Chapitre
20
Long voyage de retour
La dernière semaine d’école fila comme un ouragan. Zane resta à Poudlard, passant les deux premières nuits alternativement dans les dortoirs de Gryffondor et Serpentard, avec James et Ralph. Les elfes de maisons avaient installé pour lui un lit pliant. Le reste du temps, il retourna dans son ancien dortoir à Serdaigle, où les autres l’accueillirent avec joie. Horace Bouleau lui affirma fièrement qu’il serait à vie un Serdaigle, malgré son « triste héritage américain. Il ajouta qu’on pouvait difficilement attendre grand-chose de sorciers qui préféraient le café, et qu’un véritable Serdaigle ne buvait que du thé et de la Bièraubeurre.
À la grande satisfaction de James, la pièce du Triumvirat reçu une chronique enthousiaste dans la Gazette du sorcier. Il n’y avait qu’une légère évocation concernant Lily. On ne parlait pas d’enlèvement, mais simplement de la disparition momentanée d’un enfant, tout en sous-entendant qu’une mystérieuse cicatrice était impliquée. De toute évidence, le retour de Lily, saine et sauve, avait ôté beaucoup d’importance à l’évènement. Le chroniqueur s’attardait sur la pièce, signalant l’originalité et l’inventivité de la production qui présentait un élément majeur du théâtre classique sorcier avec des techniques moldues, selon les vœux du professeur Tina Grenadine Curry, de Poudlard. Seulement, le journaliste avait découvert que les générateurs moldus, censés alimenter les spots de la scène, tournaient sans pétrole. Aussi il avait décidé que le succès de la pièce provenait bel et bien de la magie. Il pardonnait donc au professeur ses illusions sur les arts moldus.
Dans la Grande Salle, au petit déjeuner, le dernier jour d’école, Rose lisait le journal à haute voix.
— Regarde un peu, dit-elle. James Sirius Potter a campé le rôle du bien-aimé Travis avec un talent qui prouve que la jeunesse et l’inexpérience n’empêchent pas un être doué – et manifestement inspiré – d’offrir une prestation délicieuse. En voyant le remarquable talent du jeune Mr Potter, on ne peut s’empêcher de remarquer que la pomme tombe rarement loin du pommier, même s’il s’agit parfois d’un verger complètement différent.
James piqua un fard.
— Rose, dit-il avec un sourire penaud, c’est la cinquième fois que tu me lis ça.
Zane lui envoya un coup de coude.
— Apparemment, ça ne te gêne pas trop, dit-il en riant.
— Ça veut dire quoi au juste, cette allusion sur un « verger différent » ? demanda Ralph.
— Ça veut dire que James est aussi doué que son père, répliqua Rose, en pliant le journal, mais dans un autre domaine. On imagine mal oncle Harry être un bon acteur, non ?
— C’est vrai, admit James, avec un sourire gêné. Mais je préférerais qu’on arrête de parler de moi. D’ailleurs, c’est fini le théâtre ! Une fois me suffit.
Zane secoua la tête.
— Tu dis ça maintenant, mais attends un peu. Très vite, les spots de la scène commenceront à te manquer. Tu sais, mon père travaille dans le cinéma moldu. Il pourrait peut-être te présenter des réalisateurs et te trouver un rôle au cinéma. Il y a même, à ce que j’ai entendu, des films prévus sur les livres de ton père. Tu serais parfait pour jouer le rôle !
— Pas question ! s’écria James.
Sa protestation fut noyée sous un chœur de rires et de cris enthousiastes. Il décida de ne pas insister. D’ailleurs, à la fin, tout le monde s’accorda sur le fait qu’Albus correspondait mieux que lui au personnage : il ressemblait beaucoup plus à son père.
— D’accord, génial ! dit Albus très sérieusement. Je pourrais même lancer de vrais sortilèges. Tu crois que ce serait autorisé ?
Zane secoua la tête, et tout le monde se mit à rire.
La nuit même, James demanda l’aide de son ami américain pour enlever la cicatrice en forme d’éclair sur le front de sa poupée vaudou. Avec un soin minutieux, Zane utilisa sa baguette pour effacer la marque de la petite tête en toile de jute. Étrangement, James ressentit le processus : une sorte de démangeaison sur le front, qui s’atténua au fur et à mesure que la cicatrice disparaissait. À la fin, quand Zane tendit à James sa poupée, le travail était parfaitement réalisé.
— Aussi nette que de la neige fraîche, s’exclama-t-il, en hochant la tête.
James examina la poupée. Effectivement, il ne restait aucune trace qui indiquait qu’une cicatrice avait été là. Il enveloppa la poupée dans un mouchoir, et la cacha tout au fond de sa malle. Il n’était pas certain de ce qu’il voulait faire avec cet objet, maintenant qu’il savait qu’on pouvait l’utiliser de façon dangereuse. Il avait pourtant la sensation très vive qu’il se contenterait de rendre la poupée à sa mère. Après tout, Ginny désormais la surveillerait, et c’était la personne au monde la mieux à même de s’en occuper.
Au dîner, le dernier soir, Gryffondor reçut la Coupe des Maisons, en partie à cause des points de dernière minute que Merlin accorda à Gryffondor pour la prestation théâtrale de James, Noah et Petra. James fut heureux de cette récompense. Quand la table rouge et or applaudit à pleine puissance, et qu’il reçut de nombreuses bourrades dans le dos, il eut, pour la première fois de sa vie, la sensation d’être digne de la légende de son père. Au bout de la table, avec un sourire incertain et quelque peu nerveux, flottait Cédric Diggory. Le fantôme adressa à James un signe de la main. Près de lui, se tenait la dame Grise. Malgré son visage impassible, James devina qu’elle était plus heureuse que d’ordinaire.
Pour la fête de fin d’année qui suivit le dîner, les Poufsouffle avaient organisé un spectacle de marionnettes hilarant : sous forme de caricature du Triumvirat, ils se moquaient de tous les personnages impliqués. James éclata de rire si fort que les larmes lui coulèrent des yeux. Quand il tourna la tête pour partager avec Petra son amusement, il constata que la jeune sorcière avait quitté son siège. Il ne la revit pas de toute la soirée.
Le dernier matin, tout le monde se préparait pour le retour chez soi. Zane avait rapidement terminé son petit bagage, et il attendait dans la cour devant le château. Il sifflota légèrement quand James fit descendre sa malle dans les escaliers.
— Ça va être sympa de remonter dans le Poudlard Express, dit l’Américain avec un sourire heureux. J’ai très envie de retrouver le chariot de la vieille sorcière avec ses bonbons. Elle n’était pas là quand je suis venu à Poudlard avec ta mère et ta sœur. De toute évidence, elle ne sort sa cargaison que lorsque le train est rempli d’élèves. J’imagine évidemment que c’est plus rentable pour elle.
James, épuisé, se laissa tomber sur sa malle.
— Humph, grogna-t-il. Je l’ignorais.
— Peut-être travaillera-t-elle davantage maintenant que le train aura de plus longs trajets, ajouta Zane. J’ai vu l’endroit où le chemin de fer traverse la montagne. Apparemment, il ira jusqu’à un nouveau village sorcier de l’autre côté, caché dans une gorge. Je n’arrive pas à me souvenir du nom de ce village, mais d’après ta mère, quand le train y accédera, ça sera bien plus pratique que d’utiliser régulièrement la poudre de cheminette. La sorcière aux bonbons aura de nouveaux clients.
— Elle serait très heureuse de savoir que tu t’inquiètes autant de son commerce, dit James en levant les yeux au ciel.
— Ce n’est pas de ma faute si je suis quelqu’un d’altruiste, admit Zane d’un ton modeste. J’ai de nombreuses qualités. Au fait, je pense avoir compris le secret du balai magique de Tabitha.
Cette fois, James le regarda, très intéressé.
— Ah oui ? Et c’était quoi ?
Zane mit la main dans sa poche, et en sortit une petite enveloppe.
— Albus m’a laissé étudier ce qui restait de son balai. Les deux morceaux du manche étaient à l’infirmerie, après que Petra les ait utilisés pour lui faire une attelle. Je les ai ouverts en deux, et Gennifer et Horace m’ont aidé à faire quelques expériences dessus. Regarde ça.
Il tendit l’enveloppe. James l’ouvrit, et regarda à l’intérieur. Il y avait quelques lambeaux de tissu noir.
— Surtout n’y touche pas ! dit Zane. Je l’ai fait par erreur, et j’en ressens encore l’effet tératologique.
— Térato… quoi ? s’étonna James en rendant son enveloppe à Zane[7].
— Désolé, c’est un terme technique que j’ai appris de Raphaël, à Alma Aleron. Ça veut dire un truc monstrueux, anormal, bizarre, qui fout les jetons… Euh… qui est tout à fait en dehors du magicomètre normal.
— D’accord, je vois l’idée générale, dit James. Explique-moi quand même les détails.
Zane s’installa à côté de James, sur la malle.
— Tu te rappelles l’an passé, quand tu m’as expliqué comment on pouvait ensorceler un balai ?
— Oui, acquiesça James. Quand un joueur de Quidditch insère quelque chose de magique – un os de dragon ou un crochet de basilic – dans le manche de son balai, ça le transforme plus ou moins en une sorte de baguette magique géante.
— Eh bien, répondit Zane, nous ne nous trompions pas tellement sur le balai de Corsica. Nous le pensions ensorcelé parce que c’était le bâton magique de Merlin, mais bien sûr, là, on s’est planté. Il était ensorcelé parce qu’il contenait un morceau de la cape noire d’un Détraqueur.
James se tourna pour regarder Zane.
— D’un Détraqueur ? s’exclama-t-il. Je ne savais même pas que c’était possible. Comment a-t-elle fait ?
Zane haussa les épaules.
— Aucune idée, mais c’est pourtant bien ça. Corsica connait peut-être des sorciers qui font ami-ami avec les Détraqueurs, et ils en ont obtenu un petit cadeau. Après tout, tu m’avais bien dit que les Détraqueurs s’étaient ralliés au vieux Voldy et à ses copains, non ?
— Ralliés, c’est un grand mot, mais ils étaient tous aussi mauvais les uns que les autres. (James réfléchit un moment.) Tu as sans doute raison.
