CHAPITRE XI
La femme, vêtue d’une combin’ usée jusqu’à la corde, marchait voûtée, à petits pas usés, le clavier de commandes du robot à conduite manuelle entre les mains. Elle pressait des touches, basculait des leviers pour faire exécuter des manœuvres complexes au grand engin qui soulevait d’énormes conteneurs, dans le grand hall.
Son visage portait des traces de crasse et ses cheveux châtains, longs, qui n’avaient pas été peignés depuis longtemps, sortaient d’une sorte de bonnet immonde…
Ael eut un moment d’hésitation. Ainsi voilà ce qu’était devenu le Major Benhadj ? L’une des plus jeunes Major des Troupes de manœuvres, titulaire de quelques-unes des plus belles décorations d’Altaïr…
Il s’immobilisa et sonda son cerveau en profondeur… et en fut stupéfié. Elle jouait la comédie en permanence, contrôlait tous ses gestes, ses attitudes ! Sa volonté de survivre était intacte. Elle était toujours la “Major Benhadj,” et se bornait à peaufiner chaque jour son apparence de minable pour passer inaperçue.
Quatre fois, elle s’était faite tabasser pour avoir voulu faire face à une meute de brutes. Elle ne s’en était tirée que par chance ou audace. Une nuit, elle avait sauté de quinze mètres dans un collecteur d’eaux usées qui aboutissait directement aux turbines d’une usine de retraitement et s’était échappée…
Ael plongea une main dans une poche de sa combinaison et en tira un morceau de plasto sur lequel il griffonna :
“Je suis le Capitaine Ael Madec, 388ème B.A., Chef du Premier Groupe. J’ai monté une filière pour quitter Altaïr. Je recherche les Anciens qui ont survécu. Voulez-vous nous rejoindre, Major ? Si c’est le cas, suivez-moi à distance. J’ai un Mobil dehors. Je vous y attendrai.
Puis il accéléra le pas et vint frôler la femme, glissant discrètement le plasto dans une poche ouverte, avant de la dépasser. Il fit encore une quarantaine de mètres et s’arrêta d’un air ostensiblement indécis, avant de faire demi-tour. Son regard croisa celui de la femme au moment où il passait à sa hauteur et il vit les yeux ciller imperceptiblement. Il se dirigea droit vers les grandes portes, regagna le Mobil, pianota la destination d’un Centre d’achats et attendit.
Dix minutes plus tard, elle apparaissait, marchant à petits pas vers le Mobil. Ael émit :
— “Je l’ai récupérée ; on arrive dans moins d’une heure. Katel, va régler les taxes d’usage et prévenir qu’on part pour notre Fédération.”
Puis, il se pencha pour ouvrir la porte du Mobil. La femme s’y engouffra, montrant une souplesse insolite pour son personnage.
— Où allons-nous ? fit-elle d’une voix assez sèche, qui ne correspondait pas du tout à la vieille femme qu’elle mimait.
— Acheter une combinaison décente et de là, à l’astroport, répondit Ael en commençant à la sonder.
Il lut qu’elle était sur ses gardes et serrait, dans sa main gauche, un morceau de métal aiguisé…
— Si vous avez une arme, Major, vous pouvez la lâcher, je suis vraiment le Capitaine Madec.
— Pourquoi chercher à me retrouver ?
— Je cherche tous les Anciens. Vous avez réussi un beau numéro de camouflage ce qui m’indique que vous n’êtes pas encore vaincue. Nous avons besoin de gens comme vous, capable de se bagarrer, si c’est vraiment nécessaire.
— Qu’est-ce que votre filière ?
— Un petit groupe. Au départ, mon Sarmaj, une Lieutenant Ancien des Divisions de combat de Procyon, et moi. Vous êtes la dernière que nous récupérons à Altaïr II. Les autres sont en sûreté avec nous ou morts.
— Qui commande ?
— Major, fit Ael sèchement, nous sommes tous d’anciens soldats, c’est vrai, mais la guerre est finie, les grades ne jouent plus. Ce sont les capacités de chaque individu qui le font sortir du lot ou non, suis-je clair ? Je ne veux pas vous manquer de respect, mais c’est à prendre ou à laisser.
Elle parut faire un effort sur elle-même pour se contrôler.
— Où aboutit la filière ?
— Sur une petite planète vierge que nous avons découverte, très loin dans les Confins. Là-bas, on peut vivre en paix et refaire une population libre. Et l’Union sera incapable de nous y poursuivre, parce que cette planète fait partie d’une Fédération qui nous accueille.
— Contre quoi ?
— Rien. Cette Fédération nous l’avons fondée nous-mêmes. Elle est officielle, reconnue par l’Organisation des Fédérations Galactiques. Enfin “rien,” pas exactement. Nous voulons faire vivre cette planète, la peupler d’individus libres et voulant vivre en paix. Nos comptes avec la population de l’Union doivent passer au second plan, derrière la volonté prioritaire de faire naître vraiment notre Fédération. Nous ne voulons plus être empoisonnés par la haine. Chacun devra se mettre en règle avec sa propre conscience. Êtes-vous d’accord. Major ? Vous sentez-vous capable de museler votre haine ?
