CHAPITRE XII

— J’ai passé quelque temps dans une cuve de bacta, annonça Belindi Kalenda…

… Histoire d’expliquer aux six membres du Conseil de Sécurité et des Renseignements pourquoi elle paraissait plus en forme qu’elle n’aurait dû.

— Nous apprécions vos efforts, colonel, dit le sénateur diamalais Porolo Miatamia. Vous auriez mieux fait de rester sur Wayland. Nous aurions pu organiser une holo-conférence.

Kalenda sourit.

— Wayland ne dispose pas de la technologie nécessaire.

— Venons-en aux faits, s’impatienta le sénateur Krall Praget, connu pour ne pas mâcher ses mots.

Représentant Edatha, il avait voulu faire démettre Leia Organa Solo de ses fonctions pendant la Crise de la Flotte Noire.

Entre Praget et Miatamia se trouvaient le sénateur Gron Marrab de Mon Calamari, Tolik Yar de Oolidi, A’bel Bogen de Ralltiir, et Viqi Shesh de Kuat. Egalement présent, Luke Skywalker restait silencieux. Il était accompagné de son neveu, l’austère Anakin Solo.

Kalenda se tourna vers eux.

— Merci d’être là, maître Skywalker et Jedi Solo.

Skywalker fit un signe de tête.

— Pour commencer, continua Kalenda en se levant péniblement, le raid ennemi sur Wayland a justifié les précautions que nous avions prises en y amenant les deux transfuges. L’attaque aérienne a endommagé New Nystao, mais les pertes auraient pu être pires avec une population plus dense, comme sur Bilbringi.

« Le docteur Yintal a péri lors de l’attaque de l’assassin yuuzhan vong contre la prêtresse Elan. Les autres blessés, le docteur Joi Eicroth, le major Showolter et les deux agents noghris sont en bonne voie de rétablissement.

— Où sont actuellement les transfuges ? demanda Shesh.

— Sur Myrkr, en attendant qu’on décide de leur sort.

— Colonel, dit Praget, est-il exact qu’une des transfuges n’est pas une Yuuzhan Vong ?

— Oui. Nous ignorons si Vergere est d’une espèce originaire de la galaxie des Yuuzhan Vong, ou si elle est le résultat de manipulations génétiques.

— Avez-vous eu de plus amples informations sur les raisons de cette invasion ? demanda Miatamia.

— L’attaque de l’assassin a eu lieu presque au début de l’entretien. Elan nous avait dit ce que nous savions déjà : leurs dieux auraient ordonné aux Yuuzhan Vong de « purifier » notre galaxie et de nous convertir à leurs croyances. Elan prétend qu’ils préféreraient nous convertir que nous exterminer. Voici des enregistrements de l’entretien…

« A la suite de l’attaque, Elan nous a donné des renseignements militaires capitaux. S’ils se vérifient, le directeur Scaur et moi demanderons l’autorisation d’emmener les transfuges sur Coruscant.

— Est-ce prudent, avec ce qui s’est passé à Wayland ? New Nystao exige des indemnités, rappela Shesh.

— Coruscant n’est pas une cible facile. Je suis la première à admettre que nous n’avons pas pris toutes les précautions nécessaires en déplaçant les transfuges de Nïm Drovis à Wayland, mais ça ne se reproduira pas. Nous ferions venir Elan et Vergere par des chemins détournés, en trompant l’ennemi avec l’envoi d’autres équipes à divers endroits. Ce trajet passerait par Bilbringi, Jagga-Deux et Chandrila.

— Je ne vois pas l’utilité de les amener ici, dit Bogen. Vous considérez l’attaque contre les transfuges comme un indice d’authenticité, mais cela pourrait être une ruse de l’ennemi.

Kalenda se rassit avec précaution.

— Le plan dépend de la véracité des renseignements qu’Elan nous a fournis. Je suis aussi méfiante que vous, mais je reste persuadée qu’Elan sera un atout dans notre jeu, même si sa présence est une ruse. Elle affirme savoir où se terrent les agents yuuzhan vong qui ont infiltré les mondes de la Nouvelle République, et connaître l’identité des collaborateurs qu’ils ont recrutés parmi les contrebandiers, les mercenaires et les pirates.

« Nous soupçonnons un de ces groupes, la Brigade de la Paix, d’avoir informé l’ennemi de l’envoi d’Elan et Vergere sur Wayland.

Kalenda fit passer des holocopies de l’emblème de la cellule mercenaire : deux mains jointes, une humaine et l’autre tatouée.

— Ce dossier contient des informations sur les membres de la Brigade, et un résumé de leurs menées subversives. Lancer des rumeurs anti-jedi est une de leurs spécialités.

