5.
Retour à la maison

Ceux qui avaient eu la chance de visiter Muunilinst dans les décennies qui précédaient la Guerre des Clones racontaient souvent que la planète était dotée des plus beaux cieux de la galaxie. Pour protéger ce royaume bleu immaculé – pour l’empêcher notamment d’être souillé par les vaisseaux de livraison, les navettes et les barges de transport –, les Muuns avaient érigé la station orbitale la plus coûteuse hors du Noyau. Aussi luxueuse que bien conçue, la station orbitale, surnommée affectueusement « l’Entonnoir financier », reliait la ville orbitale du Haut Port avec la capitale planétaire, Harnaidan, qui servait de centre névralgique au Clan Bancaire Intergalactique. L’imposante tour semblait montrer à quel point les Muuns appréciaient l’esthétique et l’écologie, mais son véritable objectif était d’empêcher les visiteurs de mettre le pied sur Muunilinst afin de sauvegarder les nombreuses ressources de la planète et de garder secrète l’opulence dans laquelle vivaient ceux qui s’étaient hissés au sommet de la chaîne alimentaire.

Depuis ce recoin éloigné de la Bordure Extérieure, Muunilinst exerçait son influence dans tout l’espace connu et dans une bonne moitié du groupement d’étoiles satellites le plus proche de la galaxie. Depuis la fondation de la République, le Clan Bancaire avait financé les gouvernements, soutenu les colonies et prêté de l’argent à d’innombrables organisations commerciales, corporations et guildes. Le CBI dictait en réalité tous les flux d’argent du Noyau vers la Bordure Extérieure. Un bâtiment était rarement construit sur Coruscant sans l’approbation du Clan Bancaire. Rares étaient les vaisseaux qui sortaient des chantiers navals de Kuat, Bilbringi ou Fondor sans que le CBI ait négocié l’accord. Et il était rare qu’une élection soit organisée sur Corellia ou Commenor sans que les Muuns n’aient été consultés.

Les Muuns accomplissaient toutes ces tâches avec sérénité et méticulosité. Cette attitude détonnait avec le fonctionnement frénétique de leurs esprits mathématiques. À l’exception des moments où ils devaient recouvrer une dette impayée de longue date, les Muuns, au premier abord, semblaient être une espèce flegmatique et indulgente, parfois un peu arrogante. Leur nature ascétique, conforme à leurs corps élancés, se reflétait dans l’architecture simple mais harmonieuse de leurs villes.

Aussi blême que les Muuns eux-mêmes, le Centre Spatial du Haut Port regorgeait de leurs éléments architecturaux préférés : intérieurs en dôme, fenêtres en ogive, colonnes cannelées, frises et entablements sans fioritures. Parmi ces constructions en fausses pierres, les groupes de Muuns s’activaient sans hâte mais avec détermination. Les conversations bruyantes rappelaient à certains visiteurs le langage parlé des machines pensantes. Ils étaient assistés de droïdes de toutes sortes et de travailleurs venus de planètes proches comme Bescane, Jaemus ou Entralla. Chaque jour, on pouvait apercevoir des émissaires de Yagai, Gravlex Med ou Kalee, ainsi que des Hutts du clan Drixo ou Progga. Mais ce que l’on croisait le plus, c’étaient les membres du Clan Bancaire : financiers, comptables, avocats. Ils étaient vêtus du costume fiduciaire en vigueur de couleur verte : bottes et pantalon moulant, tunique à col rond et cape à larges épaules. Certains étaient accompagnés d’escortes de soldats trapus venus de la planète Iotra. Ils avaient la peau mate et le nez plat, portaient l’armure et des armes d’apparat.

Ce jour-là, un groupe de Muuns vêtus de capes noires et de coiffes fendit la foule verte comme un prédateur marin se serait propulsé dans l’océan. Ils étaient accompagnés d’un contingent de guerriers Echanis aux cheveux clairs dont les yeux argentés semblaient particulièrement vigilants. Des armures métalliques masquaient leur peau diaphane. À la tête du groupe marchait un Muun d’un certain âge, dont on reconnaissait le menton barbu et les épaules voûtées. Il se dirigeait droit vers la station de contrôle douanier du Haut Port, où Hego Damask – c’est ainsi que tout le monde, à part Dark Tenebrous, appelait Plagueis – attendait, en compagnie de 1-1-4D, entouré par un détachement de gardes.

