13

Les Duncan trouvent toujours étrange que j’aie préféré utiliser des femmes dans mes forces de combat. Mes Truitesses, en fait, ne sont ni plus ni moins qu’une armée provisoire. Tout en étant capables de beaucoup de violence et de hargne, les femmes diffèrent profondément des hommes dans leur engagement au combat. Le berceau de la genèse les prédispose en définitive à un comportement plus protecteur de la vie. Elles ont suffisamment prouvé qu’elles étaient les meilleures gardiennes du Sentier d’Or, aptitude que je ne cesse de cultiver au cours de leur période de formation. Pendant un temps, elles sont tenues à l’écart des activités de routine. Je leur offre des cérémonies de partage qu’elles pourront se remémorer avec joie durant le reste de leur existence. Elles atteignent leur majorité en compagnie de leurs sœurs et cela les prépare à des circonstances plus profondes. Le partage, en ces occasions, est toujours une préparation à quelque chose de plus grand. La brume de la nostalgie enveloppera ces journées passées au milieu de leurs sœurs et les transformera en quelque chose de plus que ce qu’elles furent réellement. C’est ainsi que le présent modifie l’histoire. Tous les contemporains ne résident pas dans la même période. Le passé évolue continuellement, mais rares sont ceux qui s’en aperçoivent.

Les Mémoires Volés.

Après avoir fait avertir les Truitesses, Leto descendit en fin de soirée dans la crypte. Il avait jugé préférable d’avoir ce premier entretien avec un nouveau Duncan Idaho dans un local obscur où il pouvait préparer le ghola à la vue de son corps prévermiforme. Il y avait, taillée dans la roche noire de la partie centrale de la crypte, une petite salle qui convenait parfaitement à cet usage. Elle était assez grande pour contenir Leto et son chariot, mais le plafond était bas. La lumière venait de brilleurs cachés qu’il pouvait régler à volonté. Il n’y avait qu’une seule entrée, mais elle se composait de deux parties. La première, grande ouverte, pouvait laisser passer le Chariot Royal. La seconde formait une porte aux dimensions humaines.

Leto introduisit son Chariot Royal dans la pièce, referma le portail et ouvrit la petite porte. Puis il se prépara à l’entrevue.

L’ennui était, de plus en plus, un problème majeur. Les réactions des gholas envoyés par le Tleilax devenaient affreusement répétitives. Un jour, Leto avait fait savoir aux Tleilaxu qu’ils devaient cesser de lui livrer des Duncan ; mais ils savaient que, sur ce point, il leur était permis de lui désobéir.

Parfois, j’ai l’impression qu’ils le font uniquement pour préserver la flamme de la désobéissance !

Les Tleilaxu profitaient d’un élément important qui, savaient-ils, les protégeait aussi dans d’autres domaines.

La présence d’un Duncan fait plaisir au Paul Atréides qui est en moi.

Comme il l’avait expliqué à Moneo, alors que celui-ci venait d’occuper ses fonctions à la Citadelle :

— Les Duncan ne doivent pas venir à moi préparés uniquement par les Tleilaxu. Tu veilleras à ce que mes houris les dorlotent et répondent à quelques-unes de leurs questions.

— A quel genre de question doivent-elles répondre, Mon Seigneur ?

— Elles le savent.

Au fil des ans, naturellement, Moneo avait eu le temps de se roder à cette procédure.

Leto entendit la voix de Moneo qui s’approchait dans la crypte, escorté par quelques Truitesses. Puis il distingua le pas hésitant du nouveau ghola.

— C’est cette porte, dit le majordome. Il fera noir à l’intérieur, et nous refermerons la porte derrière vous. Restez immobile et attendez que le Seigneur Leto s’adresse à vous.

— Pourquoi dans l’obscurité ? protesta le Duncan d’une voix chargée d’agressivité soupçonneuse.

— Il l’expliquera lui-même.

On poussa Idaho dans la pièce et la porte se referma.

