47
D’Agosta n’avait pas besoin de vingt-quatre heures pour réfléchir à la proposition de Hayward, ni même de dix minutes. À peine retrouva-t-il la rue qu’il sortit son portable et contacta Pendergast.
Un quart d’heure plus tard, il descendait d’un taxi au coin de Broadway et de la 72e Rue. Le souvenir de son entrevue avec Laura était encore cuisant, mais il n’était pas question de se laisser distraire par des préoccupations personnelles. Il aurait tout le loisir d’y repenser plus tard, quand l’affaire serait terminée. Si jamais il en voyait un jour le bout.
Il remonta la 72e Rue en direction de Central Park dont on apercevait les arbres décharnés dans le lointain. Au premier carrefour, il s’arrêta et sortit à nouveau son portable. Appelez-mot dès que vous serez à hauteur de Columbus Avenue, lui avait recommandé Pendergast. L’appartement de l’inspecteur dans le Dakota se trouvait tout près. Il n’avait tout de même pas eu le culot de retourner chez lui en un moment pareil...
Il ouvrit le téléphone et composa un numéro.
— Oui ? répondit la voix de Pendergast.
Quelqu’un pianotait sur un clavier derrière lui.
— Je suis arrivé.
— Fort bien. Allez sans vous faire voir jusqu’au numéro 24. Il s’agit d’un immeuble semi-résidentiel avec des bureaux. La porte est fermée, mais la réceptionniste ouvre habituellement à toute personne d’allure normale. Prenez l’escalier conduisant au sous-sol jusqu’à la porte B-l4. Assurez-vous bien de ne pas être suivi, et toquez à sept reprises. Avez-vous tout noté ?
— Oui.
Pendergast raccrocha.
D’Agosta remit son téléphone en poche et poursuivit sa route en direction de Central Park. La façade tarabiscotée du Dakota, tout droit tirée d’un dessin de ta famille Addams, se dressait un peu plus loin. Une énorme arche gothique surmontait la guérite du portier. Deux flics en uniforme faisaient les cent pas devant le bâtiment et trois voitures de patrouille attendaient un peu plus loin sur Central Park West.
La cavalerie était là.
D’Agosta ralentit en rasant les murs, l’œil rivé sur ses collègues.
Le numéro 24 était une grande bâtisse de pierre brune. D’Agosta s’assura que personne ne regardait de son côté et il sonna. La porte à peine ouverte, il se précipita à l’intérieur.
Le hall de marbre gris, patiné par les ans, était petit et sombre. D’Agosta adressa un signe de tête à la réceptionniste et se dirigea vers l’escalier du sous-sol. Il en descendit les marches et se retrouva dans un long couloir dont les murs de parpaing étaient troués de portes en fer. Moins d’une minute plus tard, il parvenait à la porte B-14. Il jeta un dernier coup d’œil derrière lui et frappa sept coups.
Après un court silence, un bruit de verrou lui répondit et la porte s’ouvrit sur un portier en uniforme noir et blanc. L’inconnu s’assura que le couloir était bien vide avant de lui faire signe d’entrer.
À son grand étonnement, le lieutenant découvrit non pas une pièce, mais un étroit passage s’enfonçant dans l’obscurité. Le portier fit jouer l’interrupteur d’une lampe électrique et lui ouvrit la voie. Aux parpaings succédèrent des murs de briques puis du plâtre et à nouveau des briques. Après s’être élargi, le couloir se rétrécit à nouveau, au point que les épaules de D’Agosta touchaient les parois. Les deux hommes tournèrent à gauche par deux fois, puis à droite, avant de traverser une cour en plein air à peine plus grande qu’une bouche d’aération. Enfin, ils escaladèrent quelques marches et le portier déverrouilla une porte à l’aide d’une énorme clé.