Skywalker hocha la tête.

— J’espère que les Renseignements gardent un œil sur eux, dit Shesh.

— Lisez le dossier, suggéra Kalenda.

Bogen se racla la gorge.

— Au sujet de l’importance de cette Elan…

— Un instant, intervint Tolik Yar. D’après ce que j’ai lu, ces coordinateurs ont des capacités télépathiques. Supposons que cette prétendue transfuge soit liée télépathiquement à eux, et qu’elle leur transmette des informations sur nous ?

— Cette possibilité était mentionnée dans le rapport de la scientifique d’ExGal, qui fut leur prisonnière quelque temps, admit Kalenda. Voilà pourquoi nous avons placé les transfuges au secret. Elles n’ont eu accès à aucun élément de valeur stratégique.

— Pourquoi sont-elles passées à l’ennemi ? demanda le sénateur Shesh.

— D’après Elan, il y aurait des dissensions chez les Yuuzhan Vong, concernant la légitimité de l’invasion. Elle déclare vouloir nous aider.

— En échange de quoi ? Une nouvelle identité, des crédits, une cachette ? Je ne suis pas convaincue de sa sincérité…

— Elan a demandé une seule chose : rencontrer les Chevaliers Jedi.

— Pourquoi ? demanda Skywalker.

— Ce serait en rapport avec une maladie introduite par les Yuuzhan Vong. Elle n’a pas voulu en révéler plus. D’après elle, les Jedi comprendraient.

— Rien d’autre ? insista Skywalker.

— Non. Examinez le rapport de l’entretien. Quelque chose a pu m’échapper.

— Maître Skywalker, ajouta Gron Marra, je tiens à souligner que vous n’avez aucune obligation dans cette affaire.

— Aucune, renchérit le sénateur Praget. Les Jedi ne sont pas au service de la Nouvelle République.

— Une remarque superflue, grogna Shesh.

Skywalker n’eut cure de l’ironie de Praget.

Le silence tomba.

— Colonel Kalenda, demanda Shesh, quelle est l’information fournie par Elan ?

— La prochaine cible des Yuuzhan Vong : Ord Mantell.

Le dos tourné à la mer qui bordait la côte sud sablonneuse de Worlport, Leia regardait les plaines du nord dévastées et nappées de brouillard. Elles s’étendaient jusqu’au Grand Plateau. De la salle du Conclave, au siège du gouvernement d’Ord Mantell, Leia avait une vue imprenable sur la vertigineuse capitale à l’architecture de style « renouveau corellien », hélas gâchée par un ensemble hétéroclite de bâtiments et d’obélisques rococos – plus au goût des joueurs ou des hédonistes fréquentant la planète. Une série de passages, d’escaliers, de rampes courbes et de ponts couverts reliaient les différents secteurs urbains.

Pas difficile de s’égarer dans ce labyrinthe…

Quelque vingt-cinq ans plus tôt, avant Hoth et Endor, et bien avant son mariage et la naissance de ses enfants, elle s’y était effectivement perdue. Histoire de dissiper ses inquiétudes, elle se représenta mentalement un trajet entre le siège du gouvernement et les plaines brunes…

— Ambassadeur Organa Solo, ça ne va pas ? demanda le représentant de Balmorra.

Leia s’arracha à ses réflexions.

— Désolée. Vous disiez ?

— Vous n’avez pas répondu à ma question, fit l’humain, offusqué. Comment la Nouvelle République justifie-t-elle une telle requête quand, sur d’innombrables mondes, les réfugiés pourraient être relogés sans nuire à l’économie des natifs ?

Leia en appela à son calme diplomatique.

— Certes, nous pouvons transporter des millions de réfugiés sur n’importe quelle planète des secteurs extérieurs. Mais notre plan ne se limite pas à nous débarrasser d’un inconvénient… Nous parlons de gens qui ont contribué à la prospérité et à la stabilité de la Nouvelle République, et qui ont tout perdu, leur foyer, leur travail, parfois une partie de leur famille.

— A quoi servent-ils s’ils n’ont plus de planète ? ricana quelqu’un.

— C’est justement la question, trancha Leia. Ce que le Sénat demande pour les réfugiés, ce ne sont pas seulement des planètes habitables, mais des mondes à l’infrastructure intacte : des défenses planétaires, des spatioports, des réseaux de transport de surface, et des communications fiables avec Coruscant et les mondes du Noyau.

Le représentant d’Alsakan fit la moue.

— Un idéal louable, ambassadeur ! Mais qui nourrira et vêtira ces millions de gens ? Qui construira les abris nécessaires, qui financera les programmes de protection des autochtones contre les maladies que les réfugiés pourraient véhiculer ?