— Ça paraît logique, approuva Zane. Si ce qu’a dit Merlin est vrai, les Détraqueurs ressemblent aux borleys. Donc, ils existent en dehors du temps, et peuvent de ce fait le manipuler – plus ou moins. Et c’est exactement ce que Tabitha Corsica faisait avec son balai, non ? Il savait ce qui allait se passer dans un futur immédiat, et il pouvait donc prévoir où il devait se trouver. Heureusement pour toi et Albus, cette saleté était fidèle à son propriétaire.
Horrifié, James regarda l’enveloppe que tenait Zane.
— Waouh ! haleta-t-il. Je sais bien que ce truc nous a sauvé la vie, mais ça me plaît bien qu’il ait été détruit. L’idée qu’il contienne un lambeau de la robe d’un Détraqueur… ça fiche les jetons. Franchement.
— Oui, c’est tératologique, dit Zane qui rangea son enveloppe. Albus m’a dit que je pouvais garder ces lambeaux. En rentrant à Philadelphie, je les donnerai au chancelier Franklyn. Il pourra les étudier. Je parie même que je vais devenir son chouchou pendant un sacré bout de temps.
James secoua la tête avec un sourire, amusé du culot de son ami.
Peu de temps après, Ralph, Rose, et Albus descendirent leurs malles en bas des escaliers et, tous ensemble, les cinq amis attendirent que Hagrid amène une calèche qui les conduirait à la gare. James leva les yeux et savoura la chaleur du soleil sur son visage. Il se sentait parfaitement heureux. Le voyage de retour à la maison serait tranquille et agréable.
Le train prit de la vitesse en quittant la gare de Poudlard.
— James, tu ne nous as pas encore raconté ce qui s’était passé exactement de l’autre côté de ce précipice, dit Ralph. En fait, qu’est-ce qu’avait Petra ? Elle était sous un Sortilège de l’Imperium ou quoi ?
James secoua la tête.
— Non, pas vraiment. Elle a juste été manipulée. Elle ignorait être « la lignée » de Voldemort. Lucius Malefoy s’est arrangé pour que la cape d’invisibilité de mon père, ma poupée vaudou, et le portrait réparé de Voldemort soient rajoutés au colis des affaires que Wilfred Agnelis avait laissées à Azkaban avant de mourir. Le portrait et la poupée étaient ensorcelés, Petra n’avait pas conscience de leur présence. Elle était manipulée par la parcelle de l’âme de Voldemort qu’elle porte en elle. Plus tard, quand elle entendait la voix du portrait dans la caverne, elle pensait qu’il s’agissait de celle de son père défunt. Ça paraît dingue, mais je pense qu’elle était folle de douleur. Elle a vraiment reçu un choc violent en apprenant la vérité sur le sort de ses parents.
— Alors, dit Ralph, songeur, rien de ce que nous avons vu dans la Pensine ne concernait Tabitha Corsica. Tous les souvenirs désignaient Petra. Scorpius nous a laissé croire que Tabitha était la lignée pour obéir aux ordres de son grand-père. Il voulait nous empêcher de regarder dans la bonne direction, c’est ça ?
— Je me fiche de ce que vous pensez de lui, dit Albus d’une voix mauvaise, pour moi, ce mec-là est tordu. Il ne nous a apporté que des ennuis. Il a intérêt à ne pas s’approcher de moi.
Rose referma le livre qu’elle avait sur les genoux, et leva les yeux.
— J’admets qu’il a mal agi, d’abord en volant la cape, la carte et la poupée, ensuite en nous mentant au sujet de la lignée, mais il subissait l’influence de son grand-père. Vous ne pouvez pas le blâmer pour avoir tenté de suivre les critères de sa famille. Il ne connaissait que ça. De plus, même quand il nous a montré les souvenirs de la Pensine, il commençait à avoir des doutes sur le plan de son grand-père. C’est pour ça qu’il n’a jamais prononcé le nom de Tabitha. Peut-être espérait-il plus ou moins que nous découvrions la vérité au sujet de Petra.
— Et au final, il a quand même bien agi, ajouta James. Il ne savait pas que les autres prévoyaient de faire mal à Lily. Quand elle a été kidnappée, Scorpius a complètement abandonné le plan de son grand-père et de Tabitha. Nous n’aurions jamais appris la vérité si Scorpius ne s’était pas trouvé avec nous dans cette salle de bain.
— Je crois que vous avez tous les deux un faible pour lui, marmonna Albus, mécontent. Mais ce n’est pas mon cas. Je refuse de trouver des circonstances atténuantes à ce « pauvre petit garçon malheureux ». Un jour ou l’autre, lui et moi terminerons ce duel que nous avons commencé dans ce même train, au début de l’année.
— À ta place, Albus, je serais prudent, dit Zane, en levant les sourcils. J’ai vu Scorpius s’entraîner à la dernière réunion du club de Défense, et il est vraiment bon en Artis Decerto. Il évitait tous les sortilèges que lui lançait la machine comme un véritable ninja.
— Je m’en fiche, dit Albus, amer.
Ralph se leva, ouvrit la porte du compartiment, et vérifia les deux côtés du couloir.
— Hey, remarqua-t-il, ça me rappelle un truc : sauriez-vous où sont Louis et Victoire ? Louis a un livre intéressant sur les arts martiaux magiques enseignés au Moyen-Orient, et il a promis de me le prêter pour cet été.
— Victoire n’est pas dans le train, répondit Rose. Elle est restée à Pré-au-lard avec George et Ted. Elle ne rentrera pas avant le mariage de George et d’Angelina. Et pour Louis, je n’en sais rien. En général, je m’efforce de ne jamais savoir où il se trouve.
Ralph s’étira, et annonça :
— D’accord. Bon, je vais marcher un peu pour me détendre les jambes et essayer de voir si je le trouve. Qui vient avec moi ?
— Moi, répondit James en se levant. Si je reste là, je vais m’endormir. Je n’aurais pas dû veiller aussi tard la nuit passée, pour jouer à CB – cible et bâton.
— Je viens aussi, dit Zane. Je veux interroger la sorcière aux bonbons sur ses heures de travail.
Rose et Albus se regardèrent. Finalement, les cinq amis sortirent ensemble dans le couloir.
— Ça m’étonne vraiment que Louis ait un livre sur les arts martiaux magiques, dit Rose à Ralph.
— C’est le club de Défense qui a tout déclenché, répondit Ralph. Ton cousin a vraiment adoré ça. Dans son dortoir, il a mis partout des posters sur les Busards et les autres champions célèbres du monde sorcier. Il a même demandé à sa mère de lui commander un bandeau avec des fentes sur les yeux, pour pouvoir avoir l’air sauvage et mystérieux.
— Louis ? s’exclama Albus en retenant un fou-rire. Je ne l’aurais jamais pris pour un combattant contrarié, caché sous sa petite chemise bien amidonnée.
— D’après Soufflet, il a un véritable don, dit Ralph en haussant les épaules. Bien sûr, c’est difficile de le croire, parce que ce brave professeur dit la même chose à ton sujet, James.
Rose chercha à détourner la conversation du professeur Soufflet qu’elle ne pouvait toujours pas encadrer.
— Moi, j’ai eu les meilleures notes à l’examen final de Littérature Magique, dit-elle, d’une voix flutée. Le professeur Revalvier affirme que mes connaissances sur l’Âge d’Or de la littérature des sorciers sont…
Elle s’interrompit quand James s’arrêta net dans le couloir, forçant les quatre autres à se bousculer derrière lui.
— Ouille ! cria Albus. Ralph, grosse brute, tu m’as écrasé le pied ! Qu’est-ce qui se passe ?
— Vous ne le voyez pas ? chuchota James, d’une voix urgente.
Il pointait le doigt devant lui. Tous les autres tendirent la tête, cherchant à comprendre ce qu’il voulait leur montrer.
— Qu’est-ce qu’on regarde juste ? demanda Zane, au bout d’un moment.
— Je ne vois rien du… commença Rose.
— Si, il est là ! coupa Albus.
Il tendait le bras par-dessus l’épaule de Zane. Quelque chose bougeait au bout du couloir, parmi les formes mouvantes dues à la vitesse du train et aux arbres qui défilaient derrière les fenêtres.
— On dirait une ombre animée, dit Ralph.
— C’est le dernier borley ! s’écria Albus en poussant tous les autres. Il est à moi !
— N’utilise pas ta baguette ! ordonna James. Tu te souviens ? La dernière fois, c’est comme ça qu’il est devenu plus puissant.
Le borley cherchait à se cacher dans la pénombre, et comme le train traversait une forêt, il était difficile à voir. Son ombre semblait disparaître, puis se montrer, comme pour narguer les jeunes sorciers et les inciter à sortir leurs baguettes. Tout à coup, au bout du couloir, la porte s’ouvrit, laissant entrer le sifflement du vent et le roulement bruyant des roues. En même temps, les cinq élèves crièrent un avertissement, se bousculant les uns les autres, mais, au moment même où la porte se refermait, le borley se faufila par l’ouverture.
— Quelle étrange réception ! remarqua le nouvel arrivant d’une voix profonde.
Eberlué, James leva les yeux. C’était Merlin. Il portait sa cape de voyage et tenait son grand bâton à la main.
— Merlin… Euh… monsieur le directeur ! s’exclama Rose en avançant. Il vient juste de passer par là !
— C’est le borley ! ajouta rapidement James. Le dernier. Il a dû rester tout le temps dans le train.
Le visage de Merlin se rembrunit notablement.
— Cette fois, mes jeunes amis, nous ne devons prendre aucun risque. C’est moi qui vais le suivre et le capturer. Mr Potter, vous savez à quoi ressemble la Poche Noire, j’imagine. Elle se trouve dans mon compartiment, deux voitures derrière vous, N°6. Je vous autorise à pénétrer à l’intérieur. Ma malle est sous le siège, et elle s’ouvrira avec cette clé. Rejoignez-nous aussi vite que possible.
Le grand sorcier sortit une clé d’or d’une longue chaîne attachée à sa taille, et il la tendit à James. James la prit, avec un sentiment d’importance.