Leto savait exactement ce que voyait le ghola. Uniquement des ombres parmi d’autres ombres où même la source d’une voix était impossible à situer. Comme d’habitude, Leto se servit de la voix de Paul Muad’Dib.

— Cela me fait plaisir de te revoir, Duncan.

— Mais moi, je ne vous vois pas !

Idaho était un guerrier, et les guerriers attaquent. Cela confirma à Leto que le ghola avait toute son intégrité par rapport à l’original. Le mimodrame dont les Tleilaxu se servaient pour raviver leur mémoire d’avant la mort laissait toujours planer quelques incertitudes dans l’esprit des gholas. Certains Duncan étaient persuadés d’avoir menacé le vrai Paul Muad’Dib. C’était le cas de celui-là.

— J’entends la voix de Paul, mais je ne le vois pas, murmura Idaho.

Il n’essayait pas de dissimuler ses frustrations. Elles passaient entièrement dans sa voix.

Pourquoi un Atréides joue-t-il à ce jeu stupide ? Paul est mort il y a longtemps et c’est Leto qui est ici, le dépositaire des souvenirs ressuscités de Muad’Dib… et de beaucoup d’autres, s’il faut croire ce que racontent les Tleilaxu.

— On t’a expliqué que tu n’étais que le dernier en date d’une longue série de reproductions, déclara Leto.

— Je n’ai aucun de ces souvenirs.

Leto perçut la note d’hystérie dans la voix du Duncan, à peine couverte par la bravade du guerrier. Ce maudit processus de restauration tleilaxu avait une fois de plus provoqué un véritable chaos mental. Ce Duncan arrivait presque en état de choc, prêt à croire qu’il était fou. Leto n’ignorait pas que, pour rassurer le pauvre diable, il allait devoir faire appel à ses talents de persuasion les plus subtils. Cela risquait d’être émotionnellement épuisant pour tous les deux.

— Il y a eu beaucoup de changements, Duncan. Mais une chose demeure : Je suis toujours un Atréides.

— Ils m’ont dit que votre corps était…

— Oui, c’est vrai ; cela fait partie des changements.

— Maudits Tleilaxu ! Ils ont essayé de me faire tuer quelqu’un que je… quelqu’un qui vous ressemblait. Je me suis tout d’un coup rappelé qui j’étais, et il y avait devant moi ce… Peut-être qu’il s’agissait d’un ghola de Muad’Dib ?

— Rien qu’un Danseur-Visage, je t’assure.

— Il ressemblait tellement à… Même sa voix… Vous êtes sûr ?

— Un simple acteur. En est-il sorti vivant ?

— Bien sûr ! C’est comme cela qu’ils ont ravivé ma mémoire. Un foutu truc. Ils m’ont tout expliqué. C’était la vérité ?

— C’était la vérité, Duncan. Je déteste ce qu’ils t’ont fait, mais je l’ai autorisé pour le plaisir de ta compagnie.

Les victimes en puissance survivent toujours, songea-t-il. Du moins dans le cas des Duncan qui arrivent ici. Car il y a eu des bavures, des Paul assassinés et des Duncan perdus. Mais il reste toujours d’autres cellules originales, soigneusement conservées.

— Et votre corps ? demanda Idaho.

Muad’Dib pouvait se retirer à présent. Leto reprit sa voix normale.

— J’ai accepté la peau de truite à la place de la mienne. Je n’ai pas cessé de me transformer depuis.

— Pourquoi ?

— Je te l’expliquerai en temps voulu.

— Les Tleilaxu m’ont dit que vous aviez l’aspect d’un ver des sables.

— Que t’ont dit mes Truitesses ?

— Que vous étiez Dieu. Pourquoi les appelez-vous ainsi ?

— L’origine est ancienne. Les premières prêtresses parlaient aux poissons dans leurs rêves. Elles apprenaient de cette manière des choses très utiles.

— Comment le savez-vous ?

— Je suis ces femmes… et tout ce qu’il y a eu avant et après elles.

Leto perçut le bruit que faisait Idaho en voulant déglutir malgré sa gorge sèche, puis le ghola murmura :

— Je comprends la raison de cette obscurité. C’est pour me donner le temps de m’habituer.

