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Ce fut précisément en ce morbide moment qu’Andreas, assisté de son apprenti et de ses deux valets, ouvrit de nouveau son apothicairerie, laquelle était restée close pendant toute la durée de son emprisonnement, ce qui, sans nul doute, n’avait échappé à personne dans la rue Saint-Denis.

La clientèle, comme excitée par la fin de cette relâche, ne fut pas longue à se presser devant l’officine la plus prisée du quartier, mais à ceux qui voulaient seulement complimenter maître Saint-Loup de sa libération, l’Apothicaire répondait qu’il était là pour travailler, et non pas pour entendre leurs inutiles civilités. Ceux-là repartaient satisfaits, car ils avaient eu la preuve formelle que la réclusion n’avait pas transformé leur bon pharmacien : il était toujours aussi odieux.

Andreas, toute la matinée, redoubla d’efforts pour remplacer ceux de ses remèdes qui, en son absence, s’étaient périmés et risquaient rapidement de venir à manquer. Dans son laboratoire, il fit de son mieux pour ne pas se détourner de son labeur et se précipiter vers l’oculus corpuscula qui, abandonné sur la paillasse, semblait l’appeler comme Ulysse la sirène.

Robin, qui avait fait d’indéniables progrès, tout à la joie de retrouver son maître, participa diligemment à la confection des cataplasmes, décoctions, collyres et autres loochs à ses côtés, et lui non plus n’avait pas changé : il était toujours aussi zélé qu’étourdi.

À la fin de l’après-midi, quand il estima qu’ils avaient rattrapé leur retard, Andreas expliqua à Lambert qu’il devait s’absenter et lui demanda de fermer boutique.

— Bien sûr, maître.

L’Apothicaire inclina la tête avec reconnaissance. Même si, on s’en doute, il ne le leur avait jamais dit de vive voix et ne le ferait jamais, il éprouvait pour Lambert et Marguerite une très grande affection. Depuis dix ans qu’il travaillait à son service, ce vieux couple ne lui avait jamais fait défaut, et l’un comme l’autre apportaient à sa tâche bien plus d’attention qu’un maître n’était en droit de l’exiger de ses valets. En réalité, maintenant que ses liens avec l’abbé Boucel s’étaient tant abîmés, ces deux-là étaient pour lui ce qui se rapprochait le plus d’une famille, entendu que la famille soit ce tout petit nombre de personnes pour lesquelles votre amour ne s’éteint jamais, même dans l’épreuve, qui jamais ne juge et toujours comprend sans même que vous deviez dire les choses ; or parfois, comme c’était le cas pour notre apothicaire, la famille ne vient pas du sang, et il est des étrangers qui font les meilleurs parents.

— Où allez-vous, maître ? demanda Robin qui, derrière eux, avait tout entendu.

— Je dois aller visiter un dominicain, répondit le pharmacien.

— Pourquoi ? rétorqua l’apprenti avec un peu trop d’empressement.

Andreas fronça les sourcils, se demandant si le jeune rouquin ne s’était pas habitué à une trop grande liberté en son absence.

— Cela concerne les causes de mon emprisonnement.

— Alors je vous accompagne !

— Non, Lambert aura besoin de toi pour fermer.

— Maître ! insista Robin.

L’Apothicaire ne sut s’il devait s’inquiéter de cette nouvelle impudence ou, au contraire, y voir le signe d’un épanouissement dont il pouvait se réjouir. Après tout, ne devait-il pas sa libération à l’audace insoupçonnée du jeune homme ? Peut-être fallait-il, en rétribution, lui accorder un peu plus de confiance.

— Soit. Si tu le souhaites. Mais ne t’avise pas de dire un seul mot quand nous y serons. Tu seras là comme le simple apprenti que tu es : pour apprendre.

— Oui, maître.

Aussitôt ils quittèrent l’apothicairerie et traversèrent ensemble les grandes artères de la capitale sur laquelle, déjà, tombaient les ombres du soir.

