CHAPITRE XXIII
Bien que la paix eût été signée avec les Vestiges six ans auparavant, Corran se sentit mal à l’aise en voyant l’amiral Pellaeon entrer dans la salle de briefing du Ralroost. L’amiral Kre’fey lui serra la main. L’Impérial salua Luke Skywalker, puis se tourna vers Corran et lui sourit.
— J’ai étudié votre rapport sur la mission de Garqi. Excellent travail.
— Jacen Solo a préparé le rapport. Je lui ferai part de votre commentaire.
— Je vous en prie.
Pellaeon s’assit en face de Corran.
— La situation est plutôt compliquée, commença l’Impérial.
— C’est exact. Je ne vous remercierai jamais assez d’être intervenu à pic. Vos services de renseignements, dans la Nouvelle République, sont efficaces.
— Pas autant que vous pourriez le croire. Parlons franchement tant que les politiciens ne sont pas dans le coup, voulez-vous ? J’ai posté mes forces ici dès que j’ai appris que votre raid avait capoté. J’ai supposé que vous aviez infiltré des agents sur la planète et que vous n’aviez pas réussi à les récupérer une première fois. Ça prouvait que quelque chose, sur Garqi, était intéressant. Nous étions là depuis deux jours quand vous êtes revenus…
— Les données que nous avons obtenues vous auraient été communiquées, quoi qu’aient eu à dire mes supérieurs. Et je suis d’accord pour parler à cœur ouvert. Les politiciens compliquent toujours tout !
Corran soupira. Le Ralroost avait rejoint les forces impériales avant de gagner Ithor. L’amiral Kre’fey avait demandé des renforts à la Nouvelle République. Elle enverrait ce qu’elle pourrait… Borsk Fey’lya et quelques sénateurs et ministres viendraient sur Ithor.
A leur arrivée, nul doute qu’ils chambouleraient ce qui aurait dû être une opération purement militaire.
— Je ne me fais aucune illusion, amiral Kre’fey. Les Moffs seront aussi opposés à ce que je vous aide à défendre Ithor que vos chefs le seront à voir des Impériaux opérer dans l’espace de la Nouvelle République. Ils ne verront pas les choses comme nous. La bataille d’Ithor déterminera le déroulement de la guerre contre les Yuuzhan Vong. Si nous gagnons, nous aurons l’avantage sur eux et les repousserons. Si nous perdons… Je ne donne pas cher de la Nouvelle République, ni des Vestiges de l’Empire.
— Les circonstances sont délicates, reconnut le Bothan. Nous n’avons pas accès aux super-armes de l’Empire… Les rapports concernant leur destruction sont exacts, quelles que soient les rumeurs qui circulent.
Pellaeon sourit.
— Nous n’en avons pas non plus. C’est aussi bien, car ces armes auraient été difficiles à employer pour la défense.
— Que les Vestiges les transfèrent au cœur de la Nouvelle République aurait de toute façon été exclu. La défense d’Ithor sera assez difficile sans que des super-armes viennent compliquer le tableau.
— C’est exact, renchérit Luke, ça ne sera pas facile. Nous avons des problèmes avec Ithor. Le premier est d’ordre scientifique. Même si nous plantons dans toute la Nouvelle République des arbres bafforr de la lignée qui a produit le pollen sur Garqi, il faudrait au moins dix ans avant qu’ils donnent du pollen.
Corran fronça les sourcils.
— Les Ithoriens sont connus pour leur ingéniosité en matière de manipulation génétique des plantes et de clonage. Mon grand-père entretient une correspondance régulière avec eux sur ces questions. A mon avis, ils seraient capables de synthétiser ce pollen.
— Ce qui nous amène au deuxième problème. Même si le pollen synthétique fonctionnait aussi bien que le naturel, la religion ithorienne vénère les forêts et la vie. Si nous demandions aux Ithoriens de fabriquer un médicament, ils le feraient. Mais une arme, jamais.
— N’y a-t-il pas moyen de les faire revenir sur leur décision ? demanda Kre’fey.
