CHAPITRE XXIX

La lumière de l’hologramme représentant le système ithorien illuminait les personnes réunies dans la salle de briefing. Luke regarda l’image changer quand l’amiral Kre’fey modifia la perspective. Les vaisseaux-cités s’éloignèrent lentement de la planète. L’amiral bothan figea l’image à ce stade.

— L’évacuation se passe bien. Les vaisseaux-cités ne sont pas assez robustes pour supporter un saut hyperspatial, en supposant qu’on puisse leur adapter des hyper-propulseurs. Nous les protégerons de notre mieux des Yuuzhan Vong, et nous continuerons l’évacuation avec tous les vaisseaux que nous pourrons faire venir.

— Je n’aurais jamais cru qu’on puisse évacuer une planète entière…, dit Pellaeon, pensif.

Corran fronça les sourcils.

— Tous ne sont pas encore partis, loin de là !

— Au mieux, dit Kre’fey, il nous faut encore une semaine, à condition qu’arrivent les vaisseaux supplémentaires que j’ai demandés. C’est une course contre la montre. Nos chances de gagner s’amenuisent d’heure en heure.

— Votre cousin ne peut rien ? demanda Luke.

— Pas vraiment. Ses conseillers sont repartis pour Coruscant aussi vite qu’ils l’ont pu.

— Oui.

— Il est courageux ou idiot. J’ignore que croire de sa part…

— Tant qu’il ne nous cause pas de problème, peu m’importe, dit le Bothan.

— Nos ingénieurs ont fini les travaux sur la station au sol. Les « défenseurs » sont en position. Des coquilles vides défendant une autre coquille vide… Mais ça devrait suffire à tromper les Yuuzhan Vong.

— Parfait, dit Luke. Les Jedi ont presque terminé leurs préparatifs sur le Baie de Tafanda. J’aurais préféré avoir le temps de faire quelques simulations, mais nous sommes prêts. La balle est désormais dans le camp des Yuuzhan Vong…

— Exact, dit Kre’fey.

Il appuya sur une touche de son databloc ; l’image se déplaça vers l’extérieur du système. La flotte yuuzhan vong volait entre une ceinture d’astéroïdes et une géante gazeuse. Les vaisseaux ressemblaient presque à un groupe d’astéroïdes en orbite autour de la géante. Mais leur trajectoire les conduisait directement vers Ithor.

Luke sentit un frisson lui parcourir l’échiné.

L’amiral bothan lissa la fourrure de son cou.

— Depuis qu’ils sont arrivés dans le système, j’ai ordonné des dizaines de simulations de la bataille. Les résultats sont cohérents. Considérant leurs forces et les nôtres, nous combattrons dans l’espace. Puis chaque flotte devra battre en retraite aux deux extrémités du système. A la vitesse où ils avancent, nous les affronterons d’ici trois jours, peut-être quatre.

L’amiral Pellaeon se pencha en avant.

— J’ai demandé des renforts, comme vous. Mais quelque chose me déplaît à propos des simulations. Une fois le premier engagement fini, les Vong peuvent détourner une partie de leurs forces pour s’attaquer aux vaisseaux-cités. Il faudra modifier l’équilibre des forces, ou la route d’Ithor leur sera ouverte.

— Ces renforts peuvent-ils gagner dans l’espace une position qui leur permette de défendre les vaisseaux-cités ? demanda Corran.

— Ça serait assez simple, les mettant aussi en mesure d’aider à l’évacuation.

— Et l’évacuation est plus importante que descendre quelques vaisseaux vong isolés, rappela Luke. Qu’y a-t-il, Corran ?

— Il me semble qu’au lieu d’un match nul, à ce stade, nous aurions besoin d’une trêve.

— Ça serait fort utile… Mais le sort de ton ami caamasi rend cette éventualité peu probable.

— Peut-être pas, affirma Corran.

Chez le Jedi corellien, Luke sentit des émotions conflictuelles.

