CHAPITRE XVIII

Dans le bureau de la directrice de la bibliothèque, à l’université de Garos, Luke se leva et gagna l’entrée avant d’activer son comlink. Mara et Mirax restèrent aux prises avec la bureaucrate, qui commentait par le menu ses activités et travaillait aussi vite qu’un tauntaun mouillé sur Hoth…

Si elle avait laissé R2 se brancher sur son ordinateur, nous aurions eu les renseignements en un rien de temps.

— Ici Skywalker. Qu’y a-t-il, Anakin ?

— Salutations, maître Skywalker.

Luke sursauta.

— Daeshara’cor ? C’est la fréquence com d’Anakin.

Luke sonda la Force… Anakin et la Twi’lek étaient très distants, comme s’ils essayaient de se cacher.

— Il va bien pour le moment. Juste un peu… endolori…

Sa voix était à demi couverte par des parasites. Luke comprit : elle avait diminué le signal le plus possible pour interdire tout repérage.

Son appel sera court, puis elle changera de lieu…

— Daeshara’cor, nous devons parler. Votre démarche est très mal inspirée. Ça ne nous avancera à rien.

— Maître, si je vous croyais capable de comprendre, je vous aurais contacté avant. Mais c’est inutile. Vous allez vous empresser de me priver des informations que je recherche. Je vous propose un marché : votre neveu contre ces renseignements. Réfléchissez. Daeshara’cor, terminé.

— Malédiction !

Luke s’aperçut qu’il avait juré à voix haute quand Mara et Mirax sortirent de la pièce en trombe.

— Daeshara’cor a capturé Anakin !

— Comment est-ce possible ? Tu es sûr qu’elle n’a pas simplement pris son comlink ?

— Je ne le perçois pas nettement – ni elle, d’ailleurs. Mais ils sont quelque part… hors du vaisseau.

Mirax se connecta à Whistler avec son databloc…

— Whistler rapporte que Chalco a convaincu Anakin de vérifier les sources d’informations locales. Ils ont quitté le Pulsar il y a une heure. Whistler n’a plus de nouvelles depuis.

Luke ferma les yeux et se massa le front. Mara lui effleura le dos.

— Que désires-tu que nous fassions ?

Le maître Jedi rouvrit les yeux.

— Daeshara’cor veut échanger Anakin contre les dossiers relatifs à l’Œil de Palpatine, ou à toute autre super-arme, j’imagine. D’après la directrice de la bibliothèque, ces dossiers ne sont pas dans les archives. Donc, pas d’échange.

— Premier problème, annonça Mara. Le deuxième, c’est que Daeshara’cor ne peut pas relâcher Anakin : nous l’empêcherions de continuer son absurde quête. Si elle ne l’a pas encore compris, ça ne saurait tarder.

— Sans informations à échanger, comment se rapprocher d’elle ?

— Je peux bricoler une fausse carte de données, dit Mirax. Assez convaincante si elle y jette un simple coup d’œil… Penses-tu qu’elle mettrait Anakin en danger ?

Luke était d’un autre avis.

— Je ne perçois pas ce type d’intention chez elle.

— Luke, elle cherche des super-armes !

— Je sais. Mais je doute qu’elle ait mesuré les implications… Pleurer une personne qui était proche de soi, c’est autre chose que regretter la disparition de milliards de gens !

— Surtout quand il s’agit d’une planète ennemie…

— Pour le moment, Mara, elle n’est pas encore passée du Côté Obscur. Si nous savions ce qui a motivé sa réaction, nous pourrions peut-être l’aider.

— En attendant, le subterfuge de Mirax vaut la peine qu’on l’essaie. Allons-y.

Luke retourna dans le bureau de la directrice.

— Pardonnez-moi, mais un événement assez urgent vient de se produire.

— Comment puis-je vous aider ?

— En laissant R2 accéder à votre terminal. (Il regarda le droïd.) R2, récupère tout ce que tu peux sur l’Œil de Palpatine, puis télécharge un dossier aussi technique que possible. Nous tendons un piège, et il s’agit de le rendre irrésistible !

Anakin l’avait compris : la quête de Daeshara’cor était mortellement sérieuse. Et elle n’hésiterait pas à tuer son otage s’il faisait appel à la Force.

Elle éteignit son comlink.