— J’ai parlé avec Relal Tawron, le grand prêtre qui a remplacé Momaw Nadon à la tête du gouvernement. Que les arbres bafforr de Garqi aient produit du pollen pour vaincre les Yuuzhan Vong signifie qu’ils nous laisseraient en récolter et créer de nouveaux bosquets. Ils considèrent que les arbres ont donné leur accord. Mais ils refusent d’ignorer les autres préceptes de leur foi. Par exemple, les Ithoriens ne laisseront personne poser le pied sur leur planète.
— Je doute que les Yuuzhan Vong respectent cette règle ! ricana Pellaeon.
— Relal le sait. Il est prêt à faire des concessions, si nous en faisons. Nos délégués devront être bénis et observer certaines restrictions.
— Le grand prêtre doit savoir que ces restrictions tomberont à l’eau en cas d’affrontement.
— Il ne l’a pas dit aussi clairement, mais j’ai senti qu’il le comprenait. Sa position n’est pas aisée. Les Ithoriens sont pacifistes. L’invasion et la préparation de la défense pourraient faire éclater la société ithorienne.
Corran prit la parole.
— Nous avons conscience que la destruction du bosquet de bafforr, sur Garqi, nous a tout au plus gagné un répit. Les Vong attaqueront Ithor, c’est sûr. Avec quelques astéroïdes bien placés, ils pourraient détruire la planète.
— Nous la protégerons, dit Pellaeon. Les astéroïdes arriveraient assez lentement pour nous laisser le temps de les pulvériser avant l’impact.
— A la façon dont les Yuuzhan Vong considèrent les créatures biologiques, ils voudront en apprendre davantage sur Ithor, dit Luke.
— Très possible, admit le Corellien. Et nous n’avons pas eu de second Sernpidal lors de la deuxième vague d’assaut. Donc, leur chef tente une approche plus logique. Adopterons-nous une défense standard ? Affronter l’ennemi dans l’espace pour lui rendre difficile l’expédition de troupes au sol, puis les combattre à mesure qu’elles atterrissent sur la planète ?
— Je préférerais les arrêter dans l’espace, décida Kre’fey. Mais négliger les défenses planétaires serait idiot. Postons des troupes d’élite de la Nouvelle République et des Vestiges de l’Empire, pour assurer la défense au sol. Ces soldats seront assez disciplinés pour respecter les limites imposées par les Ithoriens – du moins jusqu’à ce que le combat soit engagé. (Il se tourna vers Pellaeon.) Mais la décision vous revient, amiral.
Pellaeon eut l’air surpris.
— Pourquoi ?
— De nous deux, vous êtes l’officier supérieur le plus expérimenté. J’ai combattu les Yuuzhan Vong à plusieurs reprises sans jamais remporter de victoire décisive. Quelque chose m’échappe. J’aimerais que vous soyez aux commandes de la défense d’Ithor.
Corran leva un sourcil.
— Les politiciens adoreront ça !
— Nous leur « vendrons » le package de la défense jointe ! Mais quand sonnera l’heure de l’affrontement, vous seul commanderez les opérations. Il sera trop tard pour que nos chers politiciens émettent encore des objections.
— Vous serez mon second, bien entendu, assura Pellaeon.
— J’en serai honoré.
— Et ensuite ? Maître Skywalker ?
Le Bothan regarda Luke.
— Les Jedi ont combattu sur Bimmiel et sur Dantooine. Seront-ils présents sur Ithor ?
A travers la Force, Corran sentit le malaise de Luke. Les Jedi n’étaient pas des troupes de choc, mais Ithor regorgeait de vie, et donc de Force… Les Jedi éprouveraient le besoin de la défendre. Pourtant, ce qu’ils seraient appelés à faire irait au-delà d’une démarche strictement défensive… Et cela perturbait Luke.
— A ton avis, Corran ? demanda Luke.
— Nous devrons participer à la défense, ça ne fait aucun doute. La planète entière sera tenue en otage. Que pourrions-nous faire, en la défendant, qui nous rapproche du Côté Obscur ?
— Et si des Yuuzhan Vong souhaitent capituler ? demanda Pellaeon.
— Leurs esclaves ne peuvent pas se rendre, et leurs guerriers sont des jusqu’au-boutistes acharnés.
