L’incorruptible

Manolopan est une banlieue résidentielle de Miami, en Floride. Mais le terme de banlieue est impropre, avec tout ce qu’il évoque de grisaille et d’uniformité. Ici, au contraire, c’est le royaume de la couleur : le bleu de la mer, la plage dorée, le vert des palmiers, la tache éclatante que font les massifs de fleurs dans les jardins et les contre-allées des avenues ; c’est un cadre en technicolor pour riches bourgeois et vacanciers aisés.

Ce jour-là, le 14 juin 1955, à neuf heures du matin, deux réparateurs de télévision roulent à petite allure à bord d’une camionnette.

— Arrête-toi, c’est là… Dis donc, les veinards, ce qu’elle est chouette leur maison !

— C’est une maison de juge, quoi !

En effet, l’adresse à laquelle ils se rendent pour réparer un téléviseur est celle d’un juge au tribunal de Miami. Pour eux, c’est un travail comme les autres, un matin comme les autres.

Les deux employés sonnent à la porte. Personne ne répond.

— On dirait qu’ils dorment encore…

— Ben dis donc, c’est pas très sérieux pour un juge ! Insiste encore un peu.

Mais, décidément, la luxueuse maison reste silencieuse. On n’entend que le bruit de la mer toute proche. L’un des deux hommes se décide.

— Allons-nous-en. On ne va pas attendre des heures.

Mais l’autre ne répond pas, il fixe quelque chose par terre.

— Tu as vu ces taches sur l’escalier ? Tu ne trouves pas ça bizarre ? Note bien que c’est peut-être de la peinture rouge.

Son collègue se penche à son tour.

— Peut-être… Mais je crois qu’on devrait quand même prévenir la police.

En s’éloignant, les deux hommes relisent, sur leur carnet, le nom du client qu’ils devaient dépanner : Chillingworth, le juge Curtis Chillingworth : un nom qu’ils ne sont pas près d’oublier.

 

Le shérif Frank Ebersold arrive un quart d’heure plus tard devant la luxueuse maison de Manolopan. Les deux réparateurs de télévision l’attendent, les bras ballants, passablement irrités par ce contretemps. Le shérif se penche sur les taches suspectes qu’ils lui désignent.

— Pas de doute, c’est bien du sang !

Sans perdre de temps, il ouvre la porte avec un passe-partout et entre. Les pièces du rez-de-chaussée sont vides. Au premier étage, ce sont les chambres. Dans la plus grande, probablement celle du couple, les lits jumeaux sont défaits. Dans un coin de la pièce, soigneusement rangés, il y a des vêtements d’homme et de femme. Pas de trace de lutte. Tout évoque un départ précipité.

Le shérif Ebersold ouvre les tiroirs de la coiffeuse près de la fenêtre. C’est là que beaucoup de femmes rangent leurs bijoux… Et les bijoux sont là : un collier, des bagues. Le shérif n’est pas un spécialiste, mais il suppose que ce sont des pierres de valeur. Ce n’est donc pas un crime crapuleux, si crime il y a… Dans le reste de la maison, il n’y a pas d’autre indice, et pourtant il faut se rendre à l’évidence : le juge Curtis Chillingworth et sa femme Marjorie ont disparu.

Et c’est toute une affaire ! Le juge Chillingworth n’est pas n’importe qui. À cinquante-huit ans, il a derrière lui trente-quatre années de carrière au service de la justice. À Miami, sa réputation est considérable. Il est l’image même de la rigueur professionnelle, de l’honnêteté intransigeante. C’est un homme froid, austère, qui a peu d’amis, mais que tout le monde respecte.

Frank Ebersold a déjà eu personnellement affaire à lui. Il a toujours été impressionné par son aspect physique : très grand, très droit, les lèvres minces, de petites lunettes cerclées de fer, une voix plutôt grêle, une façon à la fois précise et un peu sèche de s’exprimer.

Le shérif commence son enquête. Il a, bien sûr, tout de suite prévenu les autorités, qui se sont vivement émues. Le gouverneur de l’État de Floride lui a demandé de le tenir personnellement au courant de tous les développements.

