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— Le prochain est à toi, mon ami, dit le sergent Imsiba, évitant une paire d’oies vidées suspendues par les pattes à un auvent rudimentaire. On est à peine au milieu de la matinée, et j’ai déjà vu assez de gens danser autour de la vérité pour toute une journée.

Le lieutenant Bak, chef de la police medjai à la forteresse de Bouhen, sourit au grand Noir musclé, qui marchait à ses côtés avec la grâce d’un fauve.

— Tu montres beaucoup trop d’indulgence à leur égard.

— Je doute que ce misérable soit du même avis ! lui opposa Imsiba en désignant un marchand que deux lanciers entraînaient sans ménagement sur le sentier sablonneux, vers la citadelle. As-tu remarqué comment il ajoutait du poids à la balance chaque fois qu’il effleurait le fléau ? On pourrait croire qu’on a déjà tout vu, mais ce tour-là, je ne le connaissais pas, admit-il, encore sidéré.

— C’est là une nouvelle leçon, et un nouveau triomphe pour Maât, déesse de l’ordre et de la justice.

Imsiba sourit de ce ton sentencieux, rappelant celui d’un scribe que les deux compagnons n’appréciaient guère.

Bak s’écarta afin de laisser passer deux jeunes femmes. Elles pouffèrent, troublées par le geste de courtoisie de cet homme un peu plus grand que la moyenne, large d’épaules et bien découplé, doté d’un bâton de commandement. Bak passa les doigts dans ses cheveux courts, inconscient de l’émoi qu’il avait fait naître dans leur poitrine.

— Le commandant veillera à ce qu’il ne dupe plus personne pendant de longues années.

Un sourire grave effleura les lèvres d’Imsiba. On ne plaisantait pas avec Thouti. Ses jugements étaient rigoureux et les punitions qu’il infligeait rarement oubliées par les coupables.

Les deux policiers avancèrent d’un pas nonchalant entre les rangées irrégulières d’auvents, dressés pour offrir de l’ombre aux vendeurs et aux clients, ainsi qu’aux marchandises. Le marché se tenait deux fois par semaine, entre l’enceinte extérieure et la forteresse. Ils évitèrent des hommes, des femmes, des enfants et des animaux ; ils enjambèrent des détritus et du crottin en prenant garde à ne pas heurter les minces poteaux soutenant les abris. Ce faisant, ils jetaient çà et là des regards inquisiteurs pour déceler une expression, un geste furtif laissant suspecter des pratiques malhonnêtes. Parfois, une marque de bonne humeur, un signe du menton, un sourire ou quelques paroles aimables les accompagnaient, allégeant la besogne ingrate mais nécessaire qu’ils accomplissaient périodiquement.

Le temps était d’une chaleur inhabituelle pour cette saison, la plus fraîche de l’année. Le soleil qui dardait ses rayons les baignait de sueur. Une brise du nord légère et sporadique poussait des tourbillons de poussière sur les chemins. Les mille effluves du commerce flottaient autour d’eux : épices, poisson, bétail, bois fraîchement coupé, viande braisée, oignons, parfums et transpiration. À travers le flux et le reflux des voix, on entendait des ânes braire dans les enclos et des chiens aboyer.

— Lieutenant Bak ! Chef !

Un lancier se frayait précipitamment un chemin vers eux, élevant son arme au-dessus de sa tête de sorte que le reflet du soleil sur la pointe de bronze attire leur attention. Les deux officiers accélérèrent le pas pour aller à sa rencontre. Bak le reconnut : c’était un des dix soldats chargés de maintenir l’ordre sur le marché.

— Un problème ?

— Une simple rumeur, chef. Du moins, je l’espère…

Ils étaient probablement du même âge – vingt-cinq ans –, cependant le lancier lui répondait avec la déférence due à son supérieur.

— En ce moment même, l’histoire se répand d’étal en étal. Je prie pour que tu puisses la démentir.

Les rumeurs volaient le long du fleuve plus vite que le vent, s’amplifiant telle une tempête de sable balayant le désert. Bak aurait souri si l’inquiétude manifeste du soldat ne l’avait incité à ne pas prendre l’affaire trop à la légère.

— Qu’as-tu entendu ?

— On prétend que l’armée va quitter Bouhen et toutes les forteresses de la frontière sud. Qu’il nous faudra retourner à Kemet. Que ceux qui souhaitent rester à Ouaouat[1] – et nous sommes nombreux dans ce cas – se retrouveront seuls, abandonnés de notre souveraine et de notre patrie. Chef, dit le lancier, la voix tremblante d’émotion, j’ai pris pour épouse une femme de ce pays. Comment l’arracher, elle et nos enfants, à leur foyer, leur famille, leur village ? Non, je ne le pourrai pas !

— Nous n’avons rien entendu de ce genre.

Imsiba semblait préoccupé et, remarqua Bak, aussi sceptique que lui. Pareille idée était inconcevable.