— Vous avez fondé une Fédération ?
— Oui, nous avons eu de la chance et nous sommes un peu fous dans les B.A., c’est bien connu.
— D’où tenez-vous les moyens d’avoir réalisé tout ça ?
— Nous sommes puissants, grâce à des amis. Très puissants même. Vous en connaîtrez peut-être le détail plus tard.
— Pourquoi pas maintenant ?
— Parce que j’en ai jugé ainsi. Major.
Il y eut un silence qu’elle rompit.
— Pourquoi n’êtes-vous que Capitaine ? Vous avez beaucoup de capacités, apparemment.
— Vous pensez que n’importe quel officier peut être Chef du Premier Groupe d’une B.A. et avoir survécu à onze ans de guerre ? Même si vous n’y avez pas combattu vous devez les connaître.
— D’accord, Capitaine, fit-elle d’une voix moins rêche. J’ai un sale caractère, je le sais.
— Ce qui m’importe, c’est que vous en ayez encore. Pour le reste, je me charge de vous dire ce que je pense si nous ne sommes pas d’accord.
— Premier Groupe, de la 388ème, hein ?
— Oui.
— Ça marche. Capitaine, dit-elle au moment où le Mobil s’arrêtait.
— Je vais vous acheter une combin’, fit Ael.
— Je peux très bien le faire moi-même !
— Non. Mauvais raisonnement, Major. Comment justifierez-vous de disposer d’une telle somme ? Vous avez oublié votre apparence. Ça vous est certainement difficile mais, pour l’instant, obéissez. Nous sommes plus expérimentés que vous pour ces détails précis.
— Exact, Capitaine.
— Autre chose, Major, mon prénom est Ael. Nous devons nous débarrasser des réflexes de l’armée, ça peut être une question de survie. Pour nous, vous êtes Djema Benhadj simplement. Ça n’a rien de désobligeant, que je sache.
— Vous frappez fort… Ael. Mais vous êtes efficace c’est ce qui compte, pour l’instant, je suis d’accord.
À l’astroport, il n’y eut pas plus de problèmes que les autres fois. Il la fit pénétrer par la porte latérale de la Barge et la guida jusqu’à la soute.
Celle-ci avait bien changé. Le niveau supérieur avait été installé pour faire des mini-cabines provisoires, avec des blocs d’hygiène à chaque extrémité. Les cristaux, inutiles pour leurs projets, maintenant, étaient enveloppés par couple, stockés à l’avant. Presque tout le niveau inférieur était libre pour l’entraînement physique, à l’exception de matériels en conteneurs, arrimés à l’avant : ce dont ils auraient besoin sur Amas II, au début, pour vivre décemment.
Plus de trente paires d’yeux se levèrent quand ils apparurent sur la petite passerelle en ferraille qui surplombait, le niveau inférieur, sur le flanc.
— Écoutez tous, lança Ael, je vous présente le Major Djema Benhadj. Regardez bien, Major, voici les Anciens que nous avons récupérés ici. Ils vont vous saluer pour la première et dernière fois.
En bas, les hommes et les femmes se raidirent dans un garde-à-vous parfait.
— Les deux hommes qui ne vous ont pas saluée sont d’un grade supérieur au vôtre, reprit Ael.
La femme en haillons se redressa alors et salua à son tour. Il n’y avait plus rien de minable en elle.
— Désormais, nous ne vous appellerons plus que par votre prénom ou votre nom, Djema. Descendez, ils vont vous prendre en charge, voici votre combinaison. Je vais à l’avant nous quittons Altaïr.
— Cap… Ael ? le rappela-t-elle.
— Oui.
— Merci.
— Vous auriez fait la même chose, Djema.
Il se rendit directement dans le carré où se trouvaient Katel, Michelli et Phi.
— Comment est-elle ? demanda Katel.
— Pas commode, répondit-il, amusé, très pète-sec. Mais je l’ai mise en garde : plus de grade. Les deux Colonels la calmeront. Bon, eh bien, on part. Ça va être un assez long voyage pour les autres. Ils sont déjà confinés dans la Barge depuis près de deux mois, sur l’astroport.
— Et pour nous alors, qui allons faire l’aller et le retour quand Phi aura installé sa petite balise, riposta Michelli.
— J’ai hâte de voir fonctionner ces trucs, dit Phi.
— Et moi donc, dit Ael. Ça facilitera sacrément l’évacuation des gars qu’on récupérera.
Il avait salement changé, Philéon, depuis deux mois. Il s’était totalement intégré au groupe et avait travaillé d’arrache-pied sur les plans des Transmetteurs atomiques, dont il ne connaissait toujours pas la provenance, mais ne posait pas de questions. Ses connaissances de physicien étaient honorables mais il s’était remis à niveau avec des quartz achetés en ville.
