CHAPITRE 4

 

— Vous semblez mal à l’aise, monsieur Kovacs. L’êtes-vous ?

J’ai regardé par-dessus mon épaule la domestique qui m’avait conduit jusqu’ici, puis je me suis retourné vers Miriam Bancroft. Leurs corps avaient à peu près le même âge.

— Non, ai-je répondu, la voix un peu plus rauque que prévu.

Elle a fait la moue avant de rouler la carte qu’elle étudiait à mon arrivée. Derrière moi, la domestique a fermé la porte de la salle avec un lourd « clic ». Bancroft n’avait pas jugé bienséant de m’accompagner. Peut-être ne s’autorisaient-ils qu’une seule rencontre par jour.

La domestique était apparue comme par magie au moment où nous étions descendus dans le salon marin. Bancroft lui avait porté autant d’attention que la fois précédente.

Quand je l’avais quitté, il se tenait à côté du bureau, contemplant la trace de brûlure sur le mur.

Mme Bancroft a resserré sa prise sur la carte et l’a glissée dans un long tube protecteur.

— Bien, a-t-elle dit sans lever les yeux. Posez-moi vos questions.

— Où étiez-vous lorsque le tir s’est produit ?

— Au lit, a-t-elle répondu, levant les yeux pour la première fois. S’il vous plaît, ne me demandez pas de témoin, j’étais seule.

La salle des cartes était longue et aérée sous une voûte recouverte d’illuminum. Les casiers de rangement étaient à hauteur de ma taille, surmontés d’un support transparent et alignés comme des présentoirs dans un musée. Je me suis déplacé afin de mettre un des casiers entre Mme Bancroft et moi. C’était un peu comme me mettre à couvert.

— Madame Bancroft, il semble y avoir un malentendu. Je n’appartiens pas à la police. Les informations m’intéressent, pas la culpabilité.

Glissant la carte dans son logement, elle s’est appuyée contre le rack, les mains derrière son dos. Elle avait laissé sa jeune sueur fraîche et son ensemble de tennis dans une élégante salle de bains durant ma conversation avec son mari. À présent, elle portait un pantalon noir et quelque chose né de l’union entre une veste de soirée et un corsage. Ses manches étaient remontées presque jusqu’au coude, ses poignets dépourvus de tout bijou.

— Ai-je l’air coupable, monsieur Kovacs ?

— Vous semblez tenir à prouver votre fidélité à un étranger.

Elle a ri. C’était un rire plaisant et ses épaules se soulevaient et s’abaissaient à mesure qu’il s’échappait. Un rire que je pourrais aimer.

— Vous êtes délicieusement indirect.

J’ai regardé la carte exposée au-dessus du casier devant moi. Elle était datée dans le coin supérieur gauche. Quatre cents ans avant ma naissance. Les noms des lieux étaient d’une écriture que je ne connaissais pas.

— Là d’où je viens, être direct n’est pas considéré comme une qualité, madame Bancroft.

— Non ? Alors qu’est-ce qui en est une ?

J’ai haussé les épaules.

— La politesse. La maîtrise. Ne pas embarrasser ses interlocuteurs.

— Comme ce doit être ennuyeux ! Je pense que vous allez avoir quelques surprises, monsieur Kovacs.

— Je n’ai pas dit que j’étais un citoyen modèle, madame Bancroft.

— Oh ! a-t-elle dit en se repoussant du casier et en se dirigeant vers moi. Effectivement, Laurens m’a un peu parlé de vous. Il semble que vous soyez considéré comme dangereux sur Harlan. (J’ai haussé les épaules.) C’est du russe.

— Je vous demande pardon ?

— L’écriture. (Elle a fait le tour du casier.) C’est une carte russe des sites d’atterrissage lunaires, générée par ordinateur. Très rare. Je l’ai achetée aux enchères. Vous aimez ?

— Elle est très jolie. À quelle heure êtes-vous partie vous coucher, la nuit où votre mari s’est fait tirer dessus ?

Elle m’a fixé du regard.

— Tôt. Je vous l’ai dit, j’étais seule. (Elle a évacué la tension de sa voix et son ton est redevenu presque badin.) Oh, et si mon ton sonne comme de la culpabilité, monsieur Kovacs, détrompez-vous : ce n’en est pas ! C’est de la résignation. Avec un soupçon d’amertume.

— Vous ressentez de l’amertume ? Envers votre mari ?

Elle a souri.

— Je croyais avoir prononcé le mot « résignation ».

— Vous avez dit les deux.

— Pensez-vous que j’ai tué mon mari ?

— Je ne pense rien pour l’instant. Mais c’est une possibilité.

— Vraiment ?

— Vous aviez accès au coffre. Vous étiez à l’intérieur des défenses de la maison quand le crime s’est produit. Et il semble que vous pourriez avoir un mobile émotionnel.

Elle m’a regardé en souriant.

— Vous accumulez les charges, n’est-ce pas, monsieur Kovacs ?

