phi, par exemple, s’ils sont d’accord, bien sûr, vont y passer en premier pour recevoir le top niveau des connaissances, dans leur branche. J’ai besoin de toi, Michelli, maintenant comme auparavant. Tu as une qualification de technologie. Il va suffire que tu l’améliores sérieusement avec des quartz, et tu deviendras un expert. Tu iras aussi, dès que possible, sur Amas I pour renforcer ta puissance mentale, de même que Phi, Gregg et Antonio, s’ils l’acceptent et quand ils en auront le temps.

— Tout est clair, dans ta tête, hein ? dit Katel. Ça aurait tendance à me mettre en rogne que tu jongles comme ça avec des êtres humains si tu n’avais pas dit, à chaque fois “s’ils sont d’accord.” Prends garde à ne pas t’éloigner des individus pour réaliser ton projet, Ael. À ne pas t’imaginer au-dessus de tout le monde, maintenant. Tu étais idéaliste, ne devient pas matérialiste. Ne passe d’un extrême à l’autre.

— Aucun danger, fit-il. Tu as trop de bon sens pour me laisser faire… Je sais que tu me préviendrais, si ça se produisait !

— Salopard avec ses réponses à tout… fit-elle mécontente.

— Je vais peut-être te faire encore bondir, alors. Il va falloir, très vite, lancer la construction de Maternas.

— Hein ?

— Réfléchis, c’est maintenant qu’il faut voir loin, la prochaine génération de la Fédération de l’Amas ! Elle n’aura pas notre expérience de la guerre, ne saura pas se défendre, comme nous. Tu n’imagines tout de même pas que les femmes vont accepter de mettre au monde des enfants comme dans la préhistoire ? Outre le fait qu’on a besoin de tout le monde femmes et hommes, pour faire vivre Amas II. Les retours en arrière ça n’existe pas dans l’Évolution. On a besoin de Maternas où on utilisera les injections hypno-mémorielles de manière à amener chaque enfant à un niveau de compétence élevé, et de le pousser autant qu’il le pourra, de la même manière, pour atteindre le niveau des chercheurs ! Tout en respectant ses goûts dans un domaine ou un autre. Mais les Maternas ne seront pas installées sur des mondes morts. Elles seront sur notre sol, à l’air libre. Les enfants connaîtront la vraie vie immédiatement. Et comme la durée des cours sera plus courte, les enfants seront très préparés physiquement.

Katel ne disait plus rien, elle semblait mesurer l’étendue du projet. Elle finit par hocher la tête, lentement.

— C’est vrai que je ne vois pas, à notre époque, une femme accepter de “fabriquer” elle-même son enfant, pour ça tu as raison. Mais si ça se produit, je ne voudrais pas qu’on le lui interdise.

— Bien sûr.

Elle ne dit plus rien, ni le Sarmaj qui ne s’était pas exprimé sur ce sujet.

À l’astroport, Michelli descendit en marche, en passant derrière un bâtiment. Il voulait surveiller les environs, disait-il.

Dans la Barge Katel, Ael et l’un des deux pilotes. Magné, prirent chacun un gros Com à cristaux et commencèrent à appeler les autres engins pour leur donner l’ordre de se rendre à proximité de MC 29 III. L’autre pilote calculait la plongée la plus rapide vers la planète, depuis Véga XX.

Ce n’est qu’en début de soirée qu’ils en terminèrent, par Phi à qui Ael transmit ses consignes.

— “Tout va dépendre du succès de l’opération MC 29 III. On doit absolument rapatrier tous les Anciens et tout le matériel disponible. Ce sera beaucoup de monde, mais un vrai coup de fouet à nos projets. Ça veut dire qu’on doit se débrouiller pour tenir la planète pendant plusieurs heures, en faisant le moins de dégâts possibles. Cela veut dire l’astroport et ses Coms, bien sûr, mais aussi la garnison de la Milice. Or, on sait déjà que le camp est gardé par la Sécurité ; ils ont donc un détachement sur place. On va avoir besoin d’une escouade d’Anciens d’Amas II, en état de combattre efficacement au besoin. Une fille s’occupe d’en remettre en forme quelques-uns dans le deuxième village au bord de la mer, mais elle a peu de temps devant elle. Je vais joindre le Sarge Post pour lui demander de travailler avec elle le côté combat pur ; lui doit toujours être au top, je pense. Quand on sera sur le point de descendre sur MC 29 III, l’escouade nous rejoindra par Transmetteur. Il ne faut pas rêver, il y aura sûrement de la bagarre, à un endroit ou un autre, là-bas.”