— Quel est donc ce dominicain que nous allons visiter ? demanda Robin en chemin. Je croyais que vous n’aviez que très peu d’affection pour les gens de robe…

— Il ne faut pas confondre le général et le particulier, Robin. Il y a, parmi les hommes du clergé, certains des plus brillants penseurs de notre temps ; c’est le groupe qui est mauvais, pas les individus et, aussi bien, la plupart de ces penseurs sont davantage critiqués par leurs pairs qu’ils ne le seraient par moi. Imagine un peu ce qu’un Thomas d’Aquin ou un Roger Bacon auraient pu écrire s’ils n’avaient été contraints par les dogmes de l’Église qui les a produits ?

— Ce que vous dites est un peu paradoxal… Vous dites que c’est l’Église qui a façonné ces grands savants, mais que c’est elle qui les a censurés ?

— La vie est toute pleine de paradoxes, mon garçon, et tu dois t’en féliciter, car ne fut-ce pas justement un paradoxe qui me fit prendre pour apprenti un fils de paysan sans diplôme ?

Andreas répondait à son apprenti sans même lui jeter un regard. Il marchait vite, et le jeune homme peinait à le suivre, qui s’essoufflait en parlant.

— Et qui est-il, donc, ce dominicain que nous allons voir ? ânonna avec insistance le rouquin que plus rien ne semblait pouvoir faire taire.

— Il se nomme Eckhart von Hochheim et, comme son nom l’aura soufflé à ta perspicacité, c’est un Allemand.

— Que fait ce moine à Paris, alors ?

— Les Dominicains ne sont pas des moines, Robin, ce sont des religieux.

— Comment cela ?

— La différence est subtile, je te l’accorde, mais les Dominicains ne prononcent qu’un seul vœu, celui d’obéissance, et pas celui de stabilité.

— D’accord, d’accord, mais que fait-il donc à Paris ?

— À la demande des dignitaires de l’ordre dominicain, il a reçu du chancelier de Notre-Dame le magister regens, c’est-à-dire la licence d’enseigner à l’université de Paris, bien qu’il fût expulsé de France il y a presque dix ans par Philippe le Bel.

— Je suppose que son expulsion passée vous le rend sympathique, railla Robin, qui commençait à connaître son apothicaire.

— Éminemment.

— Et pourquoi allons-nous le voir ?

— Parce que c’est un mystique.

— Et ?

— Et à la question que je me pose, seul un mystique peut répondre.

— Mais quelle est cette question ?

— Tu verras bien. Tais-toi, maintenant, et marche.

Robin, qui craignait sans doute d’être congédié, ne se le fit pas dire deux fois, et ainsi maître et apprenti continuèrent leur ambulation jusqu’à la rive gauche du fleuve dans un silence que seuls les bruits de la ville venaient rompre, et il faut reconnaître qu’ils étaient fort nombreux comme la journée se terminait.

Quand ils arrivèrent dans le quartier étudiant, Andreas mena son apprenti jusqu’à l’hôtel de la rue Saint-André-des-Arts, où siégeait le collège de Navarre, destiné à l’étude de la théologie, et qui avait été offert à l’Université par Jeanne de Navarre, épouse de Philippe le Bel. Dans l’une des grandes salles, ils trouvèrent le dominicain en pleine séance de théologie, devant une quinzaine d’étudiants attentifs qui, assis sur le plancher couvert de paille, semblaient boire les paroles de cet Allemand sulfureux, dont les idées eussent pu attirer les foudres de l’Inquisition, ce que d’ailleurs elles firent quelques années plus tard.

Andreas et Robin prirent place parmi les jeunes clercs, et quand maître Eckhart les aperçut, il leur adressa un chaleureux signe de tête mais n’interrompit pas pour autant son instruction, laquelle gagna même un peu d’entrain, comme s’il était stimulé par ce nouvel auditoire. Contrairement à la tradition, l’homme ne se contentait pas de s’attacher aux mots des Pères de l’Église mais livrait aux jeunes gens ses propres idées et, iconoclaste, il ne le faisait pas en latin, mais en français ce qui, s’il n’avait eu sa solide réputation, lui eût sans doute coûté sa place. Toutefois, il était notable que le dominicain, quoique avec un léger accent germanique, parlait parfaitement la langue française.

