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Mes dernières heures « normales » me semblent, maintenant, infiniment lointaines ; j’y repense comme si je regardais des photos d’enfance dans mon album de famille. Est-ce moi, cette femme qui boit dans son lit une tasse de thé très fort, et rappelle en même temps Rome pour tenter de parler à son mari (qui de nouveau n’est pas là, et a fait dire qu’il ne rentrerait pas avant ce soir) ? Est-ce moi qui parle avec Londres, puis reçois le coup de téléphone de Palmarin (pas de villa pour aujourd’hui, un malheureux imprévu, mais on pourrait en reparler ce soir au cocktail de la Craig Foundation) ? Est-ce moi qui réagis par une grimace à ce report ambigu, pour ne pas dire hautement suspect ? Moi, vraiment moi, qui fais dégringoler les journaux du lit, en pensant : mais quel ennui, quelle perte de temps, maintenant que vais-je en faire, de ces heures vides ?

Une question impardonnable, à Venise. Mais je n’ai jamais su utiliser à mon avantage les pauses, les temps morts. Ils m’impatientent, ils me perturbent. Je connais quantité de gens qui fonctionnent sur un mode opposé, qui conçoivent la vie comme une affaire joyeusement interstitielle, savent tirer le suc de l’occasion inespérée, saisissent l’instant fugace. Mais, comme ma vie consiste à rechercher sans cesse, à reconnaître, et si possible à saisir au vol la rareté, l’exception, il est peut-être inévitable que je me trouve désorientée, incapable d’une quelconque initiative, lorsque la tension se relâche.

Tout cela pour dire que je sortis ensuite de l’hôtel poussée par la honte – mais avec le vague remords de n’être pas restée dans ma chambre à écrire au moins deux lettres indispensables – et me mis à marcher au hasard parmi des pigeons, en traînant, pour ainsi dire, la patte. En réalité, il me semblait difficile d’adapter ma démarche, en général résolue et rapide, à cette insolite condition de femme inoccupée.

En pareil cas, ce qui se présente de soi-même est la ressource des vêtements ; un demi-travail cela aussi, dans la pratique, car la motivation en est bien rarement une allègre disposition aux emplettes : la plupart du temps, la chose se réduit à une sorte de contrôle fiscal hérissé de calculs et de comparaisons. Se sont-elles rallongées ? Se sont-elles raccourcies ? Le rouge revient. Le gris a disparu.

D’abord les modèles de quelques stylistes renommés autour de la place Saint-Marc, et de là, évidemment, un petit tour aux Mercerie, l’enfilade de ruelles la plus pratique du monde pour le lèche-vitrines. Si l’on pense à la corvée que cela représente de passer d’un trottoir à l’autre, je ne dis pas dans la Cinquième Avenue, mais dans Bond Street ou le faubourg Saint-Honoré, c’est vraiment le Paradis des Dames. En se tenant au milieu, on peut avoir simultanément sous les yeux les sacs à main de ce côté-ci et les chaussures de ce côté-là, les fourrures à droite et la lingerie à gauche, avec les prix et le reste. Qu’ont inventé Harrod’s, les Galeries Lafayette, que n’avaient déjà mis en pratique les marchands vénitiens ?

Je pensais, pas après pas, des choses de ce genre, changeant machinalement les lires en dollars, les dollars en livres, les livres en francs suisses. Une robe du soir insensée. Un cardigan aux poches bizarres. Une veste superbe. Un bracelet pas vilain.

À l’intérieur d’un magasin de dentelles, j’entrevis le nez de la Federhen, impressionnant de profil, penché sur le comptoir à flairer quelque chose. Elle aussi inoccupée, donc, et en tout cas pas à Padoue avec le retors Palmarin. Rassurée, comme si nous avions conclu un armistice tacite, je me laissai entraîner plus loin dans les Mercerie, entre ces vitrines qui se reflétant les unes les autres, dans ce rutilant face-à-face d’étalages, où cependant demeure, comme sous un « repentir » d’artiste, une très lointaine coloration de marché oriental.

Des pas par milliers. À un moment donné, je me trouvai en train de suivre une femme qu’il me semblait connaître ; en effet, c’était la (jolie) femme du professeur allemand qui, hier soir, chez Raimondo, m’avait persuadée de la sublimité de Pordenone. Elle trimbalait deux énormes sacs en plastique portant les noms de deux boutiques, l’un noir et l’autre jaune citron, s’approchait et s’éloignait des vitrines, tantôt zig et tantôt zag, avec l’air d’une personne qui sait exactement ce qu’elle veut, le trouve, le paie, et l’emporte triomphante à Munich. J’étais tout près de l’arrêter pour lui demander ce qu’elle avait acheté, saisie moi aussi de cette fièvre qui passe généralement pour de la curiosité féminine et qui est plutôt la terreur de n’avoir pas su repérer la jupe suprême, le châle absolu.

