12.
Club Météore
L’homme poussa un grognement de pourceau, lui enfonça ses ongles dans les flancs et s’abattit sur elle de tout son poids. Esméralda n’osa pas le repousser. Il avait payé. Elle essaya de respirer, mais il lui écrasait les côtes.
« Sainte Marie, mère de Dieu, faites qu’il ne s’endorme pas ! » pria silencieusement Esméralda.
Au bout de quelques minutes, alors qu’elle commençait à voir trente-six chandelles, l’homme roula sur le côté et resta allongé sur le dos, un avant-bras en travers du front pour protéger ses yeux de la lumière.
À cet instant, elle devint invisible. Comme on dit, c’est pour ça qu’on paie les putes – pour qu’elles foutent le camp juste après.
Elle se glissa discrètement hors du lit, respirant avec peine. Il l’avait imprégnée de son odeur, un ignoble mélange de sueur rance et d’Armani for Men. Du sperme lui dégoulinait sur les cuisses. Le sexe sans capote, c’était plus cher et, avec les nouveaux managers russes, c’était la seule chose qui comptait vraiment.
Les filles les moins jeunes étaient abandonnées à des hommes aux penchants sadiques. Les Russes disaient clairement qu’il n’y avait pas de limites à ce qu’on pouvait leur faire, tant qu’on était prêt à y mettre le prix. Il y avait des salles insonorisées au sous-sol, exprès pour ça.
Rien que le mois dernier, deux filles avaient disparu.
Esméralda regarda l’homme qui venait de lui faire mal et elle essaya de contenir sa rage.
Il avait prétendu s’appeler John. En réalité, il s’appelait Larry Cameron et il dirigeait un prospère commerce de voitures d’occasion, à Chula Vista. Elle le savait car il apparaissait tous les jours dans des pubs sur les chaînes du câble.
Esméralda s’en fichait. En fait, elle se fichait de presque tout. De plus en plus souvent, tandis que les hommes lui grimpaient dessus et s’agitaient en ahanant, elle parvenait à s’abstraire de ce qui était en train de se passer. Elle déconnectait son esprit. Cette fois, elle avait été ramenée à la réalité lorsque le soi-disant John lui avait fait mal en lui pinçant les hanches et en lui mordant les seins.
Naguère, Franklin Sands lui en aurait touché deux mots. Entre gentlemen, cela va sans dire. Il lui aurait demandé poliment de ne pas abîmer la marchandise. Mais, depuis l’arrivée de Russes, le vent avait tourné. Les clients étaient libres de se montrer violents et ils ne s’en privaient pas. Les filles portaient des ecchymoses qu’on dissimulait sous des couches de fond de teint de plus en plus épaisses. Dans certains cas, il avait même fallu faire venir le médecin. Les clients donnaient libre cours à leurs mauvais instincts. Hé quoi ! Ils payaient, non ?
Esméralda était gluante de sueur et elle puait. Chaque chambre possédait sa salle de bains, mais elle ne pouvait pas se résoudre à se doucher pendant que l’homme était assoupi sur le lit. Les filles avaient leur propre chambre dans un bâtiment séparé. Elle avait envie d’y retourner et de prendre une douche, la plus chaude possible, tout en sachant que ce n’était pas ça qui réussirait à la purifier.
Elle ramassa ses vêtements. La culotte et le soutien-gorge étaient déchirés. John était de ces hommes qui ne se contrôlent plus dès qu’ils sont seuls dans une chambre avec une femme. La lingerie avait pourtant été jolie, pensa-t-elle. Une parure lavande avec de la belle dentelle. Maintenant, elle était en charpie.
Esméralda laissa tomber la petite culotte. Elle saisit le soutien-gorge par les deux bouts et tira. La soie était une matière délicate mais résistante. Elle tourna le soutien-gorge dans tous les sens, tira encore plusieurs lois de toutes ses forces pour en tester la solidité.
Satisfaite, elle s’approcha du lit et regarda l’homme assoupi. Il était si gros et si lourd qu’il s’enfonçait à moitié dans le matelas. Son pénis reposait mollement sur sa cuisse. Il brillait à cause de la vaseline dont Esméralda s’était discrètement enduite, parce qu’elle était sèche. Même avec la vaseline, ça lui avait fait mal.
Il respirait avec des grands bruits de soufflet. Comme si ça ne suffisait pas, il se mit à ronfler abominablement.