— Tu as toujours eu l’esprit vif, Duncan.

A part les fois où ce fut le contraire.

— Depuis combien de temps dure cette transformation ?

— Plus de trois mille cinq cents ans.

— Alors, ce que m’ont dit les Tleilaxu est vrai.

— Ils osent rarement mentir, à présent.

— Cela fait beaucoup de temps.

— Pas mal, oui.

— Et… les Tleilaxu m’ont… reproduit… plusieurs fois ?

— Plusieurs.

C’est le moment de demander combien, Duncan.

— Combien de copies de moi y a-t-il eu ?

— Je te laisserai consulter les archives toi-même.

Et c’est parti, se dit Leto.

Cet entretien avait toujours paru satisfaire les Duncan, mais on ne pouvait se méprendre sur la nature de la question : « Combien de copies de moi ? » Les Duncan ne faisaient pas de distinction entre leurs différentes représentations charnelles bien que, dans une même souche, aucun souvenir commun ne pût être transmis d’un ghola à l’autre.

— Je me rappelle ma mort, murmura Idaho. Les lames des Harkonnen s’abattaient de partout, cherchant à vous atteindre, Jessica et vous.

Leto reprit momentanément la voix de Muad’Dib :

— J’y étais, Duncan.

— Je ne suis qu’un remplaçant, n’est-ce pas ? demanda Idaho.

— C’est exact.

— Comment l’autre… mon double… comment est-il mort ?

— Toute chair est condamnée à s’éteindre, Duncan. C’est dans les archives.

Leto attendit patiemment, curieux de savoir combien de temps encore ce Duncan-là se contenterait de son histoire édulcorée.

— A quoi ressemblez-vous vraiment ? demanda Idaho. Qu’est-ce que c’est que ce corps vermiforme dont les Tleilaxu m’ont fait la description ?

— Ce corps produira un jour des sortes de vers des sables. Il est déjà bien avancé sur le chemin de la métamorphose.

— Qu’est-ce que ça veut dire, des sortes ?

— Il aura davantage de ganglions. Il sera conscient.

— Ne pourrions-nous pas avoir plus de lumière ? J’aimerais vous voir.

Leto fit fonctionner les brilleurs. Une vive clarté illumina la pièce, dont les parois noires contribuaient à fixer l’attention sur le Chariot Royal et sur toutes les parties visibles du corps de Leto.

Idaho parcourut du regard le corps gris aux facettes argentées, notant ici et là la naissance des sections annelées, les zones d’articulation courbes… et les excroissances qui avaient dû être un jour des jambes et des pieds. Il vit que l’une d’elles était sensiblement plus courte que l’autre. Il reporta alors son attention sur les bras et les mains, correctement délimités, puis leva finalement la tête en direction du visage rose encapuchonné de replis, ridicule protubérance qui paraissait perdue dans l’immensité d’un tel corps.

— Tu vois, Duncan, je t’avais prévenu, fit Leto.

Idaho, sans répondre, fit un geste dans la direction du corps prévermiforme. Leto précéda sa question :

— Pourquoi ?

Le ghola hocha la tête.

— Je suis toujours un Atréides, Duncan. Je t’assure, par tout l’honneur que ce nom représente, qu’il y avait des raisons impératives.

— Quelles raisons pouvaient être…

— Tu les connaîtras en temps voulu.

Idaho se contenta de secouer la tête.

— Ce n’est pas une révélation plaisante, reprit Leto. Il faut que tu t’y prépares, en apprenant d’abord un certain nombre d’autres choses. Crois-en la parole d’un Atréides.

Au fil des siècles, Leto s’était aperçu que cet appel aux loyautés profondes du Duncan envers tout ce qui touchait aux Atréides avait pour effet de tarir le flot immédiat des questions personnelles. Une fois de plus, la formule fut efficace.

— Ainsi, je vais servir encore les Atréides, murmura Idaho. Voilà qui est étrangement familier, n’est-ce pas ?

— Dans plus d’un sens, mon vieil ami.