 Nous sommes venus dès que l’Immigration du Haut Port nous a prévenus, déclara Larsh Hill. Si vous nous aviez contactés depuis la Station de Démolition, nous aurions pu vous envoyer un vaisseau, vous n’auriez pas eu à compter sur l’hospitalité hypocrite de Boss Cabra.

 Tout le monde semble me croire incapable de rentrer à la maison par mes propres moyens, remarqua Damask.

Le long visage de Hill se plissa.

 Je ne comprends pas.

 C’est sans importance. Je me contenterai de dire que si vous aviez envoyé un vaisseau, cela aurait causé un retard plus important encore.

Tout comme Hill et ses six accompagnateurs, la tête chauve de Damask était enserrée dans un bonnet étroit et l’ourlet de sa cape noire balayait le sol ciré.

 Nous vous attendions depuis plusieurs jours, en effet, fit remarquer Hill avec une pointe d’exaspération.

 Des événements imprévus m’ont empêché de rentrer plus tôt.

 Votre voyage a tout de même été fructueux, j’imagine.

 Votre imagination ne se trompe pas.

Hill se détendit un peu.

 Inutile de nous attarder ici plus que nécessaire. Un transport nous attend.

Hill fit un geste et les Muuns en cape noire prirent la direction des turbo-ascenseurs de la station orbitale, tandis que quatre soldats en armure argentée entouraient Damask et le droïde, qui suivait docilement.

 Vous boitez, chuchota Hill d’une voix pressante. Vous êtes blessé ?

 Je cicatrise, le rassura Damask. N’en parlons plus.

 Nous pourrions reporter la Réunion...

 Non, elle aura lieu comme prévu.

 Je suis soulagé de l’entendre, confia Hill, car plusieurs de vos invités sont déjà en transit vers Sojourn.

Le groupe s’approchait des turbo-ascenseurs quand une faction de représentants du Clan Bancaire lui coupa délibérément la route. Le chef de la faction était un Muun d’âge moyen, qui se détacha du groupe et s’avança de quelques pas.

 Magister Damask, dit-il, quelle surprise de vous rencontrer ici, parmi la populace.

Damask afficha un léger sourire.

 Dont vous ne faites évidemment pas partie, Président Tonith.

Tonith se raidit.

 Nous ne faisons que passer.

 Comme nous, dit Damask en indiquant d’un geste Hill et les autres.

 Vous étiez en voyage, Magister ?

 Un voyage d’affaires, Président.

 Bien sûr.

Ce fut au tour de Tonith d’afficher un demi-sourire.

 Dans ce cas, vous n’avez peut-être pas entendu que le Sénat est sur le point de créer de nouvelles zones de libre-échange dans les Territoires de la Bordure Extérieure. Malgré des efforts considérables de votre part – d’après ce que j’ai entendu – pour que cela ne se produise pas, les guildes du transport courent le risque d’être démantelées. Et même si elles ne l’étaient pas, elles vont certainement devoir faire face à la concurrence féroce de jeunes sociétés. Le Noyau et la Bordure Extérieure devraient sortir gagnantes de cet arrangement, n’est-ce pas ?

Damask inclina la tête pour marquer son assentiment :

 Je n’étais pas au courant. Qui pouvons-nous remercier d’avoir fait changer d’avis les libéraux afin qu’ils adoptent l’amendement ?

 L’Ordre Jedi, notamment, a fait pression avec succès.

 Alors cette solution doit être la meilleure.

 C’est ce que l’on pourrait penser, dit Tonith lentement, mais, en échange, la Fédération du Commerce aura désormais le droit de vote complet au Sénat.

 Ah... Les négociations au Sénat entraînent toujours l’un ou l’autre compromis.

Tonith se pencha légèrement vers Damask.

 Je voulais tout de même vous remercier d’avoir suggéré que nous investissions dans le transport de la Bordure Extérieure et Perlémienne. Cela nous a apporté des gains inattendus.

