CHAPITRE XXIV

Wedge n’était pas chaud pour participer à la réunion à bord du Home One et il avait eu raison.

Il n’avait pas eu le temps de prendre à part l’amiral Ackbar et le général Salm pour étudier un compromis dans l’affaire de Corran.

Avec le peu d’intérêt que l’amiral prenait au briefing, Wedge craignait de ne pas avoir l’occasion de défendre son pilote.

Ses galons de commandant faisaient de lui l’officier le moins huppé de la réunion, à laquelle assistaient de nombreux gradés inconnus de Wedge. Il remarqua un groupe de Bothans mais ne les reconnut pas. De toute évidence, ils étaient responsables de la réunion. Les techniciens téléchargeaient les informations de leur bloc-notes dans les leurs.

Un général bothan monta sur le podium et les lumières de la salle baissèrent. La fourrure blanche du Bothan étincelait. Ses yeux dorés semblaient faits de métal liquide. Vêtu d’un uniforme de l’Alliance, il tenait un pointeur télescopique en argent.

Il commença son discours d’une voix douce qui ne manquait pourtant pas d’intensité.

— Je suis le général Laryn Kre’fey. Nous allons voir ensemble les premiers éléments de la mission qui ouvrira la voie de Coruscant à nos combattants. Regardez sur vos blocs-notes électroniques. Vous y trouverez des renseignements sur les installations que nous allons attaquer. Pour le moment, je ne vous dirai pas où se trouve cette base. Mais sachez que sa possession est la clé du Noyau Impérial.

Le monde, surnommé Lunenoire, était une planète habitable de type Endor, à l’exception des formes de vie, dont aucune ne ressemblait aux Ewoks. Pauvre en ressources minérales et autres richesses, la seule utilité du système était sa situation centrale, qui en faisait un endroit parfait pour surveiller les voies de navigation spatiale.

L’Ancienne République y avait installé une petite base.

— L’Empire a agrandi la base et l’a dotée de boucliers afin que la Rébellion ne s’en serve pas comme point de ralliement dans un secteur si proche du Noyau, dit le général Kre’fey. Elle dispose de quatre canons ioniques lourds et de deux escadrons de Tie.

Wedge fronça les sourcils. Les défenses lui paraissaient trop importantes pour une planète ordinaire, et trop légères pour un monde qui les rapprocherait de Coruscant.

Le général bothan décrivit l’attaque. L’Émancipateur, un des deux superdestroyers de l’Empire arraisonnés à Endor et réparés par l’Alliance, serait chargé de démolir les boucliers. Les Défenseurs du général Salm bombarderaient les installations au sol, pendant que l’Escadron Rogue tiendrait les Tie à l’écart. Ensuite, des troupes d’infanterie débarqueraient.

— J’espère lancer l’opération dans deux semaines et la terminer en moins de vingt-quatre heures.

— Ce plan est déjà approuvé ? demanda Salm à Ackbar.

— Oui, général Salm, car…

— Pardonnez-moi, amiral, mais je pense pouvoir répondre moi-même à la question. Le Conseil Provisoire a approuvé ce plan. Avez-vous des objections ?

— Deux semaines me semblent bien peu pour préparer un tel assaut.

— Si vos pilotes n’en sont pas capables, la flotte a d’autres escadrons d’ailes Y.

— Nous serons prêts.

Ces deux-là ne s’adorent pas, pensa Wedge.

— J’ai des questions, si vous me permettez, dit-il.

— Je vous en prie, commandant.

— Les boucliers sont vulnérables au bombardement quand ils sont assez larges pour protéger des installations non cruciales. Et si le commandant de la base décide de réduire le diamètre du champ de force ?

— Cela ne changera rien. Les générateurs de la base ne sont pas assez puissants pour supporter un bombardement.

— Même si les canons à ions ne sont pas en fonctionnement ?

Le Bothan hésita un instant.

— Cela ne ferait toujours aucune différence.

Wedge espérait que Kre’fey avait bien réfléchi à la question. Toute l’opération reposait sur l’efficacité du bombardement, qui n’était peut-être pas la solution la plus sûre. Les canons à ions risquaient de perturber les bombardiers ou de ralentir leur attaque, permettant aux Impériaux de résister jusqu’à ce que des renforts arrivent d’un autre système.

