CHAPITRE XXXII

Le premier transporteur yuuzhan vong fonça sur le Baie de Tafanda… et se dégagea au dernier instant. N’étant pas armé, le vaisseau-cité ne présentait aucun danger pour les envahisseurs.

Le deuxième transporteur prit sa place et tira une série de décharges de plasma sur la baie principale du vaisseau-cité. Utilisant un trou noir, il aspira le transpacier fondu, emportant au passage des branches d’arbres et une partie de l’atmosphère intérieure. Puis le transporteur entra par la brèche ainsi créée. Des écoutilles s’ouvrirent et de nombreux reptiloïdes en surgirent.

A leur suite sortirent une demi-douzaine de guerriers yuuzhan vong grands, minces et d’aspect redoutable. Ils portaient des armures qui, loin de les mouler, semblaient entraver leurs mouvements.

Anakin les regarda débarquer. Leur malaise devait venir des carapaces mortes de crabes vonduun qu’ils portaient.

Il étudia son databloc, effleurant des touches pour passer d’une caméra holographique à l’autre. Il vit un guerrier lancer un insecte tueur sur la caméra dont il recevait les images. L’insecte manqua son coup, mais repartit vers son maître pour un autre essai.

Il sentit la main de Daeshara’cor sur son épaule.

— C’est le moment, Anakin !

Fermant le databloc, il fit mine de l’empocher.

— Inutile de l’emporter, nous n’en aurons pas besoin.

Elle avait raison. Un poids supplémentaire risquait de le handicaper. S’ils obtenaient la victoire contre les Yuuzhan Vong, il aurait le temps de le récupérer.

S’ils perdaient…

Une autre idée lui vint ; il glissa le databloc dans une poche de sa combinaison.

— Les Yuuzhan Vong haïssent les machines. Je ne leur laisserai pas, même si ce n’est pas un être vivant.

La Twi’lek sourit.

— Je n’y avais pas pensé… Venez, Anakin. Le temps presse !

Ils traversèrent un corridor regorgeant de jardinières. Anakin se demanda pourquoi sa compagne marchait au milieu du couloir… puis il comprit qu’il faisait de même.

Nous refusons d’aller au combat en nous dissimulant. Ça reviendrait à leur concéder d’avance la victoire !

Au bout du couloir, ils s’accroupirent face aux grandes places plantées d’arbres. Partout, les reptiloïdes avançaient par groupes de six. Les Ithoriens n’avaient pas de considérations tactiques à l’esprit en concevant le vaisseau-monde, mais à la façon dont elles louvoyaient, les troupes yuuzhan vong voyaient tout au plus à vingt mètres devant elles.

L’absence de visibilité gênait peu les Jedi. S’ils ne percevaient pas les Yuuzhan Vong à travers la Force, les reptiloïdes s’y enregistraient. Et même sans liens télépathiques, les Jedi étaient toujours capables de se détecter les uns les autres.

— Bien reçu, Douze. La course commencera dans cinq unités.

La Twi’lek se tourna vers Anakin.

— Je voulais vous remercier.

— Pourquoi ? demanda le jeune homme, fronçant les sourcils.

— Je m’étais perdue, et vous m’avez aidée à me retrouver. C’est une dette énorme. Si j’avais réussi ce que je voulais faire, je me serais détestée à tout jamais.

Anakin n’eut pas le temps de répondre. Un droïd-souris MSE-6 fonçait vers eux sur le chemin, couinant de sa voix électronique. Sur ses talons arrivaient une demi-douzaine de reptiloïdes, tellement occupés par le petit droïd qu’ils omirent de regarder autour d’eux.

Anakin utilisa la Force pour soulever un des reptiloïdes du milieu, qui bascula par-dessus la balustrade de la passerelle. Anakin en tua un deuxième d’un coup de sabre laser, faisant sauter la partie supérieure de la boîte crânienne de la créature. Puis il flanqua à un autre adversaire un coup de pied à la tempe.

Un autre guerrier l’effleura avec son bâton. Anakin sentit une brûlure sur sa cuisse gauche. Mais le sourire de triomphe de la créature mourut vite : Anakin lui fendit la tête de haut en bas.

Il pivota et vit Daeshara’cor éliminer le dernier reptiloïde. Les deux Jedi sautèrent par-dessus la balustrade pour atterrir au niveau inférieur. Anakin se reçut sur le reptiloïde qu’il avait fait tomber. L’épine dorsale brisée, l’être n’était pas mort.

Anakin se tourna et vit accourir un Yuuzhan Vong.

— Par le couloir ! cria-t-il.

Daeshara’cor partit au sprint. Anakin voulut la suivre, mais le reptiloïde s’accrocha à sa cheville. Le Yuuzhan Vong en profita pour charger, bâton levé.

Anakin tomba à genoux. Il vit la lame du bâton de guerre décrire un arc vers son visage…

Mais il fut tiré en arrière par la Force. Sabre laser levé, Daeshara’cor s’interposa entre Anakin et le Yuuzhan Vong. Elle para les coups du guerrier, puis lui flanqua un coup de pied qui le fit se plier en deux.

Anakin sourit. Soudain, Daeshara’cor tituba et bascula contre la rambarde, son bras gauche laissant une trace sanglante sur le mur. Le bâton s’enroula aux pieds de son maître, grimpant le long de son corps pour revenir dans sa main. La créature siffla, sa langue rouge sortant de sa gueule.

Il l’a mordue quand elle a frappé le guerrier. Elle a été empoisonnée !

Anakin se releva, ivre de fureur. Il rassembla la Force en lui. S’il n’y percevait pas son ennemi, il pouvait l’utiliser pour faire s’effondrer la passerelle sous ses pieds.

