12VII Recommencer
(Profession, suite et fin)

Puisque rien n'allait comme il aurait fallu, puisque les échangeurs rongés de chez nous finançaient l'opulente démocratie de chez vous, puisque les maris les plus vieux aux queues les plus molles épousaient les femmes les plus jeunes aux ventres les plus avides, puisque les progrès de la médecine sauvaient des nourrissons que la malnutrition tuait le jour d'après, puisque nos coquettes Noires dépensaient des fortunes pour s'éclaircir la peau et se défriser la chevelure, puisque les plus vaillants de nos hommes préféraient partir chez vous se faire éboueurs plutôt que ramasser chez nous, chez eux, les ordures qui empuantissaient les rues, puisque l'on s'épuisait à prier pour appeler la pluie tout en coupant les arbres, seuls remparts contre le désert, puisque les riches s'enrichissaient chaque semaine davantage et que les pauvres avec obstination s'appauvrissaient, bref, puisque le monde était raté, Dieu tout-puissant, veuille excuser cette insolence, il semblait nécessaire et urgent de reprendre la Création à zéro.

Et puisqu'au commencement était le Verbe – sur ce point, la Bible et le Coran tombent d'accord –, Marguerite, le matin de ses cinquante ans, décida d'utiliser l'entièreté des forces qui lui restaient à enseigner aux enfants la Parole et l'Écriture. On pouvait nourrir l'espérance que, une fois instruites et bien instruites, ces nouvelles générations bâtiraient une autre planète, plus douce à vivre que la précédente.

En conséquence, elle déclina l'un après l'autre tous les emplois qu'on se bousculait pour lui offrir.

— Madame Bâ, titulaire d'une Capacité en droit et ancien bras droit apprécié d'un Haut Délégué, daigneriez-vous rejoindre le parti du Président pour, mettant à profit votre savoir et votre expérience, être élue députée avant de rejoindre le club tout-puissant des ministres?

— Non.

— Madame Bâ, vous qui avez su nouer le contact avec les autorités diplomatiques blanches, accepteriez-vous un poste d'ambassadeur, résidence de fonction, boutique free tax et Peugeot climatisée, à Bruxelles, Genève et plus tard Paris ?

— Non.

— Madame Bâ, votre énergie et votre bon sens feraient merveille dans l'une de ces entreprises privées naissantes dont notre émergent pays a besoin pour fournir des emplois à ses enfants (beaux salaires, secrétaire particulière et participation au capital) ?

— Non.

— Mais alors, madame Bâ, méfiez-vous, vosrefus répétés agacent le Palais, vous avez bien un souhait, formulez-le, nous gagnerons du temps, que voulez-vous ?

— Je vous l'ai dit, que le Dieu unique et omnipotent n'en prenne pas ombrage, je veux commencer par le commencement.

— C'est-à-dire, c'est-à-dire ? Madame Bâ, s'il vous plaît, épargnez nos nerfs.

— Devenir institutrice.

— Accordé, ô combien accordé, nous manquons tellement d'enseignants ! Mais ne nous prenez pas pour des idiots. Nous avons bien compris votre ambition. Vous êtes une fine mouche, madame Bâ. Si vous choisissez un début modeste, c'est pour gravir un à un, en partant du plus bas, tous les barreaux de l'échelle. Ne nous oubliez pas quand vous aurez atteint le sommet ! Quand désirez-vous démarrer ?

— Tout de suite.

— Parfait, parfait. Voici votre livre. Langage – Lecture 1re année, collection « Le Flamboyant ». Ne le déchirez pas, vous n'en aurez pas d'autre. Et voici votre boîte de craies. Ne la laissez pas traîner sous la pluie. Nos crédits fournitures sont épuisés jusqu'à la rentrée prochaine ! Et bon voyage !

 

L'administration ne m'avait pas fait de cadeau. Un premier poste est un premier poste, l'âge du débutant ne fait rien à l'affaire. Et c'est ainsi que, partant de Kayes, je pris la route pour l'extrémité du monde.

— Derrière, c'est 5 000 francs CFA. Mais pour toi, c'est différent. Les personnalités montent en cabine, à côté du chauffeur. Qu'est-ce qu'une personnalité? Quelqu'un qui paie 7 500 francs CFA. Plus le pourboire, si tu veux être contre la fenêtre.

Le représentant de Yélimané Transport montrait fièrement le petit bus vert à rayures blanches et rouges.Contre l'attaque, toujours possible, des animaux sauvages, quelle meilleure protection que les deux lions jaunes dessinés sur les portières avant ?

— … Confort incomparable et vision touristique.

— Quand partons-nous ?

— Quasi présentement. Sitôt que sera réglé notre petit problème de clientèle. La salle d'attente est derrière toi.