— Agissez vite, Mr Potter, insista Merlin. Il n’y a pas un moment à perdre.
James pivota sur ses talons et courut tout le long du couloir qu’il venait d’emprunter, luttant contre une sensation déstabilisante due la vitesse du train. Il passa à travers deux sas, et arriva enfin au compartiment N°6. Les vitres étaient fumées, mais la porte n’était pas verrouillée. James entra vite, et vit la malle du directeur sous le siège la banquette de gauche. Il tomba à genoux, et la tira à la lumière. La petite clé d’or rentra sans problème dans le verrou, qui tourna avec un léger clic. Quand James ouvrit la malle, il fut surpris de voir que la Poche Noire était la seule chose à l’intérieur, bien pliée sur le plancher en bois. Bien entendu, réalisa-t-il, c’était l’une de ces malles magiques qui s’ouvraient dans différentes dimensions en fonction de la clé qu’on utilisait sur elles. Vu l’importance extrême et le danger de la Poche Noire – qui gardait prisonniers les autres borleys affamés, à l’intérieur, dans une obscurité sans faille – James se sentit particulièrement honoré d’avoir été chargé de la rapporter. Il la toucha, un peu inquiet, en se rappelant des avertissements de Merlin à son sujet, mais le truc paraissait parfaitement normal. C’était juste un grand sac, assez lourd, en cuir noir, attaché par une corde dorée, avec une bandoulière qui permettait de le porter. Après s’être assuré qu’il ne risquait rien en soulevant la Poche Noire, James la passa sur son épaule, comme un sac à dos. Il referma la malle, tourna la clé, et l’accrocha à son cou. Puis il se mit à courir, revenant vers l’avant du train.
Il était plutôt haletant quand il rejoignit les autres. Ils étaient agglutinés au bout du couloir, et regardaient à travers la vitre de la porte. Merlin leva les yeux quand James arriva à ses côtés. Malgré son visage sévère, James devina que le grand sorcier ressentait une légère satisfaction. En fait, le directeur appréciait la chasse.
— Le borley est coincé, dit Zane avec un sourire. Il a glissé sous la porte, mais la voiture suivante est celle où on garde le charbon. Il ne peut pas aller plus loin.
Merlin se tourna vers Rose.
— Miss Weasley, dit-il, veuillez ouvrir la porte dès que je vous l’ordonnerai. Mr Deedle, comme vous le savez, votre baguette a des particularités uniques. Si le borley arrive à me dépasser, je veux que vous – et vous seulement ! – tentiez de le stupéfier. Votre sortilège ne l’arrêtera peut-être pas, mais il suffira à le distraire et attirer son attention, ce qui me donnera le temps dont j’ai besoin. Je placerai le borley en transe, ensuite, Mr Potter, j’aurais besoin de la Poche Noire. Gardez-la en attendant.
Ralph déglutit de façon audible, et sortit son énorme baguette.
— Je suis prête, dit Rose, la voix cassée d’émotion.
James hocha aussi la tête, pour indiquer son agrément. Zane resta en arrière. Albus intervint :
— La dernière fois que j’ai vu le borley, dit-il, il était sur ce truc en métal qui attache les deux voitures ensemble. Aussi, il faudra viser très bas.
— Merci, Mr Potter, dit Merlin avec un léger sourire.
Tout le monde retint sa respiration quand Rose s’agrippa la poignée de la porte. Dès que Merlin l’ordonna, elle tira, ouvrant complètement le panneau et laissant passer un souffle d’air chaud et bruyant. James plissa les yeux contre le vent et la fumée, puis il vit un spectacle horrible. Il retint un cri étouffé et son estomac sombra. Lentement, Merlin recula, écartant les bras pour empêcher les autres de le dépasser.
— Je ne suis pas certain de ce que je vois, dit Zane d’une voix faible, les yeux écarquillés, mais à mon avis, il ne s’agit pas du borley.
En réalité, le borley était toujours à l’endroit où les sorciers s’attendaient à le voir. Comme pour les narguer, il dansait sur l’énorme mâchoire d’attelage qui reliait le train au wagon à charbon. Malheureusement, au-dessus de lui, noircissant le ciel comme de sinistres nuages mortels, il y avait des dizaines – et peut-être des centaines – de Détraqueurs.
— C’est l’essaim tout entier ! cria James, pour se faire entendre malgré le bruit des roues et du vent. Celui que mon père cherchait à Londres. Pourquoi sont-ils tous ici ?
Merlin ne quittait pas des yeux l’horrible vision.
— Je pense, dit-il lentement, que la réponse à cette question est évidente.
Rose regarda Merlin, puis l’affreux essaim derrière la porte béante. Elle indiqua du doigt la locomotive qu’on apercevait à peine entre le wagon de charbon et les Détraqueurs qui s’agglutinaient.
— Le Gardien maudit est là, dit-elle.
Tout à coup, le train siffla, dans un hurlement sinistre et assourdissant. Rose mit ses deux mains sur ses oreilles en grimaçant. En même temps, la locomotive sembla accélérer et se jeter en avant. James vacilla parce que le train prenait un virage, la vitesse devenait dangereuse et incontrôlée.
— Regardez ! cria Zane, agrippé à la poignée ouverte, le doigt tendu.
James pencha la tête et suivit le geste de l’Américain, examinant l’espace entre les wagons. Il vit des arbres passer à toute vitesse, et puis quelque chose clignoter sur des panneaux de bois. Le long de la voie, il y avait des tas de gravier et des rails entassés.
— C’est la nouvelle extension ! s’exclama Zane, le visage livide.
Rose secoua la tête pour exprimer son incompréhension.
— La nouvelle… quoi ? hurla-t-elle.
— Tu n’as pas lu ce qui était écrit sur le panneau ? répondit Zane, exaspéré. C’est la nouvelle extension du chemin de fer – celle qui doit aller vers la gorge des Oiseaux. Nous avons quitté la voie principale. Nous avons été déviés vers une ligne en construction.
— Ne me dis pas, hurla Ralph, effondré, que cette nouvelle extension n’est pas terminée ?
— Bien sûr que non ! D’après ce que je sais, le pont qui traversera la gorge ne sera fini que l’an prochain. Il y a à peine les fondations de prêtes.
— Alors là, on est mal barré. (Albus hocha la tête, le visage très sérieux.) Très mal.
Merlin fit un pas en avant, le visage déterminé, son bâton brandi devant lui. Le vent soufflait dans les plis noirs de sa robe, soulevait ses cheveux et sa barbe. Immédiatement, le nuage des Détraqueurs se resserra devant la porte, pour bloquer le passage. Les élèves basculèrent en arrière, terrifiés, et tombèrent les uns sur les autres. Les Détraqueurs poussèrent un rugissement. James sentit son sang se congeler à l’écho de ce cri désespéré. Il n’avait jamais appris que les Détraqueurs pouvaient parler.
Le garsson… sifflaient les Détraqueurs tous ensemble. (Leurs voix étaient horribles, vibrantes et menaçantes, comme un essaim de frelons.) Jamess Ssiriuss Potter… le garsson doit ssortir…
Merlin n’avait pas reculé, affrontant la meute enragée. Pourtant, il se tourna légèrement, et regarda James par-dessus son épaule. Son visage était figé, et ses yeux d’un bleu glacé aussi froids que des diamants.
— James, de toute évidence, c’est toi qu’ils veulent, dit-il, d’une voix si forte qu’elle portait malgré le bruit et le vent.
— Non ! cria James horrifié. Je ne veux rien avoir à faire avec eux.
— Les Détraqueurs ne te toucheront pas, James, affirma Merlin. Le Gardien des Portes a d’autres projets pour toi. Et il va détruire ce train si tu ne vas pas à sa rencontre.
Mais James continuait à secouer la tête.
— Je ne peux pas affronter seul cette chose ! s’exclama-t-il, terrifié.
— Tu ne seras pas seul, répondit Merlin, avec un sourire sans humour. Je t’accompagnerai.
James regarda éperdument le visage de l’enchanteur. Il y lut une assurance absolue et une détermination féroce. Les Détraqueurs pouvaient tenter d’arrêter Merlin, mais ils n’y réussiraient pas. Aussi, James hocha lentement la tête et se releva. Lorsqu’il fit quelques pas hésitants vers la porte ouverte, le nuage des Détraqueurs recula, lui laissant la place de passer. Noirs et menaçants, ils s’agitaient dans le vent, et James frissonna cette vue. Rose s’accrocha à sa manche.
— N’y va pas ! hurla-t-elle. Il doit y avoir autre chose à faire. Tu n’es pas obligé d’y aller, James.
— Je pense que si, Rose, dit James, résigné. Ça va aller.
— Non ! cria-t-elle. Tu es fou ! Tu ne peux pas vaincre quelque chose comme ça.
— Je dois au moins essayer, dit James, en haussant les épaules.
— Ne fait rien d’idiot, grand frère ! cria Albus.
Zane posa la main sur l’épaule de Rose, Albus la prit par le bras. Tout à coup Ralph passa devant les autres. Il tendait sa baguette à James, la poignée en avant.
— Tiens, cria-t-il.
— Non, Ralph, elle est à toi. Je ne peux pas te la prendre.
— Tais-toi, James ! aboya Ralph. Merlin raison. Ma baguette a des pouvoirs uniques. Tu peux en avoir besoin. D’ailleurs, je n’ai pas du tout l’intention de te la laisser. Je te la prête juste un moment. C’est compris ?
James fut choqué par la férocité qu’il lut dans les yeux de Ralph. Préférant ne pas le contrarier, il hocha la tête avec solennité, et accepta l’énorme baguette.
— D’accord, je te la rendrai en revenant, dit-il.
Viens… sifflèrent les détracteurs, de leur voix affreuse et monotone. Jamess Ssiruss Potter.
— Bouclez-la, grommela James nerveusement.
À peine dehors, il baissa la tête sous la force du vent et les braises brulantes que crachait la locomotive. À l’arrière du wagon à charbon, il y avait une échelle de fer, et James se mit à y grimper, luttant à la fois contre les rafales et la fumée brûlante qui l’aveuglait. En dessous de lui, les rails de la voie disparaissaient dans un brouillard flou. Le claquement des roues était si bruyant que ses tympans lui faisaient mal. Avant que Merlin ne puisse le suivre, James décida tout à coup d’essayer la chose la plus courageuse à laquelle il puisse penser. Il sortit la baguette de Ralph, et la pointa sur la mâchoire d’attelage qui retenait le wagon de charbon au reste du train.