Le shérif Ebersold charge plusieurs de ses inspecteurs de se renseigner sur la vie privée de Chillingworth, car il faut bien vérifier toutes les hypothèses. Mais, franchement, il ne s’attend à rien de ce côté-là. Un homme comme lui n’a pas de vie privée. Qu’il ait pu tuer sa femme et s’enfuir ou qu’ils se soient suicidés tous les deux paraît inconcevable, saugrenu. D’ailleurs, les informations que recueillent rapidement les enquêteurs dissipent tous les doutes : la vie privée du juge était aussi irréprochable que sa carrière de magistrat.

Alors, il ne reste plus que deux possibilités : l’enlèvement et le meurtre. C’est d’abord à l’enlèvement que pense le shérif Ebersold. À cette époque, aux États-Unis, les rapts de juges sont relativement fréquents. Même si Chillingworth n’a pas de fortune personnelle, les ravisseurs ont pu penser que des citoyens aisés de Miami seraient disposés à payer sa rançon. Et c’est en effet le cas. Des personnalités, dont le gouverneur en personne, ont formé un comité pour venir en aide au juge Chillingworth. Un religieux, le révérend Harry Waler, s’est offert pour servir d’intermédiaire avec les kidnappeurs ; il a même répété plusieurs fois son appel à la télévision.

Mais c’est le silence. Les jours passent : une semaine, quinze jours… Cette fois, il ne reste plus qu’une hypothèse, la plus sombre : le juge et sa femme ont été assassinés.

Le shérif est pressé par les autorités et par le gouverneur lui-même d’accélérer son enquête, d’aboutir le plus vite possible, car la disparition de Chillingworth est très mal tolérée dans l’opinion publique ; elle risque d’avoir des prolongements politiques.

Pourtant, malgré tous les moyens qu’on a mis à sa disposition, il n’avance pas d’un pouce. Il n’a aucune piste, aucun indice, à part ces taches de sang qui ne font que confirmer le drame sans l’éclairer d’aucune manière.

Trois semaines après le début de l’enquête, le shérif Ebersold fait le point. Tous les renseignements qu’il a eus jusqu’à présent lui permettent de cerner avec précision la personnalité de Curtis Chillingworth : il était bon père, bon époux et n’avait pas de passion particulière à part son métier. Cet homme irréprochable, austère, incorruptible, était un juge, rien d’autre qu’un juge.

Donc, ce n’est pas l’individu qu’on a assassiné, c’est le juge. Il faut reprendre une par une toutes les affaires dont il s’est occupé. Il ne peut s’agir que d’une vengeance de quelqu’un qu’il a condamné. C’est dans la liste des personnes qu’il a jugées que se trouve le nom du meurtrier.

Le shérif Ebersold se fait communiquer tous les dossiers qu’a traités le juge Chillingworth. En trente-quatre ans de carrière, cela fait, évidemment, une pile impressionnante. D’emblée, il décide d’écarter les affaires les plus anciennes. Il est peu probable que quelqu’un ait attendu trente-quatre ans ou même vingt ans pour se venger du juge. Il faut donc voir dans les procès les plus récents. D’autre part, il faut écarter aussi les truands sans envergure. Quelqu’un qui décide d’abattre un juge et sa femme par pure vengeance n’est assurément pas le premier venu. Il doit disposer de complicités, peut-être même d’appuis, pour se lancer dans un coup aussi risqué et, somme toute, gratuit.

En parcourant la pile de l’année 1953, le shérif a un choc : l’affaire Douglas Budge ! Il s’en souvient parfaitement ; on en avait suffisamment parlé à l’époque. Douglas Budge était le propriétaire d’une chaîne de motels en Floride. On le soupçonnait de se livrer au jeu clandestin, mais on n’avait jamais rien pu prouver contre lui. C’était un homme considérable tant par sa fortune que par les appuis politiques plus ou moins occultes qu’il avait un peu partout.