— Vous avez entendu. Je vous échange contre les informations. Vous ne serez pas maltraité.

Anakin s’agita dans ses liens.

— Pas plus que je ne l’ai déjà été…

— Je ne peux pas faire autrement que vous attacher.

— Vous ne comprendriez pas.

— Pourquoi ? Parce que j’ai été élevé sur Coruscant ? Parce que je ne suis pas un Twi’lek ?

Avant qu’elle puisse répondre, la porte de l’appartement vola en éclats. Une carabine blaster au poing, et une sorte d’écharpe de fourrure grise minable autour du cou, Chalco surgit.

— Ne bougez plus, Daeshara’cor ! Ne vous en faites pas, petit, vous êtes tiré d’affaire !

— Vous croyez ça ? fit la Twi’lek.

Elle activa son sabre laser.

Chalco appuya sur la détente… La Jedi intercepta le rayon bleu paralysant, le renvoyant sur Chalco.

Frappé au genou, puis enveloppé par l’énergie, il s’effondra, les yeux écarquillés.

Utilisant la Force, Daeshara’cor le traîna près d’Anakin puis ferma la porte.

L’homme revint à lui en marmonnant.

— Je ne comprends pas…

— Quoi, Chalco ?

— Elle n’aurait pas dû pouvoir… La peau de miri lui enlèverait ses pouvoirs, m’a-t-on assuré…

— De la peau d’ysalamiri ? Votre écharpe ?

— Oui. Et elle coûtait cher !

— Euh, Chalco… Ça marche quand l’ysalamiri est vivant…

— Et ce truc est momifié, lâcha Daeshara’cor, méprisante.

Chalco devint tout pâle…

— Avez-vous prévenu Skywalker ? demanda la Twi’lek. Je parie que non. Vous vouliez sauver le gamin tout seul ! Bon, il me reste un peu de temps.

Anakin la dévisagea.

— Non. De vous expliquer pourquoi vous ne pouvez pas comprendre… Vous êtes un privilégié, Anakin. Dès votre naissance, on vous a considéré comme un héros. On attend beaucoup de vous, de votre frère et de votre sœur. Et vous l’assumez très bien… Mais ça vous rend incapable de saisir le reste.

— Pourquoi cherchez-vous une arme capable de désintégrer des milliards de gens ? Qu’avez-vous vécu de si terrible pour envisager une telle abomination ?

— Ça vous échappe ?

— Oui.

— Et si le sort de votre famille était dans la balance ? N’échangeriez-vous pas des milliards de Yuuzhan Vong contre Chewbacca ?

La gorge d’Anakin se serra. Il tenta vainement de refouler des larmes qui coulèrent sur ses joues, brûlantes.

— Un milliard de vies ou dix milliards ne le ramèneraient pas parmi nous… Chewie avait connu tant d’épreuves… Quand mon père l’a connu, il était esclave…

— Alors, il aurait compris.

— Je ne vois pas…

— Et vous ne verrez jamais ! (Elle reprit le comlink.) Je dois recontacter votre oncle.

— J’aurais bien essayé de vous détacher, mais mes doigts sont engourdis, souffla Chalco. Et ma tête me fait mal…

— La mienne aussi, avoua Anakin.

En douceur, pour éviter d’attirer l’attention de Daeshara’cor, il puisa dans la Force.

La Twi’lek pivota.

Trop tard.

La carabine blaster se souleva et vola vers elle, la frappant au front.

Anakin se détendit et chercha son oncle à travers la Force. Il le trouva rapidement, car il était plus près qu’il ne l’imaginait.

Rouvrant les yeux, il vit Chalco, un grand sourire sur les lèvres.

— Qu’y a-t-il de si drôle ?

— Vous avez eu de la chance que j’arrive ! Sans moi, votre amie s’en serait tirée…

— Qu’avez-vous fait de si extraordinaire ?

— J’ai apporté la carabine ! Sans elle, avec quoi l’auriez-vous assommée ?

Anakin fit glisser la carabine blaster vers Chalco.

— Paralysez-la, puis détachez-moi.

— Donnez-moi une minute.

— Pas le temps ! Mon oncle arrivera dans un instant. Au fond, il vaut peut-être mieux que je reste attaché…

Chalco enleva la peau de miri de son cou et la jeta dans un coin.

— Pas un mot à ce sujet, d’accord ?