Un entrepôt vide. Je m'assis sur un banc. Bientôt rejointe, sur ma droite et sur ma gauche, par deux géants furieusement loquaces. Dix fois je proposai de changer de place pour leur permettre de palabrer plus à l'aise. Protestations indignées des bavards. Mme l'institutrice ne doit pas se déranger (où avaient-ils appris ma nomination, qui ne datait que de dix-huit heures ? Mystère de la connaissance africaine). Et deux grosses mains se posaient sur mon épaule pour m'empêcher de bouger. Alors, l'institutrice répétait sa gratitude, mille fois merci, vraiment, et se tassait pour laisser plus d'espace au flux assourdissant qui passait et repassait au-dessus de sa tête.

— I gny Montreuil takhé moula, kha Yélimané ya lignida.

— Saint-Denis kan khoté sounonté niani. N'nimissi do Mali Bouladjini.

— Okéti na soyi mokhossidi Villiers-le-Bel kho Leya Guidimakan.

Les heures passaient.

Profitant d'un assoupissement passager de mes voisins, je réussis à me lever. « Ne partez pas trop loin, madame l'institutrice, on ne sait jamais avec la clientèle, elle peut arriver d'un coup. » Je marchai jusqu'au bout de la rue 16. Un bruit semblait m'appeler, une sorte de ronronnement. Je poussai la porte. Une bonne centaine de sportifs et de sportives se retournèrent. Drôle de sport. Ils agitaient les pieds en cadence. De la main gauche appuyée sur une table, ils guidaient le passage d'un tissu ; de la droite, ils tournaient un volant noir. De temps en temps, ils se penchaient pour s'assouplir les lombaires, peut-être aussi pour vérifier le parcours frénétique d'une longue aiguille. La machine, devant chacun d'eux, avait l'air d'un chat. Sur son échine très cambrée brillaient six lettres gothiques : Singer. Tu veux un boubou, madame l'institutrice, un costume de cérémonie, un uniforme à l'anglaise pour tes futurs élèves ?

À mon retour, les deux bavards avaient baissé de plusieurs tons. Ils avaient ouvert leurs sacs et se montraient les merveilles qu'ils rapportaient au village : une montre, un radio-réveil, une bouilloire à piles. Ils comparaient leurs ours en peluche. Chacun guettait anxieusement le visage de l'autre.

— J'ai vécu ça, me chuchota un vieil édenté qui suivait la scène.

— On dirait qu'ils ont peur.

— Évidemment qu'ils ont peur ! Tu ne connais pas la férocité de nos familles. Quand on rapporte trop peu de France, elles se fâchent.

Plus tard, je m'avançai vers le bureau derrière lequel le préposé sommeillait.

— Vous prévoyez un départ pour bientôt ?

J'avais parlé doucement pour ne pas trop déranger ses rêves. Il me sourit.

— Toujours un léger problème de clientèle. Mais ça va s'arranger.

Je me retournai vers le bus aux lions dorés. À haute voix, je comptai. L'arithmétique, plus encore que le droit, m'avait toujours calmé les nerfs. Quatorze, déjà quatorze personnes, pas une de moins, s'entassaient à l'arrière, et le triple de baluchons. On aurait dit un seul grand boubou patchwork avec des têtes qui dépassaient. Sur le toit, l'amas des bagages atteignait bien deux mètres. Hélas, les gentils géants loquaces m'avaient gardé ma place. Et l'assourdissante attente reprit.

À la septième heure, un bambin se présenta, écrasé par un sac énorme, au moins vingt kilos. Où je mets ça? Qu'est-ce que c'est? Des coquillettes. Alors, contre le mur.

Les sacs, peu à peu, envahissaient notre entrepôt. D'où venait, dans le Mali du Nord-Ouest, cette folié pour les coquillettes ? Sans doute les populations, lassées des brisures de riz vietnamien, voulaient-elles un peu varier leur ordinaire. Pour laisser de la place aux pâtes, il fallait de plus en plus se serrer sur le banc. Et les croyants n'avaient plus guère d'espace pour dérouler sur le sol leurs nattes de prière.

Enfin revint le responsable de Yélimané Transport. Le léger problème de clientèle devait avoir trouvé sa solution. Hypothèse vite confirmée. Dix nouveaux passagers avaient réussi à se glisser sous le boubou géant. Et la montagne de caisses, ballots, malles, paquets, bidons avait encore gagné en altitude un bon demi-mètre. Un essaim d'enfants s'escrimait avec un filet protecteur. Ils sautaient, s'arc-boutaient, glissaient tombaient presque, se rattrapaient par miracle, nouaient d'une main, se retenaient par l'autre. En un rien de temps l'arrimage le plus solide du monde fut parachevé.

Le chef suivait avec orgueil ces acrobaties.

— Ils ne sont pas merveilleux ?

