CHAPITRE 39

 

Sutjiadi a commencé à crier peu après le lever du soleil. Une fureur outrée les premières secondes, presque rassurante d’humanité, mais ça n’a pas duré. En moins d’une minute, tout élément humain l’avait déserté, ne laissant que l’os pur de l’agonie animale. Dans cette forme, le hurlement remontait la plage depuis le billot, cri après cri remplissant l’air comme une matière solide, à la recherche d’auditeurs. Nous l’attendions depuis bien avant l’aube, mais le choc était le même. Un sursaut visible en chacun de nous, assis sur nos lits où personne n’avait même essayé de dormir. Nous avons tous souffert, cela nous a tous atteints avec une intimité écœurante. Comme des mains moites sur mon visage, un poing serré entre mes côtes, me coupant le souffle, hérissant les cheveux sur ma nuque et faisant sauter mes yeux. Derrière moi, l’inhib a goûté mon système nerveux et a remué, intéressé.

Verrouille tout.

Derrière le hurlement, un autre son que je connaissais. Le grondement sourd d’un public amusé. Les Impacteurs, devant la justice à l’œuvre.

Assis en tailleur sur le lit, j’ai ouvert les poings. Les patchs ont glissé sur la couverture.

Un sursaut.

J’ai vu le visage du Martien mort, imprimé sur ma vision si clairement qu’il aurait pu s’agir d’un affichage rétinien.

Ce fauteuil…

… me réveille.

… tourbillons d’ombre et de lumière…

… lamentations d’un deuil extraterrestre…

Je sentais…

… un visage martien parmi les tourbillons de douleur étincelante, pas mort.

… de grands yeux inhumains qui ont croisé les miens avec une sorte…

J’ai fui le souvenir avec un frisson.

Le cri humain continuait, crispant les nerfs, fouaillant la moelle. Wardani a enfoui son visage entre ses mains.

Je ne devrais pas me sentir aussi mal, a protesté une partie de moi, très détachée. Ce n’est pas la première fois que je…

Des yeux inhumains. Des cris inhumains.

Vongsavath a commencé à pleurer.

Je l’ai senti monter en moi, se réunir en spirale comme les Martiens l’avaient fait. L’unité inhib s’est tendue.

Non. Pas encore.

Le contrôle diplo, froid et méthodique, sape mes réactions humaines juste quand il le faut. Je l’ai accueilli à bras ouverts, comme une amante sur la plage de Wardani. Je crois que j’ai souri en le sentant arriver.

Dehors, Sutjiadi criait et hurlait son refus, les paroles arrachées de sa bouche comme à la tenaille.

J’ai tiré sur le strap de mon bras pour l’arracher jusqu’au poignet. Le mouvement a déplacé les biotags de régénération, et l’os m’a lancé.

Sutjiadi a crié, verre pilé sur les tendons, vacarme sous mon crâne. L’inhibiteur…

Froid. Froid.

Le grip a atteint mon poignet et y est resté suspendu. J’ai tendu la main vers le premier biotag.

Quelqu’un me regardait peut-être depuis la cabine de Lamont, mais j’en doutais. Il se passait trop de choses ailleurs. Et puis, qui irait surveiller des détenus avec des inhibiteurs cramponnés à leur colonne vertébrale ? Pour quoi faire ? Faites confiance à la machine, et profitez-en pour regarder le spectacle.

Sutjiadi a crié.

J’ai saisi le tag et appliqué une pression croissante.

Tu ne fais pas ça, me suis-je rappelé. Tu restes assis, à écouter un homme mourir. Et tu l’as fait suffisamment de fois ces dernières années pour que ça ne te dérange pas. La routine. Les systèmes diplo, trompant chaque glande adrénale dans mon corps et m’imposant un détachement froid. Je croyais ce que je me disais à un niveau plus profond que la pensée. Sur ma nuque, l’inhibiteur s’est déplacé et puis détendu.

Une petite déchirure, puis le filament de régénération est sorti.

Trop court.

Merd…

Froid.

Sutjiadi a crié.

J’ai choisi un autre tag et l’ai fait jouer sur le côté. Sous la surface de la peau, j’ai senti le monofilament déchirer la peau jusqu’à l’os en ligne droite, et j’ai su qu’il était trop court.

J’ai levé les yeux. Deprez me regardait. Ses lèvres ont formé une question. Je lui ai adressé un sourire distrait avant de tester un autre tag.