C’est lui qui était parti à Sirius VIII pour prendre contact avec des sociétés pour construire dix exemplaires des différentes parties d’un Transmetteur. Katel s’était occupé des dix balises de guidage-réception, fabriquées sur place, à Altaïr II. Tout ce matériel avait été livré quelques jours auparavant. Mais ils manquaient de place, malgré la taille de la soute conçue pour transporter 600 hommes et leur matériel, pour faire tous les assemblages. Seuls deux ensembles, balise plus transmetteur, avaient été installés dans la soute, sur un côté ; Ael voulait en garder un à un bord de la Barge, après avoir déposé l’autre sur Amas II.
Finalement, Katel et Ael avaient été négocier la vente des nouveaux Coms au plus important Groupe industriel de Sirius III. Mais après en avoir déposé le brevet directement à Véga XX, par holo. Ils ne cédaient que l’exclusivité d’un an de fabrication au Groupe, enthousiaste. Ils avaient négocié un contrat de cinq cents millions de Ters, payés cash, plus un pourcentage sur chaque Com construit ! Il n’y avait plus de problème d’argent, dans l’immédiat. Leur compte, sur Véga XX était vraiment important.
Par holo, Ael s’était porté acquéreur, pour la Fédération Libre de l’Amas, de Barges BDLD du même type que la leur, auprès des services du Parlement chargés de centraliser les ventes de surplus. Compte tenu de leurs mauvaises performances, peu avaient été vendues. Quatre exemplaires les attendraient à leur retour.
Katel avait imprégné le cerveau du Président de la Compagnie qui avait fabriqué les Props des derniers Patrouilleurs d’Altaïr, y compris leur système Tunnel. Il leur en cédait un lot, bradé, puisqu’ils n’étaient plus construits pour la Spatiale. Il poussait même la compréhension jusqu’à faire prendre les BDLD sur place, dans la Base où elles étaient stockées et les amener à son chantier pour faire les montages ! Le système d’effet Tunnel n’était plus considéré comme stratégique.
Ael comptait bien trouver huit pilotes et copi pour ces engins, parmi les prochains Anciens récupérés. Ils avaient obtenu par les dossiers de la Sécurité la liste des Anciens de la Spatiale et de Procyon, encore en vie et localisés. De même, ils avaient la listes des Anciens des Divisions de combat de Procyon, pour une bonne partie sur les différentes planètes de la Constellation. Néanmoins, un grand nombre d’entre eux avaient eu la même idée et s’étaient enfuis, sans se concerter, vers des planètes de pionniers des Confins de l’hémisphère boréal. Il faudrait les retrouver. Ael pensait de plus en plus à son idée de les faire rechercher par la Milice locale, sur ordre confidentiel de la Sécurité, avec un billet de transport pour une planète peu occupée où ils seraient récupérés.
— Dites-moi, fit Ael en se servant un gobelet de jus de fruits… L’attitude du Major Benhadj m’a mis la puce à l’oreille. Il est vraisemblable qu’on va trouver des quantités de gars qui continueront à vivre dans le passé. En se retrouvant entre Anciens ils risquent de vouloir se comporter comme dans l’armée, reproduire une population hiérarchisée. Cela me semble désastreux. Ce n’est pas comme ça qu’on constituera un peuple libre. Je voudrais votre avis.
— Si tu allais jusqu’au bout de ta pensée, fit Katel avec un petit sourire ironique.
Elle portait, comme souvent, une tenue de travail blanche, de la Spatiale.
— Ça me gêne un peu et…
— D’accord, alors je vais le dire pour toi, le coupa-t-elle. Tu suggères qu’on fasse comprendre aux types qu’on récupérera que c’est nous qui sommes à l’origine du projet, qu’on entend en garder le contrôle. C’est ça, non ?
— Tu m’as sondé ? fit Ael, le visage sérieux.
Elle rougit.
— Ael ! Comment peux-tu penser que j’aurais fait une chose pareille ? Surtout à toi.
Cette fois, elle devint écarlate. Ael ne comprit pas très bien et dit :
— Pardonne-moi, Katel. C’est que tu devines de plus en plus mes pensées et je…
— Et si c’était simplement parce que vous avez fait un sacré chemin ensemble et qu’elle te connaît bien, lâcha tranquillement Phi. Les femmes ont un instinct particulier pour deviner ce genre de truc chez ceux qu’elles aiment bien. J’avais une jeune Sarge, devenue Lieutenant par la suite, avec qui je m’entendais vraiment bien. Elle devinait toujours mes manœuvres. Ça m’agaçait vraiment jusqu’à ce que je comprenne qu’à force de se côtoyer pendant des années, on en était venu à réfléchir de la même manière. Je te jure qu’elle n’était pas télépathe.
Ael leva les mains en signe de soumission.
— D’accord, je me suis encore conduit comme un âne, Katel.
— Oh, des ânes comme toi sont relativement supportables, ne fais pas de complexe, renvoya-t-elle, amusée, maintenant. Alors, j’avais raison ou pas ?
— Oui. Je ne voudrais pas avoir l’air de faire campagne pour être le Président de notre Fédération, mais c’est vrai que je suis attaché à ce que va devenir Amas II, à sa population, à son avenir et donc à en garder le contrôle, au départ, pour la mettre sur de bons rails. Voilà pourquoi je voulais votre avis.