— Convulsis ! cria-t-il.
Il avait tenté le sortilège de destruction qu’il avait entendu Rowena Serdaigle utiliser autrefois. Il se souvenait que la sorcière avait ouvert avec la peinture qui protégeait la cachette de Salazar Serpentard. Le sortilège heurta l’acier et explosa avec un éclair brillant. Quand les étincelles retombèrent, James réalisa que son sortilège n’avait eu aucun effet. Merlin regarda James.
— Bel effort, dit-il. Mais je pense que le Gardien a prévu ce genre de choses.
Découragé, James hocha la tête et continua à monter l’échelle. Les Détraqueurs tournoyaient autour de lui, mais à bonne distance. Une fois sur le wagon à charbon, James sauta à l’intérieur, vacillant sur la masse instable des boulets. Derrière lui, il entendit la voix ferme de Merlin crier :
— Chrea patronym !
Il y eut un éclair de lumière argentée, et l’essaim des Détraqueurs s’écarta, repoussé par la force de la lumière. Quand James regarda en arrière, il vit Merlin grimper lui aussi sur le tas de charbon, son bâton illuminé d’une lueur verte. Entre Merlin et James, se tenait le spectre d’un énorme chacal qui vibrait d’une lumière argentée. Montrant ses crocs lumineux et arborant une menace silencieuse et féroce, la bête força les Détraqueurs à reculer. James se sentit un peu mieux en voyant le Patronus de Merlin. Il ne fut pas surpris de la forme qu’il avait prise. Se détournant, James traversa péniblement la longueur du wagon à charbon, trébuchant sur le sol inégal tandis que les boulets noirs roulaient sous ses pieds. Les arbres défilaient toujours à toute vitesse de chaque côté de la voie. En regardant le paysage inconnu alentour, James s’aperçut qu’il n’était jamais passé par là. Il ne savait pas du tout combien de temps il leur restait avant que le train ne rencontre le pont en construction. Il sentit la panique monter en lui, mais il s’efforça de ne pas y céder, et se concentra sur la tâche qui l’attendait.
Quand il arriva finalement à l’autre bout du wagon, il trouva une porte blindée. De l’autre côté, il y avait une petite plate-forme où était posée une truelle de chargement pour le moteur de la locomotive. Il n’y avait personne en vue. Merlin arriva derrière James sur la plate-forme. Son Patronus le suivait, sautant près de lui, le poil hérissé. À cause du moteur qui rugissait, il y avait tellement de bruit qu’il était presque impossible de parler. Merlin indiqua du menton la porte derrière James, peinte en rouge, comme le reste de la locomotive. En lettres d’or, étaient écrits les mots : « Poudlard Express – réservé au personnel ».
Obéissant à l’instruction muette, James tendit la main vers la poignée de la porte et tira pour l’ouvrir. À l’intérieur, dans le compartiment moteur, il faisait complètement noir. James prit une profonde inspiration pour rassembler ses forces. Il jeta un dernier coup d’œil sur la plate-forme oscillante, puis il plongea dans l’obscurité qui l’attendait.
Immédiatement, le bruit et le vent disparurent. James ne ressentait plus du tout l’effet de la vitesse. De plus, l’espace à l’intérieur de la locomotive n’était ni brûlant ni étouffant comme James s’y attendait. Au contraire, il eut la sensation d’être dans une caverne immense, silencieuse et glacée.
— James, dit une voix agréable, quel plaisir pour moi de te retrouver.
James regarda autour de lui, mais il ne vit personne. Il n’y avait aucun signe de Merlin, ni d’une autre présence. La caverne semblait simplement sombre et tranquille, et pourtant, il y avait une sorte de flaque de lumière près de l’endroit où se tenait James.
— Où suis-je ? demanda-t-il, en cherchant à comprendre. Où est Merlin ?
— Il n’est pas très loin, répondit la voix mystérieuse. Merlinus est un individu plutôt intéressant, tu ne crois pas ? C’est le premier humain que j’aie rencontré, tu sais. Ses terreurs ont un goût particulièrement puissant. (La voix soupira, comme pour exprimer sa satisfaction.) Et maintenant que tu es là, il y a entre nous un point plutôt délicat à résoudre. Je ne veux pas que tu sois déconcentré par tes compagnons, aussi je t’ai emmené… ailleurs. Hors du temps. Hors de tout, en réalité.
— Où êtes-vous ? demanda James, en regardant autour de lui.
L’autre eut un léger rire.
— Oh, j’oublie toujours ! Les humains n’apprécient pas vraiment les voix « divines » qui viennent de nulle part. Ça vous met mal à l’aise, non ? Je suis juste là.
En même temps que la voix prononçait le mot « là », il y eut un bruit non loin, et James se tourna dans cette direction. Il vit apparaître une silhouette, debout devant lui. C’était celle qu’il avait vue autrefois dans le miroir magique de Merlin, avec la même robe en lambeaux qui flottait au-dessus du sol, sans pieds en dessous. Un capuchon dissimulait un visage qui n’existait pas. Avec un cri étouffé, James recula de quelque pas.
— Je m’excuse encore. (La silhouette leva les bras.) Est-ce que c’est mieux comme ça ?
Le Gardien maudit avait touché son capuchon pour le repousser en arrière. James était terrorisé à l’idée de regarder, mais il ne put s’en empêcher. Un peu perplexe, il fronça les sourcils devant le visage qui apparut. Malgré lui, il avança.
— Vous êtes le Gardien des Portes ? s’étonna-t-il. Vous ressemblez un peu à… à mon père. Mais je ne sais pas pourquoi.
— Ce n’est pas réellement mon visage, bien entendu, dit l’autre aimablement. Mais j’apprends encore le fonctionnement des humains, je l’avoue. D’après ce que j’ai compris, vous acceptez mieux que d’autres certains visages. (Le Gardien eut un sourire désarmant.) Dis-moi, t’attendais-tu à un monstre horrible, avec plusieurs yeux rouges et une longue queue fourchue ? Quelque chose comme ça ?
James commença à acquiescer, puis il se reprit et secoua la tête.
— En fait, je ne sais pas vraiment. Mais c’est sans importance. Que voulez-vous ?
Le Gardien hocha la tête, souriant toujours.
— Ah, directement au point important. C’est ce que je respecte en toi, James Sirius Potter. Tu n’as rien de sentimental. Je vais te dire ce que je veux : je veux t’aider.
— Non, je ne crois pas, dit James en secouant la tête. Vous mentez. Vous voulez juste que je devienne votre hôte ! Vous voulez rester sur terre et tout détruire. J’ai beaucoup appris à votre sujet. Vous voulez m’utiliser.
— Hélas ! (Le Gardien fronça les sourcils.) Présenté comme ça, c’est plutôt affreux, je te l’accorde. Quand on ne regarde que l’apparence.
— Euh… marmonna James sans conviction. Oui, je crois.
Le Gardien acquiesça, et serra les lèvres.
— Donc, j’imagine que tout est réglé. Tu m’as dit non. Je n’aurais pas d’hôte humain. Très vite, je vais perdre mon empreinte sur cette dimension terrestre, donc je retournerai dans le Néant. Tu as gagné.
Le Gardien haussa les épaules, comme si son désappointement était sans importance.
— Oui… admit James sans trop savoir quoi dire. J’imagine qu’on peut considérer ça.
— Dans ce cas, James, ça ne te dérange pas qu’on papote un moment ? Il n’y a aucun mal à ça.
— Euh… oui.
Le Gardien leva un sourcil, et fit à James un clin d’œil.
— Tu es amoureux de Miss Morganstern à ce que j’ai compris. Je ne t’en blâme pas. Franchement, je dirais même que je te comprends. C’est une fille adorable. Elle et moi devions être… très proches. Je dois t’avouer que, depuis le début, j’avais des doutes à son sujet. Le défunt Voldemort et ses très dévoués disciples ont insisté, encore et encore, qu’elle était le seul hôte digne de moi, mais ça n’a jamais été mon avis. Et bien entendu, j’avais raison. James, je dois te le dire, j’ai toujours raison. Il ne s’agit pas de vanité, je t’assure. Mais le doute ne vient qu’à ceux qui sont limités par le temps. Moi, je vois l’Histoire comme un livre ouvert, du début à la fin. Je sais comment les choses vont se passer, parce que, métaphoriquement parlant, je suis déjà passé à la dernière page. (Le Gardien eut un soupir indulgent.) Laisse-moi te demander quelque chose, James : sais-tu exactement qui je suis ?
En posant la question, le Gardien avait penché la tête.
— Vous êtes le Gardien maudit, répondit James un peu inquiet. Vous êtes… le mal.
— Oui, oui, dit l’autre, en agitant une main d’un geste impatient. Mais à part ça ? J’ai reçu d’innombrables noms au cours des siècles, tu sais. Il y en a un parmi tous ceux-là que j’aime tout particulièrement. Je pense que ça va t’amuser.
James secoua la tête, de plus en plus mal à l’aise.
— Je ne comprends pas ce que vous voulez dire.
— Alors laisse-moi t’expliquer, James. (Le Gardien approcha rapidement de James, et tomba sur un genou. Il le regarda de près, les yeux pétillants d’une étincelle malicieuse.) James, mon garçon, tu te rappelles cette histoire que ton ami Ralph t’a racontée un jour, en classe de Littérature Magique ?
Perplexe, James acquiesça.
— Bien sûr, mais je ne vois pas…
— Non, coupa le Gardien. Ce n’est pas que tu ne vois pas, c’est que tu ne regardes pas. (Il baissa la voix, et dit dans un murmure conspirateur :) James, je suis le Roi des Chats.
James recula d’un pas et sentit un frisson de terreur lui parcourir l’échine. Le Gardien se redressa et avança à nouveau vers James.