— “Et les armes ?” demanda Phi.

— “On en a récupéré à M 64 et on en prendra sur place, à la Milice. Il faudrait aussi monter plusieurs balises sur Amas II pour utiliser plusieurs Transmetteurs en même temps et activer l’évacuation des hommes et du matériel.”

— “Entendu. Je termine l’installation le plus vite possible et je me fais aider pour placer le dernier grand à l’arrière de la soute afin d’avoir un angle de transmission assez large.”

Katel et les autres avaient décidé d’aller dîner en ville et Ael leur dit qu’il les rejoindrait après avoir eu le Sarge Post, depuis leur Barge.

Il lui fallut une demi-heure pour obtenir la liaison. Post lui dit qu’il pensait à quatre Anciens, qui s’étaient gardés en forme, et qu’il allait faire, en Plateau, le tour des trois villages pour demander des volontaires et les entraîner. Il ne se déplacerait plus sans sa Com moderne pour être joignable rapidement.

Ael ferma la Barge et se dirigea vers le Contrôle où se trouvaient les Mobils.

Il allait les atteindre quand quatre ombres sortirent du premier engin.

— Ne bouge plus, Madec, ordonna l’un d’eux en braquant un Projecteur Thermique de poing dans sa direction.

La réaction de Dukray…

— Vous savez à qui vous avez affaire ? lâcha-t-il calmement.

— À un salopard d’ancien soldat, oui, lança un autre.

— Silence, ordonna celui qui avait parlé en premier, en s’adressant à son copain.

— Fais demi-tour, Madec, et dirige-toi sur la droite.

Oui, ils savaient, évidemment, qu’ils étaient en train de kidnapper un plénipotentiaire d’une Fédération. Mais ils s’en moquaient. Des puissances économiques comme l’Union sécrétait des individus avec cette arrogance. Certains d’avoir tous les droits, n’importe où… Ael sentit la fureur monter en lui, regrettant que Dukray ne soit pas venu lui-même…

— Et si je refuse, tu tires sur moi ? Tu penses que l’OFG fermera les yeux ?

— L’OFG ne saura rien, mon pauvre Madec, tu seras embarqué sans témoins. Je me demande pourquoi Monsieur Dukray tenait tant à ce qu’on soit assez nombreux, tu es plutôt minable.

— Embarqué à bord de votre bâtiment, tu veux dire ? fit Ael d’un ton ostensiblement indifférent, ça m’étonnerait. Elle va avoir des gros soucis, votre carcasse, ici.

— Qu’est-ce que tu veux dire ? fit l’inconnu d’un ton différent, soudain.

— Que tu as devant toi un ancien des B.A. Nous avons une expérience de la bagarre que tu ne connaîtras jamais et Dukray avait raison de se méfier. Je ne suis pas seul, ici…

— Et alors ?

— Dukray vous a envoyé me chercher, mes amis sont occupés ailleurs, eux.

— Sur notre Navette, tu veux dire ? C’est un très gros modèle, ils ne pourront pas l’approcher, on a du personnel de garde, au sol.

— C’est bien ce que je disais, vous ne connaissez pas les B.A.

— Il faut que tu en dises plus, maintenant !

— À ta place, je ne mettrais pas les pieds à bord, ce soir, dit Ael.

— Vous voulez le saboter ?

— Oui, évidemment… mais pas seulement.

— Quoi d’autre ?

— Pose ton arme et on en parlera.

Cette fois le type se mit à rire, détendu.

— Tu penses que c’est avec ce genre de truc d’abruti que tu pourrais retarder ton embarquement ? C’est bien ce que je disais, Monsieur Dukray te surestime.

Ael fit non de la tête et laissa tomber.

— Non. C’était seulement pour laisser le temps à ma protection de se mettre en place, derrière vous…

Il tourna légèrement la tête pour lancer d’une voix forte :

— Allez-y les gars !