Esméralda empoigna solidement le soutien-gorge, posa un genou sur le matelas et s’approcha de l’homme dont la gorge était là, offerte…
Soudain, il rouvrit les yeux – des yeux clairs, injectés de sang.
— Qu’est-ce… qu’est-ce que tu fais ? bredouilla-t-il en la découvrant penchée sur lui.
« Je te tue », pensa Esméralda, toute frémissante de rage. L’homme essaya de se redresser mais il glissa. Il avait bu trop de whisky et trop baisé. Il était incapable de se tenir droit. Mais ses yeux n’étaient déjà plus aussi troubles. Il se dégrisait doucement. Sous peu, il serait tout à fait lucide.
Esméralda regardait fixement son cou. Elle voyait où il faudrait appliquer le soutien-gorge, juste au-dessus de la pomme d’Adam. Ensuite, il n’y aurait plus qu’à serrer et à attendre.
Serrer très fort, longtemps, car il se débattrait de toute l’énergie de sa grosse carcasse. Elle le regarderait devenir rouge puis bleu, tandis que ses yeux lui sortiraient de la tête et qu’il agiterait désespérément ses grosses pattes velues.
À l’orphelinat, bien des années plus tôt, elle avait vu quelqu’un mourir comme ça et elle ne risquait pas de l’oublier. Elle avait serré, serré, et n’avait pas lâché la corde tant que l’homme ne s’était pas immobilisé, avec sa langue toute noire qui pendait jusqu’au-dessous de son menton.
— Ne t’approche pas de moi, salope ! hurla le vendeur de voitures en essayant maladroitement de descendre du lit.
Esméralda haïssait chaque milligramme de ce gros tas de barbaque. Elle se doutait que sa haine se voyait sur son visage. Sa haine crevait les yeux du type…
« Sois prudente, Esméralda. Ne te laisse pas emporter par la colère. Fais attention, tu es prête à craquer. »
La voix dans sa tête était douce et raisonnable. C’était celle de Chloé. Sa bouée de sauvetage. Une femme qui la comprenait et ne la jugeait pas. Chloé, élégante, cultivée et riche, et qui la traitait néanmoins comme une égale, comme une amie…
Esméralda se recomposa un visage, redevint la putain docile qu’elle était censée être. Et, lorsqu’elle parla, ce fut avec une voix rauque, enjôleuse et sexy, alors qu’elle aurait voulu crier.
— Ah, John… John…
Elle lui posa le soutien-gorge en travers de la poitrine et le fit descendre le long de son torse, comme si elle n’avait jamais eu d’autres intentions que de le caresser avec. En passant, elle lui griffa les mamelons, ce qui le fit sursauter de plaisir.
Esméralda avait bien fait d’écouter la voix de Chloé. Elle n’aurait jamais eu assez de force pour étrangler ce mastodonte-là. Il se serait libéré facilement et aurait appelé la sécurité ; pas les mannequins de Franklin, la vraie sécurité, celle des cannibales russes, et elle aurait pu dire adieu à la vie.
Au Météore, il se chuchotait que les filles récalcitrantes étaient livrées aux amateurs de plaisirs très, très corsés, et qu’on ne les revoyait jamais.
— John, c’était merveilleux tout à l’heure, murmura-t-elle.
Elle écarta les cuisses pour qu’il se rince l’œil et ajouta :
— Tellement merveilleux que j’en veux encore. Un petit rab…
Elle enroula le soutien-gorge autour du pénis mou et commença un mouvement de va-et-vient. La soie crissa sur la peau moite.
— Pourquoi tu l’as pas dit plus tôt ? s’exclama-t-il tandis que son sexe durcissait de nouveau. Vas-y, petite pute ! Maintenant que tu m’as bien ravigoté, au boulot !
Cinq minutes plus tard, Esméralda n’eut plus qu’à s’essuyer la bouche, se rhabiller et s’en aller en refermant silencieusement la porte derrière elle.
Une nouvelle session était prévue dans une heure et elle n’en pouvait déjà plus. Ses jambes flageolaient, elle respirait laborieusement. Elle avait mal partout, comme si elle avait été piétinée par une horde d’éléphants.
Elle détestait son corps, elle se détestait elle-même. Et, plus encore, elle détestait les clients, tous autant qu’ils étaient.
