POUR UN CHANT NATIONAL
ALAIN vous que tient en haleine
Neige qu’on voit en plein mois d’août
Neige qui naît je ne sais d’où
Comme aux moutons frise la laine
Et le jet d’eau sur la baleine
Vous me faites penser à ce poète qui s’appelait Bertrand de Born presque comme vous
Alain Borne un pays sans borne
Ressemble à votre poésie
Où des demoiselles choisies
Comme au beau temps de l’unicorne
Attendent un Bertrand de Born
Qui leur chante les raisons de vivre et d’aimer les raisons d’aimer et d’en mourir songez-y
Bertrand mieux que Shéhérazade
Savait faire passer le temps
Qui va la jeunesse insultant
Faut-il que le cœur me brise À
D’autres partir pour la croisade
Quand mon amie aux cheveux d’or est en France et non pas à Tyr et que vive en paix le Sultan
Dans les boucles de mon automne
Si j’ai perdu mon bel été
Qu’importe Les eaux du Léthé
Ont le goût que l’amour leur donne
Et les baisers toujours m’étonnent
Comme les images d’or qui se formant dans la bouche y périssent avant d’avoir été
Mais pourtant lorsque vint la grêle
On entendit chanter Bertrand
Le péril était différent
Ou si c’étaient des sauterelles
France n’est pas une marelle
Où pousser du ciel à l’enfer mon peuple et mon cœur comme des cailloux faits à d’autres torrents
Les raisons d’aimer et de vivre
Varient comme font les saisons
Les mots bleus dont nous nous grisons
Cessent un jour de nous rendre ivres
La flûte se perd dans les cuivres
Ah sourdra-t-il de la bataille une mélodie à la taille immense de nos horizons
Le malheur m’a pris à la Flandre
Et m’étreint jusqu’au Roussillon
À travers le feu nous crions
Notre chanson de salamandre
Mais qui saura ce cri reprendre
Donner voix aux morts aux vivants et plonger ses doigts dans la cendre y débâillonner les grillons
Il faut une langue à la terre
Des lèvres aux murs aux pavés
Parlez parlez vous qui savez
Spécialistes du mystère
Le sang refuse de se taire
Que le long chapelet de France égrène enfin ses terribles Pater ses terribles Ave
Dans les flots les bêtes marines
Les loups dans le cœur des taillis
Ont au prélude tressailli
Ô chanteurs enflez vos narines
D’une musique alexandrine
Pas un brin d’herbe un souffle à perdre une minute il faut donner l’ut de poitrine à ton pays
Alain vous que tient en haleine
Neige qu’on voit en plein mois d’août
Neige qui naît je ne sais d’où
Comme aux moutons frise la laine
Et le jet d’eau sur la baleine
Vous me faites penser à ce poète qui s’appelait Bertrand de Born presque comme vous
Presque
comme
vous
(Il semble que ce poème, dont l’auteur était évidemment contemporain des grandes invasions, ait été écrit en l’an 41, et sans doute – à s’en référer à son début –, sur la fin d’août si ce n’est aux premiers jours de septembre ; cette opinion est corroborée par la découverte récente qu’on a faite d’un livre du poète Alain Borne qui, sur la couverture, porte le titre Neige et 20 poèmes et pour toute mention d’origine Poésie 41. Ainsi se trouvent expliquées plusieurs des obscurités du texte qu’on vient de lire.)