CHAPITRE XIV

Accroupi près du site de rendez-vous convenu avec son contact local, Corran Horn portait une tenue de camouflage aux couleurs de la forêt de Garqi : rouge, gris et pourpre. Dissimulé au milieu des broussailles, Corran était pratiquement invisible.

Son contact se faisait attendre. Corran ne percevait aucune perturbation de la Force, mais ça n’apaisait pas son angoisse. Si un détachement de Yuuzhan Vong approchait de sa cachette, la Force ne lui donnerait aucune indication. Prévoyant cette possibilité, Ganner, Jacen et les Noghri avaient installé un périmètre de surveillance.

Si quelque chose arrivait et qu’ils n’aient pas le temps de le prévenir par comlink, il serait averti à travers la Force. Mais il préférait ne pas penser à cette éventualité…

Ils étaient sur Garqi depuis une semaine. Le Meilleure Chance avait quitté sans encombre le site du crash. Les Yuuzhan Vong ne s’étaient pas lancés à leurs trousses, incapables de suivre les traces qu’ils avaient laissées… Ils avaient atterri dans une installation agricole, à quarante kilomètres au nord de Pesktda, la capitale de la planète. Le vaisseau avait été caché dans un hangar à droïds moissonneurs.

Comme ils s’y étaient attendus, les Yuuzhan Vong avaient détruit les droïds. Les moissons étaient prêtes, mais sans les droïds, il serait impossible de tout ramasser.

Corran éprouvait une sorte d’admiration face à la détermination des Yuuzhan Vong face aux machines. A la place du commandant de la troupe d’invasion, il les aurait d’abord utilisées pour nourrir ses troupes, puis détruites.

En supposant que les Yuuzhan Vong se nourrissent comme les peuples de la galaxie qu’ils entendaient conquérir…

Mais le commandant a préféré laisser la nourriture pourrir plutôt que se servir des machines qu’ils haïssent. Intéressante prise de position…

Restait une question : que faisaient les Yuuzhan Vong sur Garqi ?

L’équipe de reconnaissance ne croisa personne sur le chemin de la capitale et ne détecta pas de communication sur les fréquences locales.

Quatre jours après leur arrivée, les espions avaient intercepté une émission codée. Il s’agissait d’un message destiné aux survivants du crash, au sud de Pesktda, assorti d’une liste de lieux et d’heures de rendez-vous.

Ganner et Jacen avaient estimé que le message était un piège. Corran n’était pas d’accord.

— Si les Vong refusent d’utiliser des machines pour récolter la moisson, ils ne s’en serviront pas pour quelque chose d’aussi aléatoire que ce message. Et jusque-là, ils n’ont pas montré beaucoup de duplicité. Nous irons surveiller un des sites de rendez-vous. Nous verrons bien. Et nous retrouverons notre contact au site suivant.

Corran était ravi de les avoir de son côté, furieux contre les Yuuzhan Vong.

Je sais qu’ils garderont leur contrôle…

Avec Ganner et Jacen, il en était moins sûr. Depuis ce qu’il avait vu sur Bimmiel, Ganner haïssait les Yuuzhan Vong. Corran doutait qu’il agisse stupidement, mais une chose était sûre : Ganner lancerait toutes ses forces dans la bataille.

Et cette attitude pourrait lui attirer un tas d’ennuis…

Jacen était un cas différent. Sur Belkadan, il avait été capturé par un guerrier yuuzhan vong. Sur Dantooine, il avait défait des ennemis mais il ne pouvait pas se vanter d’en avoir tué plus d’une douzaine. Le jeune homme ne se lancerait pas dans une tuerie histoire d’égaler Anakin… Mais Corran n’était tout de même pas sûr de ses réactions.

A travers la Force, il perçut de la détermination mêlée à de l’appréhension. Au sud, il vit un jeune homme arriver de la forêt tropicale.

Corran projeta une image de mouvement sur la gauche de l’inconnu, et en profita pour se rapprocher. Il le vit poser une main sur son oreille, probablement pour parler à quelqu’un dans un comlink.

Puis il pivota et braqua sa carabine blaster sur Corran.

Le Jedi capta de la peur vite réprimée.

— Vert !

— Jaune, répondit Corran.

Le jeune homme sourit et baissa son blaster.

— Je m’appelle Rade Dromath.

— Dromath… Ce nom me dit quelque chose.

— Mon père a combattu avec la Nouvelle République. Il a péri pendant la guerre contre Thrawn.

Des souvenirs revinrent à la mémoire de Corran.

— Dynba Tesc… Elle a fui l’Empire et rencontré mon père. Après sa mort, elle est revenue ici.

— Je l’ai connue autrefois. Comment va-t-elle ?

— Elle est décédée. Les Yuuzhan Vong l’ont tuée lors de la première vague d’assaut. Mais elle avait préparé des plans et caché des objets utiles. La Résistance existe grâce à elle.

— Je suis désolé…

Il se souvenait de Dynba Tesc : une femme naïve mais enthousiaste, assez courageuse pour défier l’Empire sur une planète où la rébellion ne s’imposait pas vraiment.

Son intervention avait permis à Corran de quitter la planète et de rejoindre l’Escadron Rogue.

