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Tout le monde devrait prendre plaisir à son travail. Nous tirons l’essentiel de nos satisfactions de nos activités, et pour la plupart des gens, l’activité principale est le travail. Quel qu’il soit, il devrait donc être agréable. Du reste, on voit des gens trouver moyen de transformer les plus étranges labeurs en plaisir, et c’est très bien ainsi. En tant que médecin, je serais disposée à prescrire cette aptitude à prendre du plaisir comme traitement contre la dépression, contre l’ennui et l’angoisse qui minent tant d’existences. Tout cela, je le sais, et j’en fais moi-même l’expérience. Il n’empêche que c’est parfois difficile à supporter chez autrui.

Quand j’avais douze ans, j’ai assisté aux obsèques de ma grand-mère, et je me rappelle très bien la fin de la cérémonie. En sortant du crématorium, on nous avait conduits dans le Jardin du souvenir, une étendue de pelouse entourée de courtes haies bien taillées qui semblait prête pour l’installation d’un golf miniature. Les adultes étaient restés dans cette enceinte de verdure, l’air vaguement embarrassé, lisant les messages de condoléances sur les rubans des gerbes ; mais au bout de quelques minutes, je m’étais éloignée. Je me souviens d’avoir été frappée par deux choses. La première était la fumée s’échappant de la cheminée : je me demandai si ma grand-mère était là-dedans. Et puis, en contournant le coin du bâtiment, je me retrouvai sur le parking où étaient garés les corbillards. C’était un beau jour de printemps, et les employés des pompes funèbres se tenaient appuyés aux capots de leurs gros véhicules. Plusieurs avaient retiré leurs vestes noires et remonté leurs manches. Ils fumaient et bavardaient avec nonchalance. J’en entendis deux rire joyeusement d’une plaisanterie que j’étais trop loin pour saisir.

C’est idiot, je le sais, même pour une enfant de douze ans, mais ce fut seulement à ce moment que je compris : ces gens n’étaient pas vraiment tristes de la mort de ma grand-mère. En fait, ils s’en fichaient complètement. Au retour, très en colère, je racontai à mon père ce que j’avais vu et lui dis que les employés des pompes funèbres ne devraient pas être payés après s’être montrés tellement irrespectueux. Mon père m’expliqua patiemment que ces hommes participaient à deux ou trois cérémonies funéraires par jour et qu’ils ne pouvaient pas être tristes pour tout le monde. Pourquoi pas ? répliquai-je. C’était leur métier d’être tristes.

Mon père ne réussit pas à me convaincre. Au vrai, ma conclusion à la fin de la journée fut que seuls des individus sans cœur pouvaient choisir cette profession. Pour toute personne douée d’un peu de compassion, de sensibilité, le spectacle quotidien du deuil et de la douleur avait de quoi rendre fou. Donc, par définition, les hommes qui exerçaient ce métier étaient des malades mentaux, capables de prendre un air grave tant qu’ils transportaient le cercueil et de filer ensuite chez eux pour regarder la télévision ou jouer avec leurs enfants en racontant qu’ils avaient passé une très bonne journée.

Bien sûr, les années m’avaient appris que si l’on choisit tel ou tel chirurgien pour opérer son bébé à cœur ouvert, ce n’est pas parce qu’il est aussi inquiet que soi mais parce qu’il a les compétences requises, même s’il est par ailleurs une exaspérante prima donna de la médecine dont le seul souci est de plastronner en nœud papillon et d’accroître encore sa célébrité ou un homme impatient d’aller jouer au golf une fois l’intervention terminée.