C’était le juge Chillingworth qui avait été chargé de l’affaire et il n’y avait sans doute que lui qui pouvait la mener à bien. Le dossier montre qu’il a commencé à s’attaquer à Budge dès 1949. Pendant quatre ans, il a dû résister à toutes les pressions, à toutes les menaces et il a fini par le coincer en 1953 pour fraude fiscale. À son procès, Douglas Budge en a pris pour quinze ans. Une condamnation qui a fait sensation !

Le shérif Ebersold réfléchit… Budge avait l’envergure nécessaire pour accomplir un tel acte. Et en plus, il avait des raisons. Bien sûr, il est toujours en prison, mais cela ne veut rien dire : ce genre d’homme ne se salit jamais les mains ; il paie deux ou trois tueurs et voilà tout.

À partir de ce moment, le shérif fait surveiller toutes les visites que Douglas Budge reçoit dans sa prison de Tallahassee. Il a obtenu que tout son courrier passe entre ses mains. Des dizaines d’inspecteurs suivent discrètement jour et nuit les anciens collaborateurs du truand.

Mais, au bout d’un mois, les efforts du shérif Ebersold n’ont pas donné le moindre résultat. Douglas Budge semble s’être définitivement rangé. Alors, comme il ne peut pas continuer indéfiniment une surveillance qui exige de tels moyens, le shérif décide de jouer le tout pour le tout. Il se rend dans la cellule de Budge et tente de l’avoir au bluff.

— C’est fini, Budge ! Un de vos hommes a parlé.

Douglas Budge a l’air d’un prisonnier plutôt tranquille. Avec l’inaction, il a pris un certain embonpoint. Il écarquille les yeux.

— Et qu’est-ce qu’il a dit ?

— La vérité à propos du juge. Nous savons tout.

Douglas Budge a l’air de plus en plus étonné.

— Mais quel juge, shérif ?

— Le vôtre, évidemment ! Curtis Chillingworth.

Budge commence par éclater de rire, mais brusquement, il redevient sérieux. Il a l’air blessé.

— Vous mentez, shérif, et vous n’en avez pas le droit ! Chillingworth m’a poursuivi pendant des années, et c’est à cause de lui que je suis ici. Mais je vais vous dire une chose : cet homme-là, je l’ai toujours respecté. Il faisait son boulot de juge et il le faisait bien. Quand j’ai appris sa mort, j’ai été tout aussi scandalisé que vous.

Frank Ebersold doit reconnaître son erreur. Un pareil accent de sincérité ne peut tromper. De plus, il n’y a pas le moindre indice contre Douglas Budge. C’est donc que la piste était fausse. C’est quelqu’un d’autre.

Mais qui ? En même temps qu’il surveillait Budge, le shérif s’est livré à un travail gigantesque, écrasant. Il a vérifié toutes les affaires jugées par Curtis Chillingworth et, à part Budge, il ne voit pas de suspect possible.

Cela va faire près de deux mois que le juge et sa femme ont disparu. Un crime qui ressemble de plus en plus à un crime parfait…

 

Le shérif Ebersold a alors une illumination : jusqu’ici, il n’a eu en main que les affaires que Chillingworth avait traitées, mais pas celles qui étaient en cours au moment où on l’a assassiné. Et si ce n’était pas une vengeance, pour lui faire payer une condamnation qu’on l’avait tué, mais pour l’empêcher d’en prononcer une ?

Le shérif se rend le jour même chez le successeur de Curtis Chillingworth, un certain Abraham Wilson. L’homme a tout du grand bourgeois plutôt mondain. Rien à voir avec l’austérité glaciale du juge assassiné. Il l’accueille d’une manière affable.

— Alors, shérif, avez-vous du nouveau pour ce malheureux Chillingworth ?

— Rien pour l’instant, mais c’est peut-être vous qui allez m’aider.

Parmi les affaires dont il s’occupait et que vous avez reprises, est-ce qu’il y en a une qui vous a semblé importante ?

Le juge Wilson réfléchit quelques instants, les mains dans les poches de son gilet.