 À votre service, Président.

Tonith se redressa.

— Votre père de clan serait fier de vous.

Damask regarda Tonith dans les yeux.

— Je prends ça comme un compliment.

— Il n’y avait pas d’autre intention, Magister.

Une fois que les membres du Clan Bancaire se furent éloignés et que le groupe de Damask se fut remis en marche, Damask regarda Hill et ajouta :

 Un jour, nous ferons tomber les Toniths de leur piédestal.

Les yeux de Hill s’illuminèrent.

 J’espère que je serai encore en vie pour y assister. Et, pour votre information, Hego, votre père serait fier de vous, même si le Président Tonith se voulait sarcastique.

 Vous êtes bien placé pour le savoir.

Arrivé aux turbo-ascenseurs de la station orbitale, Hill aiguilla tout le monde, à l’exception de Damask et lui-même, vers l’une des cabines quand Damask dit :

 Le droïde nous accompagnera dans l’ascenseur.

Hill évalua du regard 1-1-4D tandis qu’ils entraient tous les trois dans la cabine :

 Une nouvelle acquisition ?

 Une sorte de cadeau de bienvenue, précisa Damask.

Hill n’approfondit pas la question.

 Vous rejoignez votre résidence ou vous allez sur Aborah ?

 J’irai directement sur l’île. Le droïde m’accompagnera.

 Je prendrai les arrangements nécessaires.

Damask baissa la voix pour demander :

 Sommes-nous à l’abri des oreilles indiscrètes ici ?

 Complètement.

Damask se tourna pour faire face à Hill, plus grand et plus âgé que lui.

 Rugess Nome est mort.

 Le Bith ? demanda Hill, stupéfait. Comment ? Où ?

 Cela n’a pas d’importance, répondit Damask. Les biens de Nome finiront par nous revenir mais pas tout de suite car il y a peu de chance que son corps soit un jour retrouvé.

Hill ne prit pas la peine de demander des précisions. Il répondit :

 Nous laisserons passer une année standard. Puis nous demanderons au tribunal des successions et des tutelles qu’il se prononce – à tout le moins pour les biens qui nous appartiennent contractuellement. Vous êtes l’exécuteur testamentaire, de toute façon, non ?

Damask hocha la tête :

 Au final, nous liquiderons la plus grande partie des biens. Mais il y a plusieurs... antiquités d’un genre étrange que je souhaite conserver. Je préparerai un inventaire. Entre-temps, je veux que vous vous familiarisiez avec une planète du nom de Bal’demnic. Ensuite, il faut que vous acquériez les droits miniers pour toute la péninsule nord-est des terres principales. Achetez autant de propriétés que possible, de la côte aux zones montagneuses. Je vous donnerai les coordonnées précises.

Le visage angulaire de Hill fut déformé par le doute.

 Nous investissons dans les mines, maintenant ?

 Au moment opportun. Utilisez des intermédiaires sans lien avec nous. Je pense que vous devrez remonter jusqu’aux plus hautes autorités pour obtenir ce qu’il nous faut. Ce ne sera pas facile de négocier avec les indigènes mais je suis convaincu qu’on peut les persuader. Négociez ferme mais, au final, ne reculez devant aucune dépense.

 Bal’demnic est si important ?

 C’est mon intuition, dit Damask.

Le turbo-ascenseur descendait à toute vitesse, traversant des couches de nuages d’un blanc pur et révélant un panorama incurvé d’océan émeraude, de plaines marron clair et de forêts luxuriantes. Juste au-dessous, la vue était à couper le souffle : la ville de Harnaidan, où abondaient les structures néo-classiques aussi hautes que les pointes volcaniques qui la bordaient. Harnaidan abritait cinquante millions de Muuns vivant dans un paysage urbain qui était un véritable chef-d’œuvre d’architecture et de design. Pour certains, c’était l’antithèse de la plupart des capitales planétaires : l'anti-Coruscant, l’anti-Denon...

 Que pouvons-nous attendre à la Réunion ? demanda Damask en détachant son regard du paysage.

 Gardulla a demandé une audience.