Thouti, le premier, aurait appris une nouvelle d’une telle gravité. Puisqu’il ne les en avait pas informés, ce n’était rien de plus : une simple rumeur. Des divagations auxquelles il fallait mettre un terme avant qu’elles ne sèment la panique parmi tous ceux qui vivaient près du fleuve, militaires et civils. L’armée consommait non seulement les céréales de Kemet, mais nombre de denrées cultivées ou fournies par les agriculteurs. Sans les troupes, non seulement ceux-ci deviendraient la proie des nomades du désert, mais ils ne trouveraient plus de marché pour leurs produits. Leur propriété péricliterait, leur terre mourrait.

Mais souvent, la rumeur la plus extravagante comportait une bribe de vérité.

— Je doute qu’il y ait un fondement là-dedans, dit Bak au lancier d’un ton rassurant, mais je me pencherai sur cette affaire avant la nuit.

 

— Il essaie de me voler !

L’homme mince, à la peau sombre, devait venir du désert méridional car il portait un pagne mi-long, en peau souple teinte en rouge, lustrée par l’usure. Il regardait d’un œil noir le gros marchand assis dans le sable devant lui, qui protesta avec indignation :

— Il se trompe, lieutenant ! M’as-tu déjà pris à voler qui que ce soit ?

Bak, qui ne l’avait encore jamais vu, passa parmi la douzaine de chèvres blanches à longs poils qui entouraient l’homme du désert. Un chien jaune les maintenait groupées, mordillant le flanc de celle qui osait s’écarter. Les poings sur les hanches, le policier considéra les objets étalés devant le marchand : un panier rempli de perles de pierre et d’amulettes, une dizaine de sacs dont l’ouverture révélait des céréales, quinze jarres renfermant de la bière, du miel et de l’huile, ainsi qu’une pile de peaux exhalant la puanteur âcre du tannage. Des perles de toutes les couleurs, enfilées et roulées en spirales pour les mettre en valeur, et sept amulettes au bout de cordelières étaient posées sur un morceau d’étoffe blanche. Rien dans tout cela que de très banal.

— Je sais compter, et je vois ce qui est juste et ce qui ne l’est pas, affirma le chevrier.

— Vous êtes bien tous les mêmes, rétorqua le marchand d’un ton de mépris. Vous arrivez du désert avec vos bêtes faméliques et vous voulez en échange la moitié des richesses de Kemet.

Les yeux de son accusateur étincelèrent de colère.

— Lieutenant, il a essayé de me donner cinq jarres d’huile au lieu des six promises. L’amulette en cristal est fêlée, et aucun des colliers de perles n’a l’air aussi long qu’il le prétend. Je parierais ma propre fille qu’il a alourdi le blé avec des pierres.

Le marchand s’empara des colliers brillants posés sur l’étoffe, les jeta dans le panier de perles et se leva d’un bond.

— Regarde ces chèvres ! Aussi maigres que des épis dans un champ desséché. On ne pourra pas les abattre avant au moins deux mois.

Son empressement à faire disparaître les colliers montrait qu’il ne tenait pas à ce qu’on les regarde de trop près. Bak soupçonnait que les autres produits ne résisteraient pas davantage à l’examen. Étouffant un soupir, il leva brièvement les yeux vers Rê, orbe jaune dans le ciel pâle. À peine midi ; encore au moins une heure avant qu’acheteurs et vendeurs ne commencent à partir. Il implora Amon afin de conserver sa patience. Il avait hâte de parler au commandant Thouti, d’apaiser son cœur concernant la rumeur qu’il n’avait cessé d’entendre depuis sa conversation avec le lancier.

Essuyant son front en sueur, il s’agenouilla au milieu des chèvres. Il attrapa la plus proche, dont le bêlement de frayeur affola les autres, qui voulurent s’enfuir. Le chien les en dissuada en jappant. Bak passa les mains sur le dos de la captive, le long de son ventre et de ses pattes. Elle était aussi douce qu’une concubine choyée dans une noble maison. Il la libéra, examina la suivante, puis une troisième.

— Ça ne leur ferait pas de mal d’être un peu engraissées, mais elles sont saines et vigoureuses.

— Tu vois ! triompha le marchand en se tournant vers le chevrier. Elles ne valent pas le prix entier, c’est bien ce que je te disais.

L’homme lança au lieutenant un regard désabusé, visiblement convaincu que, comme si souvent, un représentant de la loi se rangeait du côté du plus malin.

Excédé par son peu de confiance, Bak se leva. D’un geste preste, il prit les colliers du panier. Le marchand étouffa un cri, tendit la main pour les lui reprendre, se ravisa au dernier moment. Bak mesura les longueurs de perles multicolores contre son bras. Pas deux identiques, et toutes trop courtes. Il examina tour à tour les amulettes des cordelières. Le cristal de roche était fendillé, comme l’affirmait le chevrier. Les autres pierres, grossièrement sculptées, étaient d’une qualité médiocre et présentaient des défauts.