Au même instant, il se concentrait et faisait démarrer en bolide le premier Mobil de la file. Les quatre hommes l’entendirent se mettre en marche et se retournèrent, ceux qui avaient les mains vides dégainant des thermiques de poing, eux aussi, et ouvrant le feu sur l’engin qui était déjà là. Deux furent renversés alors que Ael se téléportait plus loin, dans l’ombre du Contrôle.

Il fixa le Mobil dont la carrosserie brûlait sous les tirs et lui fit faire demi-tour en direction des deux derniers. Les gars de la Sécurité firent un bond de côté pour lui échapper, continuant à tirer en rafales.

Le Mobil perdit deux roues, en flamme, et pencha brutalement sur le côté, raclant le sol. La vraisemblance interdisait, désormais de le faire bouger. Ael chercha des yeux les Thermiques de poing des deux hommes qui avaient été touchés et gisaient sur le dos, et les repéra. Il leur fit quitter le sol si vite que même en plein jour personne n’aurait pu les apercevoir. Puis il tendit les bras en les ramenant dans sa direction.

Il en saisit un dans chaque main et commença à tirer au sol derrière les deux survivants qui approchaient prudemment du Mobil. Ils firent un saut de côté, cherchant d’où venaient les rayonnements. Ael les laissa se mettre à l’abri de la carcasse et se téléporta plus loin.

La grosse Navette du bâtiment de l’Union était au fond de l’aire de stationnement, dépassant les autres d’une dizaine de mètres. Il se téléporta dans l’ombre d’un engin voisin et se concentra sur l’un des patins qui céda immédiatement. L’énorme Navette commença à s’incliner jusqu’à ce que la coque touche le sol.

Ael dirigea son regard vers les énormes Props et lança une décharge d’énergie à la mesure de sa colère. L’un des props fut secoué par une explosion et prit feu.

Sans attendre, Ael se transporta vers l’endroit où avait eu lieu la bagarre et repéra les deux derniers qui regardaient leur Navette, au loin. À vingt mètres, il arracha un morceau de plasto de la carcasse du Mobil et la propulsa vers les hommes.

Frappés de plein fouet, ils s’effondrèrent. Mentalement, Ael sonda ses quatre adversaires. L’un d’eux était mort, les trois autres blessés, inconscients. Les jets thermiques ne devaient pas être passés inaperçus, une patrouille de service n’allait pas tarder à arriver, malgré l’accident du bâtiment de l’Union qui devait mobiliser une bonne partie du personnel. Il s’empara rapidement des armes de ses agresseurs, sauf une qu’il plaça dans la main de celui qui paraissait être le chef puis monta dans un Mobil et appela Katel pour connaître les coordonnées de l’endroit où ils dînaient. Il programma alors le Mobil pour aller au cœur de la capitale et se laissa aller en arrière.

Arrivé au bout de la course, il se dirigea vers un poste holo public. Puis il appela l’astroport, demandant à être mis en communication avec le bâtiment de l’Union, en orbite. L’ordi de liaison l’avertit qu’il venait d’y avoir un accident au sol avant de le mettre en communication.

Le visage d’un techno de la Spatiale apparut.

— Je voudrais parler à Dukray, dit-il.

Le type se cabra légèrement devant le ton familier.

— Il vient d’y avoir un incident mineur à bord de notre Navette au sol, répondit-il assez sèchement, je ne sais pas s’il peut vous parler.

— Dites-lui seulement mon nom, dit Ael, “Monsieur Madec,” il voudra me parler.

L’ex-Colonel apparut presque immédiatement. Il ouvrait la bouche mais Ael le devança.

— Vous avez eu tort, Dukray, dit-il. Vous n’avez toujours rien compris. Ne vous attaquez pas à moi, ça vous coûtera plus cher à chaque fois.

Dukray accusa légèrement le coup.

— Que voulez-vous, Madec ?

— Seulement vous dire que vos quatre types ne faisaient pas le poids, tout comme vous, je vous en avais prévenu. Votre handicap est de ne pas tenir compte du passé, de vos erreurs. Vous m’avez mis en rogne, Dukray, alors que je voulais vous ignorer. Maintenant, si vous vous dressez contre moi, je vous réduis en charpie, compris ? Votre Navette c’était facile. Mes amis et moi pouvons faire mieux.