— … et ainsi, ce faisant, il est nécessaire, disait-il, de chercher en tout lieu l’expérience mystique, car vous devez comprendre que l’être, dès lors qu’il est pris dans sa plénitude, s’identifie à Dieu.

Les étudiants hochèrent la tête, et certains, les plus aisés, prirent quelques notes sur les parchemins qu’ils avaient sur leurs genoux.

— Mais, comme nous le disions hier, il importe de distinguer Dieu et la déité. La déité est l’essence divine absolue, isolée par son aséité, en ce sens qu’elle existe pour elle-même et par elle-même, sans que son existence soit soumise à quelque autre entité. La déité est au-dessus de tout nom, de tout rapport, et nous ne pouvons rien affirmer à son sujet, sinon qu’elle est unité.

— Mais comment pouvons-nous la connaître, alors ? demanda l’un des étudiants.

— Précisément, nous ne le pouvons pas, mais par l’expérience mystique, nous devons y retourner.

Robin vit se dessiner sur les lèvres de son maître un sourire qui trahissait, pour qui les connaissait, son scepticisme et son irréligion.

— Dieu, au contraire, c’est la déité en tant qu’elle entre en rapport. La déité devient Dieu par l’acte de la création. Dieu n’est Dieu que lorsqu’il y a des créatures ; si elles n’étaient pas, il ne serait pas non plus. En somme, si je n’étais pas, Dieu ne serait pas. C’est pourquoi je prie Dieu qu’il me libère de Dieu, car mon être essentiel est au-dessus de Lui.

— L’âme est au-dessus de Dieu ? s’offusqua un jeune clerc.

— L’âme part de l’unité divine, de la déité, et c’est la création qui la fait prendre corps dans le monde réel, au cœur de la multiplicité. L’expérience mystique consiste donc à s’en abstraire pour accomplir notre retour à l’unité.

— Et qu’advient-il à celui qui y parvient ? s’exclama, sur un ton sarcastique, un autre étudiant.

— Ach ! Si je le savais, sans doute ne serais-je pas ici pour vous le dire, mes enfants !

Un rire parcourut l’assemblée, rire dont le jeune Robin n’était pas certain de comprendre l’entière origine.

— Mais allons, il se fait tard, la nuit est tombée, et je vois qu’un illustre apothicaire est venu me rendre visite. Heraus ! Et malheur à celui qui, d’ici demain, n’aura pas achevé le De immortalitate animae[8].

Les étudiants quittèrent avec force bruit le cours de maître Eckhart, lequel, vêtu de sa tunique blanche, du scapulaire et de la capuche, se dirigea aussitôt vers Andreas, les bras grand ouverts.

— Mon bon apothicaire ! Ich bin so glücklich, dich zu sehen ! Quel plaisir que cette visite inattendue !

Les deux hommes s’embrassèrent chaleureusement. Si Andreas eût pu être soupçonné d’avoir un ami, Eckhart eût été ce qui s’en approchait le plus. Il y avait entre ces deux érudits – qui s’étaient rencontrés deux ans plus tôt à la Magna libreria de la Sorbonne, où ils s’étaient disputé un volume de la Sententia super metaphysicam de Thomas d’Aquin – un respect mutuel évident et peut-être même la compassion fraternelle de deux âmes insoumises, éprises de liberté dans un âge de censure.

— Et qui est ce jeune garçon qui vous accompagne ? Un nouvel élève pour moi ?

— Non, maître Eckhart. Robin est mon apprenti, mais vous avez raison, il ferait auprès de vous un excellent élève, car il a un bel esprit, bien qu’il soit fort distrait.