Jetant le tout dans le panier, Bak s’accroupit devant un sac de blé. Le marchand marmonna une obscénité quand, ayant enfoncé profondément ses doigts à l’intérieur, il en remonta un caillou de la taille d’un radis. Poussant plus loin l’exploration, il pécha une demi-douzaine de pierres similaires et deux autres grosses comme des œufs de cane. Une chèvre écarta son coude afin d’accéder au grain. Le marchand se taisait, conscient qu’aucune excuse ne le sauverait. Le nomade balançait entre la satisfaction d’avoir démontré sa bonne foi et l’incertitude quant à l’issue de la dispute.

Bak se leva : il en avait assez vu. Il fit signe au chevrier de retenir sa bête avant qu’elle ait mangé du blé et détruit une preuve en altérant le poids du sac. Il agita la main pour attirer l’attention du sergent de la patrouille. Celui-ci accourut, deux lanciers sur ses talons.

— Conduis cet homme au poste de garde, avec ses marchandises. Que mon scribe Hori en dresse l’inventaire ; qu’il note scrupuleusement le poids des sacs, les différentes longueurs de perles et chaque anomalie qu’il constatera. Cela ne me surprendrait pas que la bière soit coupée ou qu’il découvre des pierres dans le miel et dans l’huile.

Le marchand s’approcha discrètement de Bak et lui dit à mi-voix :

— Lieutenant, j’apprécie autant ma liberté que toi, la tienne. Je peux sûrement te rendre un petit service, te procurer quelque chose dont tu n’aurais pas les moyens. Un présent de choix, digne d’un homme de goût, prêt à fermer les yeux sur une petite faute.

Méfiant, le chevrier s’efforçait de les entendre.

— Une « petite » faute, vraiment ? ironisa Bak, une lueur inquiétante au fond des yeux.

Le marchand ne s’en rendit pas compte.

— Je possède une servante, une jolie fille de quatorze ans. Elle n’est plus chaste et pure, mais c’est encore mieux. Permets-moi de te l’offrir.

— Tenterais-tu de me soudoyer ?

— Non ! Non, lieutenant, tu te méprends ! protesta le marchand, livide.

— Emmenez-le, ordonna Bak.

Avec l’indifférence qu’inspire une besogne répétitive, le sergent commanda à ses hommes de ramasser les objets disposés sur le sable tandis qu’il entravait les bras du prisonnier dans des menottes de bois.

Le nomade, stupéfait, les regarda partir. Bak posa la main sur son épaule.

— Il ne volera plus personne pendant des mois, et après avoir purgé sa peine, je doute qu’il soit tenté de recommencer.

Intimidé par tant de bonté, l’homme contempla les bêtes qui l’entouraient.

— Je ne pouvais sacrifier mes chèvres à vil prix. Elles sont comme des enfants pour mon épouse et moi, comme des sœurs pour notre petit garçon et notre petite fille.

— La plupart des commerçants de ce marché mènent honnêtement leurs transactions. Mais, personne ne t’a donc jamais dit que la valeur de tes bêtes réside dans leur toison superbe, et non dans leur chair ? demanda le lieutenant, grattant les têtes avides de caresses qui se tendaient vers lui.

— Si. Je troque quelquefois le fil que ma femme tire de leur laine ; j’en connais la valeur. Mais leur chair nous permet de subsister, autant que leur lait et leur pelage.

Les chèvres se pressaient contre les jambes de Bak, confiantes, innocentes. Aussi douces que des animaux familiers. Il parcourut les allées du regard, passant d’un étal à l’autre à la recherche d’un cultivateur qui venait souvent vendre ses produits. Enfin il l’aperçut, assis à l’ombre d’un toit en joncs tressés, au milieu de fruits et de légumes. Netennosé, bon et chaleureux, aimait sa terre et ses animaux par-dessus tout.

— Je connais un homme pour qui ces chèvres seraient plus précieuses vivantes. Laisse-moi te conduire à lui.

 

— Hor-pen-Dechret !

Dans la bouche de Sechou, le chef caravanier, ce nom sonnait comme une malédiction.

— On dit que ce chien est revenu.

— Il n’oserait pas, dit le capitaine Neboua avec contrariété.

— Qui donc ? demanda Bak.

Il détourna les yeux de la multitude de gens qui marchaient vers la porte de la citadelle, se hâtant de rentrer chez eux avec leurs provisions, leurs bêtes et les mille nécessités de la vie.

— Hor-pen-Dechret. « L’Horus du désert », ainsi qu’il aime à se faire appeler ! railla Neboua en crachant par terre.

Âgé d’une trentaine d’années, le grand officier à la carrure imposante et aux traits épais était le second de Thouti. Ses cheveux indisciplinés avaient, comme toujours, besoin d’être coupés. La sueur dessinait des filets dans la poussière dont il était couvert, car il revenait du terrain de manœuvre, hors de l’enceinte, où il avait supervisé l’entraînement des nouvelles recrues.

— Le plus rusé et le plus sanguinaire des chefs de tribu, expliqua Sechou. Il ignore la peur.

