27
Ils étaient au lit. Couché sur le flanc, Lachlain caressait du bout des doigts le torse d’Emma, du nombril jusque entre les seins puis retour. Il y avait de l’électricité dans l’air, mais après la nuit précédente, il savait pourquoi.
Ce qu’il ne comprenait pas, en revanche, c’était qu’elle ait encore envie de lui et soit si contente de ce qui s’était passé. Au réveil, il regrettait atrocement ce qu’il avait fait. Elle avait surpassé ses rêves les plus fous : tellement belle, tellement passionnée… et enfin sienne. Encore et encore, elle lui avait donné sous la pleine lune un plaisir inimaginable, délirant – et la sensation profonde que leurs âmes étaient liées.
Elle lui avait offert tout cela, oui, alors qu’il l’avait déflorée par terre, dans les bois, comme la bête qu’elle voyait en lui ; alors qu’il avait labouré sa chair délicate, l’avait fait hurler de douleur.
Puis il l’avait marquée à la nuque, sauvagement. Jamais elle ne verrait cette marque – invisible, sauf aux Lycae – ni ne la sentirait, mais elle porterait pour l’éternité le signe de la frénésie qui s’était emparée de lui. Tous les lycanthropes sauraient en la voyant qu’elle l’avait rendu fou de désir. À moins que cette empreinte ne leur apparaisse comme un avertissement adressé aux autres mâles. Dans les deux cas, ils auraient raison.
Pourtant, elle semblait contente, elle papotait gaiement, elle lui caressait la joue d’un air rêveur.
— Tu n’as pas bu, aujourd’hui. Tu n’as pas soif ? s’enquit-il.
— Non. Je ne sais pas pourquoi, mais non. (Elle sourit, joyeuse.) Sans doute parce que je t’ai volé beaucoup de sang, hier.
— Petite chipie ! (Il se pencha pour lui taquiner le sein du bout du nez, ce qui la fit sursauter.) Tu sais très bien que tu peux prendre tout ce que tu veux. (Il l’attrapa par le menton afin de la regarder dans les yeux.) Tu le sais, j’espère ? Dès que tu as soif, n’importe quand, même si je suis en train de dormir, je veux que tu boives.
— Tu trouves vraiment ça agréable ?
— Ce n’est pas le mot que j’emploierais.
— Ta jambe guérirait plus vite, si je ne buvais pas.
— Peut-être, mais ma guérison serait nettement moins délicieuse.
— Par moments, j’ai l’impression d’être un boulet à ta cheville, insista-t-elle.
Sans lui laisser le temps de protester, elle enchaîna :
— La première fois que j’ai bu, tu m’as demandé si j’avais peur que tu me transformes en Lycae. C’est possible ?
Lorsqu’il s’aperçut du sérieux de la question, il se raidit.
— Nul être vivant ne peut changer sans mourir auparavant, je suis sûr que tu le sais déjà.
Le catalyseur de la métamorphose, parmi les vampires, les goules ou les spectres – bref, toutes les créatures du Mythos – n’était autre que la mort.
— Il faudrait que je me métamorphose complètement, continua-t-il, que je m’abandonne à la bête et que je te tue, dans l’espoir d’avoir réussi à t’infecter pour que tu renaisses. En admettant que tu y survives, il faudrait ensuite t’emprisonner des années, le temps que tu arrives à contrôler la… la possession.
La plupart des gens mettaient une dizaine d’années. Certains n’y parvenaient jamais.
— N’empêche que ça me paraît presque une bonne idée, murmura-t-elle. Je déteste être une vampire. Je déteste qu’on me déteste.
— Être une Lycae ne changerait rien au problème. Tu aurais des ennemis différents, c’est tout. On ne peut pas dire que les autres créatures du Mythos nous aiment beaucoup. Et de toute manière, je ne le ferais pas, même s’il me suffisait de claquer des doigts.
— Tu ne changerais pas ma nature de vampire ? s’étonna-t-elle. Ce serait tellement plus simple !
— Au diable la simplicité. La nature a fait de toi ce que tu es, et il n’y a rien en toi que j’aie envie de changer. D’ailleurs, tu n’es pas une vampire à cent pour cent. (Il s’agenouilla, l’attira contre lui puis caressa du bout du doigt son oreille pointue, avant de la mordiller. Elle frissonna.) Tu crois vraiment que je n’ai pas vu le ciel que tu m’as fait, hier soir ?