Alors, pourquoi m’étonnais-je du comportement d’Oban, de Furth et de leurs hommes (outre quelques femmes, peu nombreuses), sous prétexte qu’en présence des caméras ils prenaient l’air lugubre qu’on attendait d’eux et employaient un langage assorti à leurs figures ? Ils étaient écœurés, absolument écœurés. C’était une affaire épouvantable, et toutes les personnes participant à l’enquête en étaient profondément bouleversées. Mais en réalité, ils étaient ravis. Oban, par exemple. Dire qu’il exultait serait sans doute exagéré, mais il y avait dans sa démarche une vivacité, un entrain que je ne lui connaissais pas. Au fond, c’était compréhensible. Pendant des semaines, il avait dû se colleter avec une affaire de meurtre obscure et décourageante qui n’intéressait aucun de ses collègues. Personne n’y prêtait la moindre attention, sauf s’il commettait un faux pas. Et voilà que soudain, telle Cendrillon, elle était devenue l’affaire de l’année, que du jour au lendemain lui-même avait acquis le statut de vedette de la police londonienne !

Aussi, quand je vins le retrouver au commissariat le matin qui suivit ma visite à Kersey Town, ce fut comme si je demandais une audience au premier ministre. Il me salua d’un signe de tête amical, mais rapide.

« Vous êtes pressée ? me demanda-t-il.

— Pas particulièrement.

— Tant mieux. Vous me parlerez en marchant. »

Ce ne fut pas facile. Il ne cessait de répondre aux appels sur son portable, d’entrer dans tel bureau où l’attendait telle personne – toujours un peu en retard, histoire de souligner que c’était lui, l’homme important. C’était comme si je parlais d’un quai de gare à un voyageur dont le train se mettait en route. J’essayai de lui raconter ma conversation avec les jeunes gens qui avaient connu Lianne, mais il ne tarda pas à m’interrompre.

« Kit, est-il utile que j’entende cette histoire ?

— Écoutez, Oban…

— Daniel, rectifia-t-il.

— Le passé des victimes est la seule chose dont nous disposons. »

Il fit halte un instant, avec un grognement dubitatif.

« Je ne suis pas convaincu, Kit. Aussi longtemps que nous n’avons aucune preuve du contraire, nous devons nous en tenir à la thèse que j’ai exposée aux journalistes. Nous avons affaire à un tueur opportuniste. Avez-vous discuté avec Sebastian ? Il est du même avis.

— Non, je n’ai pas discuté avec Sebastian. »

En réalité, je ne cessais de remettre cette discussion à plus tard. C’était même la principale raison pour laquelle je n’avais pas rappelé Poppy. Je n’avais aucune envie de tomber sur lui.

« Nous avons rendez-vous avec lui dans quelques minutes. Vous aurez tout loisir de vous expliquer.

— Ce ne sera pas nécessaire.

— Et je ne veux pas de rivalité entre vous.

— Il n’y a aucune rivalité.

— À propos, Kit, avez-vous parlé à quelqu’un de notre cher Michael Doll ?

— Non, répondis-je. À qui voulez-vous que j’en parle ? » Une pensée me vint. « Il est venu me voir chez moi. »

Oban fronça les sourcils.

« À votre place, je ferais attention.

— Donc, continuai-je, Julie le connaît, forcément.

— Forcément, dit Oban, l’œil égrillard.

— Oh, et j’ai aussi parlé de lui avec Will Pavic. Mais il le connaissait déjà.

— Pavic ? Encore ? » Oban grogna de nouveau. « Vous fréquentez des gens un peu bizarres. Il est sur le fil du rasoir, celui-là.

— C’est ce que prétendent certaines personnes. »

L’expression d’Oban se fit plus sombre.

« Je suis sérieux, Kit. Pavic s’est mis beaucoup de gens à dos, dans le quartier. Les services sociaux ne le supportent pas. Et pas mal de journalistes guettent son premier vrai faux pas.

— Mais enfin, pourquoi ? répliquai-je. Je sais qu’il n’a pas un caractère facile, mais il ne cherche qu’à rendre service.

— Vraiment ? dit Oban, visiblement peu convaincu. Ce n’est pas l’avis de tout le monde. Il y a des rumeurs, plus que des rumeurs, même, sur un trafic de drogue dont son fameux centre serait la plaque tournante. Selon certains, il se contente de fermer les yeux. Mais selon d’autres, il prend un pourcentage. Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’à la moindre bourde, il plonge. Mais je m’écarte du sujet. Deux ou trois journalistes m’ont téléphoné au sujet de Mickey Doll.