Je finis par ne rien acheter, comme il était du reste prévisible depuis le début, et, passant de la Merceria de S. Zulian à celle de S. Salvador, je suivis le flot jusqu’au campo S. Bartolomeo, un endroit curieux éternellement rempli de désœuvrés de tous âges qui restent là, debout, à bavarder et à jaser comme dans les comédies de Goldoni, dont le monument les domine. Ce jour-là, du reste, il faisait chaud, un beau soleil paraissait, et un café avait ressorti une douzaine de tables, déjà toutes occupées.

Je me rappelle clairement ces personnages de fresque. Trois évidents avocats vénitiens. Une petite famille touristique qui excavait des glaces. Deux adolescents, une paille dans leur verre. Une femme mal fagotée, peut-être de Mestre ou d’une île quelconque, en train de passer un savon à une fillette maigrichonne. Et en cherchant au-delà d’un cercle de Japonais rieurs, au-delà d’un couple nordique austère ou épuisé, mon regard se trouva enfin rencontrer le sien.

Ce fut ainsi, de la manière la plus insidieuse, c’est-à-dire sans rien qui pût me faire penser à une coïncidence extraordinaire, à un « signe » à une intervention particulière du destin, ce fut ainsi que je le revis.

Il se leva promptement, avec l’ombre d’une inclinaison du buste et le soupçon d’un geste d’invite (chacun de ses mouvements – mais cela, je le notai plus tard – avait comme la qualité embryonnaire, peut-être symbolique, de quelque chose dont on ne saisissait pas s’il était à peine commencé ou sur le point de finir, de s’évanouir).

— Vous cherchiez une place ? dit-il en italien.

Il était trois ou quatre mètres plus loin et paraissait vraiment très grand au milieu de ces gens assis.

— Mais vous ne deviez pas être à Corfou ? lui demandai-je sans bouger.

— Ah…, fit Mr. Silvera.

Parfois, je pense que sans ce « ah » très spécial, en équilibre entre l’évasivité et le regret, rien ne serait arrivé. Et, dans mes moments de plus grande abjection, j’ai tenté de le reproduire devant un miroir : le ton, mais aussi le regard lagunairement vague, l’imperceptible haussement des sourcils, la légère rotation de la main qui l’accompagnaient. Ah ! Je voudrais comprendre le pourquoi de son effet irrésistible, à cette simple syllabe. Une question, surtout, d’éloignement, me semble-t-il ; comme si la voyelle soupirée affleurait de Dieu sait quels grondements océaniques, était l’ultime résidu sonore de Dieu sait quels lointains vacarmes. L’écho d’une parole désormais indéchiffrable. Une évocation d’ombres énigmatiques.

Mais je dois prendre garde, ne pas exagérer, ne pas charger le tableau, comme souvent (de l’avis de son fan de Munich lui-même) faisait le Pordenone. En toute sobriété, je dois préciser que l’effet de ce « ah » n’était pas si romantique, sur le moment, ni ce sentiment de mélancolie si promptement perceptible, contagieux. C’était aussi, je pus le constater, une pause d’esquive, sinon bel et bien l’ironique prélude à un mensonge.

Lorsque je fus assise auprès de lui, il m’expliqua que sa tâche consistait seulement à accompagner les passagers de l’Imperial Tours jusqu’au bateau et à les installer sains et saufs à bord. Après quoi, il pouvait s’en retourner à Londres.

— Et ensuite, vous recommencez du début, vous repartez pour Venise avec un autre groupe ?

— Pour Venise. Pour Madrid. Ou pour Bali. Ça dépend.

— Une belle vie, commentai-je automatiquement.

— Et comment, dit Mr. Silvera avec un sourire.

Sur quoi je me rendis compte : primo, que j’avais proféré une banalité ; secundo, que cette banalité était condescendante, blessante ; tertio, que Mr. Silvera devait être un personnage très différent, immensément différent, d’un quelconque employé de tourisme minable. Ce fut une certitude instinctive mais absolue, presque une fulguration. De laquelle s’ensuivait nécessairement la question que je ne devais plus cesser de me répéter : mais alors, qui est-il ?

— Moi aussi, je suis toujours en voyage, dis-je. Ça devient plutôt lassant, à la longue.

— Que faites-vous ?

— Je suis une sorte d’antiquaire volante, je travaille pour une salle de ventes anglaise.

— Beau métier, commenta Mr. Silvera, très sérieux.

— Et comment.

Le premier regard, le premier baiser, la première nuit d’amour ne sont rien en comparaison du premier éclat de rire partagé. C’est cela, le contact décisif, le vrai tournant. Même si, bien entendu, ce que je pensai alors fut un simple : sympathique, ce Silvera.

Lequel, pendant ce temps, après avoir commandé mon café, avait extrait une pièce d’un vieux, curieux porte-monnaie, et me la tendait sur la paume de sa longue main.

— Qu’est-ce que c’est ? demandai-je.

— Vous y connaissez-vous par hasard aussi en monnaies anciennes ?

— Non, non, la numismatique est une branche à part, c’est Mr. Armitage qui s’en occupe.

— Je voulais seulement avoir une idée de ce qu’elle peut valoir, selon vous.