Elle rougit, un sourire hésitant aux lèvres, puis enfouit le visage dans le creux de son épaule.
S’il ne l’avait pas vu de ses yeux, jamais il ne l’aurait cru. Pas un nuage, mais un entrelacs d’éclairs, dont la lumière s’évanouissait avec une lenteur surprenante… Il lui avait fallu un moment pour s’apercevoir qu’ils étaient rythmés par les cris d’Emma.
— D’après ce que j’en ai lu, reprit-il, c’est censé être une caractéristique des Valkyries, mais personne n’a de certitude.
— Les hommes qui en sont témoins ne… eh bien, ils n’y survivent pas, s’ils ne savent pas tenir leur langue.
Lachlain haussa le sourcil.
— Tu n’es pas une vampire, trancha-t-il. Tu commandes à la foudre, et tes yeux virent à l’argenté. En fait, tu es unique au monde.
— Bref, je suis un monstre, conclut Emma avec une grimace.
— Non, ne dis pas une chose pareille. Tu es toi-même, un point c’est tout. (Il la reprit dans ses bras, et ses lèvres s’incurvèrent en un sourire malicieux.) Moi, j’aime ça, la foudre. Si un jour tu essaies de faire semblant, je le saurai.
Il l’embrassa, toujours souriant, aussi lui donna-t-elle un coup de poing.
— Tu ne peux pas savoir comme je regrette que tu aies vu ça !
— En plus, si je suis dehors et que je sens de l’électricité dans l’air, je saurai qu’il faut te rejoindre au galop, déclara-t-il avec un sourire lascif. Je vais être entraîné en un clin d’œil. Heureusement qu’on vit en pleine campagne… (Il fronça les sourcils.) Mais toi, avant, tu vivais dans une maisonnée. Quand tu te masturbais en pleine nuit, tout le monde devait le savoir. Pas terrible, question intimité.
Il était tellement direct… tellement exaspérant !
— Je n’avais pas à m’inquiéter pour ça ! riposta-t-elle, le visage caché contre sa poitrine.
— Qu’est-ce que tu racontes ? Ça ne s’est jamais produit, même lorsque tu te caressais ?
Elle couina, soulagée qu’il ne puisse voir son visage, mais il la pencha en arrière, décidé à la regarder en face.
— Non, sérieux, je veux savoir. Il faut que je te comprenne, Emma.
Elle qui était si discrète, si pudique, cette saleté de voix intérieure insistait pour qu’elle se dévoile.
— La foudre tourne en permanence autour du manoir : la moindre émotion forte déclenche des éclairs, et on est tellement nombreuses, là-bas… Mais de toute manière, la nuit dernière, c’était la première fois… euh… je n’avais encore jamais… enfin… (Le mot adéquat sortit difficilement.)… jamais joui, voilà. (Les yeux de Lachlain s’écarquillèrent : manifestement, il était enchanté.) Je le vivais très mal, d’ailleurs.
— Je ne comprends pas.
— D’après ce que j’en sais, les vampires les plus pervers dominent parfaitement leurs pulsions sexuelles. Ils ne connaissent qu’une envie : celle du sang. Ce sont eux qui déciment les villages, parce qu’ils tuent leurs proies en buvant avec une avidité monstrueuse… (Le regard d’Emma s’était perdu au loin.) Alors, ça me terrifiait de ne pas arriver à ressentir de plaisir. J’avais peur de devenir comme eux. J’y pensais sans arrêt.
Lachlain lui écarta les cheveux du visage.
— Je ne savais pas. Je croyais que tu exerçais une sorte de contrôle particulier sur toi-même… un truc de Valkyrie. J’ignorais totalement que c’était involontaire. (Cette nuit, elle dépensait sans doute des litres de sang à rougir.) Mais ça ne m’étonne pas.
Il constata qu’il l’avait blessée et enchaîna aussitôt :
— Non, non, je veux dire que quand tu étais très jeune, tu ne savais pas y faire, ça ne s’est pas produit… et j’imagine que tu es devenue de plus en plus anxieuse.