Non, elle était incapable d’en faire un de plus aujourd’hui. Tout à l’heure, elle avait eu des envies de meurtre. Elle avait été à deux doigts d’essayer. Maintenant, elle allait s’enfermer dans sa chambre et se faire porter pâle. Elle dirait qu’elle avait un mal de tête carabiné, qu’elle n’était plus en état de faire une passe, que si le client la secouait trop elle risquait d’avoir le mal de mer et de lui vomir dessus.
Ça avait déjà marché une fois.
Et, demain, elle retournerait voir Chloé.
Dans le couloir, Esméralda croisa Natacha, sa meilleure copine au Météore. C’est par Natacha qu’Esméralda avait connu Chloé. Natacha s’était présentée à l’asile de la Bonne Espérance dans un moment de détresse. Elle venait d’être enfermée quatre jours dans une pièce du sous-sol, sans rien à manger ni à boire, punie pour avoir mordu un client. Elle avait été relâchée parce que Sands avait plaidé sa cause auprès des Russes. Tout le monde était persuadé que, sans ça, les Russes l’auraient laissée enfermée jusqu’à ce que mort s’ensuive. Natacha le pensait aussi.
Chloé ne donnait jamais de conseil, n’émettait jamais de jugement. Natacha disait qu’elle se sentait toujours mieux, après l’avoir vue. Alors, Esméralda s’était rendue elle aussi à la Bonne Espérance. Une fois par mois pour commencer. Comme une confiserie délicieuse mais mauvaise pour les dents, mieux valait ne pas en abuser. Et puis deux fois par mois. Et maintenant, une fois par semaine.
Esméralda pensait à s’enfuir pour aller vivre à la Bonne Espérance pour toujours. Mais les Russes la retrouveraient et ils la ramèneraient de force au Météore.
Esméralda se rembrunit car Natacha n’avait pas l’air dans son assiette.
— Tu as entendu la nouvelle ? demanda tout bas celle-ci, en jetant à droite et à gauche des regards inquiets.
Plus que jamais depuis l’arrivée des Russes, les filles avaient pris l’habitude de se méfier des oreilles indiscrètes.
Esméralda secoua la tête. Qu’avait-il bien pu se passer ? Il en fallait beaucoup pour émouvoir une fille comme Natacha.
— C’est Chloé, dit Natacha. Les Russes ont attaqué Chloé. Parce qu’elle nous a parlé.
Le cœur d’Esméralda cessa de battre. Chloé, punie pour sa bonté ?
Chloé qui était son ange gardien…
De nouveau, Esméralda fut prise de rage.
Et, cette fois, il n’y eut aucune voix dans sa tête pour lui recommander d’être sage.
— Tu t’inquiètes pour Chloé, dit Ellen alors qu’Harry faisait les cent pas dans la chambre.
Ses yeux étaient remplis d’une tendre sollicitude. Son mari, sous ses dehors de macho, avait le cœur sensible.
— Moi aussi, je m’inquiète, reprit-elle. Mais vous finirez bien par comprendre ce qui se trame et avec vous, avec Mike surtout, il ne lui arrivera rien. Il est fou d’elle, hein ? Ça se voit comme le nez au milieu de la figure. Et personne n’est meilleur que lui en cas de danger.
Harry se passa la main dans les cheveux, hocha la tête et ne dit rien. Sa petite sœur en danger… Il en était malade.
— Chloé est une bénédiction pour tout le monde, reprit Ellen. Tout le monde l’adore, mais Mike ! Mike l’aime, c’est tout… Je ne comprends pas pourquoi il a joué les indifférents pendant tout ce temps, alors qu’il est fou d’elle depuis le début. Même un aveugle s’en rendrait compte. Et pourtant, il se contente de la suivre partout, sans tenter sa chance. Tu te rends compte ? Mike Keillor l’homme de toutes les femmes, le mec qui saute sur tout ce qui bouge ! À trottiner derrière Chloé comme un brave toutou, on ne le reconnaît plus ! Il ne cherche pas à la séduire et, en même temps, il ne la quitte pas d’une semelle. Qu’est-ce qui lui arrive, à ton avis ? Chloé non plus n’y comprend rien, du reste. Ça la rend folle. Cette triste histoire aura au moins eu ça de bon qu’elle a forcé Mike à se dévoiler. Alors que, depuis six mois…
Soudain, une idée traversa l’esprit d’Ellen.
— Harry ? s’écria-t-elle en se redressant dans le lit. Harry Bolt ? Tu ne serais pas au courant de quelque chose, par hasard ? Si c’est le cas, tu as intérêt à le dire ! Ça nous rend cinglées, cette histoire.
