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Caius et Kian foncèrent derrière le palefrenier mais Myrddin ne se trouvait plus dans le vestibule. Ils coururent alors dans la chambre et le virent penché au-dessus du lit où il avait allongé la jeune femme.
Aussitôt, les conseils de prudence de Caius, les mots rassurants d’Enid, disparurent de l’esprit de Kian. La colère et la jalousie s’emparèrent de lui. La peur aussi. Peur qu’il soit arrivé malheur à Azilis, que ce barde maudit l’ait blessée, meurtrie, malmenée.
Il se précipita vers le lit, bouscula violemment Myrddin et découvrit Azilis, livide, les yeux fermés et respirant à peine.
— Que lui as-tu fait ? Réponds !
— Je lui ai sauvé la vie et elle a besoin de repos. Le reste ne te concerne pas.
Le barde avait parlé avec un mépris qui blessa Kian en plein cœur. Aveuglé par la colère, il le frappa. Myrddin esquiva mais le poing de Kian l’atteignit malgré tout au visage et il faillit tomber.
— Kian ! Non ! cria Caius en se précipitant pour s’interposer. Arrête !
Myrddin recula vers la porte, une main sur la joue.
— Quelle ingratitude, tueur de berserker ! Je dépose ta compagne dans ton lit et tu m’écrases ton poing sur la figure ? Serais-tu jaloux, par hasard ? Craindrais-tu qu’elle ait pu se lasser d’une brute de ton espèce pour lui préférer un être plus raffiné ?
Kian n’était plus en mesure de se raisonner. Chaque mot du barde, l’inflexion dédaigneuse de sa voix, son regard arrogant, le blessaient aussi cruellement que les coups de fouet reçus lorsqu’il était esclave. Des larmes lui brûlèrent les yeux. Il tira son épée, balayant au passage une lampe qui tomba sur la mosaïque du sol.
— Calme-toi, Kian ! répéta Caius en s’interposant.
Cette fois, Myrddin eut un rire plein de morgue.
— Quelle scène ridicule, tueur de berserker ! Je comprends tes doutes, évidemment ! Mais essaie de réfléchir. Si j’étais l’amant de la belle Niniane, tu nous aurais trouvés dans sa chambre, ou dans mon lit. Nous avions l’embarras du choix, non ?
Kian, incapable de parler, voulut se jeter sur lui. La seule idée d’Azilis dans les bras du barde avait ranimé sa colère. Le sol paraissait onduler sous ses pieds, un brouillard envahissait la chambre. Myrddin le fixait avec un tel dédain !
Caius immobilisa Kian d’une prise au cou. Myrddin n’avait pas bougé d’un pouce et le narguait de sa moue ironique.
— Arrête, mon frère ! chuchota Kaï à l’oreille de Kian. Écoute-moi ! Il est désarmé. Tu ne vas pas attaquer un homme sans armes quand même ?
— Sans armes ? répéta Kian d’une voix étouffée. Sans armes ? Il en possède plus que je n’en aurai jamais.
Myrddin leva un sourcil et une moue moqueuse s’afficha sur son visage qui semblait dire : « Tu n’es pas aussi bête qu’il y paraît ! ».
— Kian… Myrddin… Que se passe-t-il ?
Aussitôt, Caius libéra Kian. Ils se retournèrent d’un seul mouvement. Azilis les regardait en se soulevant sur un coude. Elle avait des cernes bleuâtres et les traits tirés.
— Tout va bien, Niniane ! Ne t’inquiète pas.
Caius jeta un regard de colère à Kian qui se sentit ridicule et déplacé, sa grande épée à la main.
Alors Myrddin sortit et lui lança par-dessus son épaule :
— Quand tu seras calmé, tueur de berserker, tu penseras peut-être à t’occuper d’elle !