— Pendant des années, il a rêvé d’imposer sa loi sur cette partie du fleuve, et de s’enrichir en levant une taxe sur tous ceux qui l’empruntent, continua Neboua avec mépris.

— C’est vrai, acquiesça le chef caravanier. Et ce rêve, on dit qu’il ne l’a jamais perdu.

Sechou, de taille moyenne, avait les muscles fuselés et la peau tannée de celui qui a passé près de quarante années de sa vie à marcher sous le soleil. Ses yeux vifs et perçants, ses pommettes saillantes, son nez aquilin témoignaient que ses ancêtres avaient jadis foulé le désert oriental.

Bak se souvenait vaguement d’avoir entendu parler d’Hor-pen-Dechret. Il s’engagea dans le flot humain qui s’amenuisait et, encadré par Neboua et Sechou, il se rendit d’un pas énergique vers la résidence du commandant. Comparé à la possibilité d’une évacuation militaire de la frontière, le retour d’un pillard du désert semblait dérisoire.

— Sa bande et lui harcelaient les caravanes, les villages, et même les unités restreintes de soldats quand le risque en valait la peine, se rappela Neboua. Ils raflaient les provisions, les bêtes, les femmes, les armes – tout ce sur quoi ils pouvaient mettre le grappin –, et faisaient régner la terreur le long du fleuve. Jusqu’à il y a cinq ou six ans – bien avant ton arrivée à Bouhen, Bak. Le commandant Nakht, le prédécesseur de Thouti, résolut d’écraser ce misérable serpent. Il forma une compagnie et prit la tête de la colonne ; j’étais à ses côtés. Ce bandit nous échappa, mais fut contraint de fuir loin dans le désert, et nombre de ses partisans furent anéantis. Voilà des années qu’il n’avait plus fait parler de lui, et je pensais ne jamais le revoir.

— J’espérais qu’il était mort, admit Sechou, en s’arrêtant à la croisée du sentier qui conduisait aux enclos. Les dieux n’ont pas choisi de nous exaucer, semble-t-il.

— Je n’y crois pas ! s’écria Neboua, l’air dur et buté. Il n’aurait pas le front de revenir.

Dubitatif, Sechou tourna les talons et remonta le sentier.

Des rires attirèrent l’attention du lieutenant vers un groupe de soldats, occupés à désensabler la route encaissée qui rejoignait l’esplanade, au pied de la muraille. Il ne les enviait pas. Le soleil martelait le haut mur à tourelle qui dressait sa blancheur aveuglante au-dessus du désert, transformant la route en fournaise. Tout en haut, sur les remparts, une sentinelle se pencha d’une tour en saillie pour observer le marché presque vide.

— Quoi qu’il en soit, ces rumeurs doivent être rapportées au commandant avant qu’il ne les apprenne par d’autres.

— Il ne nous remerciera pas de lui relater ces stupidités.

— Ni de les lui avoir tues, si elles répandent la panique.

— Chef ! Chef !

Le scribe Hori courait vers eux, évitant les hommes et les femmes chargés de marchandises et deux chiens haletants, trop accablés par la chaleur pour aboyer. C’était un adolescent d’une quinzaine d’années, un peu grassouillet.

— Le commandant veut vous voir, toi et le capitaine Neboua.

— Que se passe-t-il encore ?

Hori essuya les perles de sueur sur sa lèvre supérieure.

— Le scribe qui a transmis l’ordre au poste de garde a dit qu’un courrier est venu de Ma’am, porteur d’un message du vice-roi. Peu après, il a entendu le commandant hurler à Tiya et à Mervet qu’il ne voulait plus voir leurs petits braillards dans ses jambes.

— Oh oh ! murmura Neboua.

Tiya et Meryet étaient l’épouse et la concubine de Thouti, qui considérait d’ordinaire les nombreux petits enfants de la maisonnée avec l’indulgence d’un père au cœur tendre. Bak marmonna un juron. Malgré de brusques sautes d’humeur, Thouti conservait généralement son sang-froid. Quelle avait été la teneur du message, pour qu’il s’en prenne aux êtres qui lui étaient les plus chers ?

 

— Un fonctionnaire de second ordre ! Gardien des greniers d’Amon ! vociférait le commandant d’une voix vibrante de fureur. À quoi pense donc notre souveraine ? Un homme qui ne connaît rien à l’armée, qui ne sait sûrement pas tenir une lance ni même marcher au pas ! Et il est censé inspecter les forteresses de Ouaouat ? Par la barbe d’Amon, quel esprit malin s’est emparé d’elle ? s’écria-t-il en abattant le poing sur son accoudoir.

Bak échangea un coup d’œil avec Neboua, debout à côté de lui devant Thouti. Le capitaine, peu adonné à la diplomatie et à la patience, se trouvait pour une fois réduit au silence. Pas plus que Bak, il ne jugeait opportun d’interrompre le commandant pour l’informer des rumeurs qui circulaient au marché.

— Pas même le vice-roi Inebni, le fonctionnaire le plus puissant de Ouaouat et de Kouch[2], ne pourrait empêcher cette maudite inspection. Savez-vous pourquoi ?