 Je n’ai pas l’habitude de négocier avec des Hutts.

 Elle demande votre aide pour arbitrer un conflit.

 Avec qui ?

 Le clan Desilijic.

Damask hocha la tête d’un air entendu.

 Cela se préparait depuis un moment. Quoi d’autre ?

 Des représentants de Yinchorr seront là.

 Bien. Les holotransmissions ont leurs limites.

 Les membres de la Fédération du Commerce et du Grand Protectorat seront également présents.

Damask renifla bruyamment.

 Il n’y a jamais moyen de les contenter, ceux-là.

Il ajouta d’un air pensif :

 Il y a une autre petite chose que nous devons régler. Envoyez une invitation personnelle aux propriétaires de Subtext Mining.

Hill frotta son menton barbu.

 Je ne me souviens pas avoir jamais traité avec eux. Est-ce que cela a un rapport avec Bal’demnic ?

Damask ignora la question.

 Pendant un temps, ils ont conseillé Nome. Assurez-vous qu’ils comprennent que nous opérons de façon totalement confidentielle.

 Si le Bith travaillait avec eux, c’est la meilleure des recommandations.

 On pourrait le penser.

Damask tourna le dos à Hill pour profiter à nouveau de la vue :

 Mais, en réalité, je ne vois pas beaucoup d’avenir pour eux.

 

Contrairement à bien des planètes explorées et colonisées par les espèces du Noyau, Muunilinst avait permis l’ascension des êtres intelligents autochtones. Les anciens Muuns étaient des fermiers et des pêcheurs. Ils ne s’étaient pas rendu compte à quel point leur planète était privilégiée avant que les voyages interstellaires ne se popularisent et que les métaux précieux ne deviennent le pilier de l’économie galactique. Si ces premiers millénaires d’expansion n’avaient été une période de paix, les Muuns auraient pu perdre leurs avoirs face à une force militaire mais, en l’absence de guerre, ils avaient résisté à toutes les tentatives d’exploitation et étaient devenus maîtres de leur destin.

Cependant, ce miracle économique avait eu des conséquences moins positives. Lorsque les Muuns prirent conscience de la valeur marchande de ce qu’ils avaient toujours considéré comme un simple cadeau de la nature, ils s’accrochèrent à leurs richesses avec une ténacité féroce et développèrent un attachement presque agoraphobe pour leur planète.

Dans les océans peu profonds de Muunilinst, la même activité volcanique qui avait fertilisé les vastes plaines crachait assez de nouveaux fonds océaniques et de métaux précieux pour alimenter la croissance de plusieurs empires. Les montagnes qui avaient poussé à travers des fissures dans la croûte planétaire renfermaient une richesse extraordinaire. Léchés par des eaux chaudes grouillant de crustacés, de poissons et de flore bioluminescente, ces « fumeurs », comme on les appelait, devinrent à la fois la source et la chambre forte financière des clans les plus puissants et les plus prospères de Muunilinst.

Plus éloigné que d’autres, Aborah, qui était le domaine du clan Damask depuis des générations, était typique des fumeurs dormants. Ses sommets coniques couverts de forêts denses s’élevaient au-dessus des eaux calmes de la mer occidentale. Un labyrinthe de tunnels de lave s’enfonçait dans l’île montagneuse, des chutes d’eau plongeaient à pic des sommets tandis que des arbres à encens embaumaient l’air salé des basses-terres dans les vallées. Après avoir rejoint en speeder le complexe de tours au nord d’Aborah, Plagueis fit visiter à 1-1-4D les couloirs et les cavernes qui formaient son repaire personnel, où il bénéficiait d’une solitude qu’il chérissait plus que tout.

Plagueis fit signe aux nombreux droïdes présents d’accueillir leur pair sur Aborah puis il dit à 1-1-4D :

 Tu finiras par te sentir chez toi ici, tout comme moi.

 J’en suis certain, Magister Damask, répondit le droïde tandis que ses photorécepteurs notaient la présence d’une dizaine de types de droïdes différents.

Il y avait là des mémo droïdes, des droïdes générateurs GNK et même un prototype de droïde chirurgical Ubrikkien.