Le religieux se tourna vers le jeune rouquin et lui serra vigoureusement l’épaule.

— Tu es entre de bonnes mains, mein Junge ! Et si tu suis bien les enseignements de ton maître, tu deviendras certainement l’un des plus grands Apotheker de Paris !

Robin, dont les joues s’étaient déjà empourprées, hocha timidement la tête.

— Alors, Andreas, que me vaut le plaisir de votre courtoise visite ? Voulez-vous que nous reprenions séance tenante notre belle dispute sur les universaux, là où nous la laissâmes en décembre dernier quand nous fûmes grossièrement interrompus par l’annonce d’une bulle papale ?

— Oh, de grâce, non ! Je resterai à jamais un aristotélicien et vous un platonicien, et je crois qu’il faudra des siècles pour mettre un terme à cette querelle. Non… Ce n’est pas pour cela que je suis venu vous voir. Moi qui n’étudiai pas la théologie mais la médecine, j’ai besoin de vos lumières en la matière, maître.

— Allons, allons, mon fils, y a-t-il dans tout l’univers une seule chose que je sache et que vous ne sachiez point ?

— Hélas ! le temps où un seul homme pouvait posséder tout le savoir universel est révolu, maître Eckhart, et le dernier qui eût pu s’en vanter était sans doute votre propre professeur dominicain, Albrecht von Bollstädt, que nous appelons ici Albert le Grand.

Andreas, à l’évidence, avait précisé cela à l’attention de Robin, qui écoutait, les yeux écarquillés.

— Requiescat in pace[9]. Mais mon professeur avait un autre élève, bien meilleur que moi, et qui eût pu aussi revendiquer ce titre : votre cher Thomas d’Aquin, qui nous valut de nous rencontrer, mon frère.

— Un autre dominicain, oui. À croire que votre Ordre est la plus brillante des écoles…

— Si seulement vous aviez voulu y entrer, Andreas !

— Je n’ai pas toutes les qualités requises, plaisanta l’Apothicaire. Pour l’heure, j’aimerais que vous me parliez du gnosticisme.

Le visage du dominicain s’illumina d’un sourire presque espiègle.

— Je vois que vous ne m’avez pas choisi au hasard, dit-il sur le ton de la confidence.

— Le peu que je sais de la gnose me laisse songer, en effet, que vous la connaissez mieux que quiconque à Paris, et peut-être même dans la France tout entière.

— Loin de là, loin de là, Andreas, elle compte d’éminents spécialistes. Mais je ferai de mon mieux. Que voulez-vous savoir ?

— Tout.

— Mein Gott ! Mais vous venez de dire que le tout n’est pas connaissable ! dit-il avec amusement.

— Alors dites-moi un petit peu moins que tout.

— Soit, « un petit peu moins que tout ». Mais venez avec moi dans mon office, nous y serons… plus à l’aise.

Andreas et Robin suivirent le dominicain à l’étage de l’hôtel du collège de Navarre, vers une petite pièce toute de bois, emplie de livres et de parchemins, puis ils prirent place sur deux fauteuils, en face de leur hôte.

— Voilà. Nous serons mieux ici, expliqua le dominicain, à l’abri de certaines oreilles, car vous savez, Andreas, il n’est pas toujours prudent de parler librement du gnosticisme, et moi qui suis déjà une cible de choix pour les fanatiques de l’Inquisition, je préfère ne pas accélérer l’acte qui, indubitablement, un jour, me déclarera hérétique et me conduira au bûcher.

— Triste époque, déplora Andreas.

— Détrompez-vous, l’intolérance n’a pas d’âge et ne finira jamais. Chaque siècle a connu et connaîtra ses inquisiteurs et ses hérétiques. Also.

— Triste monde, alors, et je comprends ceux des mystiques qui, comme vous, aspirent à le quitter.