— C’est chouette de ta part de le dire, Cap, mais je crois que pour nous tu es notre chef. Même si ça ne te convient pas “d’un point de vue moral,” comme dirait Grosse Tête, c’est un fait, et je crois qu’on l’a accepté depuis longtemps tous les trois. Je me trompe, Phi ?
Après avoir longuement discuté et l’avoir longuement sondé, ils avaient décidé d’imprégner le cerveau du Capitaine de ce qui leur était arrivé à tous les trois avec une interdiction formelle d’en parler à qui que ce soit ni de poser de questions. Ils pensaient que le choc serait davantage toléré ainsi, comme s’il en prenait conscience “après coup,” après une conversation qui n’avait jamais eu lieu. Ça marchait.
— Non, bien sûr. Pour moi, Ael est le chef de notre groupe. Mais c’est davantage à vous qu’il s’adressait. Moi, je suis une pièce rapportée.
— Tu t’es totalement intégré, dit Ael, je te jure que je ne fais plus de différence entre le Sarmaj et toi. Tu as participé à la construction de ce groupe. Et tu es le seul des Anciens à tout savoir. Ton avis m’importe.
— D’accord, alors je vais me mouiller. Je pense, en effet, qu’on doit veiller à l’orientation que va prendre la population. C’est trop grave, on ne doit rien laisser au hasard, même si ça nous coûte un peu d’un “point de vue moral” comme le dit Michelli. Je serais d’avis que vous imprégniez les cerveaux des Anciens qu’on récupère, à commencer par ceux qui sont à bord. Leur donner envie de faire une société libre, non-violente, mais désirant farouchement se défendre, de respecter les autres, de fonder des familles, peut-être, comme certains des pionniers, à qui ils voudront enseigner ces principes-là. De même, je crois que vous devrez choisir avec soin ceux que vous emmènerez sur Amas I pour faire progresser leur cerveau, quand vous vous y déciderez. Il ne me parait pas souhaitable, dans un premier temps, que quiconque soit au courant de vos dons.
— En effet, quand tu te mouilles, tu y vas ! fit Katel. Mais je suis entièrement de son avis, Ael. Il est trop tôt. Et on ne sait pas ce que deviendrait une population ayant nos dons. Elle pourrait très mal tourner, vouloir se venger de l’Union. Il faut imprégner leur cerveau de la volonté de tourner la page. Si on pouvait simplement les rendre télépathes, ce serait probablement parfait, mais on ne domine pas l’évolution, sur Amas I. Alors, choisissons avec soins ceux qu’on désignera. Et pour imprégner les cerveaux de ceux de la soute, je suis entièrement d’accord. Ça en calmera quelques-uns pendant ce voyage.
— Michelli ? demanda Ael.
— Bon Dieu, ça fait bientôt dix ans maintenant que je te suis, tu pourrais avoir compris que je suis de ton côté !
Ael se sentit terriblement soulagé. Il avait craint de se prendre pour un petit dictateur, que ses dons lui aient gonflé la tête.
Il hocha longuement la tête.
— O.K. On mettra ça au point ce soir. Maintenant on décolle. Phi, tu peux aller à l’arrière et discuter avec les uns et les autres pour les préparer à un voyage assez long. Il ne faut pas qu’ils se relâchent et continuent leur entraînement physique pour arriver en pleine forme sur Amas II. Katel, Michelli, vous venez ?
La procédure de décollage se déroula sans histoire avec le Contrôle. La Barge accéléra et atteignit la vitesse de plongée en une heure seulement. À l’astroport, il devait y en avoir plus d’un qui se posaient des questions… Le Directeur de vol donnait un trajet de 46 jours et sept heures.
L’émersion se fit à deux heures de route d’Amas II. La précision des relevés permettait ce genre de performance.
Le voyage s’était déroulé sans incident. Les cerveaux de tous les Anciens avaient été imprégnés. Parce qu’un souci d’Ael était de les laisser sur place pour revenir dans le monde. Qu’allait-il se passer ? Quelqu’un allait-il prendre le commandement, s’imposer et que trouveraient-ils à leur retour ?
En sondant les cerveaux, ils avaient découvert qu’un jeune Sarge, Post, avait de saines qualités morales, beaucoup de personnalité et de charisme. Ils s’étaient attachés à lui pour lui dicter sa conduite, pendant leur absence. Il s’efforcerait de guider, en douceur, ses camarades. Ils lui laisseraient éventuellement un Com puissant pour communiquer avec eux. De même, avec les cristaux, ils avaient assemblé des petits Coms pour les nouveaux arrivants, camouflés en coiffure, afin de les inciter à communiquer entre eux, et pour assurer la sécurité.
Ils devraient d’abord construire les premiers éléments d’une ville, un village plutôt. Monter les blocs d’habitation selon une méthode et pas n’importe où. Et se livrer à une évaluation du potentiel d’Amas II. Ils ne manqueraient pas de travail.