Ellen connaissait par cœur la physionomie de son mari. Son expression, elle la déchiffra tout de suite : moitié coupable, moitié penaud. Il y avait du louche.
— Harry ? insista-t-elle.
En soupirant, il s’assit sur le bord du lit et lui prit la main.
— Tu te souviens du jour où Chloé a fait sa réapparition ?
— Oh, oui !
Harry se massa la nuque, hésita, puis continua :
— Je ne peux pas te décrire l’impression qu’elle m’a faite lorsqu’elle est entrée dans le bureau. Elle avançait à petits pas, lentement, prudemment, pas comme maintenant…
— Elle est forte comme un Turc à présent. Grâce à Mike.
Harry se mordit la lèvre, mal à l’aise. C’était normalement le plus calme des hommes mais, là, il se laissait submerger par ses émotions.
— Bref, dit-il après s’être éclairci la voix, tout ce que j’ai vu ce jour-là, c’est une femme extrêmement fragile, qui doutait d’elle-même et qui avait peur des autres. On aurait dit qu’elle allait s’envoler au moindre courant d’air. Et quand elle a raconté sa vie… oh, mon Dieu ! Dix ans d’hosto. Un père qui n’était pas son père et qui a essayé de la violer. Déjà !… Et je n’oublie pas ce qu’il y avait eu auparavant, que je connais parce que j’étais moi-même aux premières loges : un enfer à la maison, entre une camée et un colosse tous les jours bourré ou défoncé qui faisait régner la terreur, jusqu’à ce qu’il décide de tous nous massacrer… Alors, quand j’ai vu Mike lui faire du rentre-dedans, ça m’a foutu les boules. Chloé si fragile, vulnérable, qui n’avait jamais eu cinq minutes de paix dans sa vie. Et Mike, le bourreau des cœurs ! Et puis, il y a eu cette histoire de fille tabassée, O’Connell qui soupçonnait Mike… Comprends-moi bien, je n’ai jamais cru une seule seconde qu’il était coupable d’avoir brutalisé cette fille. Je sais qu’il en était incapable. Mais il avait quand même couché avec elle. Une camée qu’il venait juste de rencontrer ! Parce qu’il est comme ça ! Toute cette histoire était tellement sordide ! J’ai voulu protéger Chloé. J’ai eu peur qu’il ne lui brise le cœur. Alors…
Il s’interrompit et serra les dents.
— Alors ? insista doucement Ellen.
Après un moment de silence, Harry finit par répondre, avec réticence :
— Alors, quand Chloé s’est mise en quatre pour innocenter Mike, j’ai deviné qu’elle n’était pas loin de tomber amoureuse de lui – que c’était peut-être même déjà fait. Auquel cas, il allait lui briser le cœur. Il ne sait faire que ça avec les femmes ! Je n’en supportais pas l’idée. Alors, je lui ai fait promettre de ne plus la toucher.
Ellen battit des paupières.
— Dans ces termes-là ? Ne touche plus jamais à Chloé ?
Harry baissa la tête.
— Oui, je crois. J’étais furieux. Je crois même que je l’ai menacé de lui casser la gueule, s’il lui faisait du gringue.
Ellen éclata de rire, tout à coup. Harry releva brusquement la tête.
— Quoi ?
— Oh, mon cher mari, tu es un amour, murmura Ellen en lui faisant signe de s’approcher.
Il obéit en soupirant.
— Tu ne m’en veux pas ? demanda-t-il, étonné.
— Mais, mon chéri, répondit Ellen en ayant l’air de s’amuser beaucoup, comment pourrais-je t’en vouloir alors que tu as réussi à réunir deux des personnes que j’aime le plus au monde. Quelle formidable marieuse tu ferais !
— Moi ? fit Harry, interloqué.
— Oui, toi ! répondit Ellen avec un sourire malicieux. Ç’aurait été un désastre s’ils étaient tombés dans les bras l’un de l’autre le premier jour. Chloé était tellement indécise, fragile. Incapable de se défendre. Tu avais mille fois raison là-dessus. Et Mike, avec son habitude de se jeter sur les femmes puis de les jeter comme des Kleenex après s’en être servi. Elles lui courent toutes après, il faut dire, il n’a jamais eu à faire le moindre effort pour les avoir. C’était très malin de ta part de le forcer à attendre. Quand avais-tu prévu de lever l’interdiction ?