Je lui ai rendu son regard.

— Si le cœur est de la partie, oui.

— La police a eu durant un moment une théorie similaire. Ils ont décidé que le cœur n’y était plus. Je préférerais que vous ne fumiez pas ici.

J’ai regardé mes mains pour découvrir qu’elles jouaient avec le paquet de cigarettes offert par Kristin Ortega. J’étais en train d’en sortir une du paquet. Me sentant étrangement trahi par ma nouvelle enveloppe, je l’ai rangé.

— Navré.

— Ne vous inquiétez pas… ce n’est qu’une question de contrôle climatique. Les cartes sont très sensibles à la pollution. Vous ne pouviez pas le savoir.

Elle avait réussi à me faire sentir que seul un abruti complet aurait pu l’ignorer. L’interrogatoire m’échappait.

— Pourquoi la police… ?

— Demandez-leur. (Elle m’a tourné le dos et s’est éloignée comme si elle prenait une décision.) Quel âge avez-vous, monsieur Kovacs ?

— En âge subjectif ? Quarante et un ans. Les années de Harlan sont un peu plus longues, mais pas de beaucoup.

— Et objectivement ? a-t-elle demandé en imitant mon ton.

— J’ai passé à peu près un siècle dans le réservoir. On a tendance à perdre le fil.

C’était un mensonge. Je savais au jour près quelle était la durée de chacune de mes peines. Je l’avais calculé une nuit et, à présent, je ne pouvais plus oublier le résultat. Chaque fois que je replongeais, il me suffisait de faire l’addition.

— Vous devez être très seul à présent.

J’ai soupiré et je me suis retourné pour examiner le casier le plus proche. Toutes les cartes étaient étiquetées. La notation était archéologique. Syrtis Minor – 3e excavation, quartier est. Bradbury, ruines aborigènes. J’ai commencé à tirer une carte hors de son logement.

— Madame Bancroft, ce que je ressens n’est pas au cœur du problème. Dites-moi, pour quelle raison votre mari aurait-il pu essayer de se tuer ?

Elle s’est retournée avant même que j’aie terminé ma phrase.

— Mon mari ne s’est pas tué, a-t-elle déclaré froidement. J’ai agité la carte.

— Vous en semblez bien certaine, ai-je commenté en souriant. Pour quelqu’un qui n’était pas réveillé, je veux dire.

— Posez ça, a-t-elle crié en s’avançant vers moi. Vous n’avez aucune idée de sa valeur…

Elle s’est arrêtée net en me voyant remettre la carte dans le casier. Puis elle a avalé sa salive et a lutté pour se maîtriser.

— Essayez-vous de me mettre en colère, monsieur Kovacs ?

— Je veux seulement obtenir votre attention.

Nous nous sommes affrontés du regard pendant quelques secondes. Mme Bancroft a baissé les yeux.

— Je vous l’ai dit, je dormais. Que puis-je vous raconter d’autre ?

— Où était parti votre mari cette nuit-là ?

Elle s’est mordu la lèvre.

— Je n’en suis pas certaine… Je crois qu’il a passé la journée à Osaka, pour une réunion.

— Où se trouve Osaka ?

Elle m’a regardé, surprise.

— Je ne suis pas d’ici, ai-je dit patiemment.

— Osaka est au Japon. Je pensais…

— Ouais, Harlan a été colonisé par un keiretsu avec de la main-d’œuvre d’Europe de l’Est. C’était il y a longtemps, et je n’étais pas né.

— Je suis navrée.

— Ne le soyez pas. Vous ne savez probablement pas non plus ce que faisaient vos ancêtres il y a trois siècles…

Je me suis interrompu. Mme Bancroft me regardait étrangement. La stupidité de mes paroles m’a frappé un instant plus tard. L’injection commençait à se faire sentir. Il me fallait dormir vite avant que je dise ou fasse quelque chose d’idiot.

— J’ai plus de trois siècles, monsieur Kovacs, a-t-elle dit avec un léger sourire aux lèvres. Les apparences sont trompeuses. Ceci est mon onzième corps.

Étant donné sa position, elle s’attendait que je la regarde. J’ai étudié ses traits slaves, son décolleté, son déhanchement, les courbes à moitié voilées de ses cuisses, affectant un détachement que ni moi ni mon enveloppe récemment excitée ne ressentions vraiment.

— C’est très joli. Un peu jeune à mon goût mais, comme je l’ai dit, je ne suis pas d’ici. Pouvons-nous revenir à votre mari, s’il vous plaît ? Il est parti à Osaka, mais il est revenu. Je suppose qu’il ne s’y est pas rendu physiquement.

— Non, bien sûr que non. Il a un clone de transit là-bas. Il aurait dû revenir à 18 heures, mais…

— Oui ?

Elle a changé un peu de position. J’ai eu l’impression qu’elle se calmait.