— Non, chef ! répondirent Bak et Neboua à l’unisson.

Que Thouti n’ait pas pensé à leur offrir un siège, et de la bière pour étancher leur soif montrait assez l’ampleur de sa colère. Il fronçait ses épais sourcils noirs et redressait son menton volontaire, la bouche dure et pincée.

Il se leva d’un bond et ouvrit la porte de sa salle d’audience privée. Au-dehors, la cour était aussi silencieuse qu’un tombeau à jamais scellé. Pour obtenir ce calme rarissime, Tiya et Meryet étaient sans doute sorties avec les enfants.

— C’est le cousin de notre souveraine, cracha Thouti. Le propre cousin de Maakarê Hatchepsout ! Lui qui, nourrisson, rampait déjà dans les couloirs du pouvoir, s’entend à plaire aux grands de Kemet.

— Je ne comprends pas, chef.

Bak passa le pouce sous la ceinture de son pagne pour tenter d’en déloger le sable. Il devait avoir l’air aussi sale que Neboua.

— Le vice-roi inspecte régulièrement les forteresses. Pourquoi la reine envoie-t-elle un autre émissaire ?

— Ne se fie-t-elle plus à Inebni ? questionna Neboua.

Thouti les considéra avec surprise, comme s’il ne lui était pas venu à l’esprit qu’il ne se faisait pas entendre clairement.

— Que faites-vous debout, tous les deux ? Où est la bière que j’ai demandée pour vous ?

Il sortit dans la cour et cria à une servante d’apporter à boire.

Neboua adressa un clin d’œil à Bak, qui esquissa un sourire et chercha des yeux où s’asseoir. Contre le mur s’entassaient des armes. Des jouets encombraient le sol, les coffres et les tabourets. Près du fauteuil de Thouti, un panier débordait de rouleaux de papyrus. Bak balaya d’un geste les pièces d’un senet[3] dans le tiroir d’une table de jeu et posa sur le dessus les assiettes d’une dînette, libérant un tabouret. Neboua ramassa un siège pliant d’une main et, de l’autre, une poupée de chiffon, un jouet en bois à tirer par une ficelle et plusieurs balles qu’il jeta dans un panier, comme s’il s’entraînait en prévision du temps où son bébé serait en âge de semer le désordre.

Regagnant son fauteuil, Thouti ajusta l’épais coussin chamarré et s’assit. Pendant que ses subordonnés s’installaient devant lui, il passa sa main sur son front, ses yeux, son menton bleui par une barbe naissante. Il attendit pour parler que la servante soit partie et que chacun des deux hommes ait goûté l’âcre breuvage épais dans sa cruche. Il paraissait las, vidé par son explosion de colère.

— Amonked, gardien des greniers d’Amon, fait voile vers Ouaouat en ce moment même afin d’inspecter nos forteresses. Selon Inebni, qui s’appuie sur plusieurs sources dignes de foi à la maison royale, la reine est indifférente à nos actions militaires contre les pillards du désert, qui convoitent ce qui lui appartient de droit. Elle veut abandonner la plupart des places fortes du Ventre de Pierres et transformer le reste en entrepôts pour les marchandises qui transitent par le fleuve. Les effectifs de l’armée seraient réduits au strict minimum et la suprématie reviendrait aux fonctionnaires.

« Ainsi, la rumeur était fondée, songea Bak avec consternation. Pas étonnant que Thouti soit dans tous ses états ! »

En tant que commandant de Bouhen, la plus grande cité fortifiée de la frontière, Thouti administrait les dix forteresses qui formaient une chaîne plus au sud, sur la partie du fleuve nommée le Ventre de Pierres. Une région aride, désolée et rocailleuse, où quantité d’îlots et de rapides rendaient les eaux impraticables sauf au plus fort de la crue. Même alors, les navires n’accomplissaient ce périple qu’au prix d’extrêmes difficultés. Le plus clair de l’année, les marchandises étaient transportées à dos d’âne, par des caravanes qui empruntaient la piste du désert parallèle à la rive. Les garnisons protégeaient et contrôlaient le trafic à travers ce couloir naturel ; elles percevaient les tributs et les taxes, menaient des expéditions punitives. Aucune de ces tâches n’était assez noble pour valoir à un soldat l’or de la vaillance, néanmoins Bak ne doutait pas de leur nécessité.

— Notre succès l’aveugle, grogna Neboua. Si nous avions perdu un convoi d’or ou si l’un de ses précieux émissaires avait été enlevé afin d’être échangé contre des trésors, elle serait moins pressée de se débarrasser de nous.

— Menkheperrê Thoutmosis[4] est-il au fait de la situation ? demanda Bak.

Le beau-fils et neveu d’Hatchepsout, qui ne gouvernait avec elle qu’officiellement, était aux yeux de bien des gens l’unique héritier légitime. Alors que la reine résidait à Ouaset, entourée de fidèles conseillers, le jeune homme vivait dans la capitale du Nord, Mennoufer, où il avait entrepris de reconstruire l’armée négligée depuis des années par le pouvoir.

