CHAPITRE XXX
Jacen Solo regarda le capitaine du cargo récupérer le databloc de Corran et vérifier le reçu.
— Le docteur Pace protestera auprès des plus hautes autorités contre cette appropriation des artefacts yuuzhan vong.
— Noté. Merci d’avoir fait le détour pour nous livrer ça, dit Corran en montrant la caisse d’aluminium brossé.
— Pas de problème. Votre épouse m’a fait une faveur ou deux par le passé. Je suis content de rembourser en partie ma dette.
— Voulez-vous que je me charge de la caisse, Corran ? demanda Jacen.
— Vous avez changé d’idée ? Je croyais que vous étiez contre, au briefing.
— Je n’aime toujours pas ça. Vous faites de cette guerre une affaire personnelle : vous contre Shedao Shai. Ce n’est pas bien. Ça appartient au…
— Ne me parlez pas du Côté Obscur, Jacen, je ne suis pas d’humeur à…
— Vous ne voulez pas écouter parce que vous savez que c’est vrai ! Nous devons tous tirer dans la même direction, m’avez-vous dit… Et à la première occasion, vous faites cavalier seul ! Histoire de venger votre ami. Je ne peux vous en blâmer, mais si la situation était inversée, vous me demanderiez de subordonner mes sentiments à ce que les autres jugent préférable.
— Probablement.
— Alors, pourquoi cela n’est-il pas vrai pour vous ?
— Parce que… Venez par là, Jacen.
Les deux Jedi se rendirent sur une passerelle ouvrant sur le Baie de Tafanda. Le dôme de transpacier montrait le ciel bleu et la végétation luxuriante du vaisseau-cité.
— Regardez, Jacen. Cette ville est à l’abandon parce qu’elle est devenue une cible pour l’ennemi. Nous l’avons évacuée et préparé quelques petites surprises pour les Vong. Idem à la surface de la planète.
— Je comprends, dit le jeune homme.
— Comprenez aussi que Shedao Shai, à cause de mes actes sur Bimmiel et Garqi, a fait de moi sa cible. Il me cherchera, ainsi que les ossements de son ancêtre. Autrement dit, il sera distrait. C’est ce que nous voulons : un chef occupé à autre chose nous permettra de gagner du temps, et, à terme, de remporter la victoire.
— Je comprends, mais le reste…
— Jacen, je ne veux pas venger Elegos. Sa mort m’a profondément blessé, mais je le connaissais assez pour savoir qu’il ne désirerait pas que le sang coule en son nom. Souvenez-vous : sur Dantooine, il a accepté de piloter une navette parce qu’il était prêt à prendre la responsabilité de tuer, afin de l’épargner à d’autres. Si je défiais Shedao Shai pour venger Elegos, mon ami se jugerait coupable de m’inciter à la violence. Je ne ferai pas ça.
— Mais vous avez l’intention de tuer Shedao Shai.
— Si j’en ai l’occasion, je n’hésiterai pas. Je n’agis pas par vengeance – ce qui relèverait du Côté Obscur – mais par sens des responsabilités. Shedao Shai veut ma peau. Si je ne l’affronte pas, un autre Jedi sera sans doute amené à le faire. Il est dangereux. S’il me tue, il deviendra votre problème. Pour l’instant, il est le mien.
— Je n’en suis pas sûr…
— Vous n’en avez pas besoin. Je suis certain que notre décision est juste. La bataille a deux buts : préserver Ithor, permettre à sa population de fuir, et infliger une défaite décisive aux Vong. Nous devons leur montrer que l’invasion de notre galaxie ne continuera pas aussi facilement qu’elle a commencé. S’ils paient un prix élevé ici, ils reconsidéreront peut-être leurs offensives.
« Je ne m’attends pas à ce que vous compreniez, à votre âge, mais ce que nous faisons est juste. Je le sens viscéralement.
— J’avais le même sentiment quand je suis parti libérer les esclaves sur Belkadan, et vous savez comment ça s’est terminé…
Corran passa un bras autour des épaules de Jacen.
— Petit, il vous reste beaucoup à apprendre sur la question…
— J’essayais d’être réaliste.
— Je sais. Mais j’ai peur que nous soyons bientôt submergés par le réalisme. Espérons seulement que nous ne nous noierons pas dedans !
— Je suis surpris que vous soyez toujours là, cousin, annonça Traest Kre’fey, regardant par la baie de la passerelle du Ralroost. J’aurais cru que vous partiriez vers le Noyau avec le grand prêtre Tawron.
Borsk Fey’lya se retint de hausser les épaules.
— Je suis resté pour de bonnes raisons.
Entre autres, parce que Leia Organa Solo ne s’est pas enfuie, au contraire de tous les membres de votre cabinet ?
— Des raisons dont vous entendiez me parler ?
— A vous ? Non. Je vous voulais comme témoin. (Il fit signe à l’officier des communications.) Connectez-moi, je vous prie.
D’un regard, le lieutenant Arr’yka demanda sa permission à l’amiral.
Traest leva une main.
— A qui voulez-vous parler ?
— A l’amiral Pellaeon. J’exigerai que le commandement de cette opération vous revienne. C’est un monde de la Nouvelle République. Vous devriez en assurer la défense.
— Je vois, grogna Kre’fey. Ouvrez la communication, lieutenant.
L’hologramme grandeur nature de Pellaeon apparut.
— Oui, amiral Kre’fey ?
— Mes salutations, amiral. Je ne voulais pas vous déranger, mais le président Borsk Fey’lya souhaite vous pousser à me donner le commandement de la défense d’Ithor. Avant, j’aimerais qu’il entende vos ordres à ce sujet.