Je vengerai Chewbacca et les malheureux de Sernpidal ! Je montrerai à ce guerrier de quel bois se chauffe un vrai Jedi !

Le Yuuzhan Vong avança, bâton levé. Il abattit son arme, visant Daeshara’cor à la gorge.

Anakin eut un instant pour se souvenir qu’un vrai jedi se souciait peu des souffrances qu’il pouvait infliger à l’ennemi et beaucoup du mal qu’il pouvait l’empêcher de faire.

Utilisant la Force, il redressa le sabre laser de Daeshara’cor pour dévier le coup. Le bâton mordit la balustrade.

Le sabre laser d’Anakin fila vers les jambes de l’ennemi, lui déchiquetant un genou. Le Yuuzhan Vong perdit l’équilibre. Anakin le frappa à la jonction de l’épaule et du cou. L’armure morte fondit.

Anakin s’agenouilla à côté de Daeshara’cor. Son teint vert pâlissait à vue d’œil. Ça n’était pas bon signe.

— Ici Douze, dit-il dans son comlink. Une blessée.

— Bien reçu, Douze. Battez en retraite vers le bosquet opale, où est le poste médical.

— A vos ordres.

Anakin éteignit les deux sabres laser, souleva la Twi’lek et la hissa sur son épaule. Faisant appel à la Force, il porta la jeune femme vers le poste de secours.

J’ignore si nous sauverons la cité ithorienne. J’espère seulement que Daeshara’cor survivra !

Traest Kre’fey se tourna vers le responsable des boucliers.

— Que se passe-t-il, commandant ?

— Le bouclier bâbord est à cinq pour cent de sa valeur nominale. Le prochain coup fera…

Le vaisseau fut soudain secoué comme un prunier. Kre’fey s’écrasa sur le sol de la passerelle.

Quand il se releva, il vit la cloison intérieure fracassée.

Si j’étais resté debout…

Au poste de communication, les restes du lieutenant Arr’yka gisaient devant sa console.

— L’officier de communications a été descendu ! Que quelqu’un le remplace ! ordonna Kre’fey. Boucliers, qu’est-il arrivé ?

Grai’tvo déchira une manche de son uniforme pour étancher le sang coulant sur son front.

— Les boucliers étaient affaiblis. Un skip nous a frappés. Ses armes étaient trop puissantes pour nous.

Trop puissantes pour nous…

Une idée surgit à l’esprit de Kre’fey.

— La voilà, la solution !

— Artillerie, augmentez de cinquante pour cent la puissance des tirs de laser.

— Cela va ralentir le feu…

— Je sais. Mais nos ennemis déploient des trous noirs assez faibles pour répondre à nos coups peu puissants. Si nous changeons brusquement de tactique, nous les égratignerons. Passez-moi l’amiral Pellaeon, dit-il au remplaçant d’Arr’yka.

— L’appel est parti. En attente de réponse, l’informa Borsk Fey’lya, essuyant d’un revers de manche le sang sur la console.

— Merci, cousin. Etes-vous sûr de vouloir rester au cœur du danger ?

— Je préfère mourir ici qu’attendre dans ma cabine que les Yuuzhan Vong me débusquent !

Kre’fey sourit, flanquant une tape amicale sur l’épaule de Fey’lya.

— Continuez à faire du bon boulot, cousin, et vous n’aurez rien à craindre des Yuuzhan Vong !

Shedao Shai progressait dans la Jungle au milieu de ses troupes. Au-dessus, les transporteurs – à l’exception de celui qui servait de base de commandement au sol –, filaient vers les grands vaisseaux chercher des renforts. Les troupes déjà débarquées comptaient une douzaine de Chazrach pour chaque guerrier yuuzhan vong.

Shedao Shai avait en tête une simple mission de reconnaissance, conscient qu’il manquait encore de forces pour attaquer.

Le villip juché sur son épaule prit la parole :

— Maître, nous avons atteint l’installation. Elle vous intéressera.

— J’arrive.

Ils n’avaient rencontré aucune résistance sur la planète, ce qui laissait à penser que l’ennemi s’effondrerait dès qu’ils l’affronteraient. Elegos l’avait dit : les Ithoriens étaient des pacifistes.

Et s’ils sont aux commandes ici…

Shedao Shai traversa les rangs et courut dans la forêt tropicale obscure. Ses soldats contrôlaient cette partie de la planète, pourtant il éprouvait un sentiment d’hostilité.

Non, pas d’hostilité… d’opposition. On ne veut pas de nous sur cette planète. Nous ne sommes pas haïs, mais notre présence n’est pas désirée.

Il eut soudain des doutes sur l’invasion. Les dieux avaient confié cette mission aux Yuuzhan Vong parce qu’ils étaient les champions de la Vie… Pourtant Shedao Shai se sentait… étranger… sur cette planète. Il n’alla pas jusqu’à se demander si les prêtres avaient menti et si leur mission était une erreur. Mais il s’interrogea.

Poursuivait-il réellement les desseins sacrés des dieux ?

Il décida que son malaise venait des moyens mis en œuvre, pas de la fin.

Il rejoignit les éclaireurs et s’accroupit près de leur chef.

— Au rapport.

— Nous avons repéré des mouvements…

Le guerrier désigna un complexe de ferrobéton blanc.

Le bâtiment avait trois niveaux, chacun étant en retrait par rapport à l’autre. Des tours s’élevaient à l’étage supérieur. Les murs et les baies étaient hérissés d’armes.

— Le bâtiment est défendu.

— Nous nous y attendions.

— Par des automates, précisa le guerrier avec un frémissement dans la voix. Ils n’ont aucun respect pour nous ! Ils nous déshonorent en laissant leurs machines se charger de la tuerie à leur place.

Shedao Shai se leva et regarda le bâtiment blanc.