Je pris la pièce avec réticence parce qu’en un instant tout avait changé ; j’avais devant moi un infime escroc, un aigrefin qui saisissait au vol l’occasion offerte par la riche dame de passage, qui s’apprêtait à me raconter la triste histoire de sa vie. Voilà qui il était en réalité, Mr. Silvera. Naïf, de surcroît, pour ne pas dire stupide, s’il pensait que je pouvais être dupe. Une pitié.

— Comme pièce, elle a l’air belle, dis-je en la retournant.

Elle avait un diamètre de deux ou trois centimètres et était barrée d’une croix sur le revers, tandis que l’image de l’avers était peut-être celle du lion de Saint-Marc avec son livre. Mais l’argent, certainement de bas alliage, était trop noirci pour qu’il fût possible de distinguer autre chose.

— Et vous ne savez même pas ce que c’est ?

— Je le sais très bien, répondit Mr. Silvera. C’est un demi-ducat vénitien d’argent, appelé « demi-écu de la croix » et mis en circulation vers 1650. Faux.

De nouveau, tout se renversa.

— Une contrefaçon ? Et vous vous l’êtes fait refiler, comme un de vos touristes ?

L’ex-escroc sourit :

— Non, non, déclara-t-il. Je ne l’ai pas achetée. Je l’avais avec moi depuis longtemps, et pour autant que je sache c’est une pièce d’une certaine rareté, à présent. Un faux, mais un faux d’époque, frappé par des faussaires de 1650. Vous le savez mieux que moi, le temps finit par donner de la valeur à n’importe quoi.

J’imitai doucement le ton et l’attitude d’un commissaire-priseur :

— Base de candélabre, copie romaine d’un original grec. Mise à prix : 5 000 livres.

Une pitié, oui, mais qui n’excluait pas le respect. Un aigrefin, oui, mais non dénué d’une certaine subtilité. Il était en train d’essayer de me refiler l’imitation moderne d’une contrefaçon ancienne. Le faux d’un faux. Au moins, par ce double saut de la mort, il rendait hommage à mon intelligence. Bravo, Mr. Silvera.

— Et vous voudriez la vendre.

— Ma foi, je me le demandais.

Je tâchai de l’encourager dans cette voie classique, jusqu’au carrefour qui sous peu nous séparerait avec une mutuelle satisfaction : lui, avec ce que je lui aurais permis de s’acheter, disons, une paire de chaussures neuves dont il avait bien besoin, et moi avec le plaisir d’avoir pu le lui offrir sans l’humilier.

— Pour vous, elle doit avoir aussi une valeur sentimentale, avançai-je, compréhensive.

— À dire vrai, non. Je l’avais seulement… trouvée, je ne sais plus où.

— Et combien pensez-vous en tirer ?

— Justement, je ne sais pas. Peut-être vaut-elle très peu de chose. Si vous la voulez…

— Mais moi non plus, je ne sais pas combien vous en offrir.

— Alors je vous en fais cadeau.

Très gênée, embarrassée aussi par la pièce que je tenais dans la main droite, j’allais saisir mon sac, ne doutant pas que le « cadeau » fût en substance une invitation à lui rendre la pareille, un engageant (mais pas très heureux) « Donnez-moi ce que vous voulez ». Mais lui m’arrêta d’un geste qui voulait dire « De grâce, n’y songez pas », et je ne sus plus que faire.

— Et pourquoi voulez-vous m’en faire cadeau ? demandai-je.

— Comme ça.

Le jeu avait changé de nouveau, mais, jusque dans ma stupeur, je savais toutefois que ces rapides métamorphoses n’avaient rien de délibéré, ne visaient nullement à m’impressionner, à me déconcerter, à me mettre en situation d’infériorité. Excluant en outre que Mr. Silvera appartînt à la tragique catégorie de ceux qui veulent se rendre intéressants, il ne restait qu’une explication : c’était moi qui ne parvenais pas à comprendre quelque chose.

— En souvenir, précisa-t-il.

Je remis la pièce dans sa main, et, impulsivement, je lui dis ce que jamais je ne dirais, que je n’avais jamais dit à un parfait étranger :

— Vous n’avez pas l’air d’avoir beaucoup d’argent.

— En effet, admit Mr. Silvera. Mais, pour quelque temps encore, cela me suffira.

Nous nous regardâmes. Je me rappelle ma presque euphorique absence d’embarras comme le signe d’un autre tournant. Je me rendais compte d’avoir manqué aux règles les plus élémentaires, avec mon observation lourdement indiscrète et affreusement dépourvue de tact ; et pourtant les choses, avec Mr. Silvera, avaient déjà pris un tour qui faisait que tout me semblait licite, facile, normal, véniel, pardonné.

— Voici ce que nous allons faire, proposa-t-il. Jetons-la en l’air : si vous gagnez, je la garde, et vice versa. Croix ou lion ?

— Lion.

La pièce vola un bref instant, retomba sur le dos de sa main.

— Croix, dit Mr. Silvera. Elle est à vous.

— Merci. C’est une très belle pièce.

Et c’est ainsi que je manquai à une autre règle des plus élémentaires : ne jamais accepter de cadeaux d’un inconnu, jamais, jamais.

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