Raffaello
Putain, j’arrive pas à y croire. Quand le type des achats s’est pointé avec ses journaux et qu’il m’a dit : « Y’a une lettre de Contin pour toi », je pensais qu’il se foutait de ma gueule et j’avais déjà pensé à lui en faire passer l’envie en lui tailladant la tronche aux douches. Mais c’était vrai. Putain, ce fêlé de Contin a pondu une belle petite lettre bien nickel. Maintenant, c’est sûr qu’on va me la donner, la suspension de peine. Brésiliennes, attendez-moi jambes ouvertes. Voilà Raffaello, l’homme à la bite d’acier ! Putain, j’me sens déjà mieux, tu vas voir que je vais même la lui mettre dans le cul aussi à cette merde de cancer ! Belle journée, même si c’est vendredi. Aujourd’hui poisson, et comme d’hab, morue en sauce et des patates aussi bouillies que les couilles des matons. Heureusement, demain c’est samedi. J’ai même le parloir avec ma mère qui doit venir m’apporter de bonnes nouvelles sur le passeport et mon fric. C’est vrai, j’me sens « en vie ». La liberté. J’peux pas y croire. Combien de fois j’en ai rêvé et maintenant j’l’ai à portée de main. Suffit juste que mon avocat s’y mette et que cet enfoiré de juge fixe l’audience. Pour les papelards, ils ont déjà tout ce qu’y leur faut. Cancer, cancer, cancer. Et c’est clair qu’ils peuvent pas s’inventer des conneries. Ils ont même l’avis favorable de Contin. Et ça compte, putain si ça compte. J’aurais juré qu’il voulait me voir crever en cabane, mais il a écrit : « Laisser mourir Beggiato en prison serait d’une cruauté inutile. » C’est beau, faut fêter ça. Vu que bientôt je serai libre, je peux me permettre de gaspiller. Deux cartouches de Marlboro pour une bonne dose d’héro. Je me la balance dans les veines, comme ça je passe un super après-midi. Toute façon, y’a rien d’intéressant à la téloche. Ce type qu’ils ont chopé pour une histoire de pot-de-vin, y m’a dit que le vendredi les gens vont se balader et que c’est pour ça qu’ils investissent pas dans des programmes intéressants. Peut-être, mais maintenant j’en ai plus rien à battre. J’peux commencer à compter les jours qui me séparent de la liberté. À partir d’aujourd’hui, à l’heure de la promenade, je commencerai à partager les trucs que je laisserai ici pour éviter qu’ils s’égorgent ou qu’un type que je pouvais pas encadrer se traîne avec mon peignoir sur les miches. Et s’ils me font encore des analyses et qu’ils voient que j’ai de l’héro dans le sang ? On s’en tape. Je pourrai dire que c’était pour un usage thérapeutique. Tiens, c’est pas mal ça. T’es même en train de reprendre un peu de bonne humeur, c’est bien, Raffaello, continue sur cette lancée. J’arrive quand même pas à comprendre Contin. Qu’est-ce qu’il a dans la tronche… ?