— J’ai une autre question. Les Tie indiqués sur le plan ne sont pas répartis par catégorie. Sont-ce des Mirettes, des Bourdons, des Frelons ou des Éclairs ?

— Pardon ? fit le Bothan, les yeux écarquillés et la fourrure hérissée.

— Il veut savoir si les Tie sont des chasseurs, des intercepteurs, des bombardiers ou des modèles de pointe, traduisit Salm.

— Ah ! Surtout des chasseurs… Personne n’a d’autre question ? Bien. Pour des raisons de sécurité, les coordonnées de la planète vous seront données au moment du départ. Sans effet de surprise, notre mission serait compromise.

— Je n’aime pas ça…

Les yeux du général bothan se plissèrent.

— Ce que vous aimez importe peu, commandant. Le plan a été approuvé par le Conseil Provisoire. C’est suffisant.

— Les conseillers ne seront pas aux commandes des vaisseaux, général.

— Non. Mais moi j’y serai. Dans le premier transport de troupes. J’espère que vous ne doutez pas du courage des Bothans.

Comment serait-ce possible, puisque vous nous rappelez à tout bout de champ que c’est votre peuple qui a obtenu les informations sur l’emplacement de la seconde Étoile Noire…

— Non, monsieur. Comme vous ne doutez pas du courage de mes gars. Ils accompliront leur mission. Mais je dois m’assurer qu’ils en reviendront.

— Comme vous l’avez si bien fait par le passé, commandant, lança Kre’fey.

Le cœur de Wedge se serra. Une partie des amis et des camarades qu’il avait perdus étaient morts pour que des abrutis prétentieux comme Kre’fey se rengorgent de leurs victoires.

Ackbar se leva.

— Général Kre’fey, je pense que les inquiétudes du commandant Antilles sont fondées. Vous avez gardé par-devers vous des informations essentielles. Je vous demande de nous les révéler sans plus tarder.

— Sinon, que ferez-vous ?

— J’annulerai l’opération.

— Mais le Conseil l’a approuvée !

— Les décisions politiques peuvent être remises en question, général.

— Nous verrons comment les choses se passeront… En attendant, je vais faire distribuer les packages de simulation à tous les chefs afin qu’ils commencent l’entraînement.

Le Calamarien ne céda pas.

— Donnez-moi ces informations, ou je détruirai personnellement vos packages de simulation.

— Bien. Nous vous transmettrons les données dans la mesure du possible.

Il cracha un ordre en bothan a ses assistants et quitta la salle.

— Je suis désolé, commandant, dit Ackbar. Il n’avait pas à vous traiter comme ça.

— Je sais…

— Si Kre’fey se trompe sur son opération Lunenoire, beaucoup de gens mourront. Vous aurez les informations nécessaires.

— Pouvez-vous me dire où se trouve Lunenoire ?

— Secret défense, commandant. Vous aurez besoin de ce renseignement au moment de partir, pas avant. Le système de Lunenoire est dans un secteur dense, avec peu de caps possibles. Les calculs d’astronavigation ne seront pas compliqués. Mais la probabilité d’une embuscade est d’autant plus élevée. D’où le secret.

— Je comprends la nécessité de garantir la sécurité de l’opération, même si je n’apprécie pas les limites que ça m’impose.

— C’est déjà ça ! se réjouit le Calamarien. Vous quitterez la flotte pour rejoindre un monde appelé Noquivzor. D’autres unités vous y rejoindront, y compris les Défenseurs. (Il se tut un instant). Je suppose que vous aimeriez parler des accusations portées par le général Salm contre Corran Horn ?

— Il vaudrait mieux, si nos unités doivent travailler ensemble. Vous n’êtes pas d’accord, général ?

— Oui, répondit Salm. Je crois d’ailleurs que vous pouvez oublier ces accusations.

— Quoi ?

— Si j’insiste pour traîner Horn en cour martiale, j’aurai l’air d’un idiot et il ne pourra pas participer à l’assaut sur Lunenoire. Je crains que les choses se gâtent au cours de cette mission. Avec un peu de chance, la présence de vos pilotes, Horn compris, évitera qu’elle tourne au cauchemar.