— Qu’est-ce que cela y changerait ? Tu sais comment elle est quand son cœur se fixe un but, remarqua Thouti, qui avala une longue gorgée de bière, puis s’essuya la bouche d’un revers de main. Amonked progresse rapidement. Il devrait arriver à Bouhen dans environ une semaine.

— Que pouvons-nous faire ? interrogea Bak d’un ton déterminé.

— Je projette d’accompagner le groupe d’inspection en amont, révéla Thouti avec un fin sourire. J’expliquerai à Amonked l’importance de l’armée pour cette terre et cette population, ainsi que les enjeux qu’elles représentent pour nous. Je lui montrerai que leur prospérité tient à notre présence, car nous les protégeons au même titre que l’or, l’ébène et les pierres précieuses tant convoités par la maison royale. Chacun de vous désignera un sergent pour m’escorter. Cet homme devra être digne de confiance, il devra savoir se défendre en cas de besoin et ne pas se laisser intimider par une bande de scribes vaniteux.

— Le sergent Pachenouro, proposa Bak. Excepté Imsiba, c’est mon meilleur Medjai.

Neboua se gratta pensivement le crâne.

— Le sergent Dedou entraîne les nouvelles recrues et aurait grand besoin d’un répit.

— Approuvé.

Thouti jeta un coup d’œil ennuyé vers l’autre côté de la résidence, par-delà la cour, où deux femmes s’efforçaient sans grand succès de chuchoter.

— J’ai envoyé un messager en amont afin d’avertir les commandants des différentes forteresses. Il me déplaît de leur annoncer cette mauvaise nouvelle, cependant ils doivent s’y préparer.

— Mieux vaut qu’ils l’apprennent par toi que par la rumeur, approuva Bak, qui s’expliqua davantage et évoqua aussi, pour faire bonne mesure, la possibilité d’un retour du pillard Hor-pen-Dechret.

Thouti fut soulagé que sa missive soit partie à temps, même si le messager devait laisser dans son sillage la colère et la rancœur. Quant à Hor-pen-Dechret, il ne lui accorda guère d’attention. Il partageait le sentiment de Bak : comparé à un désastre peut-être imminent, les visées d’un chef tribal semblaient de moindre importance.

— Il te faudra plus de deux sergents pour protéger Amonked, observa Neboua, étirant ses jambes devant lui en remuant ses orteils sales. Une compagnie de lanciers n’y suffirait pas !

Thouti se rembrunit à cette plaisanterie, trop proche de la vérité à son goût.

— Combien de temps résidera-t-il à Bouhen ? s’enquit Bak.

— Seulement quelques jours, j’espère.

— Et de quel genre de protection aura-t-il besoin ?

Songeur, Thouti tapota machinalement l’accoudoir de son fauteuil.

— Durant son séjour ici, nous le logerons, lui et sa suite, dans la maison qu’occupaient le lieutenant Neferperet et sa famille avant leur retour à Kemet. Elle se trouve assez près de la résidence pour qu’il ne puisse s’offusquer et assez loin pour que sa présence n’occasionne pas une gêne constante.

— Mais elle est en ruine, remarqua Neboua.

Le commandant balaya cette objection d’un geste de la main.

— Elle sera réparée, repeinte et remeublée. Cela devrait suffire. Ils ne peuvent s’attendre au luxe de la capitale.

— Et en ce qui concerne la protection ? insista Bak.

— Je veux que cette bâtisse soit parfaitement gardée, lieutenant. Par des Medjai, non par des soldats dont l’avenir repose peut-être entre les mains d’Amonked. Et, ajouta Thouti d’un ton tranchant, pas question que quiconque ici lui porte ombrage en raison de sa mission. Je ne tolérerai pas plus que ses subalternes créent le moindre problème.

— Compris, chef. Mais sait-il que le niveau du fleuve est trop bas pour remonter le cours, au sud de Kor ? Il faudra organiser une caravane afin de couvrir la distance jusqu’à Semneh.

L’ancien fortin de Kor était situé à une heure de marche de Bouhen, à l’embouchure du Ventre de Pierres. Il servait d’étape. Là, les marchandises des navires étaient chargées sur des ânes, en vue du long voyage qui permettrait de contourner les rapides ; au retour, les nouvelles denrées convoyées par les bêtes étaient transférées à bord.

— S’il ne l’a pas appris des marins habitués à nos eaux, le vice-roi comblera cette lacune.

Un éclat de rire, vite étouffé, attira l’attention de Thouti vers la porte.

— Il lui faudra un chef de caravane, capitaine. Un homme à qui tu confierais ta vie. Si détestable que soit la mission qui l’amène, le voyage d’Amonked doit se dérouler sans heurt afin qu’il n’ait aucun motif de plainte.

— Sechou ! proposa Neboua sans une hésitation. Il est de passage à Bouhen. Dois-je aller le chercher ?