— Qu’as-tu en tête ? Tu as prévu quelque chose…

— On ne peut rien te cacher ! Je n’avais pas l’intention de te tromper, Luke. C’est impossible. Vous avez tous entendu ce que Shedao Shai m’a dit. J’ai envoyé un message à Agamar. Demain, je recevrai les ossements du guerrier de Bimmiel. A ce moment, j’aurais en ma possession quelque chose que Shedao Shai voudra.

— Tu n’as pas quelque chose de stupide à l’esprit, j’espère ? demanda Luke.

— Je n’ai pas réfléchi jusque-là. Mais je sais que je devais faire venir ces ossements ici.

— Pour les échanger contre une trêve ? Je ne suis pas sûr que ça marchera, dit Kre’fey.

— Je suis sûr que ça ne marcherait pas, confirma Corran.

— Que veux-tu dire ? demanda Luke.

— J’ai en fait deux choses que Shedao Shai convoite : les ossements de son ancêtre et moi. J’ai tué deux membres de sa famille sur Bimmiel. Il a exécuté Elegos, et il veut aussi ma peau.

— Et vous la sienne, fit Pellaeon.

— L’abattre ne me déplairait certes pas, reconnut Corran. Voilà ce que je propose : je défierai le chef yuuzhan vong en combat singulier. S’il gagne, il récupérera ses os. Si je gagne, j’aurai Ithor. Pour mettre ça au point, nous ferons une trêve immédiate. Une semaine ? Deux ?

— Deux seraient l’idéal, dit Kre’fey. Ça pourrait marcher…

— Impossible ! objecta Luke. Pour commencer, Borsk Fey’lya ne sera jamais d’accord.

Kre’fey s’éclaircit la gorge.

— Mon cousin pourra difficilement s’opposer à une décision dont il ne sera pas informé.

— Et si j’échoue, nous n’aurons pas besoin de lui expliquer encore une fois que les Jedi se sont plantés !

— Corran, ça ne va toujours pas. Si tu le provoques en duel, tu deviens l’agresseur. Ce n’est pas ainsi que les Jedi fonctionnent.

Ça te rapprocherait dangereusement du Côté Obscur, mon ami, pensa Luke.

Il s’abstint de le dire à haute voix, ignorant comment les militaires prendraient un tel commentaire.

— Je comprends ton souci, Luke, dit Corran. Mais je sais que ma démarche serait préventive ! Elegos s’est sacrifié pour tenter d’arrêter l’invasion. Si je suis son exemple, j’augmenterai les chances de fuite de beaucoup d’innocents. Ça n’est peut-être pas le choix idéal, mais c’est le seul pour le moment.

— Avec un tel exemple, tu feras le jeu de Kyp Durron et de sa clique.

Luke aurait voulu protester… Le calme de son collègue l’en dissuada.

Le maître Jedi regarda les deux amiraux.

— Vous approuvez ce plan ?

Pellaeon ricana.

— S’il était sous mes ordres, je lui interdirais de passer à l’action ! Mais il ne l’est pas, et je reconnais que la situation est grave. La décision appartient à son supérieur.

L’amiral Kre’fey fronça les sourcils.

— Je suis d’accord avec l’amiral Pellaeon. Je n’aime pas ça, mais… c’est un risque que nous devons courir. Les vaisseaux volent à une vitesse limitée. Nous avons surtout besoin de temps. Ce plan nous en fera gagner. S’il permet de sauver Ithor, tant mieux !

— Beaucoup de choses me dérangent dans ce projet, dit Luke, mais je me fie à Corran. (Il regarda le Corellien.) Tu feras de ton mieux.

— Merci, maître.

Luke tapota l’épaule de Corran.

— Il nous faut étudier une façon de transmettre le message à Shedao Shai. Nous vous ferons part du plan dès qu’il sera fixé.

Kre’fey tendit la main à Luke.

— J’apprécie les sacrifices que vous consentez pour nous aider. Je voulais que vous le sachiez, au cas où un de nous ne survivrait pas à ce conflit.

Un instant, Luke revit mentalement Chewbacca. Il repoussa l’image.