 En temps voulu, nous te remettrons tes appendices d’origine pour que tu puisses te rendre utile.

 Je m’en réjouis d’avance, Magister.

La visite commença par les pièces en périphérie, décorées de meubles et d’objets d’art raffinés, issus de tous les secteurs de la galaxie. Mais Plagueis n’était ni aussi cupide qu’un Neimoidien, ni aussi ostentatoire qu’un Hutt. Les pièces richement ornées cédaient rapidement la place à des espaces consacrés à la collecte de données, remplis de récepteurs audio-vidéo et de projecteurs HoloNet. Des galeries croulaient sous les documents et les volumes anciens, stockés sur des supports allant du parchemin en tronc d’arbre au flimsiplast, en passant par les cristaux et l’holocron. Les Muuns avaient la réputation d’abhorrer les documents écrits et de détester conserver d’autres archives que les avis de prêts, les tables actuaires et les exploits des huissiers. Cependant, Plagueis possédait l’une des plus belles bibliothèques de la galaxie, en dehors d’Obroa-skai ou du Temple Jedi sur Coruscant. Ici était rangée avec soin, cataloguée et stockée dans des vitrines – dont la température était minutieusement régulée – une collection unique de traités et de commentaires accumulés au cours des siècles par les Sith et leurs agents. Des récits anciens des Rakatas et des Vjuns ; des textes consacrés aux Suivants de Palawa, à l’Académie de Chatos et à l’Ordre de Dai Bendu ; des archives qui avaient un jour appartenu à la Maison Malreaux ; les annales des Sorciers de Tund et de la Reine Amanoa d’Ondéron ; des études biologiques des Ysalimiri et des Vornskrs de Myrkr, ou encore du taozin de Va’art. Des galeries entières étaient consacrées à certaines espèces plus anciennes comme les Wookiees, les Hutts, les Falleens et les Toydariens.

Les laboratoires où avait lieu le véritable travail de Plagueis étaient profondément enfouis dans la montagne. Des spécimens de différentes formes de vie étaient confinés dans des cages, des champs de stase, des bioréacteurs et des cuves à Bacta. Ces spécimens provenaient de tous les coins de la galaxie – et bon nombre avaient été acheminés depuis les planètes les plus reculées. Certains étaient des créatures d’instinct, d’autres avaient une forme de conscience très primitive. 1-1-4D en reconnut certains au premier coup d’œil, tandis que d’autres semblaient formés à partir de membres assemblés. Certains venaient de naître ou de sortir de leur coquille et d’autres paraissaient au contraire maintenus au seuil de la mort. Bon nombre faisaient l’objet d’expériences – principalement de la vivisection et des croisements –, d’autres étaient en animation suspendue. 1-1-4D remarqua que de nombreux animaux étaient munis de sondes qui les reliaient à des appareils de surveillance biométrique, tandis que d’autres encore étaient confiés à la supervision directe de droïdes spécialisés. Plus loin dans le flanc de la montagne, il y avait aussi des enclos fermés, chauffés par de la lumière artificielle, dans lesquels tournoyaient des mixtures de gaz rares : on pouvait y observer une flore luxuriante. Plus loin encore se trouvaient des centres de tests encombrés de machines complexes et d’unités de refroidissement vitrées, destinées au stockage de composés chimiques, d’alcaloïdes dérivés de plantes et d’animaux, d’échantillons de sang et de tissus, parfois même d’organes appartenant à des espèces variées.

Plagueis ordonna à 1-1-4D de se balader seul dans les galeries et les laboratoires puis de venir lui faire un rapport.

Quelques heures plus tard, le droïde revint et conclut :

 Je comprends que vous effectuez des recherches sur la durabilité de l’espèce et l’hybridation. Mais je dois avouer que bon nombre des exemples de faune et de flore que vous avez amassés me sont inconnus, de même que la plupart des documents de votre mystérieuse bibliothèque. Est-ce que les données peuvent être téléchargées ?

 Une partie d’entre elles. Le reste devra être scanné.

 Cette tâche prendra des années standard, Magister.