— Espèce de…

— Non ! Ne prononcez pas de mots, demandez à vos types ce qu’ils en pensent.

Puis, il coupa la communication. Sa colère était toujours là, mais il se sentait mieux. Il appela un autre Mobil pour rejoindre Katel et les autres. La piste était coupée pour des enquêteurs éventuels.

Ils n’avaient pas encore terminé leur repas et il s’attabla avec eux, leur racontant ce qui était arrivé en mangeant. Ils étaient installés dans une alcôve tranquille et pouvaient parler.

— Il ne nous lâchera plus, fit Katel.

— Tu aurais dû le descendre, Cap. Maintenant il va être encore plus mauvais. Tu te souviens : “ne jamais laisser un ennemi conscient derrière soi” ? Tu l’as assez répété aux gars, pourtant.

— Oui, je sais, se borna à répondre Ael. J’aurais peut-être dû.

— C’eut été de la vengeance, non ? remarqua Antonio qui les avait rejoints. Moi, je suis plutôt content que vous ne l’ayez pas tué, Ael… Mais je reconnais que vous en avez fait un ennemi encore plus déterminé… Maintenant que voulez-vous faire ?

— Vous aller en finir avec vos affaires rapidement, Antonio, et nous allons attendre, en espace, de savoir quand les derniers Anciens seront arrivés au camp.

— Et comment le saurons-nous ? demanda Antonio.

— Nous allons imprégner l’ordre à Dukray d’envoyer personnellement un message holo signé de son nom et de son titre, sur une fréquence précise. Puis de l’oublier et de m’oublier. C’est toi, Katel, qui t’en chargera depuis la cafet’ la plus proche du siège de l’OFG, tout à l’heure. Utilise ta puissance maximale pour cette imprégnation.

— Pourquoi ces précisions ? fit Antonio.

— Parce que le message sera gardé en archive par l’ordi des Coms du Bâtiment de l’Union. Nous aurons là une “preuve” de sa trahison qu’il suffira de faire connaître au Directeur Sécurité pour qu’il élimine Dukray, au besoin.

— C’est vrai que vous devenez machiavélique, Ael, dit Antonio avec un sourire mi-admiratif, mi-réservé.

— Ça ne me rend pas spécialement satisfait de moi. Je me sens plus à l’aise au combat que dans ces magouilles, répondit Ael sans lever la tête de son plat.

 

Ils orbitaient, depuis neuf jours, à quelques heures de vol de MC 29 III, quand le message arriva. Magné l’apporta dans la cabine d’Ael qui était en train de relire pour la nième fois ce qu’ils avaient pu apprendre sur MC 29 III.

— Le dernier round va commencer, se borna-t-il à dire. Tu sais où sont les autres, en ce moment ?

— Ils orbitent dans d’autres secteurs, répondit le pilote. Nous sommes prêts.

— O.K. Je monte.

Il regarda d’un air songeur l’écran du petit ordi qui avait été installé dans la cabine qu’il occupait. En incrustation dans l’angle supérieur gauche, la carte de l’astroport était visible. C’était là que tout se jouerait. Sur l’astroport.

Les autres avaient également été prévenus, car tout le monde était dans le carré, le visage grave, les traits tendus.

— Antonio, pouvez-vous demander à Amas II de nous envoyer l’escouade. Dès qu’elle sera dans la soute, je veux voir le Sarge Post. Il est important de savoir ce que nous pouvons attendre d’eux, compte tenu de leur entraînement.

— Finalement quel plan as-tu retenu ? dit Katel ?

Katel, Michelli et Phi en avaient proposé chacun un, à la demande d’Ael.

— Une version mixée de celui de Michelli et de Phi, répondit-il. C’est une mission qui ressemble beaucoup à ce que nous avons fait à la Brigade. C’est d’ailleurs pourquoi c’est moi qui piloterai. Ne le prends pas mal, Magné, j’ai davantage l’expérience que toi de ces descentes de dingue, en barge, c’est tout.

— Normal, fit celui-ci, je le comprends très bien.