— Vieux pour vous, peut-être, mais pas pour moi. De quelle manière servirai-je ?

— Mes Truitesses ne te l’ont pas dit ?

— Elles ont dit que j’allais commander votre Garde d’élite, une force choisie parmi elles. Je ne comprends pas ça. Une armée de femmes ?

— J’ai besoin d’un compagnon de confiance pour commander ma Garde. Tu as une objection à faire ?

— Mais pourquoi des femmes ?

— Il y a des différences de comportement entre les deux sexes qui font que les femmes sont particulièrement indiquées pour ce rôle.

— Vous ne répondez pas à ma question.

— Tu crois qu’elles ne sont pas compétentes ?

— Certaines m’ont paru assez coriaces, mais…

— D’autres se sont montrées… plutôt faibles avec toi ?

Le visage du Duncan s’empourpra.

Leto trouva cette réaction charmante. Les Duncan figuraient parmi les rares humains de leur temps capables de faire une chose pareille. Elle pouvait s’expliquer, sans doute, par leur formation initiale, leur sens particulier de l’honneur – très chevaleresque.

— Je ne comprends pas comment vous pouvez confier votre protection à des femmes, déclara Idaho tandis que le sang refluait lentement de ses joues. Il regarda Leto dans les yeux.

— Mais je l’ai toujours fait, Duncan. Exactement comme à toi. Je leur confie ma vie.

— De quoi avons-nous à vous protéger ?

— Moneo et les Truitesses te mettront au courant.

Idaho se balançait d’un pied sur l’autre, au rythme de ses battements de cœur. Il laissait errer son regard dans la petite salle, sans le fixer sur rien. Puis, avec la soudaineté d’une décision abrupte, il reporta toute son attention sur Leto.

— Comment dois-je vous appeler ?

C’était le signe d’acceptation que Leto attendait.

— Seigneur Leto : est-ce que ça ira ?

— Oui… Mon Seigneur, fit Idaho en fixant les yeux de Leto, d’un pur bleu fremen. Est-ce vrai, ce que disent vos Truitesses… que vous possédez… tous les souvenirs de…

— Nous sommes tous là, en effet, Duncan…

Leto avait parlé avec la voix de son grand-père paternel.

— Même les femmes sont là, Duncan.

C’était la voix de Jessica, la grand-mère paternelle de Leto.

— Tu les a bien connus, dit Leto. Et ils te connaissent bien.

Idaho prit une longue inspiration tremblante.

— Il va me falloir un moment pour m’y habituer.

— Exactement la réaction que j’ai eue au début, déclara Leto.

Une explosion de rire secoua Idaho. Leto se dit que c’était bien plus que ne le méritait sa piètre plaisanterie, mais il demeura silencieux.

— Vos Truitesses avaient été priées de me mettre de bonne humeur, n’est-ce pas ? demanda Idaho au bout d’un moment.

— Y sont-elles parvenues ?

Le Duncan étudia le visage de Leto, où il reconnaissait les traits distinctifs des Atréides.

— Vous autres, Atréides, vous me connaissez trop bien depuis toujours.

— Voilà qui est mieux, dit Leto. Tu commences à accepter l’idée que je ne suis pas juste un Atréides, mais tous les Atréides en même temps.

— Paul m’a dit cela une fois.

— C’est exact !

Dans la mesure où une personnalité peut être caractérisée par ses intonations et sa voix, c’était Muad’Dib qui venait de s’exprimer ainsi.

Idaho étouffa une exclamation, puis détourna son regard vers la porte.

— Vous nous avez pris quelque chose, dit-il. Je le sens. Toutes ces femmes… Moneo…

Nous contre eux, se dit Leto. Les Duncan choisissent toujours le côté humain.

Idaho regarda de nouveau Leto.

— Que nous avez-vous donné en échange ?

— Dans tout l’Empire, la Paix de Leto.

— Et je vois que tout le monde en est vraiment ravi ! C’est sans doute pour cela que vous avez besoin d’une Garde personnelle.