Elle acquiesça, stupéfaite qu’il la comprenne aussi bien. C’était exactement ce qui s’était passé.
— Mais tu ne seras jamais comme ces vampires – là, Emma. Tu ne leur ressembles absolument pas.
— Qu’est-ce que tu en sais ?
— Tu es douce, gentille, compatissante. Autrement, je ne voudrais pas que tu sois mienne.
— L’instinct t’oblige à le vouloir. Il faut que tu me gardes près de toi, tu me l’as déjà dit.
— Tu crois vraiment une chose pareille ? (Il lui posa la main sur la joue.) L’instinct me dirige vers ce que je veux, ce dont j’ai besoin. Il m’a conduit à la seule et unique femme avec laquelle je pouvais passer ma vie. Sans l’instinct, je n’aurais pas vu que tu étais mon âme sœur, parce que tu es autre. Je ne nous aurais pas donné notre chance… Je ne t’ai jamais forcée à le faire, d’ailleurs.
— À t’entendre, on croirait que ma décision est prise.
Il devint grave, tandis que son regard s’assombrissait.
— Elle ne l’est pas ?
— Peut-être pas. Et alors ?
Ses yeux virèrent au bleu. Il la prit par la nuque.
— On ne plaisante pas avec ça.
— Ça s’est déjà produit ? s’enquit-elle tout bas.
— Oui. Pour Bowen.
Elle se dégagea, puis se blottit contre la tête de lit.
— Il me semblait t’avoir entendu dire que sa promise était morte.
— C’est exact. En cherchant à lui échapper.
— Mon Dieu. Comment a-t-il réagi ?
— Il a perdu la capacité d’éprouver la moindre émotion. C’est devenu un cadavre ambulant, pire que Demestriu. Tu me condamnerais à ça ?
— Mais si tu veux passer ta vie avec moi, la mienne implique ma famille. Tu as dit que tu m’emmènerais la voir. Pourquoi pas maintenant, qu’on en finisse ?
— J’ai à faire avant.
— Tu veux te venger, c’est ça ?
— Oui.
— C’est si important que ça ?
— Je ne me sentirai jamais bien autrement.
— Demestriu a dû te faire des choses atroces.
Un muscle se contracta dans la joue de Lachlain.
— Je ne veux pas t’en parler. Pas la peine d’essayer de me tirer les vers du nez.
— Tu veux que je te dise tous mes secrets, mais toi, tu refuses d’en partager un qui nous affecte tous les deux.
— Je ne partagerai jamais une chose pareille.
Elle remonta les genoux contre la poitrine, les bras autour des jambes.
— Tu tiens à ta vengeance plus qu’à moi.
— Je ne serai pas l’homme dont tu as besoin tant que je n’aurai pas réglé ça.
— Ceux qui se lancent à la recherche de Demestriu n’en reviennent jamais.
— À part moi.
Il arborait un air suffisant qui trahissait son immense arrogance.
La chance lui sourirait-elle deux fois de suite ? Emma ne pouvait tout simplement pas croire qu’il ne reviendrait pas.
— Bon. Et moi, je suis censée t’attendre ici, pendant que tu déchaînes tes foudres sur les méchants ?
— Oui. Je te confierai à mon frère, Garreth. Je ne ferai confiance à personne d’autre pour veiller sur toi.
— La charmante damoiselle, enfermée dans son donjon… (Elle se mit à rire – un rire amer.) Tu sais que tu es un véritable anachronisme ambulant ? (Il fronça les sourcils, perplexe.) Enfin bon, même si tu arrivais à me persuader de rester plantée ici, il y aurait un problème. La maisonnée de La Nouvelle-Orléans a des ennuis en ce moment, mais mes tantes ne tarderont pas à venir me chercher. Ou pire.
— Comment ça, pire ?
— Elles s’arrangeront pour te faire du mal. Elles trouveront ton point faible, et elles l’exploiteront sans merci. Sans répit. Je le sais. Il y a bien un groupe de Lycae qui vit pas loin de chez elles, non ? Annika, le sel de ma vie, est capable de l’attaquer avec une férocité qui te surprendrait.