Ael avait proposé de créer le premier village au bord de la mer, là où ils s’étaient posés la première fois. Le calme et la beauté du paysage pourraient avoir une influence bénéfique sur leur équilibre. Et puis ils avaient un faible pour ce coin !
Amas II était une énorme sphère, devant eux, sur l’écran frontal du poste et Phi ne la quittait pas des yeux.
— Dieu de Dieu, murmurait-il sans arrêt.
— À tous, dit Ael dans le micro intérieur. On sera sur place dans près de deux heures. Vous allez pouvoir prendre un bain dont vous vous souviendrez toute votre vie, les gars.
Ils entendirent les hurlements provenant de l’arrière. Après si longtemps dans un espace quand même étroit, entre leur attente au sol, à Altaïr II et le voyage, ils devaient avoir une hâte folle de sortir à l’air libre. Pour les prochains rescapés, ce serait différent. Ils seraient transférés instantanément par Transmetteur et le guidage de la balise qui allait être déposée. Là, le problème serait mental. Ils passeraient d’une planète où ils seraient en danger à Amas II et ne comprendraient pas, malgré les explications. Il faudrait les soutenir, moralement. Ce serait le travail des premiers arrivants.
Quand Ael déclencha l’ouverture de la rampe arrière, ce fut la ruée. Lui suivit Katel, Michelli et Phi qui descendaient au sol par la petite porte latérale. Tout de suite, l’odeur si particulière leur envahit les narines.
Phi, immobile, les yeux fermés respirait longuement. Ael se dirigea vers l’arrière, découvrant les gars, déjà sur la plage, en dessous, en train de quitter leur combinaison pour se jeter à l’eau ! Les Colonels, eux-mêmes, cavalaient vers la mer !
— Ael, fit une voix proche.
Il se retourna pour voir Djema qui le regardait gravement. Sans savoir pourquoi, il fut sur ses gardes et demanda mentalement à Katel de sonder l’ex-Major.
— Oui ? dit-il.
— Vous avez fait un travail fantastique et cette planète est vraiment belle, c’est vrai. Combien de temps allez-vous rester ici ?
— Peu de jours, je le crains. Il faut continuer et rechercher les autres.
— Et ici, qui va commander ? Tu sais qu’il y a forcément un chef, dans une communauté.
— Ael, son imprégnation n’a pas tenu totalement. Elle a une personnalité très forte. Une ambition dévorante.
— Je ne désignerai personne, si c’est ta question, répondit-il. Je pense que quelqu’un va se révéler un bon guide, c’est toujours le cas, dans un groupe d’individus, tu le sais aussi. Mais, en aucun cas, les anciens grades ne devront jouer. Ça, c’est vital. Nous ne sommes plus dans l’armée. Nous sommes l’embryon d’une société qui sera ce que nous l’aurons faite ou laissée devenir. Il y a des choses qu’il faut, non pas oublier, mais laisser de côté, dans un coin de notre mémoire, et ne pas ressasser les mêmes idées. Surtout de vengeance. C’est à l’avenir que nous devons penser, pas au passé. Le passé, c’est ce qui nous soude. Seulement ça. Je sais que tu es ambitieuse, c’est ta nature. Personne ne connaît tout, il y a de la place pour des leaders dans des tas de domaines différents. Tu trouveras la tienne, Djema, j’ai confiance en toi.
Katel prit la parole immédiatement, d’une voix paisible.
— Cette planète comporte des dangers. Il existe des prédateurs. La protection doit être assurée. Tu aimes commander, pourquoi ne demanderais-tu pas des volontaires pour l’assurer avec toi ? Quelques types expérimentés, de sang-froid, capable d’arrêter une bagarre comme de descendre un fauve.
— Avec quoi ?
— Nous avons trois RCM de poing, à bord, intervint Katel. On les gardait pour un coup dur, à Altaïr ou à Procyon. On peut vous les laisser.
— Ça me parait un bon début, dit Ael en approuvant de la tête. Qu’en dis-tu, Djema ?
Elle fit la moue.
— Pas très excitant…
Ael tiqua. Il semblait en effet que l’imprégnation cédait devant son ambition naturelle. Et ce n’était pas normal.
— Pas excitant de protéger les tiens ? Djema, réveille-toi, tu n’es plus la vieille employée aux robots manuels, tu as un cerveau, sers-t’en ! L’armée, c’est fini, Djema. Tu entends ? C’est fi-ni ! On construit une Fédération, laisse le passé où il est. Il y a une chose à laquelle je tiens plus que tout, c’est qu’il fasse bon vivre dans cette Fédération. Pas de guerre, pas de lutte… Il y a une chose que je ne t’ai jamais dite, ni à toi ni à aucun des Anciens. J’ai des alliés, Djema. Qui disposent d’une fantastique puissance et qui m’ont fait confiance. L’Union Altaïr-Procyon, elle-même, ne représente rien en face d’eux et ils tiennent à ce que ce projet se déroule comme prévu.
L’ex-Major eut un sourire déplaisant.
— Je me doutais bien que tu n’avais pas réalisé ça tout seul.
