CHAPITRE 26

 

La nuit suivante a été un grand flou. Plus tard, quand j’ai essayé de rassembler mes souvenirs, même la mémoire diplo ne m’en a restitué que des fragments.

Trepp voulait passer la nuit en ville. Les plus beaux endroits d’Europe nous attendaient, et elle connaissait toutes les bonnes adresses.

Je voulais que mes pensées s’arrêtent net.

 

Nous avons commencé par un hôtel dans une rue dont je ne pouvais prononcer le nom. Un analogue de tétrameth scintillait dans le blanc de nos yeux. Assis, passif, dans un fauteuil près de la fenêtre, j’ai laissé Trepp m’injecter, essayant de ne pas penser à Sarah et à la chambre de Millsport. Essayant de ne pas penser du tout. Des holos bicolores à la fenêtre noyaient les traits concentrés de Trepp dans des nuances de rouge et de bronze. Elle avait le visage d’un démon scellant un pacte. J’ai senti un choc insidieux aux frontières de ma perception quand le tétrameth a déferlé dans mes synapses. Quand j’ai chargé Trepp à mon tour, j’ai failli me perdre dans la géométrie de son visage.

C’était de la bonne…

 

Des peintures murales représentant l’enfer chrétien, les flammes bondissant comme des doigts griffus sur une procession de pécheurs nus et hurlants. À une extrémité de la salle, là où les silhouettes sur les murs se fondaient avec les clients du bar, une fille se trémoussait sur une plate-forme rotative. Un pétale de verre noir tournait autour, et, chaque fois qu’il passait entre les spectateurs et la danseuse, la fille disparaissait, remplacée par un squelette grimaçant en train de danser.

— Cet endroit s’appelle Toute chair périra, a hurlé Trepp pour couvrir le bruit alors que nous nous enfoncions dans la foule.

Elle a montré la fille puis les bagues de verre noir sur ses doigts.

— C’est là que j’ai eu l’idée. L’effet est sympa, non ?

Je suis allé chercher les verres, vite.

 

Les humains rêvent au paradis et à l’enfer depuis des millénaires. Le plaisir ou la douleur éternelle, sans les restrictions de la vie et de la mort. Grâce aux univers virtuels, ces fantasmes sont maintenant réalité. Il suffit d’un générateur industriel. Nous avons vraiment apporté l’enfer, ou le paradis, sur Terre.

— Un peu épique… du genre du discours d’adieu d’Angin Chandra au peuple, a hurlé Trepp, mais je vois ce que vous voulez dire.

D’évidence, les mots qui couraient dans mon esprit s’échappaient aussi de ma bouche. Si c’était une citation, j’ignorais d’où elle venait. Ce n’était certainement pas un quellisme ; elle aurait giflé quiconque aurait osé lui raconter des trucs pareils.

— Le truc, c’est que vous avez dix jours, continuait à hurler Trepp.

 

La réalité bascule, s’écoule sur le côté dans des globules de lumière couleur de flammes. Des mouvements et des rires. Le bord d’un verre sous mes dents. Une cuisse chaude pressée contre la mienne, sans doute celle de Trepp, mais, quand je me retourne, une autre femme, avec de longs cheveux noirs et une bouche pourpre, me sourit. Son expression d’invite me rappelle vaguement quelque chose…

 

Scène de rue.

Des balcons des deux côtés ; des langues de lumière et de son crachées sur les pavés par des dizaines de bars minuscules ; la chaussée bourrée de monde. Je me promène avec la femme que j’ai tuée la semaine dernière et j’essaie de suivre une conversation sur les chats.

J’avais oublié quelque chose. Quelque chose de vague, que je n’arrivais pas à…

Quelque chose d’import…

— Putain, tu n’es pas sérieux ! a explosé Trepp.

À moins qu’elle ait implosé, dans ma tête, au moment où mes pensées se cristallisaient enfin.

Faisait-elle cela délibérément ? Je ne me souvenais même pas de ce que je lui avais dit, l’instant d’avant, sur les chats.

 

On danse quelque part.

 

Un shoot de meth au coin de la rue, contre un mur. Quelqu’un passe à côté de nous et nous interpelle. Je cligne des yeux et j’essaie de voir.

— Putain, arrêtez de bouger, Kovacs…

— Qu’est-ce qu’elle a dit ?

Trepp a tiré ma paupière, fronçant les sourcils de concentration.

— Elle a dit que nous étions très beaux. Putain de droguée, elle voulait sûrement nous taxer.

 

Dans des toilettes couvertes de lambris, j’ai regardé dans un miroir fragmenté le visage que je portais comme s’il avait commis un crime contre moi. Ou comme si j’attendais que quelqu’un d’autre émerge de ces traits tailladés. Mes mains étaient accrochées au lavabo métallique souillé et les bandes d’époxy qui le fixaient au mur craquaient sous mon poids.

Je n’avais aucune idée du temps que j’avais passé là.

Je n’avais aucune idée de l’endroit où j’étais. Ou du nombre d’endroits que nous avions visités.