Sutjiadi a crié.

Le quatrième était le bon – je l’ai senti déchirer la chair sur une longue courbe autour du coude. L’unique patch d’endorphine que je m’étais collé un peu plus tôt ramenait la douleur à une simple gêne, mais la tension ne m’épargnait pas. J’ai raffermi ma prise sur le mensonge diplo, il ne se passe absolument rien, et j’ai tiré aussi fort que possible.

Le filament est sorti comme une algue du sable humide, traçant un sillon haché dans mon avant-bras. Le sang m’a éclaboussé le visage.

Sutjiadi a crié. Un cri déchirant, montant et descendant la gamme du désespoir et de l’incrédulité devant ce que la machine lui faisait subir. Ce qu’il sentait dans les fibres nerveuses de son corps.

— Kovacs, putain, qu’est-ce que tu…

Wardani s’est tue quand je lui ai lancé un regard et que j’ai levé un doigt vers ma nuque. J’ai enroulé le filament avec prudence autour de ma paume gauche, et l’ai attaché derrière le tag. Puis, sans me laisser le temps d’y penser, j’ai tendu la main et resserré le nœud coulant d’un geste rapide.

Il ne se passe rien.

Le monofilament m’est rentré dans la peau, a traversé les tissus comme de l’eau et a frotté contre la bioplaque d’interface. Une douleur vague. Le sang a coulé de la coupure invisible, puis s’est déversé dans toute la paume. J’ai entendu le souffle de Wardani s’étrangler dans sa gorge, puis elle a crié quand son inhibiteur a mordu.

Pas ici, ont dit mes nerfs à l’inhibiteur sur ma nuque. Il ne se passe rien.

Sutjiadi a crié.

J’ai dénoué le filament et l’ai dégagé, puis ai plié ma paume endommagée. Les lèvres de la blessure sur la paume se sont décollées. J’ai enfoncé le pouce dans la coupure et…

Il ne se passe RIEN. Rien du tout.

… tourné le doigt jusqu’à ce que la chair se déchire.

Ça faisait mal, endorphines ou pas, mais j’avais ce que je voulais. Sous la masse de viande et de tissus gras, la plaque d’interface, blanche et claire, perlée de sang et couturée de circuits biotech. J’ai encore écarté les lèvres de la blessure jusqu’à révéler une bonne partie de la plaque. Puis j’ai tendu la main vers ma nuque sans plus de pensée consciente qu’on en met à bâiller, et j’ai abattu ma main massacrée sur l’inhibiteur.

Serré le poing.

J’ai cru un moment que la chance m’avait abandonné. La chance qui m’avait permis de retirer le monofilament sans dégât vasculaire grave, qui m’avait permis d’atteindre la plaque d’interface sans trancher de tendon utile. La chance qui avait fait que personne ne m’observait sur les écrans de Lamont. Une chance pareille devait bien finir par s’épuiser à un moment ou un autre, et quand l’inhib s’est déplacé dans ma prise rendue glissante par le sang, j’ai senti toute la structure du contrôle diplo commencer à glisser.

Merde.

La plaque d’interface – verrouillée pour l’utilisateur, hostile à tout circuit non codé en contact direct – a rué sous ma paume déchirée, et quelque chose a grillé derrière ma nuque.

L’inhibiteur est mort avec un petit cri électronique.

J’ai grogné, puis laissé monter la douleur au travers de mes dents serrées en pliant mon bras blessé pour défaire le truc que j’avais dans le cou. La réaction déferlait, un tremblement réprimé qui parcourait mes membres et répandait l’insensibilité dans mes blessures.

— Vongsavath, ai-je dit en décrochant l’inhibiteur. Je veux que tu ailles là-bas me trouver Tony Loemanako.

— Qui ça ?

— Le sous-off qui est venu nous chercher la nuit dernière.

Je n’avais plus besoin de réprimer mes émotions, mais les circuits diplo continuaient à le faire. Malgré l’agonie colossale de Sutjiadi qui me râpait les terminaisons nerveuses, j’avais apparemment découvert des gouffres de patience pour m’équilibrer.

— Il s’appelle Loemanako, ai-je repris. Tu le trouveras sans doute à côté de l’exécution. Dis-lui que j’ai besoin de lui parler. Non, plutôt que j’ai dit que j’ai besoin de lui. Exactement comme ça. Pas de raison, juste ça. J’ai besoin de lui tout de suite. Ça devrait le faire venir.