— A priori, rien de bien marquant… À part, peut-être cette triste histoire. Je dis « triste histoire » parce que c’était un membre de notre profession qui était en cause, le juge Joseph Peel.

Frank Ebersold ressent une sorte de tressaillement.

— Parlez-moi de ce Joseph Peel.

— Un garçon très brillant. Il est avocat et juge municipal à West Palm. Je suis sûr qu’il est promis à un très bel avenir. Malheureusement, il est un peu pressé d’arriver et il commet quelques fautes.

— C’est une de ces fautes que Chillingworth s’apprêtait à juger ?

— Oui. Une affaire de divorce. Joseph Peel avait dit à sa cliente que le divorce avait été prononcé, ce qui n’était pas vrai. Elle s’est remariée et a été arrêtée pour bigamie. Elle a alors porté plainte contre lui.

— Quand Curtis Chillingworth devait-il juger le procès ?

— Il était prévu pour juillet 1955.

— Et, à votre avis, quel verdict aurait-il rendu ?

— Vous connaissiez Chillingworth comme moi, shérif. Il se serait certainement acharné sur Peel. Il aurait brisé sa carrière.

Le juge Abraham Wilson tire une bouffée du cigare qu’il vient d’allumer.

— Quant à moi, j’ai préféré essayer une transaction. Peel a versé une forte somme à la plaignante et tout est rentré dans l’ordre. Comme on dit, un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès, n’est-ce pas ?

En quittant le cabinet du juge, Frank Ebersold sent qu’il approche peut-être enfin du but. Avant tout, il faut se renseigner sur Joseph Peel, savoir qui il est exactement.

Deux jours plus tard, il connaît tout sur lui. Il a sa photo sur son bureau. Un bel homme, soigné, un peu trop même. Il a une certaine ressemblance avec Marlon Brando, à l’exception de ses cheveux blonds légèrement et savamment ondulés. Sur le cliché, Joseph Peel a pris une posture avantageuse, il arbore un sourire satisfait. Il est vêtu avec une recherche un peu ridicule : costume rayé, cravate bariolée et pochette assortie.

Et la mentalité du personnage est tout à fait en conformité avec son physique et sa toilette. D’après tout ce que vient d’apprendre le shérif Ebersold, il n’y a qu’un seul mot pour le définir : arriviste. Dans le comté où il exerce depuis cinq ans, Peel ne cesse de multiplier les initiatives pour soigner sa popularité. Il s’est inscrit à toutes les associations philanthropiques et charitables ; il reçoit beaucoup et fait tous ses efforts pour être reçu par les personnalités locales. C’est qu’il a des ambitions politiques et que, pour lui, ses fonctions actuelles ne sont qu’un tremplin en vue de sa réussite.

Malheureusement, si Joseph Peel est si soucieux de sa popularité, il est beaucoup moins attentif à ses activités professionnelles. L’histoire de la dame bigame n’est pas son premier faux pas. Le shérif a sous les yeux une autre affaire de divorce plus ancienne : sans doute pour ne pas perdre un client, Peel avait défendu à la fois les intérêts de la femme et du mari. La chose s’était arrangée au dernier moment, mais elle avait failli mal se terminer.

Frank Ebersold a ressorti la photo du juge Chillingworth. Il contemple le regard aigu derrière les lunettes cerclées de fer, les lèvres minces, serrées sur elles-mêmes sans l’ombre d’un sourire ; c’était un homme qui ne cherchait pas à plaire, parce que seuls comptaient pour lui ses principes et la justice.

Quand Joseph Peel l’a rencontré, il a dû se rendre compte tout de suite qu’il n’avait aucune chance, ne pouvait attendre de lui aucune indulgence.

Le shérif imagine leur entrevue dans le bureau de Chillingworth, le regard glacial de ce dernier s’attardant sur la cravate et la pochette multicolore de son vis-à-vis et sa voix grêle détachant les syllabes :

— Vous êtes indigne d’exercer notre profession ! Vous serez radié !

