CHAPITRE XXXIII

— Bien reçu !

Corran se tourna vers la demi-douzaine de Jedi qui l’accompagnaient.

— Vous avez entendu. Le général Dendo dit qu’ils ont mordu à l’hameçon. Gavin nous a permis de repérer le transporteur qu’ils utilisent comme centre de commandement. En selle ! A nous de jouer !

Corran grimpa sur une motospeeder. A l’arrière était fixée une caisse en aluminium. Il activa l’engin. Une minuscule image holographique de la jungle apparut entre les poignées, montrant la configuration des arbres cachés.

Il sourit. Il percevait ces arbres à travers la Force et les éviterait sans peine.

Mais ce truc me donnera la position des Vong grâce à la chaleur de leurs corps…

Corran sourit à Jacen.

— Que regardez-vous ainsi ?

— Cette caisse. Il serait difficile de ne pas la remarquer.

— N’est-ce pas ? C’est le but recherché ! Grâce à ça, nous rappellerons à Shedao Shai pourquoi il se bat !

Sur ordre de Shedao Shai, les soldats coururent vers le bâtiment ithorien. Des rayons laser jaillirent des ouvertures. Les Chazrach qui entouraient Shedao Shai braillèrent et les guerriers yuuzhan vong coururent au milieu de leurs esclaves.

Des flèches d’énergie atteignirent les Chazrach, leur arrachant les membres et trouant leurs poitrines. Certains se tordirent sur le sol en gémissant, d’autres se remirent sur pied pour repartir à l’attaque.

Malgré un feu nourri, les variables changeaient constamment. Les automates n’avaient pas la souplesse tactique exigée par la situation. Les diverses machines réagissaient à des vitesses différentes, laissant des zones sans protection alors que d’autres étaient trop défendues. Bref, elles étaient incapables de négliger les détails pour se concentrer sur l’essentiel.

Comme les organismes vivants ont appris à le faire depuis longtemps, pensa Shedao Shai avec mépris.

Les insectes offensifs des Yuuzhan Vong filèrent dans l’air. Certains atteignirent leurs cibles et explosèrent, faisant sauter des pans de murs et détruisant les nids d’artillerie.

Un ennemi vivant continuerait la lutte. Mais pas ces choses…

Les Chazrach montèrent à l’assaut des murs pour atteindre le niveau suivant. Les tours lançaient des éclairs de feu, mais les canons ne pouvaient pas s’incliner assez pour couvrir les terrasses supérieures du bâtiment.

Un guerrier vivant enlèverait les armes de leur support et aspergerait l’ennemi de son feu. Ces automates n’ont même pas l’intelligence des animaux !

Des insectes explosifs firent exploser le sommet d’une tour. Les Yuuzhan Vong hurlèrent de joie, se ruant à la curée.

Un instant plus tard, une autre tour s’effondra. L’impact secoua le bâtiment entier.

Shedao Shai poussa aussi un cri de victoire… qui s’étrangla dans sa gorge. Il recula, pris d’une brutale appréhension quand les Yuuzhan Vong et les Chazrach se ruèrent dans le bâtiment.

Quelque chose clochait…

Puis il comprit. Une structure aussi légère que la tour n’aurait pas dû provoquer une telle secousse…

Il ne s’agit pas d’une construction permanente !

Ses yeux s’écarquillèrent d’horreur… Les Chazrach et les Yuuzhan Vong arrachaient des câbles, écrasaient des consoles, martelaient des circuits imprimés…

Ses troupes avaient perdu toute discipline. Les guerriers affluaient dans le bâtiment blanc, qui résonnait de cris de haine et du fracas d’une destruction aveugle.

C’est ce qu’ils voulaient ! En nous opposant leurs abominations mécaniques, ils savaient qu’ils nous rendraient fous de rage et nous feraient perdre l’esprit !

Shedao Shai sauta par-dessus le muret, s’éloigna du bâtiment et hurla à ses troupes de battre en retraite. Les Chazrach les plus proches obéirent et relayèrent son ordre… Aucun guerrier yuuzhan vong ne sortit du bâtiment.