— Je dois avouer… Ils valent les meilleurs trapézistes. Heureusement qu'il n'y a guère de cirques en Afrique, on vous les piquerait vite.

— Grâce à eux, jamais depuis dix ans nous n'avons perdu un seul bagage. Bien sûr, je ne compte pas les accidents.

— Bien sûr. Et avec ce genre de surcharge…

Le chef se rembrunit.

— Yélimané Transport n'est pas responsable de la férocité des routes. Tu montes ou pas ?

Dans la « cabine des personnalités » (banquette de skaï marron lacéré, ressorts qui pointent) s'étaient déjà installés, outre le chauffeur, les deux bavards.

— Et où je suis supposée m'asseoir, moi ?

— Tu pousses. Ou tu restes à Kayes. À toi de choisir ! Bonne route.

Jamais, jusqu'alors, je n'avais éprouvé la moindre compassion pour les véhicules. Ce jour-là, l'idée m'est venue de créer une ONG pour leur venir en aide. Nous avons bien la Société Protectrice des Ânes. À la presse internationale épouvantée, je présenterai des clichés irréfutables montrant les carrosseries écartelées, les pneus écrasés, les amortisseurs martyrisés. Je lèverai des fonds, je lancerai des campagnes de soutien…

Qu'il avait donc du courage, le petit bus vert haut comme deux étages ! Il soufflait, grinçait, ahanait. Il y mettait tout son cœur épuisé. On souffrait avec lui, on sentait que chaque tour de roues dans le sable pouvait être le dernier. Et quand il penchait trop dans les descentes, pour traverser le lit des rivières asséchées, les passagers qui le pouvaient sortaient par les fenêtres la moitié du corps pour tenter de faire rappel. Ce voyage terrestre sous le ciel infiniment bleu ressemblait plutôt à une navigation désespérée, par temps de tempête. On escaladait des vagues vertigineuses. On plongeait et replongeait dans des abysses. On disparaissait dans la nuit jaune de la poussière. On retrouvait le soleil sans trop y croire. Chacun des craquements du véhicule se prolongeait dans nos os.

Le plus cruel était la route. La route parfaite que nous longions. Dix mètres de large, plane comme de la glace et sûrement moelleuse comme le lit d'un fleuve. Un ruban irréel. La route Kayes-Yélimané, fierté de l'exemplaire coopération franco-malienne, référence obligée de tous les discours ministériels. Hélas, ce miracle n'était pas prêt. Interdit, même, avant l'inauguration officielle. Sous peine de graves amendes. Prenez patience, chers amis, nous sommes en train de goudronner. Comment supporter le calvaire de la piste alors qu'une voie royale vous appelle, proche à vous toucher ? Des cris s'élevèrent, des doigts se tendirent vers le chauffeur : qu'est-ce que tu attends ? Tu as peur de qui ? Il s'obstinait. Le règlement est le règlement. Et l'amende m'assassinerait. Ne t'en fais pas. On paiera tous un peu. Le sous-chef du chantier est un cousin.

Alors le bus vert se hissa mètre par mètre jusqu'au tapis roulant. Double délice. Au plaisir ineffable d'une avancée soudain rapide et si douce, comme irréelle après tant de violence, s'ajoutait cette oppression bien connue, au creux du plexus, ces picotements au bout des doigts, l'excitation du malfaiteur. Sur le sommet de la montagne de bagages était monté un guetteur. Dès qu'au loin il apercevait la masse orange d'un bulldozer, il hurlait. Fini l'éden. Il fallait, au plus vite et au risque de verser, regagner l'enfer, c'est-à-dire le sable.

Au beau milieu de cette joyeuse partie de cache-cache, la nuit tomba d'un coup, comme d'habitude. On aurait dit que quelqu'un, le vendeur de lumière, chaque soir consultait sa montre. À l'heure dite, brutalement, il baissait le rideau. Fermé, le magasin. À demain, si Dieu nous réveille.

Le chauffeur ne semblait pas le moins du monde gêné par l'obscurité. Il se dirigeait avec plus d'aisance encore dans ces ténèbres. Car le trajet se compliquait. Yélimané Transport, chacun le sait, se fait un devoir de raccompagner chacun chez soi. Trois kilomètres dans un sens. Une vague lueur paraît, la silhouette d'un village. Arrêt, cinq ombres descendent, dix ballots sont jetés du toit, rires, conversations assourdies, cris d'enfants. Bref appel du klaxon. Le moteur redémarre. Virement de bord. Direction opposée. Nouvelles lueurs, autre village. Mêmes retrouvailles, devinées. Cap ailleurs.

Combien de temps dura le louvoyage ? Où étions-nous ? Impossible à savoir. Les communautés soninkées sont disséminées sur un territoire immense. La boussole la plus solide aurait perdu le Nord. À tout moment, le bus s'arrêtait net pour laisser passer les formes blanches d'un troupeau. Ou bien se détournait brusquement, sans raison apparente. Peut-être une fondrière, un territoire interdit ?

