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La grande et longue barque, secouée par les remous de la Seine, s’approcha rapidement de la rive, à quelques pas du Petit-Pont. Dans le ciel de Paris virevoltaient des petits pétales de fleurs blanches et roses que le vent printanier arrachait aux cimes des arbres. Les bruits de la ville animée étaient ici couverts par celui de l’eau et des bateaux. Avec le retour des beaux jours, les Parisiens aisés étaient de plus en plus nombreux à venir se promener sur le fleuve et on assistait sur la Seine à un véritable ballet aquatique.
L’échevin Étienne Bourdon, qui attendait sur les quais depuis un long moment déjà, monta à l’intérieur de l’embarcation, salua respectueusement le frère du roi et s’installa sur le banc en face de lui. Aussitôt, le comte de Valois demanda à ses hommes de ramer vers le large afin d’y chercher un peu de quiétude.
— Dites-moi, Étienne, que vous l’avez trouvée !
— Oui, Prince. Ou plutôt, nous avons retrouvé sa piste.
— À la bonne heure ! Dites-moi tout !
— La Nubienne est donc bien une ancienne prostituée qui racolait rue Quincampoix, entre les années 1260 et 1290. On raconte que c’est une Égyptienne, qui a été amenée en France, alors qu’elle n’était encore qu’un tout jeune enfant, par un chevalier chassé de Jérusalem par les Sarrasins. Aujourd’hui, elle aurait donc… soixante-dix ans.
— Mais dites-moi qu’elle est en vie !
— Oui, Prince, mais…
— Que Dieu la bénisse !
— …mais elle a quitté Paris.
— Et comment vais-je pouvoir la trouver ? s’inquiéta de Valois.
— Elle habite maintenant Étampes, où elle sévit comme Mère des prostituées de la ville. Et elle s’appelle Izia. Nous la trouverons.