CHAPITRE XXII
La Presse n'était pas tendre.
De moins en moins...
Au début, la nouvelle avait soulevé une certaine émotion, et provoqué des mouve.ments spontanés d'entraide. La presse écrite, comme les centres de radiodiffusion et de télévision, avait offert son concours... Une offre qu'on ne savait pas très bien comment employer. 11 y avait eu des communiqués, nombreux. Journaux et bulletins d'informations avaient, en relatant les faits, appelé quiconque susceptible de donner une nouvelle, de fournir un détail, à en faire immédiatement part à l'O.C.I. Pendant quelques jours, nombreux étaient ceux qui s'étaient dééouvert une âme de détective. Mais les résultats restaient nuis. Il n'y avait que l'inévitable moisson de fausses nouvelles, de renseignements plus ou moins farfelus émanant de visionnaires, d'utopistes, de détraqués... Rien de tangible.
Les jours passant, le ton avait changé. A l'émotion avait succédé l'indignation. On avait d'abord pensé à prêter •ainàforte... Un élan de solidarité louable, de toute façon... On songeait maintenant aux reproches, et les articles rédigés par les spécialistes des questions spatiales constituaient de plus en plus de sérieuses réprimandes adressées à l'O.C.I. en général, à Lou Montoya et à son iéquipe en particulier...
Parfois, il fallait en convenir, en s'appuyant sur des faits qui ne pouvaient être niés, mais quelquefois aussi sans aucun fondement : de la critique pour le plaisir, ou par besoin de trouver des responsables...
Montoya replia le quotidien et se leva.
Il s'apprêtait à quitter son bureau quand le téléphone sonna.
— Madame Parker, annonça la standardiste.
Lou Montoya soupira... Lise Parker, bien sûr. Il s'y attendait un peu... Qu'allait-il pouvoir lui dire ?
— Passez-la-moi..., répondit-il enfin au standard.
L'impression que le temps avait cessé de Oanoa était venue dans la matinée avec sa compagne. Il y avait déjà longtemps qu'elles étaient parties, après avoir effectué quelques menues besognes d'entretien.
Born, pendant tout le temps que la jeune femme s'était trouvée dans la pièce, l'avait épiée sans arrêt, guettant.. Il ne savait quoi !
Un signe d'intelligence ; un sourire complice.
Oanoa n'avait pas bronché. Pas un geste.
Rien... Ou peut-être un certain regad, rapide, à un moment donné. Born n'en était pas sûr... Un coup d'oeil auquel il avait voulu donner un sens, et qui n'était peut-être qu'accidentel.
Parker fumait, nerveux, fébrile, ne tenant pas en place. Ils avaient demandé des cigarettes. On leur en avait procuré. Des cigarettes de la Terre ! Comme pour leur prouver, si besoin en était, que tout était bien réel ; que les habitants de Céres avaient bien la possibilité d'aller sur Terre, d'y acquérir ou d'y prendre des produits manufacturés par les hommes...
Valéry lui avait résumé son entretien avec la jeune Médienne. Depuis, Id Parker ne se contenait qu'à force d'efforts constants, troublé par les sentiments les plus divers, partagé entre la joie que lui procurait cet espoir d'une évasion prochaine, d'un retour vers les leurs, et la peur... La crainte d'échouer ; la crainte d'être dupés, d'être, son compagnon et lui, les jouets d'une nouvelle machination...
Born se tenait debout devant la fenêtre et regardait sans les voir les immeubles proches.
Ecoute...
Il se retourna lentement, posa les yeux sur arker, eut un petit mouvement de la tête.
Pourquoi..., chuchota Parker, pourquoi ne prenons-nous pas maintenant l'une de ces pilules ?... A quoi bon attendre ?... Si nous ' revenons tout de suite, ici, à notre temps terrestre, nous serons...
Non..., murmura Born.