 J’en suis bien conscient. Cependant, même s’il y a une certaine urgence, nous ne sommes pas pressés.

 Je comprends, monsieur. Y a-t-il des données spécifiques que vous souhaitez que j’assimile en premier ?

Plagueis sortit un cristal de stockage d’une poche de sa cape.

 Commence avec ceci. C’est une histoire des Sith. 1-1-4D prit un moment pour fouiller sa mémoire.

 J’ai accès à de nombreuses pages d’information sous ce titre. L’une définit les Sith comme une secte ancienne consacrée à l’étude de la Force, similaire aux Jedi mais guidée par des principes différents.

 Cela suffira pour le moment, dit Plagueis.

 Magister Damask, si je peux me permettre de vous poser une question : quel est votre objectif final ?

 L’objectif est d’allonger ma vie indéfiniment. De vaincre la mort.

Le droïde fixa Plagueis de ses photorécepteurs.

 J’ai accès à des données sur les prétendus « élixirs de vie » et « fontaines de vie », Magister. Mais tous les êtres vivants finissent par mourir, me semble-t-il.

 Pour le moment, 1-1-4D.

Le droïde réfléchit plus avant au problème.

 J’ai de l’expérience dans les opérations de remplacement d’organes, dans la génothérapie des télomères et la congélation dans la carbonite. Mais rien au-delà de ça.

Plagueis fit une grimace.

 Alors, tu n’as vraiment fait qu’effleurer le sujet.

 

Tandis que 1-1-4D était absorbé par le traitement des données, Plagueis préleva une fiole de son sang et le soumit à l’analyse. Malgré la récente amplification de ses pouvoirs, il sentait que son taux de midi-chloriens n’avait pas augmenté depuis les événements sur Bal’demnic, et l’analyse de l’échantillon de sang confirma ses soupçons. Les recherches avaient depuis longtemps établi que les transfusions de sang d’individus sensibles à la Force ne conféraient pas de pouvoirs supplémentaires à ceux qui les recevaient, même si du sang avec un taux élevé de midi-chloriens pouvait temporairement améliorer la puissance et la résistance. Des expériences de transfusion totale avaient très mal tourné pour les transfusés, ce qui laissait penser que la Force faisait payer ceux qui essayaient de la trafiquer. Les midi-chloriens d’un individu semblaient savoir à qui ils appartenaient et ne plus répondre une fois séparés de leur hôte habituel.

Cependant, même si les midi-chloriens semblaient résister aux manipulations qui risquaient de mettre en péril l’équilibre de la Force, ils devenaient passifs, voire même coopératifs, quand un être velléitaire était manipulé par un être puissant dans la Force. Cela expliquait peut-être pourquoi il était souvent plus facile d’invoquer la Force pour guérir quelqu’un d’autre que soi. Prolonger la vie pouvait donc dépendre de quelque chose de très simple, comme induire les midi-chloriens à créer de nouvelles cellules, à se subdiviser à leur gré, augmentant leur nombre jusqu’à des dizaines de milliers pour guérir ou remplacer des cellules endommagées, vieillissantes ou métastatiques. Il faudrait obliger les midi-chloriens à répondre aux besoins du corps, à renforcer l’organisme quand on en avait besoin, à surmonter les attaques physiques et à empêcher des cellules d’atteindre la sénescence.

 

Si l’on en croyait les récits rapportés par les comptes rendus et les holocrons, les anciens Sith étaient capables de tout cela. Mais les Sith comme Naga Sadow et Exar Kun étaient-ils vraiment beaucoup plus puissants ou avaient-ils bénéficié du fait que le Côté Obscur avait le dessus en ces temps anciens ? Certains commentateurs affirmaient que la capacité de survivre à la mort n’était accessible qu’à ceux qui s’intéressaient à la sorcellerie et l’alchimie, et que l’usage de ces pratiques avait en réalité précédé l’arrivée des Jedi Noirs en exil sur Korriban. Mais on faisait moins appel à la sorcellerie pour prolonger la vie que pour créer des illusions, pour fabriquer des bêtes et ressusciter les morts. On disait que des adeptes puissants avaient été capables de saturer l’atmosphère de planètes d’énergie obscure, de faire exploser des étoiles ou de provoquer la paralysie dans une foule, comme l’avait apparemment fait Exar Kun avec certains membres du Sénat de la République. D’autres adeptes utilisaient la sorcellerie dans le seul but de mieux comprendre les formules magiques et les sigils des anciens Sith.