Pris au dépourvu, Harry balbutia :
— Euh, jamais. Enfin… je n’ai pas prévu ça…
Ellen, encore une fois, eut un petit rire.
— Jamais ? répéta-t-elle. Alors là, on n’était pas sorti de l’auberge, parce que, comme tu as pu t’en rendre compte, Mike t’a pris au mot. Il a dû s’en rendre malade ! Et nous qui nous demandions ce qu’il lui arrivait !
— Nicole et toi, vous auriez pu vous contenter de vous mêler de vos oignons, fit observer Harry.
— Figure-toi que nous n’y avons même pas songé ! rétorqua Ellen. Donc, je suppose que Chloé ne va pas tarder à être ma belle-sœur dans tous les sens du terme.
Harry sursauta.
— Tu n’as pas l’impression d’aller un peu vite en besogne ?
— Non, pas du tout, Mike est fou d’elle et elle est folle de lui. Il y a six mois, ils auraient eu une aventure qui aurait sûrement fait des étincelles, mais aurait pu aussi bien finir en catastrophe au bout d’une semaine. Aujourd’hui, ils sont mieux armés pour réussir une belle histoire d’amour. D’accord, il y a les Russes. Mais, à part ça, ils sont sur la bonne voie. Tu as fait du bon boulot, Bolt. Du très bon boulot.
— Ce n’était pas mon intention, dit Harry. Mon intention était de les séparer, de tenir Mike à l’écart de la vie de ma sœur. Mais si tu me dis de me réjouir d’avoir échoué…
Tout en regardant son mari droit dans les yeux, Ellen secoua ses épaules pour faire glisser les bretelles de sa chemise de nuit. Comme celle-ci restait accrochée à la pointe de ses seins, elle se leva, se trémoussa de nouveau. Cette fois, la chemise tomba au sol et elle apparut nue. D’une voix exagérément sexy, elle dit :
— Je crois que tu mérites une récompense.
Elle s’approcha, se pencha et lui caressa le bas du ventre. Un petit coup de poignet et Harry ravala son souffle.
— Alors, comme ça, dit-il d’une voix assourdie, je mérite une récompense ? Parce que j’ai été très malin. Tu parles ! Parce que j’ai tout combiné de main de maître.
Il la ramena sur le lit et s’étendit sur elle. Elle sentit son sexe frotter contre sa toison. Une vague de chaleur se répandit dans tout son corps lorsqu’elle se cambra, pour l’attirer au point exact où il était délicieux de le sentir grossir et durcir. Elle adorait ce contact électrisant. Elle ne se lassait pas de l’enlacement de leurs deux corps qui se connaissaient si bien.
Elle lui mordilla le cou, sachant que ça allait le faire frissonner.
— Tu mérites une autre récompense, lui murmura-t-elle à l’oreille. Une récompense super extra spéciale.
— Ah oui ? Meilleur que ça ? demanda-t-il en glissant dans sa fente humide. Je suis curieux de voir ce que c’est.
— Ne sois pas trop pressé parce que ça va demander un peu de temps.
Elle lui prit la main et la faufila entre eux pour la placer sur son ventre.
— Tu auras ton cadeau aux alentours de la Saint-Valentin, ajouta-t-elle. Disons dans huit mois.
La grande carcasse d’Harry tressaillit aussi violemment que s’il avait pris la foudre. Il se souleva sur les avant-bras et la regarda dans les yeux, oubliant de bouger.
— Ellen, dit-il d’une voix si émouvante qu’elle faillit pleurer. Un autre enfant ? Oh, mon Dieu, un autre enfant !
Elle savait ce que cela signifiait pour lui. La même chose que pour elle. Ils n’avaient pas de famille, ni l’un ni l’autre. Ils avaient longtemps été seuls au monde. Ils s’étaient trouvés. Ils avaient eu Gracie, qui faisait leur joie. Et puis, Chloé, qui était soudain revenue du royaume des morts. Et maintenant, un autre enfant.
Tout ce bonheur, c’était presque trop.
Harry s’abattit sur sa femme comme si tout à coup ses bras n’avaient plus la force de le soutenir. Ses épaules tremblèrent. Était-il en train de sangloter ? Elle le serra et l’embrassa avec passion, l’enlaça de toutes ses forces, de ses bras et de ses jambes. Alors, il entra en elle et ils se mirent à tanguer doucement.