— Tu nous expliques maintenant ou tu attends l’arrivée de Post ? interrogea Phi.

— On va le regarder en détail. C’est notre Barge qui va attaquer en premier, pour prendre possession de l’astroport, de nuit, et le tenir. Il y aura deux groupes, l’un avec Antonio, Phi et moi, à l’astroport. Le second, avec Katel et Michelli, prendra en charge le bâtiment de la Milice. Lorsque nous tiendrons l’astroport, Antonio y restera, et parera à l’imprévu en imprégnant les contrôleurs pour qu’ils fassent les bonnes réponses. On le récupérera en dernier. Voilà le schéma général, on va maintenant regarder tout ça en détail…

— … Pardon, Ael, juste une question, le coupa Antonio, lorsque vous dites attaquer l’astroport, vous voulez dire que nous abattons le personnel ou des gardes ?

— Non. On utilise l’imprégnation au maximum. Les armes, c’est pour faire face à l’imprévu, à l’astroport ou au camp. On s’en servira seulement, et si on ne peut pas faire autrement, contre la Milice et au camp des Anciens. Dans tous les cas, avant de partir, on imprègne tout le monde pour faire oublier les détails de l’opération. Pas de traces, c’est important. Il faut que cela reste un mystère pour l’Union.

— Parfait. Nous vous écoutons…

 

L’escouade apparut dans la soute deux heures plus tard. Vingt et un hommes, plus Post. Celui-ci monta dans le carré en tenue militaire. Ou plutôt ce qu’il en restait. Mais on reconnaissait celle de l’Union.

— Tes hommes sont également en combin’ de combat ? demanda Ael.

— Les trois quarts, Capitaine ; des copains en avaient remise en état.

Ael se tourna vers Phi et Antonio.

— Pensez-vous qu’on pourra trouver autant de combinaisons civiles à bord des Barges ?

— Je m’en occupe, dit Phi qui avait compris. Je demande aux autres. Ils nous transmettront ce qu’ils ont.

— Pour l’instant, il ne faut pas que l’on fasse de rapprochement direct entre Amas II et la disparition des Anciens du camp, expliqua-t-il à Post. L’idéal serait que l’on pense à une évasion. Ce qu’ils ont pu devenir ensuite restant non élucidé. La Fédération de l’Amas doit rester en dehors de tout cela, tu comprends ? Pas même être soupçonnée. Si l’Union se doute de quelque chose, on sera dans une situation difficile, c’est un adversaire au-dessus de nos moyens. C’est de ma faute, Sarge, j’aurais dû te prévenir. Pour le reste, où en sont tes gars ?

— Ils ne sont pas en grande forme physique, Capitaine, alors j’ai insisté sur l’entraînement de combat pour leur remettre surtout des réflexes en mémoire. Ils ne sont pas capables d’un long effort, mais ils sont revenus à un niveau convenable comme combattants. Et ils ont excellent moral. Tirer des copains de ce piège les a motivés.

— Tu as bien fait, Sarge. De toute façon on va éviter au maximum le combat. On a une autre façon de neutraliser les résistances.

— Phi m’en a touché un mot, Capitaine, c’est fantastique. Si on avait connu ça pendant la guerre, bien des copains seraient encore là.

— Ça aurait seulement fait davantage de pourchassés ensuite, Post, renvoya vivement Ael. Ne pense plus à la guerre. La paix signée n’a que des raisons économiques, à ses origines. Dans les gars que l’on va chercher, il y a beaucoup de types de Procyon, peut-être encore avec ce qui leur reste de leur uniforme, ne l’oublie pas. Ce ne sont plus des ennemis ! Ils ont souffert autant que nous. On n’est tous que des Anciens soldats. Peu importe l’uniforme que l’on portait, répète-toi ça. Et répète-le à tes gars.

— Pour moi, ce sera inutile, Capitaine, j’ai compris depuis longtemps.