— Au plus vite ! dit Thouti, d’un ton aussi sec qu’un champ délaissé par la crue. Avec de la chance, j’arriverai à le convaincre de diriger la caravane.

 

— Maintenant que j’ai nourri le petit Hori, je suppose que tu voudras aussi te remplir le ventre, maugréa Noferi.

— Une cruche de bière fera l’affaire.

Bak suivit la vieille obèse dans la cour, où un mince adolescent à la peau foncée allumait une torche pour refouler les ténèbres.

— J’ai mangé à la caserne avec mes hommes. Ragoût de poisson, comme d’habitude.

— Tu as entendu, Amonaya, dit-elle au jeune garçon. Apporte de la bière, puis va chercher ton nécessaire à écrire. Hori t’attend.

Il grimaça derrière son dos, faisant savoir à Bak qu’il n’appréciait pas les leçons que le scribe de la police acceptait de lui donner. Noferi tenait à ce qu’il puisse, à l’avenir, l’aider à diriger son affaire, la plus grande maison de plaisir de Bouhen.

Une malédiction vigoureuse résonna par une porte ouverte donnant sur la vaste pièce principale. À l’intérieur, quatre hommes assis par terre jouaient aux osselets ; une douzaine d’autres et deux jeunes femmes à peine vêtues, formant de petits groupes, discutaient à voix basse, une cruche de bière à la main. Des paris furent lancés, les osselets roulèrent bruyamment sur le sol, le gagnant leva les bras en clamant sa joie. Bak craignit pour sa sécurité. Les nerfs étaient à fleur de peau depuis que la nouvelle d’une mission d’inspection s’était propagée.

D’un pas traînant, Noferi traversa la cour vers une chaise de bois, placée de sorte qu’elle puisse voir et être vue de ses clients. Satisfaite, elle s’installa avec une dignité royale sur les épais coussins qui garnissaient le siège neuf, symbole de sa prospérité, qu’elle avait fait venir de Ouaset.

Se détournant pour dissimuler un sourire affectueux, Bak s’assit sur un banc de brique attenant au mur. La brise, si agréable lorsqu’il s’était baigné dans le fleuve, au crépuscule, avait fraîchi. Elle faisait bruire les feuilles de palmier de l’auvent qui abritait la moitié de la cour, et danser les branches d’un sycomore en pot. Six grosses jarres appuyées contre le mur du fond exhalaient de forts effluves de bière.

— Le commandant attend un visiteur de haut rang. Le sais-tu ?

— Qui l’ignore encore ? La nouvelle s’est répandue dans tout Bouhen comme la paille sous le vent. Un noble fonctionnaire vient conduire une inspection dans le Ventre de Pierres. Il conclura que les forteresses sont inutiles, et nous avec.

« La rumeur n’est pas encore éloignée de la réalité, mais d’ici quelques jours, elle sera exagérée au point d’en être méconnaissable, songea Bak. Le temps que le groupe d’inspection arrive, Amonked sera l’homme le plus haï de la frontière. »

— Dis-moi, vieille femme, toi qui résidais autrefois dans la capitale, as-tu connu ce gardien des greniers d’Amon ?

Un jeune lion, presque adulte, sortit de l’ombre à pas feutrés pour s’allonger aux pieds de Noferi. Tandis qu’elle se penchait pour lui gratter le cou, Bak entrevit sur son visage l’expression de ruse familière.

— Si tu veux que je te fournisse des renseignements valables, commence donc par me dire son nom.

— Quoi, tu ne l’as pas entendu ? demanda Bak d’un air de stupeur. Que vais-je faire ? Chercher un nouvel informateur, que la prospérité n’empêche pas de marcher dans les rues de cette ville en ouvrant les yeux et les oreilles ?

Elle joignit les mains contre sa poitrine et, levant son regard vers les étoiles, répliqua avec emphase :

— Que de fois ai-je supplié les dieux de me libérer de toi !

Il tapota le genou gras, dissimulé sous la longue tunique blanche.

— Avoue que je te manquerais, tout comme mes questions.

— Autant qu’une épine dans la plante du pied, répliqua-t-elle d’un ton bourru, les yeux pétillant de malice.

Amusé, Bak étendit ses jambes et croisa les chevilles.

— L’inspecteur se nomme Amonked. Cousin de notre souveraine.

Elle le regardait fixement, remuant des pensées indéchiffrables, dont Bak soupçonna qu’elles lui coûteraient cher. Soudain, elle pouffa de rire.

— Intendant d’Amon. Pas un titre très brillant, si tu veux mon avis. J’aurais cru qu’Hatchepsout récompenserait mieux son dévouement aveugle.

— Tu ne cesseras jamais de m’étonner ! s’esclaffa Bak. Connaissais-tu tous les hommes de la capitale ?

— J’ai entendu parler d’Amonked, voilà tout.

Amonaya franchit la porte, apportant un panier rempli de cruches de bière. Il approcha une petite table basse, y déposa son fardeau et se hâta de repartir.