Le couloir dans lequel ils venaient de pénétrer se terminait en cul-de-sac face à un ascenseur de service. Le portier tira la grillé, débloqua l’appareil avec une clé et fit signe à D’Agosta de monter. Le portier referma la grille, tira la porte, manœuvra un grand levier circulaire, et l’ascenseur se mit péniblement en route en grinçant,
La cabine était aveugle, mais à la durée du parcours, D’Agosta évalua à quatre ou cinq le nombre d’étages qu’ils franchissaient. L’appareil s’arrêta enfin et l’homme ouvrit la porte, découvrant une grille coulissante derrière laquelle s’enfonçait un petit couloir menant à une porte. Debout sur le seuil, un Pendergast en costume sombre attendait son visiteur.
D’Agosta s’arrêta net, interdit. Depuis sa résurrection, c’était la première fois qu’il revoyait son vieil ami dans sa ténue habituelle, et non grimé d’une façon ou d’une autre.
— Vincent, l’accueillit Pendergast. Entrez, je vous en prie.
Sans plus de formalité, il l’introduisit dans une petite pièce banale, meublée d’une commode en chêne, d’un canapé en cuir et d’un grand bureau sur lequel s’alignaient quatre iBooks, plusieurs boîtiers électroniques et ce qui avait tout l’air d’être un commutateur réseau. Deux portes se dessinaient sur le mur du fond, l’une était fermée et l’autre laissait entrevoir une salle de bain.
— Ce n’est tout de même pas votre appartement du Dakota ? interrogea D’Agosta, incrédule.
Un léger sourire s’afficha sur les traits de Pendergast.
— Pas exactement, répondit-il en refermant la porte d’entrée. Mon appartement se trouve un étage plus haut.
— Mais alors... où sommes-nous ?
— Disons que c’est mon refuge. Un refuge plutôt high-tech, mis en place l’an dernier avec l’aide d’un allié originaire de l’Ohio, au cas où il me serait provisoirement impossible d’avoir recours à ses services.
— Mais enfin, vous ne pouvez pas rester ici, le quartier grouille de flics ! Je viens du bureau de Laura Hayward et figurez-vous qu’ils ont un tout nouveau suspect.
— Moi-même.
— Comment vous avez deviné ? !
— Je le sais depuis quelque temps déjà, répliqua Pendergast tout en pianotant d’un ordinateur à l’autre. Lorsque je me suis retrouvé chez mon malheureux ami Michael Decker, j’ai retrouvé une poignée de cheveux entre ses doigts. Des cheveux blonds très clairs, or mon frère est roux. J’ai tout de suite compris que Diogène avait mis au point un plan encore plus « intéressant » que je ne l’imaginais. Il ne lui suffisait pas de tuer mes proches, il comptait également me faire accuser à sa place.
— Il y a tout de même les lettres qu’il vous a envoyées. Elles sont bien la preuve qu’il est vivant.
— Malheureusement non. Souvenez-vous de cette écriture étrangement familière. Il s’agissait de ma propre écriture, modifiée de façon à faire croire aux experts graphologues que j’avais tenté de la déguiser.
D’Agosta prit le temps de digérer l’information.
— Pourquoi ne m’avoir rien dit ?
— Je ne voulais pas vous inquiéter plus que de raison, À la vue de cette poignée de cheveux, j’ai compris que Diogène avait eu tout le loisir de recueillir les éléments dont il aurait besoin pendant ma convalescence. Mon sang, en particulier. J’étais conscient qu’on finirait par me soupçonner un jour ou l’autre, même si j’espérais disposer d’un peu de répit. C’était sans compter sur la perspicacité du capitaine Hayward.
— Il y a autre chose. Laura m’a demandé de vous tendre un piège, mais j’ai réussi à gagner du temps. Il n’y a pas une minute à perdre. Ils ont lancé un mandat d’arrêt contre vous. Vous ne pouvez pas rester ici.
— Bien au contraire, Vincent. Il me faut rester ici car il s’agit du seul endroit disposant des ressources dont j’ai actuellement besoin. Souvenez-vous de la lettre volée de Poe. Jamais ils ne penseront à me chercher dans ce refuge. La présence policière aux alentours du Dakota est une simple formalité.
