CHAPITRE XXIX
Corran regarda l’hologramme représentant le monde imaginaire nommé Phenam Prime. À part une ceinture d’astéroïde, un océan à la place du continent sud et quelques différences dans le profil des côtes, il ressemblait trait pour trait à Borleias. L’image flottant dans la salle de briefing des pilotes était celle d’une planète paisible.
Malgré tout, je n’ai pas envie d’y mourir.
— Notre objectif, reprit Wedge, est un tunnel de ferrobéton d’environ quatre mètres de diamètre et quarante mètres de long. Une seule torpille à protons devrait pouvoir le détruire, mais nous ignorons s’il sera facile à détecter par les ordinateurs de visée.
Nawara Ven agita un de ses tentacules.
— Voler dans une tranchée et toucher une cible de la taille du tiers d’une aile X sans pouvoir utiliser l’ordinateur de visée ? Impossible !
Gavin secoua la tête.
— Ce n’est rien du tout. Chez nous, dans le Canyon des Mendiants…
Wedge leva un sourcil.
— Aucun pilote né sur Tatooine ne trouve une mission difficile, surtout si elle implique de voler dans un canyon.
— La cible n’est pas si petite que ça, monsieur.
Corran sourit.
— Elle est de la taille d’un Hutt assis, à quelques mètres près. Mais le conduit peut sans doute se déplacer plus vite que le Hutt !
Tout le monde éclata de rire, mais pas vraiment à cause de l’humour éculé de Corran. Les neuf pilotes survivants de l’Escadron Rogue, ainsi que Tycho Celchu, savaient que la mission était difficile. L’idée qu’ils affronteraient la mort et que celle-ci risquait fort de gagner la partie les rendait nerveux.
— Le point le plus ennuyeux est le temps que nous pourrons passer au-dessus de la cible. Nous entrerons dans l’atmosphère sous le couvert d’une pluie de météores. Il faudra slalomer entre les astéroïdes pour entrer et sortir de Phenaru. À cause du puits de gravité, nous devrons nous éloigner beaucoup avant de sauter dans l’hyperespace. Cela signifie que nous passerons une demi-heure sur la cible. Si nous restons trop longtemps, ou si nous brûlons trop de carburant, nous ne sortirons pas du système.
Bror Jace se gratta le menton.
— Un peu juste, non ? Atteindre la vallée nous prendra un tiers du temps. Si six d’entre nous attaquent, cela fait une seule passe par élément de vol.
— Il a raison, commandant, dit Rhysati. Serait-il possible d’obtenir des réservoirs auxiliaires de carburant ?
Wedge regarda M3.
— Nous n’en avons pas en stock. Le système de réquisition de l’Alliance implique un délai trop important. C’est bien ce que tu m’as dit, M3 ?
— Oui, monsieur. Cela dit, nous avons des réservoirs auxiliaires.
— Comment ? Je croyais que toute réquisition était un « exercice futile », suivant tes propres termes ?
— C’est vrai, monsieur. Constatant que nous en avions besoin, j’ai dégoté les réservoirs.
— Dégoté ?
— Ils m’ont coûté les deux armures de commandos prises sur Talasea, un équipement anti-froid que nous n’utilisons pas ici, et quelques pièces de rechange inutiles.
Le commandant de l’escadron écarquilla les yeux.
— Pour combien de réservoirs ?
— Six.
— Tout ça pour une demi-douzaine de réservoirs auxiliaires ?
— La marchandise dégotée est chère, surtout si on la veut rapidement. Zraii est prêt à monter les réservoirs. Il a prévu un système d’éjection rapide pour éviter qu’ils alourdissent le vaisseau quand ils seront vides. Ces réservoirs vous donneront quinze minutes de plus sur la cible.
Quarante-cinq minutes semblaient une éternité. Dans l’atmosphère, les moteurs consommaient beaucoup plus de carburant, à cause de la friction et de la gravité. Les ailes X se comportaient mieux en atmosphère que les Tie, mais la base disposait de deux escadrons contre six Rogues.