— Je ne me fierai pas à un Vong qui ferait mine de se rendre, renchérit Corran. Sur Dantooine, certains ont tué des civils, puis utilisé des camouflages ooglith pour prendre leur apparence et s’infiltrer dans le camp. Mara peut en témoigner.
— Une objection valable…, reconnut l’amiral bothan. Nous réexaminerons les règles acceptables de la guerre et préviendrons les nôtres de ne pas accepter de reddition. Tout ignorer ou presque de la culture et des mœurs des Yuuzhan Vong ne nous aide certes pas à les combattre !
— Le grand amiral Thrawn se fiait beaucoup à l’art d’une culture pour mieux la comprendre. J’ignore ce qu’il aurait pensé des Yuuzhan Vong, mais les Chiss originaires des Régions Inconnues les ont affrontés avec une belle énergie.
— Oui, avec leurs vaisseaux à appendices…, précisa Kre’fey. Soyez sûr que Coruscant n’a pas apprécié d’avoir un contingent de fidèles de Thrawn dans le coup. La plupart des politiciens pensent certainement que vous utiliserez les Chiss pour vous tailler un nouvel Empire au détriment de la Nouvelle République.
— Je l’aurais peut-être fait si j’avais su plus tôt leur existence. Quand nous avons rappelé les forces impériales, ce contingent est arrivé avec les compliments du baron Fel, commandé par son fils.
— Qui aurait pu s’en douter ?
— Je le savais, fit Luke à voix basse. Pendant la crise bothane, quand je suis parti chercher Mara, nous avons croisé l’amiral Parck et le baron Fel. Ils supervisaient le clonage de Thrawn… Ils nous ont appris que des combats se déroulaient dans les Régions Inconnues, où ils tenaient en respect un ennemi de l’Empire. Ils n’étaient pas une menace pour nous. Les mentionner aurait risqué de compromettre la signature du traité de paix.
— Si certains ministres apprenaient que vous avez passé sous silence ce type d’information, ils y verraient la preuve que vous voulez établir une hégémonie jedi en utilisant les Chiss…
— C’est idiot, lâcha Corran.
— Je sais, dit Kre’fey. Je vous dis seulement quelles conclusions ils en tireraient. Pour ma part, savoir que nous avons quelqu’un pour garder nos arrières me ravit. (Le Bothan se tourna vers Pellaeon.) Quelles forces militaires pourrez-vous faire venir ?
— Mon équipe y travaille. Au moins quatre destroyers impériaux, huit destroyers de classe Victoire et leurs vaisseaux annexes. Nous en posterons quelques-uns à Yaga Minor pour couvrir Garqi, puisqu’ils lanceront leur attaque depuis cette planète.
— Je peux obtenir des forces similaires, mais certains vaisseaux devront rester à Agamar. Ils protégeront la fuite des rescapés. Au besoin, je récupérerai ces forces, mais ça impliquera la chute d’Agamar.
Perdre Agamar poserait un grave problème. Cela couperait le trajet hyperspatial le plus direct entre la Nouvelle République et les Vestiges de l’Empire.
Le monde de la Nouvelle République le plus proche des Vestiges deviendrait Ord Mantell. Mais le trajet de Yaga Minor à Ord Mantell était difficile et long.
Pellaeon haussa les épaules.
— C’est le problème éternel des militaires. A la lumière d’une analyse statistique, nous savons où déployer nos forces. Et la clé est Ithor. Les Yuuzhan Vong devront lancer une attaque massive pour espérer la prendre. Si nous dépouillons les autres lieux de toute défense, nous leur offrirons des cibles tentantes. Quelle que soit notre décision, elle entraînera des problèmes pour quelqu’un…
« Nous avons environ deux semaines avant l’arrivée de vos chefs. D’ici là, mettons sur pied un plan prouvant que nous partageons les responsabilités et les risques. Nous ferons des concessions aux politiciens, que ça nous plaise ou non. Nous n’aurons pas le choix.
— J’aime autant être celui qui fixe les limites, conclut Kre’fey. Histoire de pouvoir passer outre, si nécessaire. Sinon, tout sera perdu : Ithor, la Nouvelle République et l’espace Impérial…