— Réfléchis-y, insista-t-il. C’est moi qui suis assis au bas des escaliers – le Maître qui garde le portail entre les vivants et les morts. C’est moi qui détermine ceux qui traversent le Néant pour aller jusqu’à l’Au-delà. Et je suis aussi, je dois l’ajouter, le Maître qui choisit ceux qui peuvent… revenir.
D’un geste preste, le Gardien claqua des doigts. Une autre flaque de lumière apparut. James ne put s’empêcher de regarder. Une silhouette humaine, étendue à terre, se redressait. C’était un sorcier, et il regarda autour de lui, surpris et attentif. En le reconnaissant, James poussa un cri, et son cœur s’emballa.
— Grand-père… dit-il en avançant malgré lui.
— James ! s’écria Arthur Weasley avec un rire heureux. Qu’est-ce que tu fais au ministère, mon garçon ? Mais qu’est-ce que je faisais couché par terre ? J’ai dû glisser. C’est incroyable ce que je peux être maladroit parfois.
— Grand-père ?
Fou de joie et d’émotion, James voulut avancer encore, et même courir vers Arthur Weasley, mais le Gardien mit une main sur son épaule, et l’en empêcha.
— Tu ne peux pas le toucher, James, dit le Gardien tristement. Pas encore. Peut-être plus tard.
— Mais comment… ? cria James.
Arthur Weasley pencha la tête et adressa à James un sourire moqueur.
— Dis-moi, mon garçon, est-ce que tout ça fait partie de la surprise de ta grand-mère ? demanda-t-il. C’est certainement le cas. Je sais très bien que Molly prépare pour moi une réunion familiale surprise. Elle n’a jamais pu me cacher quoi que ce soit, la pauvre chérie, mais je la laisse le croire. Où sont tous les autres ?
— Il ne peut pas me voir, expliqua le Gardien, les yeux fixés sur Arthur. Ceux qui ont traversé ne peuvent jamais me voir.
— Grand-père, es-tu… réel ? demanda James, conscient de la joyeuse excitation qui enflait en lui. Grand-père, est-ce vraiment toi ?
— James, quelle curieuse question ! (Arthur regarda autour de lui.) Où sommes-nous au juste ? Je ne crois pas que ce soit le ministère. Je dois avouer être plutôt troublé. Tu crois que je me suis trompé de cheminée en revenant à la maison ?
— Non grand-père ! cria James. Tu as eu… tu es…
— Chut, dit le Gardien en l’interrompant. Ne le lui dis pas.
Soudain en colère, James se tourna vers la silhouette qui le surplombait.
— Pourquoi faites-vous ça ? demanda-t-il. Ça n’est pas vraiment mon grand-père. Il est mort.
— La mort n’est qu’un passage, répondit le Gardien en haussant les épaules. Pourquoi un passage serait-il en sens unique ? Tu aimes ton grand-père, non ?
— Qu’est-ce que vous savez de l’amour ?
James luttait contre des larmes de frustration et de colère qui montaient dans sa gorge.
— J’admets que le concept m’est complètement étranger, répondit l’autre, mais ces derniers temps, j’en ai suffisamment appris sur les humains pour savoir à quel point l’amour compte pour vous. Si tu pouvais, tu ferais revenir ton grand-père, non ?
James se mordit la lèvre, à moitié étouffé par émotions qui brûlaient en lui. Dans l’autre flaque de lumière, il vit Arthur tapoter ses poches d’un air distrait, comme s’il cherchait quelque chose.
— Oui, je me suis certainement trompé d’adresse, marmonna-t-il, avec un petit rire nerveux. Où diable ai-je rangé ma poudre de cheminette d’urgence ? Molly insiste toujours pour que j’en aie sur moi. Elle va se moquer de moi si j’ai oublié d’en prendre le jour précis où j’en avais besoin.
James céda et laissa ses larmes couler.
— Oui ! s’écria-t-il. J’aime mon grand-père. Mais il est mort. Vous ne me tromperez pas. Je ne ferai rien de ce que vous me demandez, même si vous me promettez son retour.
— C’est très noble, dit le Gardien d’un air sérieux, et je respecte cette qualité. En réalité, je dirais même que je l’admire.
Il leva la main, et claqua des doigts.
Une troisième flaque de lumière apparut. James, les yeux brûlants de larmes, se tourna pour regarder. Une fois de plus, quelqu’un venait d’apparaître. Un sorcier, très grand, très maigre, qui portait une robe noire salie et de longs cheveux noirs collés par la sueur. Il vacilla un moment, puis retrouva son équilibre, et brandit sa baguette. Quand ses yeux sauvages tombèrent sur James, il se figea immédiatement. Il sembla même s’arrêter de respirer. De toute évidence, l’homme était troublé.
— Harry ? appela-t-il, le front plissé de consternation. Non, tu lui ressembles, mais tu n’es pas Harry…
James n’arrivait pas à en croire ses yeux.
— Sirius ? haleta-t-il. Vous êtes Sirius Black.
— Dix points pour toi, répondit Sirius qui regarda autour de lui. Où suis-je ? Où sont Remus et Harry ? Où sont tous les autres ? Où est passée ma folle de cousine ? Je n’en ai pas fini avec cette maudite sorcière.
James sanglotait maintenant, complètement perdu.
— Sirius ! cria-t-il. C’est… c’est fini depuis longtemps. Vous êtes…
Une fois encore, le Gardien intervint pour empêcher James d’avouer la vérité.
— Les morts ne souhaitent pas apprendre ce genre de choses, expliqua-t-il. Bien entendu, tu reconnais cet homme. C’est bien Sirius Black. Plus important encore, tu sais que ton père ne s’est jamais remis de la mort de son parrain.
James acquiesça. Il entendait à peine le Gardien, mais il savait la vérité : Harry Potter avait toute sa vie souffert de la perte de Sirius Black. Le Gardien continua :
— Tu peux refuser de revoir ceux que tu aimes, James, dénier à ton grand-père son retour sur terre, mais seras-tu capable de vivre avec toi-même en sachant que tu as interdit à Harry Potter de retrouver celui qui lui a servi de père et qu’il regrette tous les jours de sa vie ? Seras-tu capable de croiser le regard de ton père, après avoir refusé d’accéder à son souhait le plus vif : retrouver son parrain.
James sentit son esprit tourbillonner dans une vrille sans fin.
— Ils n’existent pas, balbutia-t-il. Ils ne sont qu’une illusion.
— Tu le crois vraiment, James ? demanda le Gardien. Regarde-les. Ils ne connaissent même pas leur sort funeste. Pour eux, le temps s’est arrêté le jour de leur mort. Ils se croient vivants. Ils se croient réels. Comment oses-tu prétendre que ce n’est pas le cas.
— Je ne sais pas ! hurla James, les deux mains crispées sur la tête.
— C’est si simple, James, insista le Gardien, en approchant de lui. Je suis le Roi des Chats. Tu peux me rejoindre, et ramener sur terre tous ceux que tu voudras : ton grand-père, le parrain de ton père, et même tes autres grands-parents, morts depuis si longtemps. Il n’y a pas de piège, James, rien qu’un petit prix à payer. D’ailleurs, c’est un prix que qui ne te coûtera guère, je t’assure – un prix que tu seras même heureux de payer.
James regardait éperdument Sirius Black et Arthur Weasley.
— Lequel ? demanda-t-il malgré lui.
Le Gardien s’approcha de James et plaça ses deux mains sur ses épaules.
— Rien du tout – un détail – un service à rendre au monde.
— Je ne veux tuer personne !
James secoua la tête, sans se soucier des larmes qui lui maculaient les joues. Le Gardien le força à se retourner.
— Regarde ! chuchota-t-il avec force. Regarde avant de répondre.
Derrière James, il y avait une autre flaque de lumière. Et un autre sorcier à l’intérieur, qui semblait plutôt surpris d’être là. De longs cheveux blancs pendaient de chaque côté d’un visage hagard, marqué par l’âge. Les yeux étaient remplis d’une haine démente. James le reconnut à sa ressemblance avec son fils et son petit-fils. C’était Lucius Malefoy.
— Que signifie ceci… ? haleta Lucius. (Il chercha à récupérer sa baguette, et ne la trouva pas dans les poches de sa robe.) Où est ma baguette ? Je veux savoir où vous m’avez emmené, maudite créature.
Il regardait James et le Gardien des Portes.
— Voici l’homme qui a causé tant de souffrance à ta famille et au monde magique, chuchota le Gardien par-dessus l’épaule de James. Sur ses mains, coule le sang de dizaines de sorciers. C’est lui qui a organisé le plan qui vous amenés, ta sœur et toi, dans la Chambre des Secrets, pour être immolés. Il est responsable de la mort des parents de Petra Morganstern. Il a fait souffrir la sorcière que tu aimes. C’est à cause de lui qu’elle a été maudite avec l’âme démente de lord Voldemort. Même maintenant, il continue ses complots impitoyables, prévoit des meurtres et des assassinats. Son cœur n’est qu’un bloc de haine malfaisante. Tue-le, James. Débarrasse le monde de ce fou furieux. Tu sais bien qu’il le mérite. Tue-le. Fais-le maintenant.
Tout en parlant, le Gardien recula, comme pour donner à James de la place. James avait l’intention de refuser. Il avait les mots sur la langue, et ouvrit la bouche, mais soudain, il n’arrivait pas à parler. Le Gardien avait raison : Lucius Malefoy méritait de mourir. Il était au-delà de toute rédemption. James sentit dans sa main le poids d’une baguette avant même qu’il ait réalisé l’avoir cherchée. Il baissa les yeux. C’était celle de Ralph. Elle était brûlante et énorme dans sa paume. Elle était mortelle.
— Qu’est-ce que c’est ? rugit Lucius, les yeux étrécis. Vous avez envoyé un gamin pour me tuer ? D’ailleurs, celui-là, je le connais. Il est aussi faible que son père est stupide. Jamais il ne vous obéira. Il n’en a pas la force.
— Il se moque de toi, James, dit le Gardien. (Sa voix mielleuse, insistante, semblait remplir toute l’atmosphère autour de James.) Montre-lui qu’il a tort. Tue-le.