Leto sourit :

— Ma paix est en réalité une tranquillité forcée. De tout temps, les humains ont résisté à la tranquillité.

— C’est pourquoi vous nous donnez les Truitesses.

— Et une hiérarchie que l’on peut identifier sans se tromper.

— Une armée de femmes, murmura Idaho.

— La force la plus apte à captiver les hommes. Le sexe a toujours été un moyen de calmer l’agressivité du mâle.

— C’est la fonction de vos Truitesses ?

— Elles préviennent ou guérissent des excès qui pourraient conduire à une violence plus pénible.

— Et vous les laissez croire que vous êtes un dieu ? Je n’aime pas tellement ça.

— La malédiction du sacré m’est aussi désagréable qu’à toi !

Idaho fronça les sourcils. Ce n’était pas la réponse qu’il attendait.

— A quel genre de jeu jouez-vous, Seigneur Leto ?

— C’est un jeu très ancien, mais avec de nouvelles règles.

— Inventées par vous !

— Que préfères-tu ? Que je redistribue tout au CHOM, au Landsraad et aux Grandes Maisons ?

— Les Tleilaxu disent qu’il n’y a plus de Landsraad. Vous n’acceptez aucune autorité indépendante de la vôtre.

— Je pourrais m’effacer au profit du Bene Gesserit. Ou des Ixiens, ou encore du Tleilax. Veux-tu que je trouve un nouveau baron Harkonnen pour prendre en main les rênes de l’Empire ? Tu n’as qu’à le dire, Duncan, si tu veux que j’abdique !

Sous cette avalanche verbale, Idaho secoua de nouveau la tête.

— Dans de mauvaises mains, poursuivit Leto, un pouvoir monolithique et centralisé représente un outil dangereux et peu durable.

— Vos mains à vous sont bonnes ?

— Je ne sais pas en ce qui concerne les miennes, Duncan, mais j’ai des certitudes en ce qui concerne celles de mes prédécesseurs. Je les connais.

Idaho lui tourna le dos.

Quel geste fascinant, typiquement humain, se dit Leto. Le refus mêlé à l’acceptation d’une inévitable vulnérabilité.

Il s’adressa au dos de Duncan.

— Tu me reproches, non sans raison, de me servir des gens à leur insu et sans leur consentement.

Idaho se tourna de profil, puis fit pivoter lentement sa tête en la penchant de manière à scruter les yeux totalement bleus de Leto, dans le visage entouré de replis.

Il cherche à m’étudier, se dit Leto, mais il n’a qu’un visage pour lui servir de jauge.

Les Atréides avaient appris à leurs gens l’art de reconnaître les signaux subtils émis par le visage et le corps, et Idaho excellait habituellement à cela ; mais ses propres traits exprimaient à présent la perplexité : il se sentait dépassé.

— Quelle est la pire chose que vous pourriez me demander de faire ? murmura-t-il après s’être éclairci la voix.

Typique d’un Duncan ! songea Leto. Cette réplique était classique. Idaho voulait bien faire don de sa loyauté à un Atréides, auquel son serment le liait, mais il tenait à faire savoir qu’il n’était pas prêt à outrepasser les limites de sa propre morale.

— Je te demanderai de veiller sur ma personne par tous les moyens qui seront nécessaires, et de garder précieusement mon secret.

— Quel secret ?

— Que je suis vulnérable.

— Que vous n’êtes pas Dieu ?

— Pas dans ce sens extrême.

— Vos Truitesses ont parlé d’une rébellion.

— Elle existe.

— Pourquoi ?

— Ces gens-là sont jeunes et je n’ai pas encore pu les convaincre que mes méthodes sont préférables. Il est dur de convaincre les jeunes de quoi que ce soit. Ils savent tellement de choses à la naissance.

— Je n’avais jamais auparavant entendu un Atréides ironiser de cette façon sur les jeunes.

— C’est peut-être que je suis très vieux. Vieux à la énième puissance, pourrait-on dire. Et ma tâche est de plus en plus difficile à chaque génération qui passe.

— Quelle est votre tâche ?