Vongsavath a regardé le rabat fermé du préfa. Il étouffait à peine les hurlements incontrôlés de Sutjiadi.

— Dehors, a-t-elle dit.

— Oui. Je suis désolé. (J’ai fini par décrocher l’inhib.) Je voudrais bien y aller moi-même, mais ce serait moins crédible. Toi, tu portes encore une de ces saloperies.

J’ai examiné la carapace de l’inhib. Aucun signe extérieur des dégâts infligés par les systèmes de défense de la plaque, mais l’unité était inerte, les tentacules recroquevillés et raides.

L’officier-pilote s’est levée sur des jambes tremblantes.

— Bon. J’y vais.

— Et, Vongsavath.

— Ouais ?

— Du calme, dehors. (J’ai dressé l’inhibiteur assassiné.) Essaie de ne pas t’exciter.

Apparemment, je souriais de nouveau. Vongsavath m’a regardé un moment, puis elle a fui. Les cris de Sutjiadi ont repris de plus belle à sa suite, le temps que le rabat retombe.

Je me suis tourné vers les drogues devant moi.

Loemanako est venu ventre à terre. Il a plongé par le rabat devant Vongsavath – autre regain momentané de l’agonie de Sutjiadi – et est venu droit sur moi, au centre de l’allée du préfa, où j’étais recroquevillé sur un lit, tremblant.

— Désolé pour le bruit, a-t-il dit en se penchant vers moi. Mon lieutenant, est-ce que…

J’ai frappé vers le haut, dans la gorge exposée.

Cinq patchs à décharge rapide de tétrameth, de la bande que ma main droite avait volée la nuit précédente, directement sur les grands vaisseaux sanguins. Si j’avais porté une enveloppe non conditionnée, je serais mort, tétanisé. Si j’avais eu moins de conditionnement personnel, pareil, je serais mort, tétanisé.

Je n’avais pas osé m’en coller moins.

Le coup a ouvert la trachée de Loemanako, et l’a arrachée. Le sang chaud a giclé sur le dos de ma main. Il a fait quelques pas en arrière, le visage cherchant à comprendre, ses yeux enfantins noyés de douleur. Je suis descendu du lit pour le suivre…

… une partie de mes gènes de loup pleurent à cette trahison…

… et finir le travail.

Il est tombé à la renverse. Immobile.

Je me suis dressé au-dessus du cadavre, vibrant à l’intérieur au rythme du tétrameth. Mes pieds se déplaçaient étrangement sous moi. Les tremblements musculaires escaladaient un côté de mon visage.

Dehors, les cris de Sutjiadi ont connu un nouvel apogée. Pire.

— Enlevez-lui sa combinaison de mobilité.

Pas de réaction. J’ai fait le tour de la pièce du regard, et réalisé que je parlais dans le vide. Deprez et Wardani étaient écroulés contre leur lit, sonnés. Vongsavath s’efforçait de se lever, sans pouvoir contrôler ses mouvements. Trop d’excitation – les inhibiteurs l’avaient détectée dans leur sang, et avaient mordu en conséquence.

— Chier.

Je me suis déplacé de l’un à l’autre, plaquant ma main mutilée sur leurs araignées, et les arrachant quand elles se cabraient. Contre le glissement du tétrameth, il était presque impossible d’être plus doux. Deprez et Wardani ont grogné sous le choc de la mort de leur inhibiteur. Celui de Vongsavath a été plus violent, mourant dans une gerbe d’étincelles qui m’a grillé la paume. La pilote a vomi et a battu l’air. Je me suis mis à genoux et j’ai passé mes doigts dans sa gorge, maintenant sa langue jusqu’à ce que la crise soit passée.

— Ça…

Sutjiadi a crié en plein milieu.

— … va ?

Elle a opiné faiblement.

— Alors aide-moi à lui retirer sa combi de mobilité. Quelqu’un va venir le chercher dans pas longtemps.

Loemanako était armé d’un pistolet à interface personnel, d’un blaster standard et de la vibrolame qu’il avait prêtée à Carrera la veille. J’ai découpé ses vêtements et me suis occupé de la combi en dessous. C’était une combinaison de combat – elle se désactivait et s’enlevait à une vitesse supérieure, adaptée au champ de bataille. Quinze secondes et l’aide approximative de Vongsavath ont suffi à éteindre les servomoteurs et à ouvrir l’armature. Le corps de Loemanako était allongé gorge ouverte, membres étendus, sur un fond de tubulures en flexalliage saillantes qui me rappelaient les corps des baleines à bosse massacrées et à moitié équarries pour les griller au barbecue, sur la plage de Hirata.