— Tu sais ce qui me gêne le plus, dans ce que tu viens de dire ? rétorqua Lachlain, crispé. C’est moi qui devrais être le sel de ta vie. Moi et personne d’autre.
La réplique laissa Emma bouche bée, sidérée par l’émotion qui la traversait comme l’éclair, de la tête à la pointe des pieds.
— Mais à part ça, continua son compagnon, si un des membres de mon clan est assez faible pour se faire capturer ou tuer par de jolies petites… elfes, il aurait de toute manière fallu l’éliminer de la meute.
Cette déclaration la ramena brutalement à la conversation.
— Elles sont petites et elles ressemblent à des elfes, c’est vrai, mais elles massacrent régulièrement des vampires, elles aussi. Kaderin en a même éliminé plus de quatre cents.
— Une tatie, c’est fait pour raconter des histoires, ironisa-t-il.
— J’ai des preuves.
— Ils lui ont signé un papier juste avant qu’elle leur coupe la tête ?
Emma soupira. Comme elle ne répondait pas, il se pencha pour lui serrer doucement le pied.
— Chaque fois que Kaderin en tue un, elle lui arrache un croc… qu’elle range avec les autres, expliqua-t-elle. La guirlande fait toute la longueur de sa chambre.
— Ça me la rend plus sympathique. N’oublie pas que je veux les exterminer.
— Comment peux-tu dire une chose pareille, alors que je suis de leur espèce ? En partie. Pas la peine de chipoter ! L’un de ces monstres est mon père.
Lachlain ouvrit la bouche, mais elle continua :
— Et tu ne peux pas l’épargner, parce que je ne sais pas qui c’était… qui c’est. Voilà pourquoi j’étais à Paris. Pour en apprendre davantage sur lui.
— Et ta mère ?
— Elle a habité Paris un moment, avec mon père, mais à part ça… Le seul fait que j’aie insisté pour aller là-bas seule devrait te persuader de l’importance que j’attachais à mon enquête.
— Alors je t’aiderai. À mon retour, après avoir rendu visite à ta famille, on s’occupera de ça. (Il était si sûr que ce serait fait. Le roi a parlé.) Comment s’appelait ta mère, au fait ? Je connais le nom d’une vingtaine de Valkyries… plus quelques légendes qu’on se raconte autour du feu. Était-elle aussi sanguinaire que Furie ? Portait-elle un de ces drôles de noms à rallonge, comme Myst la Convoitée ou Daniela la Vierge de Glace ? La Coupeuse de Têtes, peut-être ? Ou la Castratrice ?
Emma soupira. Cette discussion la fatiguait.
— Elle s’appelait Hélène, point final.
— Je n’ai jamais entendu parler d’elle. (Lachlain se tut un instant.) Mais ton nom de famille… Troie… Au moins, tes tantes ont le sens de l’humour. (Elle posa sur lui un regard noir.) Oh, non. Tu ne me feras pas avaler ça. Hélène de Troie était au mieux humaine. Plus probablement mythique… à moins qu’il ne se soit agi d’un personnage de théâtre.
Emma secoua la tête.
— Pas du tout. C’était Hélène de Troie, en Lydie. Elle n’avait rien de mythique. Pas plus qu’Atalante, qui vit en Nouvelle-Zélande, ou Mina, à Seattle – la Mina dont il est question dans Dracula. Elles étaient là avant. Les histoires bizarres qu’on raconte sur leur vie sont arrivées après.
— Mais… Hélène ? Enfin, ça explique ta beauté, marmonna Lachlain, visiblement sidéré. (Ses sourcils se froncèrent.) Mais nom de Dieu, pourquoi se serait-elle abaissée jusqu’à aimer un vampire ?
Emma tressaillit.
— Tu ne t’entends pas. Le dégoût… Pourquoi se serait-elle abaissée jusqu’à aimer mon père, c’est ça que tu veux dire. (Elle se pressa les doigts sur le front.) Et si c’est Demestriu ?
— Lui ? Non, impossible. Je t’aiderai à trouver ton père… tu obtiendras des réponses à tes questions, j’en fais le serment, mais tu ne descends pas de lui.
— Comment peux-tu en être aussi sûr ?
— Tu es douce, tu es belle, tu es saine d’esprit. Sa progéniture lui ressemblerait. (Les yeux de Lachlain virèrent au bleu.) Des parasites malfaisants, répugnants, faits pour vivre en enfer.