— Il ne fréquentait pas l’endroit où je travaillais, reprit Noferi, et je ne l’ai jamais vu quand on m’appelait ailleurs, pour divertir les hommes de pouvoir ou de valeur.

Bak brisa le bouchon de terre séchée qui scellait une cruche et la lui tendit. Jadis courtisane et d’une foudroyante beauté, elle avait été adulée par des princes, comme le lui avait appris un homme qui l’avait connue bien longtemps auparavant. Les années avaient effacé ses attraits, mais ses souvenirs demeuraient et, même si elle n’aimait pas y replonger, ils étaient pour Bak une chance inespérée. Les lui arracher exigeait souvent plus de patience qu’Amon lui-même n’en possédait, mais ces informations le valaient bien.

Les osselets roulèrent, un homme se lamenta ; à cet instant précis, Neboua fit irruption dans la salle. Il sortit dans la cour, prit une cruche dans le panier et se tourna pour la tendre à Sechou, juste derrière lui. Les cheveux humides, les deux hommes venaient de plonger dans le fleuve. Comme Bak, ils portaient des pagnes courts d’une blancheur immaculée.

— Regarde-les ! dit Neboua en observant tour à tour Bak et Noferi. Aussi joyeux qu’un prêtre et une pleureuse.

Sechou s’approcha de Noferi en souriant et lui pinça la joue.

— Superbe chaise, ma chère. Et bien digne de la femme la plus charmante de la frontière sud.

Bak contint son hilarité et Neboua parut décontenancé. Pour traiter Noferi avec tant d’impudence, il fallait se prévaloir d’une amitié solide ou posséder un rare courage. Elle éclata de rire, si fort qu’elle en eut les larmes aux yeux, et Sechou avec elle. Les officiers ne résistèrent pas à cette gaieté communicative.

Quand ils eurent recouvré leur sérieux, Sechou alla chercher deux tabourets et en offrit un à Neboua. Bak lui demanda :

— As-tu accepté de diriger la caravane d’Amonked ?

— Oui. Je ne peux pas dire que le but de sa mission m’enchante. Sans les garnisons du Ventre de Pierres, le pays de Kemet peut aussi bien renoncer à Ouaouat. Mais comment refuser ? Je connais les tribus de maraudeurs qui sévissent dans la région, sans parler d’Hor-pen-Dechret.

— Des rumeurs aussi fausses qu’une perruque de cérémonie, affirma Neboua.

Ne partageant visiblement pas cette conviction, Sechou poursuivit :

— Je ne serais pas tranquille si je tournais le dos en laissant cette caravane foncer droit vers les ennuis. Non seulement Amonked, mais de nombreux âniers pourraient être blessés ou tués.

— Je n’ai pas entendu parler de raids, récemment, remarqua Noferi.

— Il n’y en a pas eu, répondit Sechou, qui s’accouda sur ses genoux, la cruche entre les mains. Les tribus ont été calmes cette année. Elles se sont tenues à l’écart du fleuve, car la nourriture ne manquait ni pour les bêtes ni pour les gens. D’après ce que j’ai entendu, aucun des points d’eau ne s’est tari et la plupart des oasis sont verdoyantes. Mais ça ne veut pas dire que les nomades résisteront à la tentation. J’imagine mal un homme de haut rang voyager avec aussi peu de confort que nous.

Ils s’entre-regardèrent sombrement, sachant, comme ceux qui vivaient sur la frontière, à quel point les nomades pouvaient être dangereux face à un riche butin. Les trois hommes avaient une expérience de première main, ayant personnellement affronté les pillards. Quant à Noferi, elle avait vu des caravanes en déroute arriver dans la forteresse, ayant perdu la plupart de leurs ânes, et les hommes plus morts que vifs.

Sans s’attarder sur ce point, Bak se servit une nouvelle bière et en passa aux autres.

— Noferi s’apprêtait à révéler ses plus noirs secrets.

— Ah ! Me cacherais-tu quelque chose, mon amour ? interrogea Sechou, la voix soudain brisée par une feinte émotion.

Un sourire joua sur les lèvres de Noferi.

— Nous parlions de la jeunesse d’Amonked. Comme je le disais à Bak, je ne l’ai pas connu. Il était plus jeune que moi, et pas du genre à fréquenter les maisons de plaisir. Néanmoins, c’est un petit monde que la noblesse et je savais certains détails à son sujet.

Elle se baissa pour caresser le fauve, qui se mit à ronronner.

— Amonked passait pour un garçon agréable, doté d’un bon caractère. Il était le favori d’Hatchepsout, alors princesse. La première fille du roi, sa préférée, gâtée par son père et par sa mère. Le gamin la suivait comme une ombre. Elle pouvait toujours compter sur lui pour exécuter ses quatre volontés.

Noferi conclut d’un ton grave :

— À moins qu’il n’ait beaucoup changé, il veillera à la satisfaire, même s’il est fermement convaincu que le Ventre de Pierres doit rester sous l’égide de l’armée.

Sous l'oeil d'Horus
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