Mais rien de tout ceci n’importait, car…

Le miroir n’était pas aux dimensions du cadre… des picots étaient enfoncés dans les bords de plastique qui tenaient précairement en place le centre en forme d’étoile.

— Trop de bords, me suis-je murmuré. Rien ne colle.

Les mots semblaient insignifiants, comme une rime, un rythme accidentel dans une conversation. Je ne me pensais pas capable de réparer ce miroir. J’allais me couper les doigts. Dommage.

J’ai laissé le visage de Ryker dans la glace et j’ai titubé vers une table éclairée par des bougies où Trepp suçait une longue pipe d’ivoire.

 

— Micky Nozawa ? Vous êtes sûre ?

— Putain, oui ! a dit Trepp avec enthousiasme. Le Poing de la flotte… c’est bien ça ? Je l’ai vu au moins quatre fois. Les chaînes d’expéria de New York reçoivent un paquet d’imports coloniaux… Le passage où Micky se débarrasse du harponneur d’un coup de pied sauté… On le sent jusque dans les os, de la façon dont il le met, ce putain de coup. Magnifique. De la poésie en mouvement. Eh, vous saviez qu’il avait fait de l’holoporno quand il était plus jeune ?

— Conneries. Micky Nozawa n’a jamais fait de porno. Il n’en avait pas besoin.

— Qui parle de besoin ? Les deux minettes qu’il bricolait, je les aurais bien bricolées gratuitement.

— Conne… ries.

— Je le jure. Quand il portait l’enveloppe avec le nez et les yeux caucasiens… celle qu’il a effacée dans l’accident de bagnole. Au tout début de sa carrière.

 

Un bar. Les murs et le plafond constellés d’instruments de musique hybrides et absurdes. Les étagères derrière le bar remplies de bouteilles antiques, de statuettes travaillées et d’un tas d’autres merdes. Le niveau sonore était comparativement peu élevé, ma boisson paraissait de qualité… assez, en tout cas, pour ne pas me détériorer trop vite le système. Une légère odeur de musc flottait dans l’air, et des plateaux d’amuse-bouches étaient posés sur la table.

— Pourquoi faites-vous ça ?

— Quoi ? a demandé Trepp en dodelinant de la tête. Garder des chats ? J’aime les ch…

— Travailler pour cette salope de Kawahara. C’est une putain de raclure d’avortement, une salope de Math qui vaut même pas le prix de sa pile, pourquoi vous…

Trepp m’a attrapé le bras. Un instant, j’ai cru qu’il allait y avoir de la violence. Le neurachem s’est déclenché par à-coups.

À la place, elle m’a attiré vers elle et a posé affectueusement sa main sur mes épaules, avant de papillonner des yeux.

— Écoutez.

Longue pause. J’ai écouté, pendant que Trepp fronçait les sourcils, buvait une gorgée de son verre et le reposait avec un soin exagéré. Elle a agité son doigt vers moi.

— Faut pas juger si on veut pas être jugé, a-t-elle bredouillé.

 

Une autre rue, qui descendait. Marcher était d’un coup plus facile.

Au-dessus de nos têtes les étoiles étaient plus claires que je les avais vues en une semaine à Bay City. Je me suis arrêté pour les regarder, cherchant le Cheval cornu.

Quelque chose… ne colle pas.

Étrange. Je ne reconnaissais aucune forme. Une sueur glaciale m’a trempée et soudain les points de feu se sont transformés en une armada de l’extérieur, se préparant pour le bombardement planétaire. Les Martiens étaient revenus. Je pensais les voir se déplacer doucement dans la bande étroite de ciel au-dessus de nos têtes…

— Hou ! là, a dit Trepp en me rattrapant avant que je m’étale. Qu’est-ce que tu regardes en l’air, sauterelle ?

Pas mon ciel.

 

Ça devient pas bon.

Dans d’autres toilettes, trop éclairées, j’essaie de m’enfiler dans le nez de la poudre donnée par Trepp. Mes cloisons nasales sont déjà sèches et la poudre retombe, comme si ce corps en avait assez. Une chasse d’eau se déclenche dans la cabine à côté et je lève les yeux vers le miroir.

Jimmy de Soto sort de la cabine, son treillis de combat recouvert de boue d’Innenin. Dans la lumière crue des toilettes, son visage est particulièrement amoché.

— Ça va, mec ?

— Pas spécialement. (Je me gratte l’intérieur du nez, qui commence à être enflammé.) Et toi ?

Il fait le geste de « on-peut-pas-se-plaindre » et s’approche du miroir. L’eau coule, contrôlée par les cellules photosensibles, et il commence à se laver les mains. La boue et le sang se dissolvent pour former une soupe qui disparaît dans un tourbillon. Je le sens à côté de moi, mais son œil unique me fixe dans le miroir et je ne peux pas, je ne veux pas me détourner.

— Est-ce un rêve ?

Il hausse les épaules et continue à se frotter les mains.

— C’est la limite.

— La limite de quoi ?

