CHAPITRE XVIII

Il faut faire quelque chose..., murmura -de nouveau jef Parker.

Cela devenait un leitmotiv.

— C'est une affaire entendue, grogna Born, maussade, mais quoi ?

L'inquiétude de son compagnon l'énervait et, ce qui était plus grave, l'empêchait de réfléchir sérieusement au problème qui se posait à eux. Il ajouta d'un ton peu aimable — Tu auras beau répéter mine fois qu'il faut faire quelque -chose, je ne vois pas à quoi cela nous avance !

Jef haussa les épaules dans un mouvement d'humeur ; il parut être sur le point de rétorquer .quelque chose, préféra se taire.

Ils se trouvaient maintenant, seuls, dans une autre pièce de l'immense édifice. Assez !I spacieuse, elle était aménagée mi-salle de '. séjour, mi-chambre à coucher. Il y avait, dans un angle, un appareil dont ils pouvaient dis', poser ; une sorte de compromis entre le magnétophone et la boite à disques, grâce auquel il leur était loisible d'établir un programme Ode la musique de leur choix. Contre un mur, u ne bibliothèque, bien pourvue de livres en imediverses langues terriennes. Ils n'avaient pourI" tant aucun goût pour lire, et moins encore pour .

écouter de la musique !

On les y avait conduits après leur entretien avec Voumou. Le terme entretien était •rimpropre. En fait, Voumou avait fait à lui seul les frais de la conversation. Il avait parlé •longtemps, et révélé des faits tour à tour rincroyables, troublants, angoissants et rassurants aux deux hommes.

OR. Parker toussota, fit encore quelques pas en ' rond dans la pièce, avant de se tourner vers Valéry Born qui s'était allongé sur l'un des deux dits.

, — Beaucoup de courtoisie ! s'exclama-t-il.

Trop! Trop poli pour être honnête L. Toutes .ces bonnes manières n'enlèvent rien au fait que nous sommes prisonniers I...

IIS — Je sais ! fit Born, excédé. je sais !...

Parker se laissa enfin choir dans un fauteuil ' et alluma une cigarette d'une main qui tremblait lin peu. Born retint un soupir de soulaOlb . gement. Il allait peut-être pouvoir enfin réfléchir aux déclarations de Voumou, et à ses propositions.

Ii. Pour troublants qu'ils fussent, les propos de Ile V o um o u permettaient néanmoins de comprendre mieux la situation, de faire le jour sur certains événements récents, et de tirer certaines conclusions. C'était peu, pensa Born, si on songeait à l'ensemble du problème, mais c'était déjà beaucoup. Comprendre ce qui se passait était la première condition à la recherche d'une solution. Auparavant, ils avaient été ballottés par les ›événements sans en saisir le sens, et incapables donc de réagir, d'agir...

Maintenant, c'était différent...

. avaient entendus lorsqu'ils se trouvaient sur ' mais bien des appareils identiques à la pyramide qui les avait amenés jusqu'à ces instalr-retour. On avait constaté que les deux cosmo' nautes revenaient dans ce temps futur par rapport à la Terre, et on les avait sans doute épiés discrètement, pour essayer de juger de leurs réactions, de leurs actes, avant de se décider à les enlever carrément... De toute ' manière, ce rapt était logique, obligatoire.

: Espions à la solde de l'O.C.I. comme l'avait „•upposé Voumou, ou simplement égarés dans P'run temps qui n'était pas le leur, leur seule intrusion dans ce présent médien ne pouvait que gêner leurs ravisseurs.

Ie. Une autre déduction des propos de Voumou permettait de saisir comment ils avaient pu assister à une modification de ce qui les entourait sans voir la modification elle-même mais seulement sa réalisation achevée. Voumou avait parlé de l'existence réelle des objets ; mais leur déplacement était conditionné par un acte de la part d'un être vivant.

Ce déplacement n'était donc perceptible que dans le temps où vivait celui qui faisait se mouvoir l'objet inerte ; en revanche, le résultat de ce déplacement était forcément visible dans les deux temps puisqu'il s'agissait en définitive d'une modification de l'état statique des choses dans un décor commun...

Valéry Born en arrivait ainsi à des conclusions assez semblables à celles auxquelles était 'parvenu Lou Montoya en analysant avec Maurice Valour certaines de leurs observations...

°I Parker venait de se relever et arpentait de nouveau la pièce.