•Parker continua sans l'entendre : ... Nous serons aussi invisibles pour les Médiens que nous l'étions sur Terre pour les nôtres..., que les autres là-bas l'étaient pour nous... Cela ne peut que faciliter les choses !
•Nous fuirons bien plus...
Valéry Born secoua négativement la tête.
•— Non, répéta-t-il. Ce n'est que lorsque , nous serons sur Terre, ou au moins assez loin de Céres, que nous pourrons effectuer notre...
- rajeunissement...
Il s'approcha de Parker, prit une cigarette •dans le paquet qui traînait sur une tablette, devant son camarade.
— Non, jef, dit-il. Oanoa n'a pas eu le temps de me donner des explications très détaillées..., elles sont suffisantes pourtant pour liri ne pouvons nous transposer ici au temps terMe restre. Soumis à certaines radiations, à des , nous avons «vieilli » au cours de notre voyage ! à bord de l'Alliance-6 quand nous avons abordé le ceinturon d'astéroïdes et l'avons itraversé. Le temps médien est devenu notre époque naturelle. En ce qui concerne notre • ii.âae cosmique, nous sommes Médiens, comme liCianoa, Voumou, houya... Les pastilles provoguent le rajeunissement souhaitable pour , si on est soustrait aux conditions qui régissent Média..., ou plutôt Céres et les astéroïdes...
— C'est-à-dire, demanda Parker, qu'elles . n'agissent que sur Terre 7...
Ile — Qu'au-delà de ce qu'on pourrait appel-ler la zone d'influence médienne, oui. Sur Terre, Voumou et les siens, tous les Médiens peuvent, grâce à ces pilules, effectuer ce rajeunissement cosmo-physiologique dontm'a parié Oanoa, et prendre quand ils le désirent . l'antidote qui les ramène à leur temps normal... Ici, les conditions elles-mêmes constituent un antidote qui annule l'effet de ce P curieux médicament.
IFjef Parker hocha la tête, l'air navré.
— De toute manière, le consola Born, , nous serions très vite rejoints dans l'autre 'Lek mps, dès notre disparition de celui-ci, par ' un certain nombre de Médiens, si ces pas; .
L tilles pouvaient agir sur Céres...
III — C'est vrai..., admit jef Parker, à regret.
Il fallait pourtant se rendre à l'évidence.
: Ils ne pouvaient fuir d'un temps dans l'autre. Leurs seules chances de salut résidaient Pedains le plan conçu par la jeune Médienne...
IIP! Leur propre salut..., et peut-être celui de la ! Terre entière...
Illb Parker se passa une main lasse sur le front.
-- C'était impossible L. Impossible ! Pourtant... Il ne savait plus ! Et cette attente ! Horrible; déprimante ! Combien de jours y avaitil qu'ils attendaient ainsi, réduits à l'impuis•sance ?
Il avait parfois l'impression que tout cela . n'était qu'un cauchemar, qu'il allait se réveilier enfin ; que tout se dissiperait... Mais non !
. Ils étaient bien allés à Cuba, et à Miami, et à bord de la pyramide... La base secrète dans ' la Fosse de Porto-Rico existait bien. Et ils . étaient prisonniers... Pire : condamnés !...
Et il y avait tout ce qu'avait dit Oanoa, que Valéry lui avait confié à son tour...
Attendre... Il fallait attendre... Combien I•d'heures encore? Combien de ioulii ?
— Valéry Born lui posa une main sur •l'épaule.
i — Ne te tracasse pas, jef... Tu verras que tout ira bien... Ne pense à rien, ou pense seulement à la joie de Lise quand nous arriveons...
— Si nous arrivons..., murmura Parker.
Born ne retint pas un bref éclat de rire.
Bel optimisme ! s'exc1ama-4-H. Le trajet .de Céres à la Terre n'est qu'une balade comparé à ce que nous avons fait dans la capsule...
Parker haussa les épaules. Born se tut.
Il connaissait bien Parker... Pas un couard ; n bilieux... Dans le fond, il le comprenait