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Andreas et Robin, après qu’ils se furent débarrassés, à l’aide d’une pierre, des entraves que l’apprenti portait aux chevilles, avaient traversé ensemble ce long souterrain dans la plus grande obscurité, tel Orphée s’échappant des Enfers. Ils sortirent de la crypte Saint-Aignan au beau milieu de la nuit.
À peine eurent-ils mis un pied sur le parvis de l’église qu’une silhouette jaillit de l’ombre, qui les fit sursauter. L’Apothicaire, aussitôt, se plaça devant son apprenti dans un geste protecteur, mais très vite il fut rassuré en reconnaissant le visage de la femme du templier.
— Que faites-vous là ? demanda Andreas d’une voix basse mais pressante.
— Colin m’a demandé de vous attendre toute la nuit s’il le fallait. Vous ne pourrez sortir d’Orléans sans mon aide.
Elle fouilla dans un baluchon qu’elle avait à l’épaule et en tira une couverture qu’elle tendit à Robin.
— Tenez, jeune homme.
Le rouquin, les bras tremblants, s’enveloppa à l’intérieur.
— Il y a des gardes à toutes les portes, et il vous serait aussi difficile de sortir de la ville qu’il vous a été aisé d’y entrer. Nous allons passer par un souterrain.
— Encore un !
— La ville en compte bien plus que les gardes ne pourraient en surveiller. Suivez-moi.
Et ainsi, maître et apprenti lui emboîtèrent le pas. La petite femme les fit entrer dans un chai, qui menait à une cave, qui donnait sur une porte, qui s’ouvrait sur un escalier, qui descendait vers un tunnel, et ce tunnel les fit sortir de la ville sans encombre.
— Vous pouvez venir chez nous pour soigner votre ami, proposa l’épouse de Colin.
— Non, madame. Nous vous remercions de cette aimable proposition, mais nous devons fuir, au plus vite, profiter de la nuit pour nous éloigner d’Orléans. Il nous faudrait seulement, si cela est possible, recouvrer le cheval que j’ai laissé chez vous.
— Je vais aller le chercher, monsieur. Occupez-vous de votre compagnon pendant ce temps-là.
L’Apothicaire lui adressa un regard plein de gratitude.
— Remerciez Colin pour moi. Il nous a sauvé la vie.
— Et vous avez sauvé la sienne.
La petite femme s’éloigna, et Andreas apporta à Robin tous les soins qu’il pouvait, avec le peu d’ingrédients dont il disposait ici, mais avec tout son docte et dévoué savoir-faire.
L’épouse du templier revint bientôt avec le cheval, et sur celui-ci elle avait attaché un sac empli de vivres, de vêtements et de couvertures.
— Que Dieu vous garde ! lança-t-elle, et ils disparurent au galop dans le ventre ténébreux de la nuit.