— Détrompe-toi, Djema, fit Katel d’une voix étrangement douce. Il a tout fait. Y compris découvrir ces alliés, ce que personne n’avait réussi avant lui. Tu ne soupçonnes pas tout ce dont Ael est capable. Moi, je l’ai vu à l’œuvre. Aucun d’entre nous n’y aurait réussi. Et je sais, moi, de quoi je parle, j’étais à ses côtés.
— Pourquoi ne pas nous en parler ? fit l’ex-Major.
— Pour éviter des tentations, lâcha Ael. Il faudra te contenter de cette réponse. Je n’ai rien contre toi, Djema ; je suis heureux que tu sois ici ; la Fédération a besoin de gens comme toi. Mais pas seulement comme toi. De toutes sortes. Tu es d’accord ?
Elle le regarda fixement et tourna les talons.
— Elle est furieuse, Ael, émit Katel, je la sonde. Elle se sent mise à l’écart. Son ambition est forcenée. Elle se dit qu’elle aura sa chance pendant ton absence. Je crois qu’il faudra la réimprégner solidement mais aussi frapper un gros coup, dès maintenant.
Il en fut convaincu et lança :
— Djema, pendant notre absence, les choses se dérouleront exactement comme je l’ai prévu. N’oublie jamais que je viens des B.A. Au combat, nous étions l’élite de l’armée et je commandais le premier Groupe de ma Brigade ! Chez nous, on prévoit tout avant d’attaquer. Absolument tout… C’est ce que j’ai fait, ici. Souviens-t-en.
Elle se retourna :
— C’est un avertissement, Capitaine ?
— Non, pas cette fois, Djema, c’est un ordre ! Et je retire notre proposition. Tu ne t’occuperas pas de la protection, tu n’es pas fiable à mes yeux, pour l’instant. Je désignerai moi-même quelqu’un pour le faire. Après ce que tu viens de révéler, et ce que je devine, il va maintenant falloir faire tes preuves, Djema. Prouver que tu es utile à la communauté. Utile !
Elle se détourna pour descendre vers la plage d’un pas raide.
— Il va falloir placer une imprégnation à plusieurs niveaux, fit Ael, lui dresser des barrières très puissantes, elle a une personnalité exceptionnelle. On a loupé notre première imprégnation. Il faudra s’en souvenir pour l’avenir.
— Et trouver des gars solides pour la protection, ajouta Katel. Et aussi quelqu’un de peu impressionnable pour la diriger. Là encore, il faudra soigner l’imprégnation.
— Oui. Mais à tout hasard, on va ajouter une barrière aux autres : le refus de l’autoritarisme et une fidélité absolue à notre groupe. Ce n’est pas du tout ce que j’aurais souhaité, mais au stade où nous en sommes, et l’obligation que l’on a de retourner dans le Monde, on doit prendre des précautions… J’avoue que j’aurais préféré qu’ils nous suivent d’eux-mêmes.
— Si elle tente quelque chose contre toi je l’étripe, dit Katel d’une voix glacée. Désormais, cette fille va me trouver en travers de son chemin. Je crois bien que je vais lui dire que si elle m’emmerde de trop, on la reconduit à Altaïr II.
Ael se mit à rire.
— Mais… ma parole, tu en serais capable !
— Ael, sois réaliste. Malgré toutes nos précautions, ça se produira un jour. On se trouvera en face d’un type qu’on aura mal sondé et qui sera dangereux pour les autres. La seule solution sera de le reconduire là-bas. Ce sera la preuve qu’on ne rigole pas.
— J’espère qu’on en arrivera jamais là. Bien, peux-tu te mettre au travail avec Phi, pour installer le Transmetteur et la balise de réception ?
— Comment tu comptes faire pour les prévenir du mode d’arrivée des autres ?
— On pourra joindre le Sarge Post avec le nouveau Com qu’on lui laisse et on va aussi laisser des gros cristaux. Et on imprégnera deux ou trois d’entre eux, qui se “souviendront” au moment voulu de ce qu’il faut faire, dégager l’aire de réception très vite.
— Et l’aire de réception, où veux-tu l’installer ?
— Choisis l’endroit avec Phi. Assez large et plat.
— On a le droit de se baigner avant de bosser ? fit-elle, ironique.
— Je suis tyrannique ?
— Mais non, salopard, tu es toi, c’est tout. On aime ou on n’aime pas… Moi, j’aime assez, alors ça tombe bien ajouta-t-elle en tournant les talons.
Ael se dirigea vers la plage, attendant que les Colonels sortent de l’eau. Eux n’avaient posé aucun problèmes depuis leur récupération. Ils avaient pas loin d’une quarantaine d’années, d’origine civile. Pendant la guerre l’un, Gregg, était spécialiste de logistique et l’autre, Antonio, Sous-Chef d’État-Major d’une division Blindée, et avaient conquis leur grade exclusivement par leurs mérites et leur cerveau.
Ils avaient montré beaucoup d’admiration pour l’organisation du groupe et avait immédiatement accepté le fait qu’il n’y avait plus de grade parmi les Anciens, et qu’on s’appelait par son prénom. La seule exception, qu’Ael avait établie, dès le début, était qu’il les vouvoyait. Une façon discrète de leur marquer son respect. Ils faisaient la même chose à son égard…
Quand ils sortirent de l’eau, avec des sourires de joie, Ael leur fit signe et ils le rejoignirent.