Bien entendu… Un Yuuzhan Vong n’accepterait pas les ordres transmis par un Chazrach, surtout s’il s’agit de négliger leur devoir sacré.

Shai se tournait vers son villip pour demander au centre de commandement d’ordonner la retraite quand un grondement sourd monta du sol…

Shedao Shai comprit qu’il était trop tard.

Conscients qu’il était difficile de frapper une cible là où il n’en existait aucune, les défenseurs de la Nouvelle République avaient décidé de donner matière à attaquer aux Yuuzhan Vong. Ils équipèrent leur installation de blasters automatiques et de pseudo-droïds ayant juste assez de circuits pour être vraisemblables. Donner l’impression que des machines défendaient le bâtiment rendrait les Yuuzhan Vong fous de rage.

Ils érigèrent un immeuble sommaire, creusant un trou dessous pour le bourrer d’explosifs. Les détonateurs étaient connectés à un ordinateur. L’explosion aurait lieu dès l’arrêt de la machine…

Ce qui arriva quand un bâton s’enfonça au cœur de ses circuits.

L’explosion fit décoller le sol du bâtiment, embrasant la structure et dévorant rapidement le sous-sol, le premier étage et les niveaux supérieurs. Les murs cédèrent... Tout s’écroula.

Les survivants s’abritèrent sous des pans de murs. De la fumée et de la poussière sortirent des baies brisées en même temps que les cris des blessés emprisonnés sous les décombres.

Shedao Shai se releva. Le villip posé sur son épaule gauche parla, mais des décharges de blaster, dans la jungle, monopolisèrent l’attention du commandant yuuzhan vong. Il ordonna au villip de commander une retraite immédiate, puis s’enfonça dans la pénombre.

Comment ai-je pu laisser faire une telle chose ? A cause d’Elegos !

Le Caamasi avait été si ouvert, si pacifique, si honnête, qu’il n’avait pas escompté trouver chez les ressortissants de la Nouvelle République la ruse et la cruauté nécessaires pour monter un tel piège.

Peut-être ont-ils prévu ce que je penserais d’eux après avoir connu Elegos. Ces gens ne sont pas les Chazrach. Ils ne seront pas faciles à conquérir…

Shedao Shai hurla de rage.

Mara entendit l’appel d’Anakin puis l’ordre de se diriger vers le bosquet opale. Elle invoqua la Force, captant des troubles à proximité de sa position.

— Ici Jade. Je me déplace pour intercepter Douze.

Du côté de Mara, les combats n’avaient pas été très intenses. On ne lui avait pas ordonné de battre en retraite. Elle comprit pourquoi quand elle sauta par-dessus la balustrade pour se laisser tomber au niveau inférieur.

Les Yuuzhan Vong avaient attaqué en force le centre de la formation Jedi. Kyp Durron et Wurth Skidder, ensanglantés, affrontaient quatre Yuuzhan Vong. Plus loin, juché sur un petit tertre, Anakin avait étendu Daeshara’cor par terre pour repousser une nuée de reptiloïdes, un sabre laser virevoltant dans chaque main.

Ces idiots auraient dû appeler à l’aide !

Mara activa son sabre laser, dont la lame bleue étincela. D’un saut périlleux, elle atterrit devant un guerrier yuuzhan vong, évitant de peu d’être éventrée. D’un coup précis, elle sectionna la jambe de son adversaire au niveau du genou.

Le guerrier tomba, essayant encore de frapper. Elle l’enjamba et retomba de tout son poids sur son poignet. Des os craquèrent et le bâton roula dans la poussière…

Alors Mara égorgea son adversaire d’un coup de sabre laser.

Elle se retourna en entendant Wurth hurler. Le Jedi recula, l’avant-bras cassé. Son sabre laser n’était nulle part en vue.

Bâton levé, un Yuuzhan Vong le talonnait.