Un frisson remonta la colonne vertébrale d’Emma. Une haine si profonde ne pouvait que s’étendre à tous les vampires.
— On se raconte des histoires, Lachlain. Ça ne marchera pas entre nous.
Elle s’aperçut elle-même de son ton désolé.
Il fronça les sourcils, visiblement surpris, mais comment pouvait-il s’étonner qu’elle se sente abattue ?
— Bien sûr que si. Il y aura des épreuves, c’est normal, mais nous les surmonterons.
À entendre sa voix, où ne se glissait nulle trace de doute, elle en venait presque à croire que c’était possible. Presque.
— Seigneur ! s’exclama-t-il soudain. Je ne vais pas me disputer avec toi, alors que j’ai mis tellement de temps à te trouver. (Il lui prit le visage à deux mains.) N’en parlons plus. Je veux te montrer quelque chose.
Il la souleva du lit, la posa sur ses pieds puis l’entraîna vers la porte. Alors qu’elle était toute nue !
— Attends, il faut que je mette une chemise de nuit !
— Il n’y a personne au château.
— Lachlain ! Il n’est pas question que je me balade dans le plus simple appareil, compris ?
Il sourit, comme s’il trouvait sa pudeur adorable.
— D’accord, couvre-toi de soie, je ne tarderai pas à te l’arracher.
Elle lui adressa un regard noir, puis alla choisir une nuisette dans sa commode. Lorsqu’elle se retourna, il avait lui-même enfilé un jean. Emma s’était déjà aperçue qu’il faisait des efforts pour la mettre à l’aise… même si, bien sûr, il insistait encore souvent pour qu’elle « se détende ».
Il l’entraîna au rez-de-chaussée, jusqu’au bout de l’immense bâtisse. Là, il lui posa les mains sur les yeux avant de la pousser doucement dans une pièce où régnait une moiteur à l’odeur luxuriante, quasi charnelle. Quand il ôta ses mains, une exclamation étouffée échappa à Emma. Elle se trouvait dans un ancien solarium, tout entier illuminé par le clair de lune.
— Des fleurs… Des fleurs épanouies ! souffla-t-elle, incrédule. Un jardin nocturne.
Lorsqu’elle se tourna vers Lachlain, sa lèvre inférieure tremblait.
— C’est pour moi ?
Toujours. Tout. Il toussa dans son poing.
— Oui, il est à toi.
— Comment as-tu deviné ?
Elle se jeta dans ses bras d’un bond, cramponnée à ses épaules, puis se mit à lui chuchoter sa reconnaissance à l’oreille et à le couvrir de petits baisers sensuels. Le désespoir abyssal, meurtrier qui le tenaillait, s’apaisa un peu. Elle lui avait semblé tellement persuadée que leur histoire ne durerait pas…
Lui qui avait espéré que la nuit précédente avait cimenté leur union ! En ce qui le concernait, il lui appartenait corps et âme… mais elle osait envisager l’avenir sans lui !
Il n’avait pas le choix : il allait se servir de tous les moyens à sa disposition pour la convaincre. Elle errait à présent parmi les plantes, effleurant les feuilles épaisses du bout des doigts. Oui, la convaincre, ici et maintenant… Quand elle porta une corolle à ses lèvres, puis la promena sur sa bouche, les yeux clos, extatique, un désir dévorant noua les entrailles de Lachlain. Il se força à s’installer sur une chaise longue, mais il avait la désagréable impression d’être un voyeur.
Elle s’approcha du comptoir en marbre disposé contre une des parois de verre et se haussa sur la pointe des pieds pour atteindre les vrilles des plantes accrochées au-dessus. Sa courte nuisette remontait à chacun de ses mouvements, dévoilant ses cuisses blanches.
Incapable d’en supporter davantage, Lachlain s’approcha d’elle à pas de loup. Lorsqu’il l’attrapa par les hanches, elle se figea.
— Tu vas encore me faire l’amour ? demanda-t-elle, haletante.
Pour toute réponse, il la souleva de terre, l’assit sur le comptoir, lui arracha sa nuisette puis la pencha, nue, parmi les fleurs.