— Accipere quam facere praestat injuriam[10]. Mais à présent que nous sommes tranquilles, voici ce que je peux vous dire du gnosticisme : il est difficile d’en parler comme d’une seule entité cohérente, car l’appellation a été utilisée sans mesure par les chasseurs d’hérétiques pour désigner toutes les interprétations de la Bible qui s’écartaient de celle de l’Église. En somme, pour certains, je pourrais être moi-même un gnostique…

— Nous ne vous en tiendrions pas rigueur, mon père. Si je comprends bien, il n’existe pas un gnosticisme, mais plusieurs. Pouvez-vous toutefois en dégager quelque communauté ?

— Je peux essayer. De manière générale, la gnose a pour objet les mystères du monde divin et des êtres célestes. Elle prétend révéler à ses seuls initiés le secret de leur origine et les moyens de la rejoindre.

— Dame ! Cela ressemble fort à ce que vous disiez tout à l’heure à vos étudiants de l’expérience mystique.

— Ja. Vous comprenez mieux pourquoi je disais qu’on pourrait aisément m’accuser d’hérésie… Toutefois, je ne vais pas aussi loin que les gnostiques.

— En quoi divergez-vous ?

— Pour eux, le monde sensible a été créé par une puissance mauvaise, qu’ils appellent démiurge. Ce démiurge ignore ou cache l’existence du Dieu transcendant et bon, qui est la source du monde spirituel.

— Et qui s’apparente à ce que vous nommiez tout à l’heure « déité » ?

— En quelque sorte. Les âmes des hommes qui possèdent la « gnose » émanent de ce Dieu suprême, elles sont d’essence spirituelle, mais elles sont prisonnières du monde sensible. En somme, pour les gnostiques, nous vivons tous, vous et moi, et vous aussi Robin, prisonniers d’un monde qui n’est pas celui du Dieu suprême, mais la création d’un malin démiurge. Pour certains, ainsi est expliquée la venue de Christ. Le Dieu transcendant aurait envoyé ici-bas un Sauveur pour délivrer quelques élus, leur livrer la gnose pour les ramener à leur origine, et les rassembler à nouveau dans le monde spirituel. Voilà, en quelques mots, ce que je peux vous dire du gnosticisme. Cela vous convient-il, mein lieber Andreas ?

— Tout à fait, tout à fait. Mais alors, j’aurais une dernière question à vous poser, maître Eckhart.

— Faites, mon fils.

— Existe-t-il toujours des mouvements gnostiques aujourd’hui ?

Le dominicain leva les mains en signe d’impuissance.

— Il est difficile de répondre à cette question, tant le terme est flou. Comme je vous l’ai dit, le gnosticisme désigne, au sens large, tous les mouvements qui ont eu ou ont encore une interprétation de la Bible différente de celle de l’Église. Cela fait beaucoup de monde, n’est-ce pas ?

— Certes.

— Ces mouvements se sont beaucoup développés par le biais du judaïsme, à l’époque et dans le lieu même où est né le christianisme. Les cabalistes juifs et les alchimistes arabes sont, en quelque sorte, des gnostiques, et la chose s’est, à l’évidence, beaucoup répandue sur la péninsule ibérique, où se sont croisées les trois grandes religions. Les bons hommes cathares et vaudois étaient, eux aussi, des gnostiques, à leur façon. Ainsi, vous voyez, la gnose est présente dans bien des courants de pensée et je ne saurais vous en faire une liste exhaustive.

Andreas opina lentement du chef. Il fit alors quelques mouvements de la bouche, les lèvres pincées, comme s’il hésitait à poser sa prochaine question, ce qui indiquait, pour qui le connaissait un peu, qu’elle était le véritable objet de sa présence ici.

— Et dites-moi, maître Eckhart, avez-vous déjà entendu parler d’une schola gnosticos ?

À ces mots, un voile sembla se poser sur le visage du dominicain, comme sous l’effet d’une profonde contrariété. Lui dont le sourire avait resplendi pendant tout le début de la conversation offrit alors une mine défaite, choquée presque.

Comme l’homme ne répondait toujours pas, Andreas, perplexe, renouvela sa question.