Mara lui expédia une poignée de poussière dans les yeux… et Kyp Durron l'éventra.

Un autre Yuuzhan Vong parvint à entailler l’épaule gauche de Mara, qui riposta d’un coup de pied à la poitrine. En reculant, le guerrier se prit les pieds sur le cadavre de son camarade. Mara le désarma, puis lui enfonça son sabre laser dans la poitrine.

La lame violet et blanc de Kyp laissa une plaie béante sur la poitrine de son adversaire. Le Yuuzhan Vong recula, ses mains volant sur l’horrible blessure. Puis il s’écroula au pied d’un mur dans une mare de sang.

Mara désigna Wurth.

— Emmenez-le, Kyp ! C’est une fracture ouverte. Cautérisez-la avec votre sabre laser si nécessaire.

— Il survivra. Je ne vous abandonnerai pas !

— Je n’ai pas besoin de votre aide, Kyp, mais lui, oui ! Allez-y tant que vous le pouvez !

— Je sais où est mon devoir !

— Alors, faites-le envers votre ami. Sortez-le de là !

Elle courut vers Anakin.

Sur la passerelle, le jeune Jedi tenait en respect quatre reptiloïdes, mais ils gagnaient du terrain. Mara utilisa la Force pour sauter au niveau supérieur.

Un reptiloïde leva son bâton et coupa en deux… un de ses camarades. Puis il plongea son arme dans la poitrine d’un autre.

Le troisième resta pétrifié de surprise. Anakin le tua avant de plonger la lame de Daeshara’cor dans la poitrine du dernier reptiloïde, qui vint s’écrouler aux pieds de Mara.

— Qu’as-tu fait, Anakin ? demanda-t-elle, sidérée.

— Rien, assura le jeune homme.

Il sourit, regardant derrière elle.

Luke était là, l’air serein au milieu du chaos. Le maître Jedi leur fit signe de continuer.

— Allons-y. Anakin, tu nous conduis !

Mara désactiva son sabre laser puis hissa Daeshara’cor sur son épaule.

— Le Vong croyait voir Anakin, mais à chaque fois, c’était un de ses compagnons. Ce n’est pas très difficile à faire.

— Mais efficace. Tu as vu Kyp et Wurth ?

— Ils sont partis devant. Tu aurais dû m’appeler.

— Je me suis dit que tu entendrais mon message et que tu viendrais si j’avais besoin de toi. Je suis heureuse que tu l’aies fait !

— Merci d’avoir sauvé Anakin.

— J’avais une dette envers lui. De plus, dans un siècle, quand on chantera les louanges du grand Anakin Solo, j’aimerais être connue autrement que comme la femme qu’il a sauvée sur Dantooine.

— Pas de problème, Mara ! conclut Luke en souriant.

A bord de l’Héritage, Deign Lian voyait étinceler les armes d’un vaisseau infidèle. Les rayons filèrent vers un des plus modestes navires de la formation yuuzhan vong et traversèrent le trou noir prévu pour absorber les coups de ce genre. Les projectiles d’énergie vaporisèrent le corail yorick de la coque.

Deux autres frappes, le long de la ligne médiane du vaisseau, exposèrent au vide spatial le système nerveux de la créature. Les tissus se figèrent, empêchant les données de circuler entre la passerelle et le nez du navire. Les basals dovin, privés de données sensorielles, grêlèrent au hasard l’espace de trous noirs.

Des frappes plus puissantes partirent des vaisseaux ennemis. Certaines se perdirent dans les trous noirs, mais le reste traversa les défenses, constellant la coque de panneaux de corail yorick fondu. La partie avant du vaisseau se désintégra sous les tirs. L’Enfant de la Douleur se fractura.

Ithor avait une nouvelle lune…

Deign Lian regarda l’ennemi assaillir un autre vaisseau qui commença à fondre et à se répandre comme de la glace posée sur un rocher brûlant.

Ça n’est pas possible !

