CHAPITRE X

Valéry Boni le laissa se calmer doucement.

Il comprenait cette réaction. Les hommes les mieux préparés, les plus courageux, pouvaient tous avoir de ces moments de défaillance. Leurs nerfs avaient été mis à rude épreuve... Born se dit que cette crise de larmes chez Parker était de loin préférable à un nouvel accès d'égarement comme celui qu'il avait connu au moment où l'Alliance-6 allait se poser, et après l'amerrissage...

Il se sentait lui-même las, et proche du découragement. Depuis qu'ils avaient accosté dans la petite crique cubaine, ils ne s'étaient pas accordé un instant de répit, et les événements ne les avaient pas ménagés. Ils avaient essayé de se reposer, de dormir quelques heures... Peine perdue ! Tout ce qu'ils avaient déjà constaté au cours de leurs divers déplaLES RESCAPÉS DU FUTUR 93 h.cernents les avait mis dans un état d'excitaletion qui leur interdisait tout sommeil.

Ilejef Parker se ressaisissait peu à peu. Il se redressa légèrement, murmura quelques xcuses.

— C'est idiot, je le sais, mais..., je n'en , peux plus ! ajouta-t-il avec une sorte de râle.

Born hocha la tête et ne répondit pas.

II venait de remarquer quelque chose...

Un fait effrayant et rassurant à la fois...

IIIIU-ne énigme de plus peut-être, mais aussi la ii.preuve qu'ils n'étaient pas aussi seuls qu'ils ne croyaient...

Ille Partout, sur l'île de Cuba, puis dans les faubourgs et le centre de Miami, ils avaient en premier chef été frappés par l'absence de leurs semblables. Ils s'étaient involontairement laissés obséder par cette constatation. Toute leur attention s'était cristallisée sur ce vide, et ils , n'avaient pas remarqué certains détails dont Valéry Born, immobile sur le banc au côté d'un Parker qui reniflait encore lamentableOrnent, prenait conscience maintenant : il n'y i avait personne, mais il y avait un certain mouvement...

Non. Ce n'était pas exactement cela. En Illeréalité, il y avait certaines modifications qui, elles, supposaient un mouvement..., et donc une présence.

il> Born se sentit envahi par la peur, eut du mal à se raisonner... Aussitôt, il eut envie de taire son observation à Parker. Ne risquait-il pas, en la lui révélant, de provoquer une nouvelle crise 7...

Pendant quelques secondes, il se demanda s'il n'avait pas la berlue. Pourtant, non. Il n'y avait aucun doute que l'aspect de la rue, sur le tronçon qu'il voyait depuis le banc, avait changé depuis que Parker et lui avaient échoué comme deux épaves... Cette voiture là-bas, par exemple, ne s'y trouvait pas quand ils étaient arrivés. En revanche, il aurait pu jurer que ce large espace maintenant vide, en bordure du trottoir, était auparavant occupé par deux véhicules...

ris Tout cela s'était effectué sans bruit, sans que personne ne soit apparu...

tours ! II avait des visions... Il devenait fou L.

Peut-être l'était-il déjà ? Quand était-il lucide, se demanda-t-il... Peut-être seulement quand il était sur le point d'admettre sa propre folie 7...

C'était insupportable ! Il fallait qu'il en parlât à jef... Si Parker ne voyait rien de changé...

En revanche, s'il notait les mêmes modifications, il était prêt à parier qu'il était sain d'esprit. Deux fous ne pouvaient avoir exactement les mêmes lubies, les mêmes manies, les mêmes imaginations !...

Parker frotta ses yeux rougis et examina la rue pendant quelques instantsel> — Tu as raison..., souffla-t-il finalement.

rele Ile Barn en fut presque irrité.

— C'est impossible ! s'exclama-t-il. Impossible, entends-tu ! Souviens-toi, jef ! Depuis que nous sommes en ville, depuis que nous avons constaté qu'il n'y avait personne, nous avons marché autant au milieu des rues que sur les trottoirs, nous avons traversé mille fois toutes sortes d'artères, de la ruelle au boulevard. parfois des avenues où, tu le sais comme moi, le trafic est intense, continu, et...

II s'interrompit, reprit après une brève pause : — Si des véhicules arrivent et partent, il faut supposer qu'ils circulent ! Et qu'ils le font dans les rues, non ? Nous...

— Nous aurions dû être renversés, roulés, ; écrasés, tués, quelques centaines de fois déjà!

01 II se leva, décida soudain : , 4r-Allons chez moi !

du. Et il avait l'impression — mais peut-être n'était-ce qu'une impression — d'entrevoir un peu de la vérité...

Le même silence. La même absence de tout être vivant...

, entretenu. Il ne causait nullement cette impression désagréable et déprimante que provoH96 LES RESCAPÉS DU FUTUR quaient les maisons abandonnées, fermées depuis longtemps. Au contraire. Tout y était haimpant. Tout y trahissait une présence. On r vivait là, et on soignait l'endroit. On faisait en sorte de lui donner une apparence accueillante, joyeuse, d'y créer une atmosphère !agréable et intime.

ire Born et Parker en firent le tour sans y rencontrer âme qui vive. Ils s'y attendaient.

Comme s'ils prenaient déjà l'habitude, peu à peu, de hanter seuls un monde dépeuplé. Parker parvenait mal à dissimuler l'émotion qu'il éprouvait en retrouvant ce cadre où il avait vécu. Soucieux, il répétait sans cesse à Born : Surtout ne touchons à rien..., du moins tant que nous n'aurons pas acquis la certitude que l'appartement est bien vide...