— Votre mère était une femme exceptionnelle.

— Ça y est, je sais qui vous êtes ! Horn, celui qui l’a fait sortir de Garqi.

— Elle en est sortie seule. J’étais là pour l’accompagner.

Rade sourit.

— Mon père était son héros et l’amour de sa vie, mais elle a toujours parlé de vous avec admiration. Elle était fière de vos succès.

J’aurais dû rester en contact avec elle, la soutenir quand son mari est mort…

— Si nous en avons le temps, j’aimerais que vous me parliez d’elle. Mais ce n’est ni l’endroit ni l’heure. Appelez vos gens, j’appellerai les miens. Vous avez un repaire sûr ?

— Oui, à un klick d’ici. Les Yuuzhan Vong ne s’en sont jamais approchés.

Il conduisit la petite troupe vers un bunker caché par la végétation qui semblait dater d’avant l’Empire.

— Ce bâtiment servait autrefois aux droïds agricoles du secteur.

— Nous savons ce que les Yuuzhan Vong ont fait des droïds, dit Jacen. Nous n’avons pas vu de champs de villips, ni rien de ce qui existe sur Belkadan.

— Cette planète est si fertile…, soupira Gartner. J’avais supposé qu’ils l’exploiteraient.

— C’est le cas, assura Rade. Nous vous montrerons demain. Ils font pousser une armée !

Ils partirent avant l’aube pour une longue marche qui les mènerait de l’ouest au sud, dans les faubourgs de la capitale. Rade les conduisit sur une colline d’où ils purent examiner des bâtiments qui appartenaient naguère à l’Université Agricole de Garqi. Des humains de grande taille sortirent des dortoirs, s’alignant face au soleil levant. Des petites créatures reptiliennes couraient partout, aboyant des ordres.

Jacen baissa ses macrobinoculaires.

— Les reptiloïdes sont semblables à ceux que nous avons combattus sur Dantooine.

— Ces gens portent des excroissances comme les esclaves de Bimmiel, ajouta Ganner.

— Et ceux de Belkadan, mais les leurs sont plus régulières.

Le dernier rang était constitué d’humains entièrement englobés par la matière corallienne, qui les faisaient ressembler à des commandos sculptés dans l’ivoire.

Rade soupira.

— Ce sont leurs dernières « créations ». Les Yuuzhan Vong sont là depuis un mois, et ils ont déjà produit deux escouades. Ils les entraînent, puis les lâchent à Pesktda où il n’y a plus d’êtres vivants. Les reptiloïdes et certains guerriers Yuuzhan Vong se lancent à leur poursuite. Il reste quelques machines dans ce secteur. Nous avons pu suivre les combats grâce à des holocaméras. Il y a eu quelques pertes parmi les Yuuzhan Vong, mais les groupes d’esclaves pourchassés s’en sortent de mieux en mieux. Voilà pourquoi nous pensons qu’ils font « pousser » une armée. Ce sont des prototypes. Quand ils en auront trouvé un qui fonctionnera bien, ils transformeront n’importe qui en soldat d’élite.

— Ils sélectionnent les gens qui leur conviennent le mieux, puis les modifient…

— Exactement. Nous pourrions lancer un raid pour libérer les prisonniers, mais nous ne pouvons rien pour ceux qui ont été transformés.

Corran regarda les deux autres Jedi.

— Des suggestions ?

Jacen se gratta la joue.

— Notre mission est avant tout une reconnaissance… Nous pourrions attaquer leur station expérimentale, mais les répercussions sur la population risquent d’être horribles, si les Yuuzhan Vong décident de se venger sur elle.

— Attaquer l’installation expérimentale semble intéressant. Nous emporterions quelques échantillons histoire de perturber les Yuuzhan Vong. Après tout, nous sommes ici pour obtenir des renseignements. Des spécimens auraient une grande valeur…

— Vous avez raison tous les deux, mais je doute qu’attaquer l’installation expérimentale soit la solution. Les Vong sauraient que nous avons compris ce qu’ils préparent.

« Sur Belkadan, une manipulation génétique a servi à repousser la menace représentée par leurs insectes. Ils savent que nous pouvons agir sur les mécanismes de la vie. Si nous récupérions des échantillons à leur insu, nous trouverions peut-être un « vaccin » susceptible d’empêcher les excroissances de se développer.

— Vous voulez que nous enlevions des gens modifiés ?

— Pas ouvertement, ça trahirait notre présence. Mais la prochaine fois qu’ils enverront un groupe jouer à la guéguerre, nous capturerons des esclaves. Avec un peu de chance, leurs maîtres ne s’apercevront pas qu’il manque un ou deux cadavres.

— Oubliez-vous que nous devrons nous rapprocher des Yuuzhan Vong et de leurs petits associés ? demanda Jacen. Ça augmente les risques d’être découverts.

Ganner posa une main sur son épaule.

— Il le sait, Jacen. Mais ces risques sont élevés, où que nous soyons sur cette planète. En principe, ils ne se douteront pas de notre présence jusqu’à ce qu’il soit trop tard.

— Et sinon, Ganner ? Que ferons-nous ?

Un sourire féroce illumina le beau visage du Jedi.