—De toute manière, murmura Born, nous sommes indubitablement à la merci de Voumou et de ses semblables... Il est évident que , nous ne pouvons espérer nous enfuir d'ici...

—Nous ne sommes pas gardés, remarqua Parker.

IL. Valéry eut une moue.

— j'en doute, dit-il. Je ne refuse pas de faire un essai, de jouer le tout pour le tout, mais je suis persuadé que nous n'irons pas loin au long de ces couloirs avant d'être repérés et interceptés... Nous ignorons tout de la topographie des lieux... En supposant que nous parvenions jusqu'au bassin inférieur où nous sommes arrivés, il faudrait encore être capable d'en sortir, c'est-à-dire de faire fonctionner l'une de ces bulles, et, ensuite, de trouver le hangar, l'aire d'arrivée... Enfin, d'y pénétrer et de nous emparer d'une pyramide... Nous ne savons rien, Id ! Notre ignorance nous cloue ici et nous garde mieux que tout un bataillon de Médiens armés jusqu'aux dents !

Evidemment..., admit Parker à regret.

J'ai pourtant envie d'effectuer une petite reconnaissance des lieux...

Pour sa part, Valéry Born était convaincu que s'il existait une faille, ils ne pourraient la découvrir qu'en analysant minutieusement tout ce que Voumou leur avait confié. Seuls Voumou et les siens pouvaient leur fournir le moyen de retrouver leur époque d'origine.

Voumou pouvait, de ce fait, tout exiger d'eux en contrepartie de leur mise en liberté...

jel Parker se leva, s'approcha lentement de la porte qu'il entrouvrit.

Un coup d'œil dans le long corridor. Il était vide et silencieux.

Il se retourna, adressa un petit signe à Born et se glissa hors de la pièce.

Resté seul, Valéry Born s'allongea commodément sur le lit et entreprit de faire le point exact die la situation.

Ils ne pouvaient pas tenter grand-chose, du moins dans l'immédiat. En revanche, il s'agissait de conserver la tête froide, de bien saisir chaque détail, et d'être prêt, à tout instant, à mettre à profit un événement quelconque, une tournure particulière de cette situation...

Les propos que Voumou leur avait tenus tournaient encore dans son esprit. Il s'en souvenait presque mot pour mot. Après avoir été obligé de se rendre à l'évidence, d'admettre que leur venue dans ce temps était purement accidentelle, Voumou s'était complaisamment employé à satisfaire leur légitime curiosité...

... Nous sommes Médiens ; nous sommes, nous aussi, des habitants de ce système solaire.

Mais il serait sans doute plus exact de dire que nous sommes les descendants des Médiens, puisque notre planète n'existe plus... Je l'appellerai, conventionnellement, Média, terme qui ne correspond pas à son nom dans notre langue mais qui, je pense, évoque assez bien pour vous un monde placé « au milieu »; une planète située en somme à mi-chemin entre les planètes intérieures et les mondes extérieurs de notre système solaire, une sorte de trait d'union entre ces deux parties du système... »

Lis avaient acquiescé d'un signe de tête, sans rien dire, curieux de connaître la suite, et la pressentant déjà en partie.

e Média, avait poursuivi Voumou, a été détruite il y a des millions d'années. Une catastrophe cosmique qui demeure inexpliquée, comme il doit s'en passer malgré tout couramment, je dirais presque chaque jour, dans l'immensité de l'espace. Il n'en reste que les astéroïdes qui forment le ceinturon.. Des milliers d'astéroïdes de toutes tailles, de toutes formes et de toutes couleurs, qui sont les débris de Média...»

Valéry Born avait alors pensé à Bode, qui avait déterminé l'existence théorique d'une planète inconnue située sur une orbite qui devait passer entre celles de Mars et de Jupiter. Il y avait de cela bien longtemps. Un peu plus tard, en appliquant da loi édictée par Bode et en concentrant leurs observations sur l'orbite que celui-ci désignait, Piazzi d'abord, puis Olbers un an plus tard, avaient découvert respectivement les deux plus gros astérodes parmi les nombreux corps solides qui constituent le ceinturon Céres et Palas. Avec un diamètre de près de huit cents kilomètres, 41r Céres avait même été considéré pendant quel,' que temps comme étant la mystérieuse planète dont Bode avait supposé l'existence (1).