D’Agosta le regardait fixement.
— C’était donc ça ! Vous saviez que Diogène ne s’en prendrait jamais à Laura parce qu’elle enquêtait sur le meurtre de Duchamp. Il se doutait qu’elle finirait par vous suspecter.
— Exactement. À présent, prenez une chaise et je vais vous montrer à quoi je m’occupe, dit Pendergast en désignant son installation informatique. Ces ordinateurs piratent les systèmes de surveillance vidéo de la ville et de plusieurs autres réseaux, notamment ceux des banques et des distributeurs de billets.
Il pointa du doigt l’un des écrans sur lequel s’affichait une mosaïque d’images animées en noir et blanc. Des carrefours, des rues et des barrières de péage défilaient à l’envers à toute vitesse.
— Pourquoi faites-vous ça ? s’étonna D’Agosta.
— J’ai la conviction que Diogène a choisi Manhattan ou ses environs pour passer à l’action. De nos jours, il est impossible de circuler dans une ville telle que New York sans être filmé, photographié ou enregistré à chaque minute.
— Diogène ne manquera pas de se déguiser.
— Sans doute, mais certains traits de comportement échappent au meilleur des déguisements. La façon de marcher, de regarder, de cligner les yeux. Nous nous ressemblons énormément avec Diogène. Je me suis donc filmé et j’ai disséqué ces images à l’aide d’algorithmes qui comparent mon attitude à celle des personnes filmées dans ta rue. Sur cet écran, ajouta-t-il en désignant l’un des Macs, je m’intéresse tout particulièrement aux images prises aux alentours du Dakota et de ma maison de Riverside Drive. Nous savons que Diogène s’est déjà rendu là-bas, il est probable qu’il sera également venu rôder dans le quartier. Si je parviens à l’identifier, je n’aurai plus qu’à le suivre dans ses déplacements en espérant comprendre ce qu’il trame.
— Vous allez avoir besoin de réseaux informatiques infiniment plus puissants que ceux-ci.
— D’où l’intérêt de ceci, répondit Pendergast en ouvrant la porte voisine de celle de la salle de bain, découvrant un local rempli de serveurs, de disques durs et autres modules de stockage.
D’Agosta émit un petit sifflement.
— Vous vous y retrouvez dans tout ce merdier ?
— Non, mais je sais m’en servir, répliqua Pendergast en posant sur D’Agosta un regard dans lequel brillait une lueur étrange.
Jamais le lieutenant ne l’avait vu aussi pâle. Ses traits tirés dévoilaient l’énergie trompeuse de quelqu’un qui n’a pas dormi depuis plusieurs jours.
— Diogène est là, Vincent. Il se cache quelque part parmi ces milliers d’images. S’il veut commettre le crime suprême, il lui faudra bien sortir du bois. C’est là mon unique chance de pouvoir l’arrêter, et cette pièce est le seul endroit disposant des moyens techniques dont j’ai besoin, dédara-t-il en s’escrimant sur son clavier. Cet allié de l’Ohio, dont je vous parlais tout à l’heure, serait infiniment mieux à même que moi d’effectuer un tel travail, mais il a été contraint de disparaître afin... afin de se mettre à l’abri.
— Laura n’est pas du genre à se tourner les pouces. À cette heure, elle a déjà lancé ses hommes à vos trousses.
— Et aux vôtres par la même occasion.
D’Agosta ne répondit pas.
— Ils sont déjà venus fouiller mon appartement, poursuivit Pendergast, sans doute ont-ils fait de même avec ma maison de Riverside Drive. Quant à ce refuge, vous avez pu constater par vous-même qu’il disposait d’une sortie secrète. Même les portiers du Dakota n’en connaissent pas l’existence, à l’exception de Martyn, que vous venez de rencontrer.
Pendergast s’arrêta un instant de taper.
— Vincent, je voudrais vous demander une chose.
— Laquelle ?