James tremblait quand il leva la baguette de Ralph. Il sentait le bâton vibrer dans sa main. Il avait envie de tuer Lucius, et la baguette aussi le désirait. Ensuite, quand la tâche serait accomplie – quand Lucius serait mort aux pieds de James – il verrait revenir son grand-père ; et Sirius Black, ce qui rendrait son père heureux, parce qu’il avait toujours souhaité retrouver son parrain. Presque décidé, James jeta un regard en arrière. Il vit que Sirius et Arthur le regardaient tous les deux. Ils fronçaient légèrement les sourcils, comme s’ils ne comprenaient pas exactement ce qui se passait.
— James ? dit Arthur d’une voix inquiète. Fais attention, mon garçon.
— James ? répéta Sirius, comme s’il se parlait à lui-même. (Il jeta un coup d’œil Arthur, puis regarda à nouveau James, et brutalement, il comprit.) Nous sommes morts, dit-il simplement. Et toi, tu n’es pas Harry, mais son fils. James. James Potter comme mon… Qui est derrière toi ? Lucius Malefoy ? Fais attention, James Potter.
James se tourna. À nouveau il dévisagea l’expression de haine sur le visage de cet homme qu’il méprisait.
— Fais-le, siffla le Gardien des Portes. Tue-le maintenant.
— Tu ne peux pas, grogna Lucius. Tu es trop faible.
— Je ne suis pas faible, sanglota James.
Il resserra sa prise sur la baguette et la pointa sur le cœur noir du sorcier. Et tout à coup, avec une force merveilleuse, enivrante, l’assurance le remplit tout entier. Il n’était pas faible. Il pouvait accomplir ce qui devait être accompli. Dans son esprit, il entendit la voix d’Helga Poufsouffle se mêler à celle de Merlin pour dire : « Faire ce qui est juste est toujours simple, mais rarement facile. »
James serra les dents.
— Je suis un guerrier, chuchota-t-il pour lui-même. Et un vrai guerrier… sait quand il ne faut pas combattre.
Sur ce, James baissa sa baguette. Il la lâcha même, la regarda rouler sur le sol puis il tourna le dos à Lucius Malefoy. Lentement, il commença à s’éloigner.
— James Sirius Potter ! hurla le Gardien. Tu ne peux pas faire ça. Tue-le. Tu dois sa mort au monde. Tu dois ça à ton père. Tu ne peux pas refuser le pouvoir que je t’offre !
Le cœur brisé, James regarda une dernière fois son grand-père. Mais Arthur lui sourit fièrement, en hochant la tête, comme s’il avait tout compris, et approuvait.
— Ce garçon est vraiment fort, dit Sirius, ses yeux noirs étincelants de lumière. Comme son père et son grand-père avant lui.
Lentement, les deux flaques de lumière s’éteignirent, Arthur et Sirius disparurent dans l’obscurité. James continuait à marcher. Il avait presque quitté son propre cercle de lumière quand il entendit derrière lui la voix de Lucius Malefoy, qui exprimait une haine féroce.
— Si tu n’es pas capable de tuer pour devenir l’hôte du Gardien, moi, je le ferai.
James devina que Lucius avait ramassé la baguette de Ralph. Il la sentit se pointer dans son dos. Il s’arrêta, mais ne se retourna pas.
— Avada Kedavra ! hurla Lucius.
Sous la puissance de sa colère, des postillons s’échappèrent de sa bouche. Un éclair de lumière verte apparut et heurta James dans le dos. La force du sortilège de la Mort le poussa légèrement en avant. Et pourtant, il ne tomba pas. Il resta précisément où il était, à la limite entre l’ombre et la lumière. Les yeux étrécis de rage, Lucius regarda le garçon. Une grimace démente déformait ses traits patriciens. Le garçon aurait dû tomber ! Il était censé être mort. Lucius attendit, tenant toujours la grosse baguette au bout vert, braquée sur le dos du garçon.
Il y eut tout à coup un bruit léger… une déchirure. À l’endroit où le sortilège de la Mort avait frappé, une fente apparut dans le cuir de la Poche Noire que James portait accrochée dans le dos. James sentit un mouvement dans son sac, comme si quelque chose se réveillait à l’intérieur. En fait, il s’agissait de plusieurs choses, et toutes étaient horriblement affamées.
— Quel est ce sortilège ? marmonna Lucius nerveux.
Il recula d’un pas et regarda, comme hypnotisé, la déchirure de la Poche Noire, et le bruit de plus en plus effroyable qui en émanait. James serra les dents, et les poings. Le bruit s’accentua, devenant un tambourinement nerveux. Et tout à coup, la Poche Noire s’ouvrit en deux. Les borleys jaillirent par le trou créé par le sortilège de la Mort de Lucius. Ils venaient de goûter une magie puissante et en voulaient davantage. Ils se précipitèrent en direction de Lucius comme un nuage de chauve-souris.
À cette attaque inattendue, les yeux du sorcier s’écarquillèrent. D’un geste instinctif, il braqua sa baguette sur les borleys, et leur jeta sort après sort. Divers jets de lumière éclairèrent l’obscurité de la caverne, rendant les borleys encore plus agités. Affamés, renforcés par la magie, ils tombèrent tous ensemble sur Lucius.
Quand James se tourna finalement, laissant la Poche Noire déchiquetée glisser de ses épaules, il regarda. Lucius Malefoy avait disparu sous l’accumulation des Ombres qui s’agitaient sur lui, le dévorant vivant. Le sorcier hurlait, et les mini-Détraqueurs se nourrissaient de sa peur et de sa douleur. Comme des vampires, ils aspiraient toute la magie qui existait en lui. Puis Lucius tomba sur un genou, toujours caché sous la masse grouillante qui le recouvrait. C’était horrible, et pourtant, James n’arrivait pas à quitter le spectacle des yeux. Il pensa à Wilfred Agnelis, mort dans la fosse des Détraqueurs à Azkaban. Finalement, le corps de Lucius sembla se dissoudre, des cendres s’éparpillèrent sur le sol alors que son dernier cri d’agonie renvoyait encore des échos dans l’obscurité. Une fois repus, les borleys disparurent. En quelques secondes, ils étaient partis.
James fit un pas en avant. Il ne restait que la robe du sorcier et des cendres grises et poudreuses. James s’agenouilla, et très lentement, récupéra deux choses de la poussière qui avait autrefois été la main de Lucius. Quand il se redressa, il mit dans sa poche la baguette de Ralph, et garda dans sa paume la pierre de résurrection de Serpentard, l’anneau qui portait la seconde moitié de la balise-pierre. Quand James serra le poing, il sentit la puissante magie noire qui animait la bague.
— Pose ça immédiatement ! ordonna le Gardien. (Sa voix avait changé, elle était devenue plus profonde, moins humaine.) Tu ne sais pas ce que tu as fait.
James secoua la tête.
— Je sais exactement ce que j’ai fait, dit-il.
— Tu ne peux pas me défier ! rugit le Gardien.
Une fois de plus, il se révéla. Il ne ressemblait plus du tout à un humain, il était devenu un énorme nuage de fumée noire et de cendres. D’innombrables yeux émergeaient de cette masse immonde, tous furieux, rouges et brillants.
— Personne ne peut défier le Gardien des Portes ! Lâche cette pierre. Tu ne peux pas gérer son pouvoir.
Etait-ce ou non dû à la balise-pierre qu’il tenait à la main ? James n’éprouvait plus la moindre peur du Gardien maudit.
— C’est vrai, dit-il aimablement. Mais je connais quelqu’un qui saura en faire bon usage.
Il se tourna vers la droite. Peut-être la pierre avait-elle senti la présence de sa jumelle ? Quoi qu’il en soit, James savait tout à coup que Merlin ne devait pas être loin. Peut-être, l’enchanteur était-il là à cause de lui. Dans l’obscurité, James s’approcha de Merlin et tendit la main. Dans sa paume, la balise-pierre étincelait de lumière noire, les rares rayons de lumière de la pièce se reflétant sur chacune des facettes de l’onyx.
Merlin eut un sourire sans humour. Doucement, il récupéra l’anneau, et le mit à son doigt, l’alignant près de son jumeau.
— Et maintenant, dit Merlin en levant la main, je suis l’Émissaire du Gardien des Portes, le propriétaire de la balise noire reconstituée, aussi je te commande. Il ne s’agit pas de ton monde, et tu n’as pas à l’occuper. Disparaît, Bête des Abysses, Gardien de l’Entre-deux-mondes. Je te bannis dans le Néant qui restera à jamais ton domaine. Disparais en ce moment même, et ne reviens jamais.
Le nuage de fumée et de cendre rugit. Il sembla tomber sur Merlin et chercher à le consumer, mais alors un énorme éclair de lumière vive apparut dans l’obscurité, la déchirant en deux. Le cri du Gardien devint hurlement d’angoisse. L’être sembla attiré vers le ciel, en direction de l’éclair. Il lutta de toutes ses forces contre la force tourbillonnante et, pendant un moment, James la sensation d’assister à un cyclone gigantesque. Et tout à coup, sur un dernier éclair et un coup de tonnerre, tout disparut. Le Gardien était retourné dans le Néant d’où il était venu.
James cligna des yeux, en silence. Il prit une profonde inspiration et, complètement épuisé, physiquement et émotionnellement, il se tourna vers Merlin.
— Il est parti ? demanda-t-il. Parti pour de bon ?
Merlin hocha lentement la tête.
— Oui, la porte entre les deux mondes vient de se refermer.
C’était terminé. James se retourna pour regarder derrière lui, cherchant un signe de l’éclair qui avait frappé le Gardien maudit. Mais il n’y avait plus rien, rien que l’obscurité, le silence, puis…
Il y eut une lumière blanche. James vacilla, assourdi tout à coup par la luminosité qui l’aveuglait et le bruit qui explosait autour de lui. Il poussa un cri, troublé par ce retour de la réalité. Il était à nouveau dans la locomotive du Poudlard Express, comme s’il ne l’avait jamais quittée. Les arbres tourbillonnaient de chaque côté de la voie, comme auparavant, mais quand James leva les yeux vers le wagon à charbon, derrière lui, le ciel était bleu et vide.
— Les Détraqueurs sont partis, signala-t-il à Merlin.