Valéry acquiesçait d'un grognement. En chemin, son compagnon lui avait exposé sa pensée... Assez inconcevable, mais qui gr Sur une tablette au-dessus de marbre, dans un petit salon, reposait un quotidien. Le journal était simplement plié en deux. Ils s'approchèrent. Un titre en gros caractère. Un article qui les concernait.

ler Ils lurent rapidement.., surpris d'apprendre que l'opinion publique commençait à s'émouvoir, à exiger des explications...

Ils étaient revenus sains et saufs... et étaient, disait-on, retenus au centre principal de l'O.C.'. où ils subissaient examens et analyses... Mais on s'impatientait. L'homme de la rue voulait voir les héros du jour, les entendre commenter les impressions qu'ils rapportaient de leur voyage dans l'espace vierge, audelà du cercle des astéroïdes, autour de Jupiter...

Ils se regardèrent, indécis.

—Tu crois 7... murmura Valéry Born.

l'invitait à poursuivre.

—Non, reprit-il... Il ne peut s'agir d'un phénomène de dédoublement... Nous savons bien que nous n'étions plus à bord de la capsule quand elle a été repêchée..., si toutefois elle l'a été... N'est-ce pas Il disait « nous savons bien », et pourtant n'était sûr de rien.

—Une sorte d'ubiquité ? demanda Parker.

Je ne crois pas...

Il y eut un silence.

—Non, poursuivit jef. En réalité, je pense que cela prouve assez bien ce que je pressentais... Cet article ne parle que des communiqués qui ont été diffusés par l'O.C.I. Or, dans mon hypothèse, il est normal que Montoya, Valour, Brouker, cherchent à gagner du temps... Reste à savoir s'ils se sont rendu compte que nous n'avions pas simplement disegr paru en mer. Si leurs recherches se bornent à inspecter l'Atlantique pouce par pouce !...

pl: — Même si elles ne se limitent pas à , cela„., dit Born.

le Ils sentirent l'angoisse les étreindre de nouveau.

g Saurait-on jamais les découvrir ? Comprendre où ils .étaient et trouver le moyen de les 1›. y rejoindre ?

Ils n'en avaient pas eux-mêmes la moindre •idée.

cée sur la manche gauche de sa .combinaison, •se pencha vers la tablette et écrivit quelques mots dans la marge du quotidien, en face de l_m l'article qui les concernait.

• f.**11; Lou Montoya décrocha le combiné.

L'appel venait de Miami, lui dit-on depuis le central, avant de lui passer la communication.

La voix un peu aiguë, le ton saccadé, trahissaient l'émotion de sa correspondante. Elle s'assura d'abord qu'elle avait bien Montoya au bout du fil, puis déclara : Of• — Je suis Lise Parker... Je tenais à vous signaler un fait nouveau, ,étrange...

— Oui ?...

—rai vu M. Brouker. Il m'a expliqué.

C'est horrible !... Il m'a dit que vous aviez la direction de..., .de l'enquête en somme...

—C'est exact, affirma Montoya. Et croyez bien, ajouta-t41 pour la rassurer, que nous allons mettre tout en œuvre pour...

Je sais, coupa-t-elle. jef m'a laissé un message...

Lou Montoya sursauta, craignit un instant d'avoir mal compris.

—Vous voulez dire..., avant son départ, n'est-ce pas ?

—Non ! s'écria Lise Parker. Non. Tout de suite... Enfin, je ne 'sais pas exactement quand, mais je viens de le trouver...

Elle s'expliqua, Lou Montoya se gardant bien de l'interrompre.

T'étais absente de Miami. Vous savez que M. Brouker m'avait demandé de venir.

J'ai eu avec lui l'entretien que vous savez...

J'étais naturellement retournée, très abattue...

Au lieu de rentrer directement à Miami, j'ai demandé à M. Brouker de me faire conduire chez ma mère, comme il me proposait de me faire .accompagner...

Montoya murmura un acquiescement. Il imaginait bien dans quel état pouvait se trouver la pauvre femme après l'annonce d'une telle nouvelle.

—j'ai regagné notre domicile il y a seulements quelques instants, poursuivit Mme Parker. En arrivant, avant de monter, j'ai acheté le Times-News à un kiosque voisin... Je l'ai déplié dans l'ascenseur... En marge de l'article qui parle de jef et de Valéry Born, il y a ces mots : « Nous sommes revenus, sains et saufs mais isolés. Nous avons confiance_.. Baisers à Lise. jef »...

—Vous... !

Lou Montoya se sentit perdre pied. C'était trop...

—Allô ? appela Lise Parker.

—Oui, murmura-t-il, oui, je vous écoute.

La surprise, vous comprenez...

—Sur le moment, je n'en croyais pas mes yeux bien sûr ! J'ai cru que je devenais folle !... Mais c'est bien l'écriture de jet et la signature de son prénom ! Ils sont vivants, monsieur Montoya! Et ils sont avec nous, parmi nous !...

Montoya la devinait à la fois joyeuse et angoissée. Partagée entre la peur de ce mystère et le bonheur de savoir son mari vivant.

Il fit un effort pour mettre un peu d'ordre dans les idées confuses qui affluaient à son cerveau.

—Vous êtes sûre de l'écriture 7 hasardat-il.

—Absolument ! C'était écrit au crayon à bille noir, d'une manière parfaitement lisible... Et je connais l'écriture de jef —Bien sûr, approuva Montoya. Vous avez encore ce journal 7...

—Naturellement. Il est devant moi, à quelques pas, sur la tablette du salon d'où je vous appelle...

 

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