Deign Lian sut ce qu’il lui restait à faire. Il ordonna à la flotte de battre en retraite vers la face diurne de la planète. Puis il concentra le feu sur les petits vaisseaux ennemis, les empêchant de poursuivre ses troupes.

Ivre de fureur, Deign Lian ôta son capuchon cognitif.

Mon chef savait ce qui arriverait. Il l’a fait exprès pour m’humilier ! Il a demandé des renforts, mais pas pour moi ! J’espère qu’il est mort. Sinon, je le tuerai de mes propres mains !

Les Jedi ne firent pas de cadeaux au centre de commandement. D’un coup de blaster, Jacen décapita un Yuuzhan Vong. D’autres rayons tuèrent des reptiloïdes. Plusieurs Jedi débarquèrent pour achever leurs adversaires.

Jacen le savait : ce n’était pas par soif de sang, mais histoire de ne pas se distancier de ses actes… et de ses responsabilités. Ainsi, les Jedi ne se sentaient pas trop… éloignés… des vies qu’ils prenaient.

Corran sauta de sa motospeeder et détacha la caisse en aluminium avant de courir vers le vaisseau ennemi, Jacen sur les talons. Ganner les suivait.

A l’intérieur du transporteur, ils trouvèrent un seul reptiloïde terrorisé.

Le Jedi corellien étudia la rangée de villips. La plupart ressemblaient à des guerriers yuuzhan vong, mais Jacen ne les distinguait pas les uns des autres. Certains redevinrent des boules inertes sous leurs yeux, laissant penser que le villip ou le guerrier correspondant avait péri.

— Comment saurez-vous auquel parler ? demanda Jacen.

— J’en cherche un qui a l’air important. Il y a peu de chances que Shedao Shai soit là, mais celui qui commande doit pouvoir lui parler.

— Et si on les triait en choisissant les plus moches ?

— Bonne idée. (Corran flanqua une claque peu amicale à un villip.) Shedao Shai, ici Corran Horn ! J’ai pris votre centre de commandement. Mes troupes menacent vos flancs, et des commandos de la Nouvelle République vont attaquer.

Le visage du villip se durcit.

— Vous avez moins d’honneur qu’un ngdin !

Corran regarda Jacen, qui haussa les épaules.

— J’ignore de quoi il s’agit, mais ça n’a pas l’air positif.

— Je n’ai peut-être pas d’honneur, mais j’ai un tas d’os avec moi ! Je croyais que vous vouliez les récupérer.

— Les restituer ne vous rendra pas plus honorable.

— Je ne vous les ai pas encore restitués, mon vieux ! J’ai un marché à vous proposer. Si vous n’êtes pas d’accord, j’expédierai ces ossements au cœur du soleil !

— Et ce marché… ?

— … Est ce que nous voulons tous les deux ! Un combat singulier. Si vous gagnez, je vous rends vos os. Si je l’emporte, la planète sera à moi. En attendant l’issue du duel, nous conviendrons d’une trêve. Nous récupérerons nos morts des deux côtés, puis nous réglerons la question entre nous.

— Vous marchandez sans vergogne ! cracha le villip. Elegos aurait honte de voir à quelles bassesses vous vous livrez.

— Vous avez fait en sorte que nous ne sachions jamais ce qu’il en aurait pensé ! Désormais, ça se réglera entre vous et moi, Shedao Shai. Ce tas d’os contre Ithor.

— Un cycle lunaire. Je suis un Jedi, je veux me battre sous la pleine lune.

— Souvenez-vous de la leçon de Sernpidal. Si vous voulez une lune, je peux en faire descendre une sur vous… Deux cycles planétaires. Il y a une montagne au sommet plat, à l’ouest d’ici. Nous nous y rencontrerons.

— Deux semaines.

— Quatre jours.

— Dix.

— Ce jeu ne m’amuse plus, jeedai. Une semaine. C’est mon dernier mot.

Corran hocha la tête.

— D’accord. Une semaine.

— Sept cycles planétaires, et une trêve d’ici là. Ce sera fait.

— Parfait. Je vous verrai à ce moment.