Les chances ne sont pas de notre côté…
Rhysati leva une main.
— La tranchée est-elle défendue ?
— C’est possible… Celui qui passera le premier devra être prudent.
— Je veux bien le croire ! L’infanterie de Page débarquera-t-elle au moment de notre attaque ?
— Lieutenant, la réponse à cette question est un secret défense. Mais nous pouvons supposer qu’il en sera ainsi. Quoi qu’il en soit, ceux d’entre nous qui resteront en arrière seront dans de sales draps.
— C’est une mission-suicide, conclut Bror Jace.
— Pas selon mon point de vue, même si l’entreprise est très dangereuse. Nous avons six vaisseaux et huit pilotes. Je suis désolé, Ooryl, mais tant que vous n’aurez pas une prothèse adéquate, je ne peux pas vous compter parmi les actifs.
Le co-équipier de Corran se ratatina sur son siège. Les droïds médicaux l’avait affublé d’un dispositif bizarre terminé par une pince rudimentaire. Ils n’avaient rien pu faire de mieux pour le moment.
— Qrygg présente ses excuses pour l’échec de Qrygg.
— Je vous comprends, Ooryl. Trois d’entre vous sont aptes à voler, mais ils n’ont pas de vaisseau. Celui de Lujayne est disponible. Si vous êtes tous volontaires pour la mission, je choisirai un homme au hasard. Voulez-vous tous participer ?
Les trois pilotes acquiescèrent.
— M3, sélectionne un nom.
— Nawara Ven, fit le droïd après avoir bourdonné quelques instants.
Shiel grogna. Erisi haussa les épaules à l’attention de Rhysati.
Wedge sourit.
— Bienvenue à bord, monsieur Ven. Vous volerez avec Jace, en supposant qu’il soit volontaire.
Le Thyferrien regarda Erisi, puis hocha la tête.
— Je serais ravi d’ajouter à la gloire du peuple thyferrien en le représentant dans cette mission.
— Darklighter ? Il ne s’agit pas du Canyon des Mendiants…
— Je sais, monsieur. Cette fois, ce ne sera pas pour m’amuser. Je suis volontaire.
— Madame Ynr ?
— Il faut une femme au milieu de tous ces garçons !
Wedge se tourna vers Corran.
— Et vous ?
— Vous voulez savoir si je veux aller sur une planète ennemie bombarder un tuyau pendant que des intercepteurs essaient de me descendre. Le tout sans espoir d’être sauvé si je fais un faux pas ?
— C’est exactement ça, dit Wedge.
Corran avala sa salive. Nawara Ven avait raison, la mission était pratiquement impossible. Les pilotes seraient poussés à leurs limites. Il y aurait des morts.
Qui et combien était la seule question.
Ses camarades s’étaient portés volontaires, parce que la mission devait être accomplie. Maintenant, au tour de Corran de décider.
— Une cible difficile, toutes les chances contre nous… Rien d’extraordinaire pour l’Escadron Rogue. J’en suis, à une condition.
— Venez ou restez, Horn. Pas de faveurs spéciales.
— Pas une faveur, une considération tactique. Je veux être le premier à entrer dans la vallée.
— Non. Cette place est déjà prise.
— Vous aurez besoin d’un co-équipier, commandant. (Corran désigna les autres pilotes.) Ils se sont entraînés à utiliser les données télémétriques d’un autre vaisseau. Pas moi. Nous ferons la première passe ensemble.
Wedge hésita un instant.
— Je suis content que vous soyez des nôtres, Horn. Shiel, Dlarit, vous travaillerez avec le capitaine Celchu pour nous aider lors des simulations.
Vous serez l’ennemi. Vous devrez faire de votre mieux pour nous tuer avant notre départ. Si vous n’y arrivez pas, peut-être reviendrons-nous de la mission…