— Tu la comprendras en chemin.

— Que se passera-t-il si je vous fais défaut ? Je serai éliminé par vos femmes ?

— J’essaie de ne pas culpabiliser inutilement les Truitesses.

— Mais vous me culpabiliseriez ?

— Si tu es d’accord.

— Si je constate que vous êtes pire que les Harkonnen, je me retournerai contre vous.

Encore typique d’un Duncan. Ils ne savent mesurer le mal qu’à l’aune des Harkonnen. Comme leur expérience du mal est étroite !

— Le Baron dévorait des planètes entières, Duncan. Que pourrait-il y avoir de pire que ça ?

— Dévorer l’Empire.

— Je porte en moi l’Empire, en gestation. Je mourrai en lui donnant le jour.

— Si je pouvais y croire…

— Tu commanderas ma Garde ?

— Pourquoi moi ?

— C’est toi qui es le meilleur.

— Un boulot dangereux, j’imagine. C’est ainsi que mes prédécesseurs sont morts ? En faisant votre boulot dangereux ?

— Pour certains, c’est exact.

— J’aimerais posséder les souvenirs des autres.

— Si tu les possédais, tu ne pourrais plus être l’original.

— Je veux quand même apprendre ce qui leur est arrivé.

— Facile.

— Ainsi donc, les Atréides ont toujours besoin d’une lame aiguisée ?

— Il y a des tâches que seul un Duncan Idaho peut accomplir pour nous.

— Cette façon de dire… nous

Idaho déglutit, regarda de nouveau la porte, puis le visage de Leto.

L’Empereur-Dieu lui parla comme aurait parlé Muad’Dib, mais toujours avec la voix de Leto.

— Quand nous sommes montés pour la dernière fois ensemble jusqu’au Sietch Tabr, tu avais toute ma loyauté et j’avais toute la tienne. Rien de cela n’a véritablement changé.

— Il s’agissait de votre père.

— Il s’agissait de moi !

La voix impérieuse de Paul Muad’Dib, sortant du corps massif de Leto, avait toujours le don d’impressionner les gholas.

Idaho murmura :

— Tous les Atréides… dans un seul… corps…

Puis il se tut.

Leto se taisait aussi. Le moment décisif était arrivé.

Au bout de quelques instants, Idaho s’autorisa son fameux sourire, du genre : après moi le déluge. Puis il murmura :

— Je m’adresserai principalement au premier Leto du nom, ainsi qu’à Paul, car ce sont eux qui me connaissent le mieux. Et je leur dirai : Faites bon usage de moi, car je vous ai aimés de tout mon être.

Leto ferma à demi les yeux. Ce genre de paroles l’emplissait toujours de détresse. Il n’ignorait pas que c’était à l’amour qu’il était le plus vulnérable.

Moneo, qui écoutait la conversation, vint promptement au secours de Leto. Il entra en disant :

— Mon Seigneur, dois-je conduire Duncan Idaho auprès des Gardes qu’il doit commander ?

— Oui.

Ce fut le seul mot que Leto parvint à prononcer.

Moneo prit le Duncan par le bras et le fit sortir.

Brave Moneo, se dit Leto. Tellement attentionné. Il me connaît si bien. Mais je désespère qu’il me comprenne jamais.

 

L'Empereur-Dieu de Dune
titlepage.xhtml
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_000.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_001.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_002.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_003.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_004.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_005.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_006.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_007.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_008.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_009.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_010.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_011.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_012.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_013.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_014.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_015.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_016.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_017.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_018.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_019.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_020.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_021.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_022.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_023.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_024.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_025.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_026.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_027.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_028.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_029.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_030.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_031.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_032.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_033.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_034.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_035.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_036.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_037.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_038.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_039.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_040.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_041.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_042.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_043.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_044.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_045.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_046.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_047.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_048.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_049.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_050.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_051.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_052.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_053.html
Herbert,Frank-[Dune-4]L'empereur-dieu de Dune(God emperor of Dune)(1981).MOBILE.French.ebook.AlexandriZ_split_054.html