— Allez voir Laura Hayward et dites-lui que vous êtes prêt à l’aider tout en lui affirmant que je me suis évanoui dans la nature et que vous n’avez aucune idée de l’endroit où je peux me cacher. Inutile de sacrifier inutilement votre carrière.
— Je vous l’ai déjà dit, je reste avec vous.
— Vincent, j’exige que vous partiez.
— Aloysius ?
Pendergast lut lança un regard interrogateur.
— Allez vous faire foutre.
Pendergast l’observa longuement avant de réagir.
— Je ne l’oublierai pas, Vincent.
— N’en parlons plus.
L’inspecteur se remit au travail avec un acharnement fiévreux. Une vingtaine de minutes s’étaient écoulées lorsqu’il sursauta brusquement.
— Vous avez trouvé quelque chose ?
— Je crois bien, murmura Pendergast, les yeux rivés sur une silhouette floue qu’il faisait défiler d’avant en arrière.
— C’est lui ? interrogea D’Agosta par-dessus son épaule.
— L’ordinateur en est persuadé, et moi aussi. C’est d’ailleurs curieux, l’image n’a pas été prise près du Dakota, ainsi que je le pensais, mais quelques centaines de mètres plus au nord, près de...
Il fut interrompu par une sonnerie. -
— Qu’est-ce que c’est ? s’inquiéta D’Agosta.
— Martyn. Il semble que j’ai de la visite.
D’Agosta tendit le cou.
— La police ?
Pendergast fit non de la tête en appuyant sur le bouton d’un interphone.
— Un coursier à bicyclette pour vous, monsieur, résonna une voix, il a un pli à votre intention.
— Vous lui avez demandé d’attendre ?
— Oui.
— La police ne l’a pas vu ?
— Non, monsieur.
— Faites-le monter, avec les précautions d’usage.
Pendergast relâcha le bouton et se redressa.
— Voyons de quoi il s’agit, ajouta-t-il d’une voix neutre que trahissait la crispation de son visage.
Puis il se leva et entraîna D’Agosta jusqu’au palier où les deux hommes attendirent près de l’ascenseur sans prononcer une parole. Un ronronnement leur annonça bientôt que la cabine était en route. L’appareil s’arrêta avec un claquement sec, une main tira la grille coulissante et le portier émergea le premier, suivi d’un jeune coursier latino portant un blouson et une écharpe qui tenait à la main une grande enveloppe.
Pendergast pâlit en voyant le pli. Sans un mot, il sortit de la poche de sa veste des gants de chirurgien qu’il enfila, puis il prit dans son portefeuille un billet de vingt dollars et le tendit au coursier.
— Cela vous ennuierait d’attendre ici quelques instants ? demanda-t-il.
— Ben... non, répondît le jeune homme d’un ton hésitant eu regardant les gants de son interlocuteur d’un air soupçonneux.
Pendergast lui prit l’enveloppe des mains, échangea un coup d’œil avec le portier et retourna dans le petit appartement en faisant signe à D’Agosta de le suivre.
— Une lettre de Diogène ? s’enquit ce dernier en refermant la porte derrière eux,
Trop occupé pour lui répondre, Pendergast étala une feuille de papier blanc sur le bureau et y déposa l’enveloppe avant de l’examiner sous toutes les coutures. Un fil rouge entrecroisé maintenait le rabat fermé, Pendergast observa un instant le fil, puis il le défit et vida l’enveloppe de son contenu avec précaution.
Une feuille de papier pliée en deux tomba sur la feuille blanche, accompagnée d’une boucle de cheveux noirs.
Pendergast tressaillit. Sans attendre, il se mit à genoux devant la table et déplia la lettre.
Il s’agissait d’un magnifique papier de lin dont l’en-tête en relief représentait deux lunes surmontées d’un œil, posées sur un lion couché. Sous les armoiries, écrites à l’encre brune à l’aide d’une plume d’oie ou d’un stylo à plume, une simple date : 28 janvier.