— Maître ? Ce nom vous dit quelque chose ?

— Où donc l’avez-vous entendu ? répliqua Eckhart d’un air anxieux.

— Dans la bouche d’un moine soldat, répondit évasivement l’Apothicaire.

Le dominicain poussa un soupir et ses mains, croisées devant lui, se tordirent sous l’empire d’une inexplicable gêne.

— Que se passe-t-il, maître ? s’enquit Andreas, désemparé par l’attitude de l’Allemand. On dirait que je vous ai heurté.

— Non, non, Andreas. Mais êtes-vous certain de vouloir fouiller plus avant ces choses-là ?

Andreas, abasourdi, jeta un coup d’œil à son apprenti à ses côtés. Le jeune homme, lui aussi, semblait stupéfait. L’Apothicaire ne s’était pas attendu à provoquer un tel embarras chez leur interlocuteur mais, loin de le dissuader, le malaise soudain de celui-ci ne fit qu’aiguiser sa curiosité.

— Allons, maître Eckhart ! Me cacheriez-vous quelque chose, à moi ?

— Non, non, mon fils, bien sûr que non !

— Si je ne vous connaissais pas mieux, je croirais que ces deux mots… vous ont fait peur.

— Ce ne sont pas les mots mais la chose, Andreas ! Et ce n’est pas pour moi que j’ai peur, mais pour vous. Je pourrais vous parler pendant des heures, et sans la moindre crainte, de bien des sectes et des mouvements hérétiques. Je pourrais vous parler des fraticelles, des kantéens, des adamites, des cabalistes, des maghariens, des bogomiles, des frères du libre esprit, des euchites, des soufis, je pourrais vous entretenir des lucifériens, même, mais de la schola gnosticos… Je ne suis pas certain de pouvoir, ou de devoir vous en parler.

— En disant cela, toutefois, vous confirmez que la chose existe…

Le dominicain ne répondit pas, mais son silence était acquiescement.

— Soit. Je comprends donc que vous ne voulez pas me parler de cette chose dont, par respect pour vous seulement, je ne dirai plus le nom. Néanmoins, j’ai besoin, moi, d’en savoir davantage. Ne pourriez-vous pas me diriger vers quelque autre érudit qui saurait, lui, m’en dire un peu plus ?

Le maître Eckhart ferma les yeux et secoua la tête.

— Je vous en conjure, Andreas, oubliez tout cela ! Je ne sais pas ce qui motive vos recherches, mais il ne peut en sortir rien de bon. Vous pénétrez dans un domaine qui ne vaut pas d’être visité, car on ne peut que s’y égarer.

Cette fois, l’Apothicaire ne put masquer son agacement.

— Vous savez bien que je ne suis pas homme à me laisser dire ce que je peux ou dois connaître, et qu’il n’est aucun domaine que je m’interdise de visiter ! J’ai besoin de savoir.

Le dominicain fit une grimace.

— De savoir. Oui. Oui, je sais cela de vous. Vous êtes un homme de savoir, Andreas, et votre soif de connaissance vous honore comme elle pourrait vous perdre. Et en cela vous n’êtes pas si différent des gnostiques eux-mêmes, justement, qui, révoltés contre le mauvais créateur, à l’instar d’Ève, suivent le serpent pour goûter au fruit de la connaissance – laquelle, dois-je vous le rappeler, se dit gnôsis dans la langue de Socrate…

— Allons, répondez-moi, Eckhart ! Cela devient ridicule !

Le regard du dominicain fit des allers et retours entre celui d’Andreas et de son apprenti. Il tergiversa longuement, et son corps tout entier trahissait son irrésolution. Puis, dans un soupir d’abandon, il répondit enfin.

— Il y a un homme, à Artenay.

— Son nom ? demanda l’Apothicaire sans ambages.

— Arnaud de Roulay.

— Et qui est cet homme ?

— C’est un ancien moine franciscain.

— Ancien ?

— Il a été défroqué.

L'Apothicaire
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