« La planète de nos ancêtres connaissait déjà une civilisation florissante, et était techniquement très avancée, au moment du désastre. Il y eut peu de survivants ; très peu...

Mais leur salut tient du miracle ! Ils se retrouvèrent sur Céres, héritiers de cette culture et de cette science, isolés sur une planète minuscule ; si petite en somme qu'elle n'a pas mérité la dénomination de planète ! Là, les survivants se réorganisèrent. Après une période de stagnation, le progrès reprit sa marche... Ce serait une longue histoire L. Peu à peu, au fur et à mesure de notre expansion, la poussée démographique nous obligea à chercher d'autres lieux habitables. Nous avons une colonie sur Palas ; une autre, réduite, sur Vesta,.

Il s'était interrompu, puis avait repris très vite, comme pour prévenir une question de esur part.

— L'exploration spatiale, entreprise donc à la recherche de planètes habitables, nous a naturellement amenés sur Terre, il y a déjà opp (1) Piazzi découvrit Céres en 1801. Palas, dont le diamètre est d'environ 480 km a été découvert en 1802 par Mers. Depuis, plus de i,..brés.

longtemps. Pourtant, nous nous sommes vite prendu compte qu'une colonisation avec vos peuples, même si nous continuions à vivre à •notre propre temps, serait malaisée, voire impossible... La Terre, d'ailleurs, connaît ses •propres problèmes démographiques, n'est-oe pas ? C'est la raison pour laquelle nous avons Otabli cette base dans un endroit aussi inacéssible aux hommes... Nous ne pouvions, bien entendu, créer une base dans votre décor, •puisque vous vous en seriez immédiatement •aperçus... Et nous avons toujours cherché à préserver le secret de notre présence pour ne Ir pas troubler la paix des hommes...

llog Born et Parker s'étaient regardés furtivement un peu surpris par de tels sentiments umanitaires.

... Cette base n'est pour nous qu'un Lrelais. C'est la seule installation que nous 7nous sommes permis de construire sur votre planète. Nous l'utilisons comme base-étape pour nos vols cosmiques à destination des planètes plus internes : Vénus et Mercure...

C'était plausible..., peut-être. Born avait pourtant remarqué — Nos propres expéditions vers ces planètes nous ont permis de nous rendre compte qu'elles n'offraient pas des conditions de vie possible. je ne doute pas que vos obser•vations vous aient amenés à la même conclusion?

—En effet, avait admis Voumou. Nous ne cherchons pas à nous y installer, mais seulement à y exploiter certains minerais.

C'était encore plausible... Pourtant...

Ainsi, avait observé Id Parker, vous n'avez jamais eu de contact avec les peuples terriens, en dépit de la possibilité que vous dites avoir de passer de ce futur à notre présent 7...

Voumou avait hésité une fraction de seconde.

—Prétendre que nous n'avons jamais eu aucun contact serait exagéré, avait-il fini par dire, mais..., c'est de l'histoire ancienne !

Avant votre venue, il n'y avait pas d'exemple de tels contacts dans l'histoire contemporaine..., et c'est ce qui nous pose un grave problème...

Il y avait eu une pause assez longue, au cours de laquelle Voumou avait paru se pionaer dans des méditations fort profondes et complexes. Puis, il avait expliqué, d'une voix plus lente et plus sourde —En effet, nous avons la possibilité de passer à votre temps, et donc de vous rendre votre liberté dans l'époque qui vous correspond. Mais, pour diverses raisons, la plupart dues d'ailleurs aux observations auxquelles nous avons pu nous livrer sur Terre depuis notre installation, nous préférons que notre présence demeure un secret... Nous tenons à continuer de ne pas exister pour vous... Nous le pouvons. Cette base est d'abord profonde, et ensuite dissimulée dans des rochers du fond marin, construite avec des matériaux qui la rendent pratiquement indécelable... Rien ne peut menacer notre tranquillité avant longtemps. Rien..., à part une indiscrétion de votre part ! Vous restituer à votre temps signifie pour nous accepter de prendre un risque énorme... Sans aucune garantie, car toutes les promesses que vous pourrez nous faire ici ne vous engageront en définitive d'aucune sorte une fois que vous serez de nouveau avec les vôtres !

Et il avait ajoute, avec mi sourire un peu ironique : — Dans le fond, j'aurais préféré que vous soyez des e•pions... La question aurait été réglée beaucoup plus aisément !...

Une plaisanterie qui fleurait la menace...

 

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