L’humain hocha la tête et se lissa la moustache.
— Selon la directive impériale 59826, si je suis remplacé à la tête des défenses ithoriennes, tous les vaisseaux et le personnel impériaux seront aussitôt rapatriés vers Bastion.
— Merci, amiral. Désolé de vous avoir fait perdre votre temps. Kre’fey, terminé.
Le Bothan se tourna vers son cousin.
— Ça vous suffit ?
— C’est un scandale ! Ce monde nous appartient ! Nous devrions être aux commandes de ses défenses !
— Sur Coruscant, vous avez accepté de laisser la défense de la Nouvelle République aux mains des militaires. Je vous ai prévenu que si vous essayiez de vous en mêler, je ramènerais mes forces dans les Régions Inconnues. J’en suis capable et je n’hésiterai pas. Dans ce cas, l’amiral Pellaeon se retirera aussi. Ithor sera sans défense.
Les yeux violets de Fey’lya s’écarquillèrent.
— Vous n’oseriez pas ! Vos troupes au sol resteraient seules, et les Jedi…
— Non ? Ne me mettez pas à l’épreuve. Quant aux Jedi, ils vous importent peu. Vous les préféreriez de beaucoup en martyrs morts… Et il y aura des colonies d’Ithor un peu partout dans la galaxie. Il faudra des années avant que les arbres bafforr qu’ils ont emportés produisent de nouveau du pollen. Alors, nous reviendrons, et nous écraserons les Yuuzhan Vong. En attendant, un mot de travers et j’emmènerai mes forces sur les mondes de mon choix.
— C’est de l’insubordination ! Je vous ferai retirer votre commandement ! (Fey’lya se tourna vers deux officiers de sécurité bothan, près de la porte d’accès à la passerelle.) Arrêtez l’amiral Kre’fey et emmenez-le en cellule !
Aucun Bothan ne cilla.
— Nous sommes dans une zone de guerre, cousin, rappela Kre’fey. Votre pouvoir a cessé quand vous êtes entré dans ce système. Vous avez le choix…
Il fut interrompu par l’apparition soudaine de l’hologramme de Pellaeon.
— Pardonnez-moi, amiral. Les Vong ont atteint le vecteur d’attaque et lancé des vaisseaux… Le Cas de Figure Sept, semble-t-il.
— Merci, amiral. Cas de Figure Sept. Asservissez nos ordinateurs de visée aux données télémétriques du Chimaera. A tout le monde : ceci n’est pas un exercice. Battez-vous bien et nous repousserons les Yuuzhan Vong !
Kre’fey approcha de Fey’lya et murmura :
— Le choix que j’allais vous proposer était de retourner dans vos quartiers ou d’embarquer sur un vaisseau avant que l’ennemi déploie ses forces. Cette dernière possibilité est désormais hors de question, mais je vous en propose une autre : rester sur la passerelle, et montrer ainsi votre soutien aux combattants, ou vous cacher dans votre cabine et espérer que si les Yuuzhan Vong abordent le vaisseau, les cloisons tiendront le coup…
— Vous n’avez que mépris pour moi, cousin, mais à une époque, quand les Impériaux étaient nos ennemis, j’ai versé mon sang pour notre cause. Je n’ai pas fui devant le danger.
— Parfait, parce que les Yuuzhan Vong sont pires que tout ce que vous avez affronté. (Traest éleva la voix pour que chacun l’entende.) Cousin, je vous remercie. Votre présence sur la passerelle donnera du cœur au ventre à tout mon équipage. Nous en sommes honorés.
L’aile X de Jaina Solo survola le Ralroost et prit sa place dans la formation de l’Escadron Rogue. Anni Capstan se posta à tribord, dérivant vers l’arrière de quelques mètres. Jaina vérifia ses boucliers et son artillerie.
— Onze, prête à l’action !
Sparky couina, faisant apparaître des cibles sur l’écran principal : une dizaine de vaisseaux yuuzhan vong. Le moniteur montra un croiseur plus grand que tout ce que Jaina avait vu jusque-là. Hérissé d’épines de corail yorick, il ressemblait à un astéroïde auquel d’autres éléments auraient été greffés.
Trois croiseurs plus petits, de la taille de ceux qu’ils avaient affrontés à Dantooine, entouraient le grand croiseur. Huit autres vaisseaux étaient déployés en soutien des forces principales.
Des chasseurs jaillissaient de tous ces vaisseaux. Sparky repéra une série de navires intermédiaires – des transporteurs de troupes, de l’avis de Jaina.
Le commandement de la flotte téléchargea les nomenclatures techniques des vaisseaux yuuzhan vong. Le plus gros fut appelé « grand croiseur », ceux de taille inférieure « croiseurs d’assaut » et les plus petits « croiseurs légers ».
Les transporteurs reçurent le surnom de « caisses ». Ils étaient probablement pleins à craquer de guerriers yuuzhan vong. Les troupes seraient inutiles jusqu’à l’arrivée des vaisseaux dans l’atmosphère et le débarquement au sol.
Pour s’en débarrasser, il n’était pas nécessaire de détruire les caisses, mais de les abîmer assez pour que leur air fuie, remplacé par le vide et le froid spatiaux.
La voix de Gavin crépita sur la fréquence com.
— Rogues, nous nous chargeons des caisses. Allez-y au laser si vous pouvez, sinon aux torpilles. Mieux vaut que nous nous fassions descendre ici que les laisser débarquer !