— Pourquoi ?

— Pour me poser des questions, c’est tout. Est-il exact qu’on le soupçonne du meurtre ? Envisage-t-on de l’inculper prochainement ? Pourquoi l’avons-nous relâché ? Etc.

— Comment ont-ils entendu parler de lui ?

— Depuis quelques jours, ce foutu commissariat ressemble à une agence de presse. Si quelqu’un pète dans la maison, un pisse-copie du Daily Star est au bout du fil et pondra un article d’ici à demain pour en informer la population.

— Que leur avez-vous répondu ?

— Seulement des banalités. Mais si des gens vous téléphonent, dites-leur de s’adresser à moi. Ah, le voici ! »

Je m’attendais presque à voir Michael Doll, mais il parlait de Sebastian, le psychiatre adoré des médias. Le mari de Poppy, donc un « ami » à moi, en quelque sorte. Aujourd’hui, il semblait tout prêt pour une intervention au journal de treize heures. Il portait un pantalon noir flambant neuf, d’élégantes bottines et une spectaculaire veste en cuir par-dessus une chemise de soie immaculée. Ses cheveux étaient savamment ébouriffés, en accord avec une impeccable barbe de deux jours. Il s’avança, m’embrassa sur les deux joues et me serra dans ses bras.

« Kit ! dit-il. C’est extraordinaire, non ? Nous travaillons sur la même affaire !

— Formidable, marmonnai-je, coincée entre ses bras et trouvant cette posture extrêmement inconfortable. Comment va Poppy ?

— Qui ? Oh, très bien, gaie comme un pinson. Tu connais Poppy. » Il eut un petit rire et fit un clin d’œil à Oban. « Kit et moi sommes de vieux copains.

— C’est ce que je vois.

— Ma femme et elle s’entendent comme deux larronnes en foire. En somme, tout cela est presque une affaire de famille.

— Donc, vous connaissez Julie ? s’enquit Oban.

— Julie ? » Sebastian fronça les sourcils. « Est-ce que je connais Julie, Kit ?

— J’espère que je n’ai pas fait de gaffe, dit Oban avec malice.

— Aucune, répliquai-je avec une précipitation frénétique et sentant mes joues brûler. Écoutez, Daniel, il y a déjà quelque temps que je voulais vous dire…

— Plus tard, plus tard. Nous avons des questions importantes à discuter. Une seconde. » Son portable sonnait de nouveau.

« Oban m’a expliqué ton opinion sur l’affaire, dis-je à Sebastian en attendant. Je la connaissais déjà en partie. Je crois que je t’ai entendu en parler à la radio, mais je ne suis pas sûre d’avoir entendu ta conclusion. Elle a été coupée par un disque, il me semble.

— Oh, cette émission à la noix ? » dit-il d’un ton absent.

Oban glissa son portable dans sa poche et revint vers nous.

« L’essentiel, maintenant, c’est une collaboration aussi étroite que possible, dit-il.

— Bien sûr ! C’est un bonheur d’avoir Kit à mes côtés. » Une fois de plus, Sebastian me gratifia de son grand sourire télégénique et me posa une main sur l’épaule. « J’ai toujours souhaité que cette petite se montre un peu plus ambitieuse. Ce que nous devons préciser se réduit à quelques questions de forme, je suppose. Deux enquêtes distinctes ont fusionné en une seule. Or, j’étais consultant pour le meurtre numéro un.

— Mais, Sebastian, Lianne a été assassinée la première. Veux-tu dire que le meurtre de Philippa Burton est plus important ?

— Je veux seulement dire qu’il s’est agi d’emblée d’une enquête à plus grande échelle. Le problème, c’est qu’il y a maintenant deux psychiatres consultants et que tout doit se passer de la manière la plus claire possible. Encore une fois, c’est une simple question de forme.

— Je ne comprends pas bien, dis-je.