— De tout, répond-il, comme si c’était évident.

— Je croyais que tu n’apparaissais que dans mes rêves, ai-je dit en regardant ses mains.

Quelque chose ne va pas. Jimmy a beau frotter la crasse, il y en a toujours. Le lavabo en est souillé.

— C’est une façon de voir les choses. Les rêves, les hallus, ou quand tu te défonces… C’est la limite, tu vois. Les failles dans la réalité. Là où les couillons comme moi finissent…

— Jimmy, tu es mort. J’en ai assez de te le répéter.

— Non, a-t-il dit en secouant la tête. Mais tu dois descendre dans ces failles pour me voir.

La soupe sanguinolente se vide et je sais que Jimmy disparaîtra avec la dernière goutte.

— Tu dis que…

Il secoue la tête tristement.

— Trop compliqué pour en parler maintenant. Tu penses qu’on maîtrise la réalité parce qu’on peut en enregistrer des bouts. Il y a plus que ça, mec. Beaucoup plus.

— Jimmy ? Qu’est-ce que je vais faire ?

Il recule et son visage ravagé me sourit.

— Frappe virale, dit-il clairement. (Je me fige, glacé, me souvenant de mon cri sur la tête de pont.) Tu te souviens de ce fils de pute ?

Et, essorant ses mains, il disparaît comme par magie.

 

— Écoutez, a dit Trepp d’un ton raisonnable. Kadmin a dû se faire mettre en cuve pour être enveloppé dans un artificiel. Ça vous laisse une bonne partie de la journée avant qu’il apprenne que vous êtes vivant.

— S’il n’était pas déjà double-enveloppé.

— Non, réfléchissez. Il a coupé les ponts avec Kawahara… Il n’a plus les ressources nécessaires… Il est seul et, avec Kawahara à ses trousses, ses options sont limitées. Il approche à grands pas de sa date de péremption…

— Kawahara va le garder sous le coude pour me maintenir sous pression.

— Ouais, a répondu Trepp, embarrassée. Peut-être.

 

Un autre endroit, appelé Câble ou quelque chose comme ça, les murs couverts de tuyaux colorés où des câbles sont plantés comme des cheveux cuivrés. À intervalles réguliers sur le bar, des câbles, encore, terminés par des jacks argentés et suspendus à des crochets. Au-dessus du bar, un jack et une prise baisent comme des bêtes sur le rythme spasmodique de la musique qui noie la pièce. De temps en temps, les composants semblent se muer en organes sexuels, mais c’est peut-être une hallu au tétrameth.

J’étais assis au bar ; quelque chose de doux se consumait dans un cendrier près de mon coude. D’après mes poumons, je venais de fumer. Le bar était bondé, mais j’avais l’étrange conviction d’être seul.

Autour de moi, les autres clients du bar étaient tous câblés, leurs yeux tressaillant derrière leurs paupières closes et gonflées, la bouche tordue en un demi-sourire. L’un d’entre eux était Trepp.

J’étais seul.

Des pensées tiraillaient la surface de mon esprit. J’ai pris une cigarette et j’ai tiré dessus, sombrement. Ce n’était pas le moment de réfléchir.

 

Pas le moment de…

Frappe virale !

… réfléchir.

Les rues défilaient sous mes pieds comme les débris d’Innenin sous les bottes de Jimmy quand il marchait à côté de moi, dans mes rêves. Alors, c’est comme ça qu’il fait.

La femme aux lèvres pourpres qui…

Tu peux peut-être…

Quoi ? Quoi ?

Le jack et la prise.

Essaie de te dire quelque…

Pas le moment de…

Pas le moment…

Pas…

Et loin, comme l’eau dans le tourbillon, comme la soupe de boue et de sang coulant des mains de Jimmy dans le trou au fond du lavabo…

Encore parti.

 

Mais les pensées, comme l’aube, étaient inévitables. Elles m’ont trouvé, avec l’aube, sur des marches blanches descendant dans une eau sale. Une architecture grandiose s’élevait derrière nous. De l’autre côté du lac, je distinguais des arbres dans les ténèbres grisâtres. Nous étions dans un parc.

Trepp s’est penchée sur mon épaule et m’a proposé une cigarette allumée. Je l’ai prise par réflexe, j’ai tiré une fois dessus, puis j’ai laissé la fumée s’échapper de mes lèvres fatiguées. Elle s’est accroupie à côté de moi. Un poisson beaucoup trop gros a sauté dans l’eau à mes pieds. J’étais trop épuisé pour réagir.

— Mutant, a dit Trepp.

— Toi-même.

Les bribes de conversation dérivaient au-dessus des eaux.

— Tu vas avoir besoin d’analgésiques ?

— Sans doute, ai-je dit en me tâtant mentalement l’intérieur de la tête. Ouais…

Elle m’a passé une plaquette de capsules colorées sans autre commentaire.

— Quels sont tes projets ?

J’ai haussé les épaules.

— Retourner à Bay City. Faire ce qu’on m’a dit de faire.

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