— Dieu, Ael, fit Antonio, si toute la planète ressemble à ce coin, on quitte l’enfer pour le paradis.
— Oui, mais tout est à faire, sourit Ael.
— Une simple question de temps, d’organisation et de bonne volonté, intervint Gregg.
— Exact…
— Quelque chose vous ennuie, Ael, remarqua Antonio.
— Oui. Nous allons repartir avec la Barge et entamer une nouvelle phase de recherche pour amener des Anciens ici.
— Et alors ? fit Gregg, le visage sérieux.
— Pendant notre absence, il peut se passer des tas de choses.
— Vous craignez quelqu’un ? dit Antonio, le regard plus dur, soudain, c’est bien cela ?
— Oui. Djema Benhadj. Ne me demandez pas comment je le sais, mais elle est animée d’une ambition hors du commun et ne m’aime pas tellement. Je suis un rival, à ses yeux. D’une manière ou d’une autre, elle risque de tenter quelque chose. Nous disposons de quelques armes seulement. Il faut organiser un petit groupe de protection pour arrêter une bagarre ou tuer un prédateur. Je lui ai proposé la direction de ce groupe et sa réaction à été de dire que ce n’était pas un travail très excitant pour elle. Ce qui me montre qu’elle vise beaucoup plus haut. Je voudrais donc prendre une précaution supplémentaire et vous demander d’ouvrir les yeux sur une amitié vraiment soudaine d’un petit groupe, qui se tiendrait à part, l’activité de Djema, etc. C’est pourquoi, il faudrait la surveiller et désamorcer une manœuvre à temps. Je souhaiterais compter sur vous pour cela, si vous le voulez bien. Acceptez-vous, Messieurs ?
— Pour moi, c’est oui sans réserve, fit immédiatement Antonio. Cette jeune femme ne me fait pas bonne impression non plus. J’ai le sentiment qu’elle ressasse une vengeance ridicule contre l’Union.
— C’est mon avis aussi, lâcha Gregg. Vous pouvez compter sur nous, Ael. Nous n’avons pas voulu nous faire remarquer jusqu’ici, mais nous sommes capables d’imposer un ordre, militaire au besoin, en attendant votre retour.
— Il faut que vous sachiez, Messieurs, que vous représentez également un obstacle pour elle. Et vous devez donc vous en méfier aussi, notamment de bruits qu’elle pourrait faire courir sur votre compte.
— Vous pensez qu’elle peut aller jusque-là ? interrogea Gregg, surpris.
— Je le crains, oui. Je vous demande de me faire confiance.
Antonio sourit largement. Il avait un sourire particulier. Ses dents de devant étaient séparées par un espace, “les dents du bonheur,” disait-on dans les Maternas, quand Ael était gamin.
— Oh, nous pensons bien que vous ne nous avez pas absolument tout dit sur l’organisation de votre groupe. Mais c’est la sagesse. Un plan ne doit pas être connu de trop de monde et, personnellement, j’ai trop eu l’habitude d’en faire pour me sentir vexé. Je trouve, au contraire, que vous agissez avec habileté. Je suis de voire bord, sans condition.
— Idem pour moi, dit Gregg.
— Merci de votre confiance. Messieurs, et pardonnez-moi de vous demander ce travail peu agréable.
— Nous sommes absolument convaincus que votre idée de créer une société nouvelle, paisible surtout, sur cette planète est la meilleure et nous en défendrons le principe.
Ael les salua de la tête et regagna la Barge.
Pendant deux jours, ils s’activèrent. Katel et Michelli choisirent trois vrais costauds, d’un naturel paisible, et le Sarge Post, intelligent et réfléchissant bien, malgré son âge, fut désigné pour les commander, après avoir été imprégné, comme ses hommes. Tous les quatre reçurent la mission de surveiller particulièrement Djema. Mais pas seulement elle.
Il n’y eut aucun commentaires ni remarques quand Ael annonça la création du groupe, le second soir. Au contraire, il eut l’impression que tout le monde approuvait le principe et le choix des hommes.
Puis, ils procédèrent à l’imprégnation de nouvelles barrière chez tout le monde, avant qu’Ael et Katel ne refassent entièrement celles de Djema.
Phi et Katel avaient installé la balise de réception dans une clairière, pas trop loin, mais dans un coin assez peu accessible. Ils laissèrent des quartz puissants à Post et aux colonels, leur expliquant qu’ils recevraient un message avant l’arrivée du premier transfert. Et, mentalement, ils furent préparés au phénomène d’apparition soudaine, de manière à le trouver “relativement” naturel. À eux de calmer les autres qui furent, à l’exception de Djema, néanmoins prévenus, mentalement, que les arrivées se dérouleraient de manière très insolite.
Le dernier jour, Ael réunit Michelli et Katel, dehors.