— Eh bien, par exemple – c’est un exemple au hasard – il est essentiel de maintenir une cohérence dans la présentation de l’analyse psychiatrique de l’affaire à l’opinion publique.

— Vous voulez dire que vous tenez à être seul présent aux conférences de presse et sur les plateaux de télévision, résuma Oban sèchement.

— Je n’y vois pas d’inconvénient, me hâtai-je de dire.

— Alors, c’est d’accord, dit Oban.

— Ce n’était qu’un exemple, insista Sebastian, mais très bien, si c’est ce que vous désirez, je suis prêt à accepter cette responsabilité.

— Il n’empêche que le rôle de Kit doit rester central, ajouta Oban fermement. Après tout, c’est grâce à elle que les deux enquêtes ont pu fusionner.

— Oui, on m’en a dit deux mots. C’est ce qu’on appelle un sacré coup de bol », dit Sebastian, souriant jusqu’aux oreilles.

Je respirai profondément. Pas question de céder à l’emportement.

« Comment avance l’analyse des fibres ? demandai-je. A-t-on réussi à définir de quel type de véhicule le meurtrier s’est servi ? »

Oban secoua la tête.

« Vous pouvez consulter le rapport d’analyse, si vous voulez. Il s’agit d’un type très particulier de fibres synthétiques colorées. Il est certain que les deux cadavres ont été en contact avec le même tissu, mais rien ne prouve que c’était la housse de la banquette ou le tapis de sol. Ce pouvait être une couverture, un vêtement ou une foule d’autres choses. Le résultat ne nous avance à rien. » Il glissa ses mains dans ses poches, l’air faussement indifférent. « Il faut que je vous laisse. J’ai rendez-vous avec un type important du ministère de l’Intérieur. Oh, et ensuite, je dois recevoir un groupe de gens qui prétendent retrouver l’assassin par rhabdomancie. Du moins, c’est ce que j’ai compris. Un ramassis d’imbéciles qui brandissent des baguettes fourchues. »

Il s’éloigna, et Sebastian et moi restâmes seuls, dans un silence embarrassé, sans savoir que faire, que dire ni où aller.

« Comment va Poppy ? demandai-je, me rappelant aussitôt que je lui avais déjà posé cette question.

— Oh, tu sais bien, dit-il en regardant dans le vague. À propos, j’avais l’intention de t’appeler. Est-ce que Poppy t’en a parlé ? Pendant plusieurs nuits d’affilée, Megan et Amy ont à peine fermé l’œil, à cause de l’histoire que tu leur as racontée. Elles se réveillaient en hurlant.

— Mon Dieu, je suis désolée, dis-je. Je n’avais vraiment pas l’intention…

— Non, c’était une blague ! Mais l’idée est intéressante. J’y ai réfléchi. Tu as trouvé ça quelque part ?

— Je crois t’avoir dit que c’était un rêve que je faisais depuis mon agression.

— Une chambre écarlate. C’est intéressant. Une chambre sanglante. Crois-tu que cela représente une sorte de matrice ? Ta mère est morte quand tu étais petite, non ? Crois-tu que ce rêve exprime ton désir de retourner dans l’utérus de ta mère morte ? »

Je sentis une puissante envie de saisir un gros objet dur et de lui en donner de violents coups sur la tête.

« Non, je ne crois pas, dis-je. Je crois que c’était un rêve inspiré par une grande peur, parce que, crois-le ou non, me faire attaquer et balafrer le visage m’a fait une très grande peur.

— C’est possible, dit Sebastian pensivement. As-tu écrit quelque chose sur le sujet ? Un article en prévision ?

— Non, répondis-je. Quand il m’arrive d’écrire, c’est plutôt sur les rêves des autres.

— Hmm… C’est très bien, dit Sebastian. Très bien. »

 

Le lendemain matin, le téléphone sonna de très bonne heure. C’était Oban.

« Allez acheter un journal.

— Excusez-moi ? Quel journal ?

— Un journal à sensation, n’importe lequel. Et merde, et merde, et merde. » Sur ces fortes paroles, il raccrocha.