— Il est rentré en retard, c’est tout. Laurens reste souvent tard à l’extérieur après s’être occupé d’un contrat.

— Et personne ne sait où il a pu aller cette fois ? Curtis, par exemple ?

La tension du visage de mon interlocutrice était toujours présente, comme des rochers sous une fine couche de neige.

— Il n’a pas appelé Curtis. Je suppose qu’il a pris un taxi du complexe d’enveloppement. Je ne suis pas son gardien, monsieur Kovacs.

— Cette réunion était cruciale ? À Osaka ?

— Oh… non, je ne crois pas ! Nous en avons parlé. Bien sûr, il ne s’en souvient pas, mais nous avons survolé les contrats et il avait tout prévu depuis un moment déjà. Une compagnie de développement océanographique, appelée Pacificon, basée au Japon. Du renouvellement de leasing… En principe, tout se fait à Bay City, mais il y avait besoin d’une assemblée extraordinaire des assesseurs. Il est toujours préférable d’être proche de la source.

J’ai acquiescé sagement, n’ayant aucune idée de ce que pouvait être un « assesseur de développement océanographique ». La nervosité de Mme Bancroft semblait s’estomper.

— La routine ?

— Oui, je crois, a-t-elle répondu avec un sourire fatigué. Monsieur Kovacs, je suis certaine que la police a les enregistrements de toutes ces informations.

— J’en suis sûr, madame Bancroft. Mais ils n’ont aucune raison de les partager avec moi. Je n’ai aucun pouvoir ici, et le lieutenant Ortega ne m’aidera pas.

— Vous aviez pourtant l’air de bien vous entendre quand vous êtes arrivé, a-t-elle dit avec une pointe de malice dans la voix. (Je l’ai regardée fixement jusqu’à ce qu’elle baisse les yeux.) Mais je suis certaine que Laurens vous obtiendra ce que vous voulez.

Je partais droit dans le mur. Et à vitesse grand V. J’ai fait marche arrière.

— Je devrais peut-être lui en parler, ai-je confirmé. (Puis j’ai regardé autour de moi.) Toutes ces cartes. Depuis combien de temps les collectionnez-vous ?

Mme Bancroft devait avoir compris que l’entretien tirait à sa fin. La tension s’évacuait d’elle comme l’huile d’un carter.

— Depuis toujours, a-t-elle dit. Quand Laurens regardait les étoiles, d’autres gardaient les yeux rivés au sol.

Pour une raison inconnue, j’ai pensé au télescope abandonné sur la terrasse de Bancroft. Je l’ai vu, silhouette angulaire contre le ciel nocturne, témoignage muet des temps et des obsessions passées, relique dont plus personne ne voulait. Je me suis souvenu de la façon dont il était revenu dans sa position après que je l’avais bousculé, fidèle à une programmation vieille de plusieurs siècles peut-être, éveillé de la même façon que Miriam Bancroft avait caressé le brin-de-chant dans la galerie.

Vieux.

Soudain, avec une pression suffocante, il est tombé sur moi comme une chape, sa puanteur émanant des pierres de Suntouch House comme de l’humidité. L’âge. J’en ai même senti le parfum chez cette femme à l’impossible jeunesse, là, devant moi, et ma gorge s’est bloquée avec un petit « clic ». Une partie de moi voulait partir en courant, sortir et respirer un air frais, un air neuf, m’éloigner de ces créatures dont les souvenirs s’étendaient au-delà des événements historiques de mes livres d’école…

— Vous vous sentez bien, monsieur Kovacs ?

L’injection.

Je me suis concentré avec effort.

— Oui, je vais bien, ai-je dit en m’éclaircissant la voix avant de la regarder dans les yeux. Je ne vais pas vous retenir plus longtemps, madame Bancroft. Merci de m’avoir accordé un peu de votre temps. Elle s’est avancée vers moi.

— Aimeriez-vous…

— Non, tout va bien. Je trouverai la sortie.

Il m’a semblé mettre une éternité à quitter la salle des cartes. Mes pas faisaient vibrer un écho dans ma tête. À chaque pas et à chaque carte dans son cercueil de verre, je sentais ces yeux immémoriaux fixés sur ma colonne vertébrale.

J’avais vraiment besoin d’une cigarette.

Carbone Modifié
titlepage.xhtml
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_000.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_001.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_002.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_003.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_004.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_005.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_006.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_007.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_008.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_009.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_010.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_011.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_012.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_013.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_014.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_015.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_016.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_017.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_018.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_019.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_020.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_021.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_022.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_023.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_024.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_025.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_026.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_027.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_028.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_029.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_030.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_031.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_032.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_033.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_034.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_035.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_036.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_037.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_038.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_039.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_040.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_041.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_042.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_043.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_044.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_045.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_046.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_047.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_048.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_049.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_050.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_051.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_052.html
Morgan,Richard-[Takeshi Kovacs-1]Carbone Modifie(Altered Carbon)(2002)_split_053.html