— Bien. Le Sarmaj va te donner tes ordres et tu le renseigneras pour composer les groupes. Quand ce sera fait, on les briefera sur leurs missions. On a encore trois heures devant nous. On attaquera quand la nuit tombera sur le camp. Pendant que j’y pense : il faut dire sans relâche aux Anciens à qui vous parlerez, et aussi aux types de Sécurité, si l’occasion se présente, c’est important, que ce camp de détention est illégal. Les Anciens ne sont pas des délinquants. On ne pouvait pas les enfermer comme ça. Leur évasion est donc naturelle. Ce sont des citoyens libres. Ils ont repris leur liberté.

— Compris, Capitaine.

Quand tout le monde se rassembla, dans la soute, les hommes étaient en combinaisons civiles. Les équipages de chaque Barge avaient sacrifié les leurs.

— Vérification des attaches, fit la voix d’Ael dans les diffuseurs, on plonge, 3…2…1…Top !

Aux commandes, il manœuvra le petit manche et la planète apparut, emplissant totalement l’écran de son image bleutée. La Barge piquait droit sur elle. Ael se retrouva deux ans en arrière quand son Groupe partait à l’assaut d’un objectif…

— On ne va pas entrer trop vite en atmosphère ? interrogea Magné, en place droite.

Pas trop tranquille ! Ael sourit.

— On va ralentir, ne t’inquiète pas.

Magné ne s’attendait pas à la manœuvre qu’Ael effectua quelques minutes plus tard.

Le sol de MC 29 III montait vers eux quand la Barge modifia sa configuration de vol, faisant demi-tour sur elle-même, les Props poussant à fond. Elle restait sur une trajectoire la faisant percuter le sol mais c’était maintenant les tuyères qui étaient orientées vers l’avant. Et l’écran montrait l’espace, noir parsemé de petits points brillants.

— Wouahou, fit Magné… ça c’est gonflé ! Tu utilises le flux de protons des tuyères pour freiner à mort et éviter une élévation de température en pénétrant en atmosphère ?

— Oui, répondit Ael, concentré. La difficulté est de rester exactement dans le cône d’éjection, sur le bon cap. Il faut piloter à l’envers.

De ses deux mains, il commandait l’orientation et la puissance des tuyères latérales pour modifier leur attitude.

À 15.000 mètres, il ramena brutalement la Barge nez dans l’axe, sa vitesse était considérablement réduite et il plongea à nouveau vers le sol.

— Détection, lança-t-il, j’ai besoin de l’altitude précise en permanence, en incrustation sur l’écran. Magné, coupe les Props, on passe aux anti-G seulement. Je vais entamer une courbe pour venir tangenter la surface.

— On ne va pas s’effondrer ? fit celui-ci en obéissant. Il y a un temps de réponse pour que les anti-G arrivent à leur puissance d’utilisation.

— C’est prévu, envoya Ael qui ne quittait plus l’écran des yeux.

— Ah bon, répondit Magné, dépassé.

— Garde les yeux sur l’écran, lança Ael. Le sol va devenir de plus en plus sombre, on approche de la zone où la nuit tombe. Sois prêt à passer en vision nocturne au moment où on entrera dans le noir, mais pas avant ; on serait aveuglé pendant plusieurs secondes, on est trop proche du sol pour cela. Garde ta main près du contact.

— Compris.

— Détection, poursuivait Ael, surveille le trafic Com, je veux savoir si on est repéré ou non.

— O.K., fit la voix de Loctudy, l’un des pilotes issu de Procyon, derrière. Pour l’instant, trafic nul.

Ael avait le regard fixé sur l’écran. Magné devait se faire un souci d’encre en sachant que, même s’ils traçaient effectivement une courbe dans l’espace, ils continuaient leur descente à une vitesse folle alors que le sol approchait. Il le sentait à la pesanteur – rebranchée pour ces manœuvres – qui renfonçait dans son siège. Ils devaient encaisser trois bons G…

Et puis, en une fraction de seconde, l’écran redevint noir, la zone de nuit. Magné réagit immédiatement et le décor apparut en jaune, sur le grand écran. Ils ne devaient pas être à plus de 5000 mètres d’altitude et la Barge continuait à descendre…

Ael jeta un œil à l’indicateur de montée en puissance des condensateurs d’anti-G. Quand il vit 51%, il les sélectionna.

Il entendit distinctement Magné relâcher l’air comprimé dans ses poumons !

Le sol défilait, 300 mètres en dessous…

— Détection, envoie-moi notre route sur l’écran frontal.