— On part demain, rappela-t-il, mais il y une question que ¡e voulais vous poser. Est-ce que vous seriez d’accord pour que l’on amène Phi sur Amas I pour qu’il suive le même processus que nous.
Katel sourit largement.
— J’espérais que tu le proposerais. Pour moi, Phi est peut-être arrivé tard parmi nous, mais c’est un type vraiment bien. Je l’ai longuement sondé. On peut lui faire totalement confiance. Et il est vraiment bien équilibré.
— Je dois être un peu à la traîne, Cap, dit Michelli. J’avais toujours pensé que c’était prévu et ça me semblait normal. D’autant qu’il est redevenu un bon bagarreur sous ses allures tranquilles. En cas de coups durs, il serait précieux.
Ael fut soulagé. Il avait un peu craint leur réaction.
— Merci à vous deux. On va donc faire une escale de trois semaines sur Amas I. Portez vos protections, surtout. On en profitera pour faire ce dont on avait parlé, mettre en surface les petits cristaux rouges et verts, mais aussi des petites “Portes,” si on en trouve. Pas les grosses, qu’on ne maîtrise pas. En revanche, je proposerais de ramasser aussi celles-ci et les planquer quelque part, avec juste la pointe émergeant du sable. Je ne voudrais pas que n’importe qui les découvre. Pour Phi, on l’entraînera à la concentration pendant le voyage vers le Monde.
— Oui, c’est beaucoup plus sage, confirma Katel. Tu as parlé à Grosse Tête, ces temps-ci ?
— Pas eu beaucoup de temps. Mais je compte le faire et Michelli pourrait appeler Ping pour lui dire où on en est et ce qu’on va faire maintenant.
— Tu as terminé ton plan pour retrouver les autres Anciens planqués ? demanda Michelli.
— Oui. On va le faire exécuter par la Milice, sur ordre du Département de la Sécurité et payé par l’Armée !
— Alors là, tu frappes très fort, s’amusa Katel, comment veux-tu faire ?
— On va à Sirius chercher les Transmetteurs et de là, on retourne sur Altaïr II. Le début sera la partie la plus délicate. On cherchera, au Parlement, un contact avec le Directeur du Département Sécurité de l’Union. On l’imprègne d’une décision qui ne doit figurer dans aucun document officiel : rechercher les Anciens, d’après leur dossier, décision qu’il transmettra verbalement à un collaborateur de confiance, chargé de le transmettre partout aux services de Milice, dans l’Union. La Milice ne sera au courant de rien et ne fera qu’exécuter un ordre prioritaire venant, à leurs yeux, “directement du Parlement.” Justification pour les chefs des Milices locales : la population est moins excitée contre les Anciens, le gouvernement a décidé de rattraper un peu les bavures, mais veut que cela reste impérativement secret. La même chose pour l’Armée. Elle paiera les billets de transports qui comporteront chacun un court message signé de l’ex-officier commandant directement chaque gars. Ceci pour lui donner confiance, lui expliquer qu’il s’agit d’une décision confidentielle, et qu’il n’y a pas de piège. Mais qu’il doit absolument effacer toute trace de “son passé” dans son comportement. Les gars comprendront. On les fera acheminer, soit par l’Armée soit en transport civil, vers une planète peu peuplée où ils s’installeront dans la nature, dans des abris préfabriqués, de l’Armée. On viendra les chercher pour les envoyer sur Amas II, avec le matériel. On va faire rechercher en priorité les Anciens des B.A. d’Altaïr et des Divisions de Combat de Procyon. Au-delà du côté sentimental, pour nous, c’est une sécurité. Il s’agit de soldats sachant se battre et, par nature, disciplinés et de sang froid, donc sur lesquels on pourra compter, ici, après les avoir imprégnés. Il faudra aussi que l’un d’entre nous, Phi, probablement, installe une balise, dans la soute de la Barge. Je préfère qu’on puisse aller à Amas II, n’importe quand, et en revenir, instantanément, nous où qui que ce soit. J’envisage d’ailleurs de placer un projecteur et une balise dans chaque Barge.
— Je sens qu’on va replonger dans la bagarre. Cap. Je ne sais pas pourquoi, mais je le sens…
— Pourquoi dis-tu ça, Michelli ?
— Parce qu’avec les forces de Milices, sur les petites planètes il y a à prendre et à laisser, on l’a vu.
— J’espère que tu te trompes. Mais si c’était le cas, je te jure que je ne ferai pas de cadeau. La Milice a laissé faire les lynchages, je ne la porte pas dans mon cœur.
— On verra ça sur place, dit Katel, moi ce qui me ravit c’est d’aller sur Amas I !
Ils y firent un séjour agréable, couvant Phi, pas trop fier, mais heureux de partager leurs dons, d’être accepté totalement.
À la fin de la troisième semaine, il n’avait rien remarqué de différent en lui et désespérait un peu. Michelli fabriqua alors une sorte de bestiole vivant dans la mer, qu’il entoura autour du bras de Katel.
Le même phénomène qu’ils avaient tous connu se produisit ; Phi devint télépathe en une fraction de seconde devant la crainte de ce que risquait Katel…