Ainsi, Dark Bane considérait la sorcellerie comme l’une des plus pures expressions du Côté Obscur de la Force. Il n’avait cependant pas été capable de maîtriser ces énergies avec le même talent que son Apprentie, Zannah. Toutefois, les disciples de Bane pensaient qu’il avait expérimenté une technique plus cruciale encore : celle du transfert d’essence, qu’il avait apprise après avoir acquis et pillé l’holocron de Dark Andeddu. Il s’agissait de transférer la conscience d’un individu dans un autre corps ou, dans certains cas, dans un talisman, un temple ou un sarcophage. C’est ainsi que les plus puissants des anciens Seigneurs Sith avaient encore vécu après leur mort et avaient pu hanter et harceler ceux qui pénétraient dans leurs tombeaux.

Mais rien de tout cela n’équivalait à la survie corporelle.

Plagueis n’avait aucune envie d’être réduit à une présence désincarnée, coincée entre deux mondes, incapable d’agir dans le monde matériel, si ce n’est par l’intermédiaire d’êtres velléitaires dont il pourrait guider les actions. Il ne voulait pas non plus expédier son esprit dans le corps d’un autre, qu’il s’agisse d’un Apprenti, comme on pensait que Bane avait tenté de le faire, ou d’un clone cultivé en cuve. Il ne se satisferait que de l’immortalité de son corps et de son esprit.

Il voulait la vie éternelle.

Hélas, l’information qu’il pouvait retirer des textes, des cristaux et des holocrons de sa bibliothèque était limitée. Des informations essentielles avaient été perdues à l’époque de Dark Gravid et bon nombre des éléments les plus importants de la formation Sith, depuis lors, passaient de Maîtres en Apprentis lors de séances dont on n’avait aucune trace. Plus important encore, Dark Tenebrous avait eu très peu à enseigner au sujet de la mort.

Seul dans l’un de ses centres de test, au milieu de ses expériences qu’il aimait tout particulièrement, Plagueis pensa soudain à l’énormité de ce qui s’était passé sur Bal’demnic. Il eut l’impression d’être confronté à un monolithe de proportions incommensurables. Pour la première fois, il sentait la Force du Côté Obscur non plus comme un simple vent qui le soutenait et pouvait soulever les voiles d’un bateau de plaisance mais comme un ouragan prêt à déclencher une tempête de destruction sur la République décrépite et l’Ordre Jedi assoupi. Une tempête sauvage qui débarrasserait la galaxie de tout ce qui était poussiéreux ou corrompu et préparerait la voie pour un ordre nouveau, un ordre qui rendrait aux Sith la place qui leur revenait de droit, celle de gardiens de la galaxie. Toutes les espèces s’inclineraient devant eux, par crainte et obéissance, bien sûr, mais surtout pour les remercier d’avoir empêché le désastre.

La tâche qui l’attendait était à la fois grisante et décourageante. Dans l’œil de ce cyclone, il entendait les voix distantes de ceux qui avaient jeté les bases de l’impératif Sith, les fondements du Grand Plan, ceux qui avaient donné vie à l’ouragan avec leurs souffles et leurs vies : Dark Bane et Zannah, ainsi que les générations suivantes dans lesquelles on pouvait compter Cognus, Vectivus, Ramage et Tenebrous. Cent ans plus tôt, le Maître Twi’lek de Tenebrous avait ouvert une petite entaille dans le tissu de la Force, permettant au Côté Obscur d’être senti par l’Ordre Jedi pour la première fois depuis plus de huit siècles. Cela avait été le commencement de la revanche des Sith. Maintenant, l’heure était venue d’élargir cette entaille pour qu’elle devienne un trou béant, une plaie ouverte dans laquelle la République et l’Ordre Jedi seraient attirés, à leurs risques et périls.

Star Wars - Dark Plagueis
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