— Ils ont été aspirés dans le Néant avec leur maître, acquiesça Merlin. Les borleys aussi.
Soulagé, James eut un grand sourire. Mais, tout à coup, il se souvint que le train avait une destination qui restait périlleuse.
— Nous devons arrêter le train ! hurla-t-il, les yeux écarquillés. Il va tomber dans la gorge aux Oiseaux si le pont n’est pas terminé. Tout le monde sera tué.
Merlin hocha la tête, le visage grave. À nouveau, James ouvrit la porte de la locomotive. Cette fois, au lieu de l’obscurité, il trouva un petit espace bien éclairé, mais étouffant et horriblement chaud. Il y avait un tableau de bord avec d’incompréhensibles cadrans, des boutons et des leviers. Au-dessus, deux petites fenêtres permettaient de voir à l’avant.
— Où sont les freins ? hurla James, en examinant désespérément le tableau de bord.
— Le grand levier sur le sol, répondit Merlin en relevant ses manches. Attrape la poignée et tire aussi fort que possible. Et surtout, quoi qu’il arrive, ne lâche pas.
James plaça ses deux mains autour du large levier – carrément aussi grand que lui – et commença à tirer. Mais alors, il commit l’erreur fatale de regarder par la fenêtre. Les arbres s’éclaircissaient, révélant un magnifique panorama montagneux. Les rails continuaient droit devant, plongeant dans une gorge incroyablement profonde et rocheuse. Pas très loin, James aperçut le pont inachevé. Il sentit ses genoux vaciller.
— Tire le levier, James ! ordonna Merlin, les bras levés, le visage aussi dur que du granit. Ne le lâche surtout pas, quoi qu’il arrive.
James reprit son souffle, et tira le levier aussi fort que possible, à deux mains. Sous la locomotive, il sentit le plancher vibrer, et les freins de la machine s’engager. La vapeur jaillissait des moteurs qui bouillonnaient, jetant d’épais nuages de fumée blanche de chaque côté. Le train sursauta et commença à ralentir, mais James était conscient qu’il ne s’arrêterait jamais à temps.
Près de lui, Merlin marmonnait entre ses dents, les yeux clos. James le regarda, bataillant toujours contre le levier des freins. Le grand enchanteur tremblait légèrement – en fait, il vibrait presque. Tout à coup, le soleil jaillit par les fenêtres de la locomotive. James comprit qu’ils venaient de quitter la forêt, et qu’ils approchaient du bord de la gorge. Le train avait commencé son dernier voyage, le bout du pont les attendait inexorablement. Derrière James et Merlin, se trouvaient presque tous les élèves et professeurs de Poudlard, certains haletant de peur aux fenêtres, d’autres inconscients du danger qui les menaçait. Le train ralentissait toujours ; les roues grinçaient dans un crissement rauque qui envoyait des étincelles sur les rails, mais c’était en vain. Quand James tordit le cou pour voir par les vitres, il réalisa que la fin du pont approchait à une vitesse alarmante. Un grand X de bois avait été écrit sur un panneau, planté sur les rails, pour empêcher que des ouvriers ne s’approchent accidentellement de la fin de la voie. Le panneau paraissait fragile et pathétique tandis que l’énorme locomotive rouge approchait de lui. Et tout à coup, sans comprendre, James vit bouger quelque chose au bout des rails. Quelque chose de vert qui avançait… si vite qu’il avait du mal à le suivre des yeux. Sous le regard éberlué de James, le bout du pont disparut de la fenêtre. Il serra les dents, et tira encore plus fort sur le frein, attendant la chute vertigineuse et terrible.
La locomotive vacilla bruyamment, comme si elle venait de heurter un obstacle. James faillit lâcher sa prise sur le levier des freins. À ses côtés, Merlin vacilla, mais il resta debout, les bras toujours levés, marmonnant toujours entre ses dents. Étrangement, le train ne tomba pas. Il continua à avancer, poussé par son élan et le poids des wagons derrière lui. D’abord, presque imperceptiblement, la locomotive parut vibrer – comme Merlin. Et peu à peu, les vibrations s’accentuèrent, devenant un tressautement violent qui, dans un fracas de fin du monde, menaçait de désassembler complètement les boulons et les pièces métalliques du train. Une des fenêtres explosa, envoyant des tessons qui éparpillèrent dans tout le compartiment. James grimaça en sentant sur son visage les éclats de verre et le vent chaud de ce jour d’été. Un peu après, il regarda à nouveau par les fenêtres cassées, les yeux écarquillés et incrédules, parce que le précipice était toujours ouvert sous le train. Le Poudlard Express finit par s’arrêter, lentement, bruyamment. La cessation brutale de tout mouvement déséquilibra tellement James qu’il tomba à genoux, toujours agrippé au levier des freins.
Dans le silence revenu, presque choquant après tant de bruit et de chaos, James eut la sensation que ses oreilles vibraient encore. En frissonnant, il prit une longue inspiration difficile, et chercha à se relever. De la main, il enleva les morceaux de verre qu’il avait dans les cheveux.
— Qu’est-ce que… commença-t-il.
Il s’interrompit en voyant le grand sorcier prêt à s’effondrer. Se levant d’un bond, il jeta son épaule sous le bras de Merlin.
— Oups ! Vous êtes… humph – drôlement lourd ! Qu’est-ce qui ne va pas ?
Merlin luttait pour rester debout. Il gémit, et serra une main sur sa tête, comme pour la garder sur ses épaules. Péniblement, il réussit à se redresser, et s’appuya contre le mur de la locomotive. James le regarda, à la fois curieux et perplexe, puis il écarquilla les yeux et s’approcha.
— Qu’est-ce qui vous est arrivé ? demanda-t-il, le souffle coupé. Vous paraissez… plus vieux !
Bien sûr, le visage de Merlin n’avait jamais été très jeune, mais à présent, il était strié de rides. Il y avait de lourds cernes noirs sous les yeux. Même sa barbe et ses cheveux avaient poussé, mêlés de fils blancs. Quand le sorcier ouvrit des yeux las, il croisa le regard inquiet et attentif de James, et eut un sourire un peu triste.
— Je viens de perdre vingt ans en trente secondes, dit-il d’une voix cassée. Tu sais, ce genre de choses a tendance à fatiguer.
James n’arrivait pas à y croire.
— Mais comment vous avez fait ça ?
Merlin réussit à se redresser.
— Je les ai mises sous le train, dit-il. Viens, je ne suis pas certain que ça va tenir longtemps. Il faut que tout le monde quitte le train, et très vite.
Alors que James suivait le grand enchanteur, il ressentit tout à coup la plus étrange des sensations. C’était comme si la locomotive oscillait légèrement ! James se serait cru sur une branche d’arbre dans le vent. Une fois que lui et Merlin eurent traversé le wagon à charbon et redescendu l’échelle, ils pénétrèrent dans le premier compartiment des passagers, et y retrouvèrent Rose, Ralph, Zane et Albus qui leur sautèrent dessus avec effusion. James ne put s’empêcher de regarder en bas. Les roues du train étaient étouffées dans des feuilles vertes et des lianes. Des papillons en jaillissaient, leurs ailes étincelantes dans le soleil de l’après-midi.
Une demi-heure plus tard, James, comme tout le reste des passagers du train, était à 250 mètres de l’accident, parmi les arbres, au bord de la gorge. Tous attendaient un autre train, qui avait déjà été envoyé pour ramener tout le monde à Londres.
Zane donna un coup de pied dans un rocher, et le regarda rebondir en bas de la pente, et heurter les arbres en dessous.
— Comment c’était dans la locomotive ? demanda-t-il à James.
— Terrifiant, répondit James avec ferveur. J’ai vraiment cru qu’on était mort. En fait, j’en étais certain.
— Tu l’as vu faire ? demanda Rose.
— Je l’ai vu faire quelque chose, mais je n’ai pas tout compris.
— En trente secondes, il a fait pousser cet arbre de vingt ans, s’exclama Albus émerveillé. Je n’y aurais jamais cru je ne l’avais pas vu de mes yeux.
Ralph se retourna pour regarder de l’autre côté, vers la gorge des Oiseaux.
— Ce qui me sidère le plus, remarqua-t-il, c’est qu’il ait fait pousser ce truc énorme sous forme de pont.
Une fois de plus, James regarda lui aussi en direction des montagnes, là où le Poudlard Express était arrêté. De cet angle, il voyait clairement ce qui s’était passé. Le train n’était qu’à moitié sur le pont en construction. Au-delà, il y avait ce qui paraissait être un arbre séquoia géant, riche de branches qui ondulaient légèrement dans le vent. Tous les premiers wagons du Poudlard Express reposaient au sommet de l’arbre, et la fumée qui jaillissait toujours de la locomotive décorait le séquoia de longs rubans blancs.
Rose secoua la tête, comme si elle n’arrivait pas à y croire.
— Il a donné vingt ans de sa vie pour faire pousser cet arbre, dit-elle. Pas à dire, il a vraiment une connexion unique avec la nature.
— Oui, approuva Zane. Il est toujours en bas, d’ailleurs, à communiquer avec l’esprit de ce séquoia. Tu sais, je suis heureux que ce soit Merlin qui doive expliquer pourquoi cet arbre a grandi aussi vite. (Il eut un grand sourire.) Et pourquoi il y a un train à vapeur posé dessus !
James, Rose et Albus étaient assis dans l’herbe épaisse du jardin, clignant désespérément des yeux devant la vive lumière du matin. Non loin d’eux, parlaient tranquillement leurs parents, Harry et Ginny, Ron et Hermione. James leva les yeux et surveilla la longue allée de terre battue.
— Tu vois quelque chose ? demanda Albus, en tapant du pied dans l’herbe.
— Non, répondit James. Ils sont en retard.
— Pourquoi devraient-ils se dépêcher ? râla Albus. Ils ont déjà payés la maison. Tout ce qu’ils ont à faire, c’est de signer l’état des lieux et de prendre les clés. Je ne vois pas pourquoi d’ailleurs, vu qu’ils n’ont pas l’intention de s’en servir.
Rose soupira tristement.