— Aide-moi à le sortir de…

Derrière moi, quelqu’un a vomi. D’un coup d’œil, j’ai vu Deprez se redresser tant bien que mal. Il a cligné deux ou trois fois des yeux et a fini par faire le point sur moi.

— Kovacs, tu as… (Son regard est tombé sur Loemanako.) Super. Bon, tu veux nous expliquer ton plan, pour une fois ?

J’ai tiré une dernière fois sur le cadavre de Loemanako et l’ai sorti de la combi de mobilité.

— Le plan est simple, Luc. Je vais tuer Sutjiadi et tous ceux qui sont dehors. Pendant ce temps-là, tu vas à la Chandra et tu regardes s’il y a des membres d’équipage ou des objecteurs de conscience à ce spectacle. Il y aura sans doute un peu des deux. Tiens prends ça. (J’ai poussé le blaster du pied jusqu’à lui.) Tu penses qu’il te faudra autre chose ?

Il a secoué la tête, interdit.

— Tu peux te passer du couteau ? Et la drogue ? Où est le reste de ton tétrameth ?

— Mon lit. Sous la couverture.

J’ai enfilé la combi sans me déshabiller et j’ai commencé à agencer les soutiens sur ma poitrine et mon estomac. Pas idéal, mais je n’avais plus le temps. Ça devrait aller – Loemanako était plus massif que mon enveloppe, et les capteurs servo sont censés fonctionner même au travers des vêtements.

— On sort tous les deux en même temps – je pense qu’on pourrait aller aux douches polalliage avant de commencer.

— Je viens avec vous, a dit Vongsavath.

— Pas question. (J’ai fermé le reste des maintiens, et attaqué les bras.) J’ai besoin de toi en un seul morceau. Tu es la seule qui pourra piloter la barge. Ne me fais pas chier, c’est la seule façon de partir pour qui que ce soit. Ton boulot, ce sera de rester ici et de ne pas mourir. Fais les jambes.

Les cris de Sutjiadi étaient réduits à des gémissements à demi conscients. J’ai senti un frisson d’alarme me parcourir l’échine. Si la machine jugeait bon de se calmer et de laisser sa victime récupérer un moment, les plus éloignés de la scène pourraient commencer à aller se fumer une clope. J’ai allumé les moteurs pendant que Vongsavath finissait de fixer la dernière cheville. J’ai senti, plus qu’entendu, les servos se mettre en branle. J’ai plié les bras – douleur lancinante et lointaine dans mon coude brisé, élancements dans la main en lambeaux – et j’ai senti la puissance.

Les combis de mobilité d’hôpital sont conçues pour approcher de la force et du mouvement humains normaux, tout en protégeant les zones de trauma et en s’assurant qu’aucune partie du corps n’est fatiguée au-delà de ses limites de convalescence. La plupart du temps, les paramètres sont câblés en dur, pour empêcher les petits malins de faire n’importe quoi, du genre nuisible pour la santé.

L’équipement militaire, c’est différent.

J’ai tendu le corps, et la combi m’a remis sur pied. J’ai pensé « coup de pied aux parties », et la combi a frappé avec une force et une rapidité qui auraient plié l’acier. Un coup de poing avec le dos de la main gauche, sur le côté. La combi l’a placé comme du neurachem. Je me suis accroupi, j’ai plié les bras, et je savais que la combi me ferait sauter à cinq mètres si je voulais. J’ai tendu la main droite avec une précision mécanique, et pris le pistolet à interface de Loemanako. Les chiffres ont défilé tandis qu’il reconnaissait les codes des Impacteurs. Lueur rouge de charge, et je savais par la démangeaison de ma paume ce que le chargeur contenait. Le standard des commandos vide. Cartouches chemisées, cœur de plasma à mèche courte. Charge de démolition.

Dehors, la machine avait ramené Sutjiadi à la vie, et aux cris. Sa gorge était à vif, sa voix partait en lambeaux. Un son bas plus fort, derrière les hurlements. Les vivats de la foule.

— Prends le couteau, ai-je dit à Deprez.

Anges Déchus
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