Le premier de mes voisins bavards quitta le bord àDiongaga, le bourg des millionnaires. Je lui souhaitai bonne chance. De hautes tours se profilaient dans le lointain. Sans doute les minarets. Sur le siège, à sa place, demeura l'ours en peluche qu'il avait oublié. Une foule attendait le second bavard un peu plus loin, à Yaginné. Une famille entière, au moins trente personnes, tous la main tendue.

Et de nouveau le noir. Une escale après l'autre, le bus se vidait. Une crainte incontrôlable m'avait envahie. Étais-je toujours sur terre ? Ou bien prisonnière d'un royaume de maléfices où les étrangers sont condamnés à tourner en rond, sans jamais arriver, pas même au bout de la nuit ?

Dans la clarté tremblotante des phares surgirent enfin deux panneaux tordus : «Le Bambou, night-club » et « Yélimané vous souhaite la bienvenue ».

La maison des jumelages ressemblait à une école, trois bâtiments de plain-pied autour d'une cour. Assis sur des sièges de cuisine, structure de fer et lanières de plastique, des ancêtres blancs prenaient le thé et discutaient de la journée.

Un cercle de grands-pères. J'en avais rencontré de semblables à Bamako où ils tenaient souvent congrès. La nouvelle grande population des humanitaires. Les retraités au service du développement. Retraités de n'importe quoi, puisque l'Afrique a besoin de tout n'est-ce pas ? Plombiers, ingénieurs, menuisiers, dentistes, des huissiers même, des percepteurs… Ils m'avaient raconté leurs aventures. Le Nord les avait jetés. À la poubelle. Trop vieux. Dépassés. Périmés. Après des semaines ou des mois de déprime, un beau jour, ils étaient sortis du lit. Au grand effroi de leurs épouses et de leurs enfants. Billet d'avion, nivaquine, saharienne. Mais où vas-tu, Papa ? Ressusciter. Ressusciter qui ? L'Afrique, et moi aussi, tant qu'à faire ! Sitôt franchie la Méditerranée, plus besoin de pacemaker. À peine arrivés, ils abandonnaient leur régime, débranchaient leur sonotone, relevaient leurs manches, et à nous deux la misère.

— Quand je repense à notre matinée, Gory, le périmètre irrigué…

— Oui, ça fait plaisir. À quelle surface arrivons-nous maintenant ?

— Oh, nous dépassons l'hectare !

— Tu te souviens, il y a deux ans, quand le médecin m'a permis de revenir, après mon pontage ?

— Bien sur. Le sable avait tout regagné.

— La prise de conscience villageoise, tout est là.

— Nous sommes sur la bonne voie. Pour un peu, je m'offrirais une petite cigarette.

Magnifiques papys ! Dans la débâcle générale du continent, et la leur, ils s'accrochaient aux progrès minuscules, se nourrissaient d'avancées imperceptibles. C'étaient de bien touchantes manières d'écureuil : avant le grand froid de la mort, on engrange des provisions d'optimisme.

Devant moi, à portée de main, au centre du rond de lumière que traçait gentiment sur le sol la lampe-tempête, des pierres sautaient. Elles demeuraient tranquilles un long moment, comme des cailloux normaux, et puis, sans prévenir, elles prenaient leur envol. À y regarder de plus près, malgré la fatigue et la poussière du voyage, ces pierres avaient des yeux. Et appartenaient donc plutôt au règne animal, espèce des pépidés, autrement dit des crapauds. Déception. À quoi sert de rejoindre le bout du monde si un peu de magie n'est pas au rendez-vous ?

— Vous pourriez m'indiquer l'école ? Je suis la nouvelle institutrice.

— Alléluia !

— Depuis le temps que nous vous attendions !

Les retraités m'entouraient, me faisaient fête.

— Vous voulez du thé ?

— La route ne vous a pas trop épuisée ?

— Il est trop tard pour chercher ce soir.

— Demain sera un autre jour.

— Une chambre vous attend.

— À propos, où en est-on du surcreusement de la mare ?

« Surcreusement » ? Je n'avais jamais entendu ce mot. J'avais gagné mon lit. Dans la cour, les papys poursuivaient leur discussion passionnée. Déclarons une bonne fois la guerre aux maladies hydriques. L'important, c'est de former les formateurs… Je m'endormis facilement. Rien ne berce mieux que l'espérance.

 

Ce long parcours raconté, aussi long que mes deux fleuves Niger et Sénégal cousus bout à bout, je, Marguerite, le cœur apaisé et l'âme fière de mon exhaustive franchise, puis enfin répondre à la question n° 12 du formulaire 13-0021.

Profession ? Enseignant subalterne, professeur des écoles.

Madame Bâ
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