— J’aimerais que tout soit déjà fini, dit-elle. Je sais que c’était mon idée de venir ici, pour dire un dernier au-revoir au Terrier, mais maintenant que j’y suis, j’arrive à peine à regarder la maison. La simple idée que les nouveaux propriétaires vont la démolir…
— Grand-mère est partie avec Lily visiter des appartements en ville, remarqua James. Ça peut être marrant. Pour elle, ça sera plus facile à entretenir, et nous pourrons aller la voir facilement.
— Ce ne sera pas la même chose, marmonna Albus. Rien ne sera plus pareil sans le Terrier.
James soupira. La veille, avait été célébré le mariage de George et Angelina. Étrangement, la fête s’était déroulée dans une ambiance heureuse. Tout le monde était là, y compris Hagrid, Neville Londubat, et même le professeur McGonagall. L’ancienne directrice avait même dansé, laissant ses élèves bouche bée d’étonnement. Après cette ambiance festive, se retrouver une dernière fois dans le jardin du Terrier, à attendre que les nouveaux propriétaires arrivent et récupèrent les clés, paraissait spécialement démoralisant. « Recommencer implique toujours de couper les anciens ponts » avait dit le père de James, le matin même, alors que la famille s’apprêtait à partir, mais James n’avait pas trouvé ce concept très réconfortant. Pour la première fois, James évoqua le dernier rêve qu’il avait fait à Poudlard, alors qu’il était encore sous l’influence de sa cicatrice fantôme : le rêve où Albus, plus âgé, avait tendu sa baguette à une jeune sorcière – Petra ? – dans un cimetière. James pensa à la façon dont la fille avait tracé la Marque des Ténèbres dans le ciel, avant de pointer sa baguette vers son frère. De toute évidence, rien n’était encore arrivé. Pourtant James ne pouvait écarter la certitude qu’il s’agissait d’une sorte de prophétie ou de prédiction. Tabitha avait dit à James qu’Albus était « promis à un grand destin ». C’étaient bien les seules paroles venant d’elle dont James ne doutait pas : Tabitha y croyait. Qu’est-ce que ça voulait dire ? James regarda son frère, couché dans l’herbe en plein soleil – son frère qui portait les noms de deux grands sorciers, directeurs de Poudlard, un Gryffondor et un Serpentard – son frère qui ressemblait tellement à leur père, Harry Potter, le Garçon-qui-avait-survécu.
— Les voilà, dit Rose, d’une voix morne.
Quand James suivit le regard de sa cousine, il vit, au bout de l’allée, un nuage de poussière qui approchait rapidement. Les trois cousins se levèrent, s’époussetèrent, et regardèrent le véhicule encore distant. Ils avancèrent lentement pour se placer aux côtés de leurs parents. Harry Potter plissa les yeux, et remonta ses lunettes sur son nez.
— Ils ont une voiture différente que l’autre jour à la banque, remarqua-t-il.
— Ça ne m’étonne pas que tu le remarques, Mr l’Auror, se moqua Ginny.
— Ça doit être très chouette, grommela Ron, d’acheter la même semaine une nouvelle maison et une nouvelle voiture.
— Chut ! dit Hermione, mais sans conviction.
Harry fronça le front, un peu perplexe.
— Je ne dirai pas vraiment que c’est une nouvelle voiture. En fait… (Tout à coup, son visage s’éclaira d’un grand sourire amusé.) Je dirais que c’est l’oncle Pitiponk.
Albus se dressa sur la pointe des pieds, protégeant de sa main ses yeux du soleil.
— Quoi ? s’étonna-t-il.
James regarda lui aussi. Alors que le véhicule approchait, il réalisa qu’il ne s’agissait absolument pas d’une nouvelle voiture. Au contraire, c’était une très vieille voiture soigneusement restaurée. Elle rebondissait et tressautait sur la terre battue de l’allée, et le soleil renvoyait des reflets sur les chromes lumineux du pare-chocs et des ailes et sur le verre de l’immense pare-brise. Rose sauta sur place et tapa des mains.
— Une Fort Anglia ! cria-t-elle. C’est la Fort Anglia de grand-père. Mais comment… ?
Tandis que la voiture s’arrêtait devant eux, avec un grincement mécanique, Harry secouait la tête avec un sourire, Ron fronçait les sourcils, étonné. La porte du conducteur s’ouvrit, et une large silhouette en émergea. James ne reconnut pas immédiatement le sorcier : il n’était pas encore habitué à ce visage vieilli. Hermione avança à sa rencontre.
— Merlinus ! s’exclama-t-elle. Que faites-vous ici ? Comment avez-vous obtenu la voiture d’Arthur ?
— Je suis heureux de dire, répondit Merlin, que la voiture vient en bonus avec la maison. J’imagine que l’adresse est correcte, sinon, je ne vous aurais pas tous retrouvés plantés devant la porte. Il ne s’agit pas du domicile récemment vendu par l’un de vos voisins ?
Ron éclata de rire.
— Oui, j’imagine que c’est la bonne adresse, mais que voulez-vous dire, Merlin ? Où sont les Templeton ?
Merlin referma avec soin la porte de sa voiture avant de répondre.
— À mon avis, ils sont en train de négocier avec enthousiasme l’achat d’un appartement à Kensington. Vu la somme astronomique que j’ai payée pour cette charmante maison, j’imagine qu’ils seront capables d’acheter plus grand que ce qu’ils avaient prévu.
— Vous leur avez racheté le Terrier ? s’exclama James.
Il savait qu’un grand sourire lui fendait le visage. Son père secoua la tête, sans comprendre.
— Mais pourquoi, Merlin ?
Merlin parut surpris.
— J’aurais cru la réponse évidente. Je suis encore nouveau dans ce monde, et j’ai besoin d’une maison qui m’appartienne. Les bureaux de l’école sont tout à fait agréables, mais un sorcier de mon tempérament a besoin de place pour s’étaler. Je trouve que cette chaumière, originale et unique, me convient parfaitement. Elle est peut-être un peu trop grande, et c’est pourquoi j’espère bien persuader la précédente propriétaire de rester sur place pour me tenir compagnie et gérer la maison pendant que je suis à l’école.
— Vous allez demander à grand-mère Weasley de vivre ici avec vous ? cria Rose toute joyeuse. Hourra ! C’est une idée merveilleuse.
— Vous êtes sérieux ? demanda Ron. Vous voulez vraiment garder ma mère avec vous ici ?
Très calme, Merlin hocha la tête.
— Peut-être m’offrira-t-elle de temps à autre une tasse de thé. Bien entendu, je l’aiderai pour les sortilèges nécessaires à l’entretien magique de la maison. L’échange me paraît honnête, qu’en pensez-vous ?
Hermione souriait, toute heureuse.
— Il vous faudrait enfermer Molly dans les combles pour l’empêcher de vous faire du thé. Vraiment, Merlinus, c’est plus que nous en espérions. Mais où avez-vous trouvé l’argent nécessaire ?
Merlin prit un regard de conspirateur.
— Saviez-vous que la banque Gringotts a été créée il y a plus d’un millier d’années ? C’est vraiment remarquable de voir ce qu’un confortable dépôt peut rapporter pendant douze siècles. Disons simplement que je ne manquerai pas d’argent pendant un certain temps.
— Vous avez fait un dépôt avant de transplaner à travers le temps ? s’exclama Ron, les yeux écarquillés. C’est une idée géniale !
Merlin lui rendit son sourire.
— À quoi sert d’être un enchanteur si l’on ne peut pas utiliser les petites astuces temporelles à son avantage ?
— Prévenons tout de suite grand-mère et Lily ! cria Albus tout excité. Vite, avant qu’elles aient l’idée grotesque de louer un appartement en ville. Est-ce que vous croyez que grand-mère pourrait revenir ici aujourd’hui ? C’est possible ?
— Je ne vois rien qui l’en empêcherait, dit Harry en riant. Si Merlin l’accepte.
— Il n’est pas question que ça se passe autrement, répliqua le grand sorcier. En fait, nous pourrions utiliser le superbe véhicule de votre grand-père pour aller la chercher. J’imagine que nous rentrerons tous à l’intérieur, sans même être serrés.
James regarda tous les autres commencer à s’engouffrer dans la vieille voiture.
— Dans la Fort Anglia ? s’étonna-t-il en regardant Merlin. Il nous faudra un siècle pour arriver jusqu’en ville avec ça.
Merlin remonta à la place du conducteur, avec un sourire mystérieux.
— Je pense que tu seras surpris, James, répondit-il. Tenez-vous bien, tout le monde. Le démarrage est parfois un peu brusque.
Avec soin, Merlin appuya sur un large bouton du tableau de bord. La voiture eut un sursaut qui secoua tout le monde, et les grandes ailes latérales se déplièrent de chaque côté de James, assis à l’arrière. Bruyamment, elles se mirent à battre, et peu à peu, trouvèrent leur rythme de croisière.
— Les ailes fonctionnent ! s’exclama Albus avec un grand rire heureux. Vous avez réussi à les faire marcher ! C’est dément !
Lentement, accompagnée d’un nuage de poussière, la voiture quitta l’allée de terre battue. Assis dans le siège passager, Ron hurlait des encouragements par la fenêtre. Merlin prit de l’altitude, et dirigea le capot de la voiture vers l’horizon, à l’ouest. Au milieu des rires heureux de tous ses passagers – et des cris de terreur feinte d’Hermione – Merlin appuya sur l’accélérateur, à fond. Les ailes battirent plus fort. La vieille Ford Anglia passa comme un gros bourdon au-dessus du Terrier, jetant au passage une ombre sur le garage d’Arthur Weasley.
En chemin, plusieurs enfants moldus levèrent les yeux au ciel, s’étonnant d’entendre au-dessus d’eux des rires mystérieux qui passaient, rapidement, et s’effaçaient dans le lointain.
FIN
[1] Quartier sud de Londres.
[2] Quartier au centre de Londres
[3] Le « double » désigne tout ce qui fait référence à la dualité de l’être humain.
[4] Nom donné à une créature légendaire qui vivrait au Canada et aux États-Unis, un primate humanoïde de grande taille également surnommé « Bigfoot ».
[5] Theodore Roosevelt.
[6] Excréments d’oiseaux marins et de chauves-souris.
[7] La tératologie est l’étude scientifique des monstres.