Pour Joseph Peel, c’était presque un arrêt de mort. Des années d’efforts, toutes ses ambitions, tous ses rêves, toute sa vie brisés, anéantis, tout cela par la faute d’un stupide petit juge entêté, incorruptible ! Pourquoi fallait-il qu’il existe des gens avec qui on ne puisse pas s’arranger, transiger, des gens qui ne se taisent que lorsqu’ils sont morts ?

Mais, pour l’instant, tout cela se passe dans l’esprit du shérif Ebersold. Il n’a pas la moindre preuve et il sait qu’il ne sera pas facile d’en avoir. Pour parvenir à un résultat, il faudra du temps, beaucoup de temps !

Pendant trois ans, le shérif ne perd pas un instant de vue les activités et les relations de Joseph Peel. Tout le monde a fini par oublier le juge Chillingworth, mais pas Ebersold. Patience…, se dit-il, Peel, est un ambitieux, un jour ou l’autre, pour arriver plus vite, il va commettre une erreur, et là, je le coincerai.

Et c’est en juin 1958 qu’il apprend enfin quelque chose de la bouche d’un de ses inspecteurs.

— Du nouveau chez Peel, shérif ! Un de ses employés est parti avec la caisse : vingt mille dollars. Un certain Floyd Holzappel. Il se serait réfugié au Brésil. Bien entendu, Peel a porté plainte.

Le shérif reste un instant pensif. Ce n’est pas tout à fait cela qu’il attendait. Mais c’est tout de même quelque chose. Il faut agir sans perdre de temps.

Il se met en relation avec la police brésilienne. Il lui donne le signalement de Floyd Holzappel, recherché pour vol, mais il ajoute qu’il a peut-être été mêlé au meurtre d’un juge trois ans plus tôt. Peut-elle se renseigner ?

La police brésilienne s’y prend avec beaucoup d’habileté. Quelques jours plus tard, Holzappel rencontre « par hasard », dans un bar de São Paulo, où il s’est réfugié, deux hommes charmants, sympathiques, avec qui il lie aussitôt amitié. Ceux-ci lui offrent un verre, puis un second, l’entraînant dans la tournée des boîtes. Au petit matin, Floyd Holzappel se met à parler devant son whisky.

— Je vais vous dire quelque chose parce que vous êtes de vrais amis. Nous, les Américains, on est des types terribles. Tenez, moi qui vous parle, j’ai tué un juge ! Oui, un vrai juge et sa femme avec. J’étais avec un copain, Bobby qu’il s’appelait. Il est mort depuis, le pauvre. On est arrivés par bateau. Le gars qui nous avait payés nous avait dit : « Liquidez tous les témoins. » Alors, quand on a vu que le juge était avec sa femme, on l’a embarquée aussi. Ils ont voulu s’enfuir, mais on leur a tapé dessus, on les a ficelés et on les a mis dans le bateau. À un mille de la côte, on s’est arrêtés. On a d’abord balancé la bonne femme. Le juge s’est mis à crier : « Souviens-toi que je t’aime. » C’est fou ce que ça cause bien un juge ! Et puis, on l’a balancé à son tour.

L’un de ses compagnons lui verse un autre whisky.

— Et le gars qui vous a payé, qui c’était ?

— Alors là, vous allez rire, les gars ! Figurez-vous que c’était un autre juge. Peel, qu’il s’appelait, Joseph Peel…

Arrêté, extradé, Holzappel a confirmé ses aveux devant le shérif Ebersold. Malgré ses dénégations indignées, ses menaces et tous les artifices de procédure qu’il a pu trouver, Peel a été arrêté et inculpé de meurtre.

À l’issue du procès, qui s’est ouvert le 6 mars 1961, Floyd Holzappel a été condamné à mort et Joseph Peel à la prison à vie.

À l’énoncé du verdict, le shérif Frank Ebersold s’est entendu murmurer :

— Chillingworth serait content.

Mais il s’est tout de suite repris :

— Non. Juge et partie, il n’aurait pas aimé ça. Il avait trop le sens de la justice.