Une ligne de pointillés apparut, s’éloignant vers l’horizon, légèrement à gauche de son cap. Il avait moins perdu la main qu’il ne le pensait et corrigea pour faire coïncider exactement la minuscule croix indiquant l’axe de déplacement de la Barge avec les pointillés.

— Temps ? lança-t-il.

— 1 minute 37 secondes, répondit Loctudy.

— Préviens la soute : premier objectif 1:37.

C’est là qu’ils largueraient Michelli et dix hommes, chargés de terminer à pied l’approche du camp et localiser la surveillance. Ils disposaient de quatre RCM de poing. Katel leur apporterait des armes plus puissantes quand elle aurait vidé le bâtiment de la Milice. Finalement, Ael avait préféré utiliser ainsi Katel. À une mission délicate et dangereuse, parce que c’était elle qui avait la plus grande puissance mentale.

Il ralentit la Barge et descendit à 20 mètres du sol. Cette région était assez plate avec juste quelques ondulations.

— Point Alpha dans 10 secondes, envoya Loctudy dans le circuit interne.

Un point rouge commençait à clignoter, sur l’écran. C’était là que la Barge allait se poser, à trois kilomètres du camp. Hors de vue.

Ael ralentit et fit poser l’engin, déclenchant l’ouverture de la soute.

La voix de Katel retentit trois secondes plus tard.

— C’est bon, le groupe Michelli est dehors.

Ael remonta la rampe tout en décollant et fit pivoter la barge pour apercevoir les hommes au sol.

Michelli était en tête. Il avait pris son long trot habituel et les autres avaient l’air de suivre assez bien.

Ael émit.

— “Je te tiens au courant de la suite, Sarmaj.”

— “O.K., Cap,” répondit brièvement Michelli.

Il n’était jamais bavard, en opération. La Barge accéléra en direction de l’astroport et de la ville, plus à l’est.

— Détection, grossissement maximum dans la fenêtre.

Un carré se dessina, sur l’écran, presque en face des yeux d’Ael, et le paysage s’y dessina avec une remarquable précision. On y voyait les arbres comme à dix mètres. Il reprit le guidage en suivant les pointillés. Ça devait lui faire contourner la ville assez au large et revenir vers l’astroport d’où Katel partirait en direction du bâtiment de la Milice, avec le reste des gars venus d’Amas II, pour neutraliser les Miliciens et embarquer leur armement.

— L’astroport, lança Magné après quelques minutes, le bras tendu.

— Je braque la Barge, repère les installations.

L’engin continua sur sa route, mais légèrement en crabe pour que le carré d’agrandissement soit orienté vers les bâtiments.

— Je les vois ! Un grand Contrôle, avec un étage… Des engins au sol sont garés, sur le côté gauche.

D’un coup de poignet, Ael freina fortement la Barge qui descendit à moins de trois mètres du sol.

— Je continue à vue, annonça-t-il. Loctudy, prévient la soute de notre position.

Inconsciemment, il se pencha un peu en avant, comme pour mieux voir, faisant passer la Barge derrière tous les masques qui se présentaient. À un kilomètre des installations, ils arrivaient vers la zone de fret.

Il chercha des yeux le plus grand hall de stockage et vint s’immobiliser au sol, derrière.

— À vous les gars, dit-il, en se dégrafant pour se lever.

Loctudy changeait de place, venant s’asseoir à celle qu’Ael libérait au moment où celui-ci quittait le poste en cavalant. Il arriva dans la soute, silencieuse, repérant Antonio et deux grands types, près de la rampe.

— Descendez et mettez-vous en sentinelle aux angles, lança-t-il tout de suite.

Katel était là, ses hommes derrière elle.

— C’est maintenant que tout commence, lui dit-il. Garde le contact avec Antonio, je vais me placer en vue des installations pour me téléporter. Il y a des engins au sol sur le côté, tu les utiliseras. À bientôt, ma Katel.

Elle sourit vaguement.

— Si tu te fais griller, dit-elle, je rejoins ton aura et je te fais une vie impossible pendant des millénaires.

Il eut un geste vers ses lèvres, de la main, et descendit la rampe en courant.