— Le Sénat a déjà alloué des fonds pour ça.

— Pour combien de temps ? demanda l’envoyé cornu de Devaron. Si la Nouvelle République revenait sur ses promesses, ou était contrainte de ne pas les honorer en raison des circonstances, la responsabilité économique incomberait aux mondes d’accueil, qui seraient bien en peine d’exiler de nouveau ceux qu’ils auraient hébergés de bonne foi. Les résultats pourraient être une catastrophe économique.

Leia eut du mal à contenir son exaspération.

— Dois-je vous rappeler que nous sommes au milieu d’une guerre qui menace l’existence même de cette économie ? Sans parler de la liberté dont nous bénéficions depuis la chute de l’Empire ! Déplacer ces populations de la Bordure Extérieure vers des mondes plus proches du Noyau est possible. Mais il faudra que des planètes se portent volontaires pour accepter ces réfugiés en transit, à l’exemple de Mon Calamari avec les Ithoriens, et de Bimmisaari pour ceux d’Obroa-skai.

« Notre but est de créer des enclaves autonomes temporaires gérées par les réfugiés. Peu à peu, nous déplacerons les groupes ou les espèces vers des mondes adéquats, ou nous implanterons des colonies sur des planètes inhabitées.

— Une enclave par espèce ? demanda le représentant de Jagga-Deux.

— C’est possible, dit Leia. Ou nous regrouperons les communautés compatibles.

— En subvenant à leurs besoins ?

— Bien entendu.

— Et si des groupes antagonistes devaient partager une enclave ? s’inquiéta le représentant d’un monde de l’Amas de Koornacht.

— Nous traiterons ces problèmes à mesure qu’ils surviendront.

— Comment ? En déléguant des équipes de sécurité ?

— Ce sera peut-être nécessaire, oui.

Le Balmorran lâcha un rire incrédule.

— Vos enclaves sont tout bonnement des camps de concentration !

Le Devaronien foudroya Leia du regard.

— Qu’arrivera-t-il si d’autres mondes sont conquis par les Yuuzhan Vong ? Combien de réfugiés nous demandera-t-on d’héberger ? Y a-t-il une limite, ou la Nouvelle République veut-elle nous obliger à fourrer la population de milliers de mondes sur quelques centaines ?

— Nous limiterons les quotas, assura Leia. Ord Mantell pourrait inaugurer le projet en permettant aux réfugiés de la Roue du Jubilé de s’installer dans des campements temporaires, au nord de la ville.

La représentante d’Ord Mantell grimaça.

— Impossible, ambassadeur ! D’abord, la zone du Grand Plateau est notre principale attraction touristique…

— Votre principale attraction touristique ? répéta Leia, n’en croyant pas ses oreilles. Ord Mantell est à la limite de l’espace envahi ! Combien de touristes croyez-vous voir affluer dans les mois à venir ?

— Ord Mantell a été épargné. Nous escomptons une vague de tourisme très prochainement.

Leia inspira à fond.

— Plus à l’ouest, alors.

La femme ricana.

— Désolée, mais ces terres sont une réserve de chasse pour les savrip mantelliens !

— Personne ne se portera volontaire ? demanda Leia.

Le représentant de Gyndine et du système Circarpien leva la main.

— Nous sommes prêts à accueillir un certain nombre de réfugiés.

— Ruan aussi, ajouta le délégué Borert Harbright de Salliche Ag. La Maison Harbright fera de son mieux pour servir la cause.

Leia se força à sourire. Salliche Ag contrôlait une série de mondes du Noyau Intérieur qui conviendraient parfaitement aux réfugiés. Pourtant, quelque chose dans le comportement du comte Harbright éveilla les soupçons de la diplomate. Une certaine duplicité se cachait derrière son sourire bon enfant.

Leia le remercia quand même.

— Au nom des milliers de vies que votre générosité sauvera, le Conseil Provisoire vous félicite. Maintenant, si d’autres pouvaient suivre ces exemples…

A la pause déjeuner, Leia sortit en hâte avant que quelqu’un ne l’accoste. Olmahk, un de ses gardes du corps noghris, l’attendait en compagnie de C3PO.

— J’espère que la réunion s’est bien passée, maîtresse Leia, dit le droïd.

Prenant un turboascenseur, ils atteignirent l’entrée du bâtiment, où quantité de droïds se hâtaient vers la sortie.

— Que se passe-t-il ? demanda Leia.

— Je n’en ai pas idée, dit C3PO, mais je vais me renseigner.

Il se campa devant un administratif 3D-4X. Les deux droïds échangèrent des informations à la vitesse de l’éclair.

C3PO revint vers Leia en agitant les bras. La princesse avait appris que ce geste signifiait des problèmes…