 

Dix minutes plus tard, après un sprint jusqu’au kiosque à côté de la station de métro, quatre ou cinq journaux étaient étalés sur la table de ma cuisine. Le visage de Michael Doll, avec son expression familière – mi-surexcitée, mi-hébétée –, nous fixait, Julie et moi, au milieu d’une boue noire d’énormes titres racoleurs. ARRESTATION DANS LAFFAIRE PIPPA BURTON. « JE SUIS INNOCENT », DIT LE SUSPECT DU MEURTRE DE PIPPA. AFFAIRE PIPPA : L’ÉTRANGE PASSÉ DU SUSPECT NO 1.

Pippa. Encore ce diminutif. Assez court pour les manchettes. Et Lianne, où était-elle ? Qui se souciait d’elle ? Je feuilletai ces torchons. Tout était là. L’interrogatoire, un compte rendu douteusement détaillé de ce qu’avait recueilli le micro de Colette Dawes, la remise en liberté pour des raisons qualifiées de « techniques ». Et des considérations pour le moins expéditives sur Michael Doll, sa vie, son œuvre : les foyers pour enfants perturbés, les centres d’internement pour mineurs, les passages devant le juge pour exhibitionnisme. Une jeune journaliste du Daily News était parvenue à obtenir de lui une interview « exclusive », comme si c’était un exploit d’avoir persuadé ce garçon désespérément seul au monde de faire des confidences à une jeune femme. Ici, au moins, le nom de Lianne était mentionné. Doll se vantait de s’être trouvé à quelques pas du lieu du crime. Pour parachever le désastre, il s’efforçait de nier qu’on l’eût soupçonné. Non, pas du tout, protestait-il, il était un témoin, et un témoin de première importance, la seule personne qui fût en mesure de dire ce qu’elle avait vu. Il y avait une photo de lui, assis sur le canapé crasseux de son petit meublé, l’air très fier.

Le meublé de Doll ! La journaliste – une jeune femme intelligente et grassement payée, qui s’était trouvée en face d’un jeune miséreux sans espoir, divaguant, détruit – en faisait une description qui était à elle seule une accusation. L’article s’achevait sur une conclusion d’une prudence étudiée, qui semblait avoir été rédigée sous la surveillance d’un conseiller juridique. « Nous ne voulons pas laisser entendre que Mickey Doll soit directement impliqué dans l’un ou l’autre des meurtres. Il n’est pas officiellement mis en cause, et aucune preuve n’a permis d’établir un lien tangible entre lui et les assassinats dont la jeune Lianne et Philippa Burton ont été les tragiques victimes. Il reste que les individus tels que Mickey Doll, avec leur passé de délinquants et leurs fantasmes nourris de pornographie, constituent une menace évidente pour l’ensemble de la population, pour nos familles, pour nos enfants. En divulguant l’identité d’un semblable personnage, en publiant sa photographie, en révélant dans quel quartier il réside, notre intention n’est certainement pas d’inciter quiconque à s’en prendre à lui, puisque de tels actes, si compréhensibles soient-ils et malgré l’inquiétude légitime des bons citoyens, sont de nos jours interdits par la loi. Aux politiques de prendre les mesures qui s’imposent. Il n’est que temps. »

Julie me prit le journal des mains et lut ce grand morceau de littérature en sirotant son café et en mangeant la salade de fruits qui constituait son petit déjeuner habituel.

« Hmmm, dit-elle quand elle eut terminé. Ça ne rend pas vraiment la quintessence de son charme. »

Prudence ou non, Oban m’annonça le lendemain, un peu distraitement, que Doll était à l’hôpital. Un « bon citoyen » conscient de ses devoirs l’avait pris à partie dans un pub et l’avait frappé au visage avec une bouteille cassée.

« Comme ça, il aura des cicatrices aussi, conclut-il presque gaiement. Il paraît qu’il vous a réclamée, mais à votre place, j’éviterais de lui rendre visite.

— Oui, je suppose que ce serait une erreur », admis-je, avec une pointe de remords. Et je chassai Doll de mon esprit.