La lettre ressemblait en tous points à celle que Pendergast avait montrée à D’Agosta dans sa demeure de Riverside Drive, quelques mois plus tôt, à ceci près qu’un message suivait cette fois la date ;
Elle a beaucoup de caractère, mon cher frère. Je comprends pourquoi elle te plaît.
Tu apprécieras ce modeste présent à sa juste valeur : une boucle de ses jolis cheveux. Tu l’apprécieras et la conserveras en sa mémoire. Il suffit de les caresser pour sentir l’air si doux de Capraia.
Bien sûr, je pourrais te mentir et cette boucle pourrait provenir de la chevelure d’une autre. À toi de chercher la vérité au fond de ton cœur.
Frater, ave atque vale[14].
— Mon Dieu... balbutia D’Agosta.
Il ne put achever sa phrase, la gorge serrée.
Du coin de l’œil, il observa Pendergast. Celui-ci, assis par terre, caressait la boucle de cheveux avec une infinie douceur. Il portait sur le visage l’expression d’une telle désolation que D’Agosta détourna le regard.
— Il bluffe peut-être, dit-il. Ce ne serait pas la première fois que votre frère est pris en flagrant, délit de mensonge.
Pendergast ne répondit pas. Le silence qui s’était installé dans la pièce avait quelque chose d’effrayant.
— Je vais poser quelques questions au coursier, proposa D’Agosta.
Il sortit de la pièce sans oser se retourner et se glissa jusqu’à l’ascenseur où l’attendait le coursier, sous la surveillance de Martyn.
— Police, déclara-t-il en exhibant brièvement son badge.
D’Agosta avait la curieuse impression que le temps s’était arrêté, comme dans un cauchemar. Une chape de plomb sur les épaules, le moindre mouvement lui coûtait.
Le jeune homme hocha la tète.
— Qui vous a donné ce pli ?
— Un taxi l’a déposé au bureau.
— À quoi ressemblait l’homme ?
— Il n’y avait personne dans le taxi. Rien que le chauffeur.
— Quel type de véhicule ?
— Un taxi jaune de base.
— Vous avez pu relever son numéro ?
D’Agosta savait d’avance que toutes ces questions ne servaient à rien, Diogène n’aurait rien laissé au hasard.
Le coursier secoua la tête.
— Comment avez-vous été payé ?
— Le chauffeur de taxi nous a donné cinquante dollars en nous disant de remettre ce pli à M. Pendergast au premier de la 72e Rue Ouest. En main propre si possible, avec pour instruction de ne parler à personne en dehors de M. Pendergast et du portier.
— Très bien.
D’Agosta nota à tout hasard le nom du jeune coursier et celui de son employeur, puis il prit Martyn à part et lui recommanda de veiller à ce que le gamin ne se fasse pas arrêter par les flics en repartant. Toujours sous le choc, il retourna dans l’appartement d’une démarche pesante.
Pendergast ne leva même pas les yeux sur lui. Assis en tailleur par terre, penché en avant, les avant-bras sur les genoux, le pouce et le majeur de chaque main formant un petit cercle, il regardait fixement la boucle de cheveux posée devant lui. Ses traits avaient retrouvé leur impassibilité habituelle et il ne semblait même pas respirer. On aurait dit qu’il se trouvait à des années-lumière de là.
C’est peut-être le cas, pensa D’Agosta. Il doit méditer, ou un truc du genre. Ou alors il fait tout pour ne pas perdre la boule.
— Le coursier ne savait rien, prononça-t-il d’une voix douce. Diogène avait protégé ses arrières.
Pendergast, pâle comme la mort, ne l’entendait même pas.
— Je me demande bien comment Diogène a pu apprendre l’existence de Viola, murmura D’Agosta.
Cette fois, Pendergast lui répondit d’une voix mécanique.
— Pendant la première semaine de ma convalescence, j’étais inconscient. J’aurai probablement prononcé son nom dans mon délire. Rien n’échappe à Diogène. Jamais.
D’Agosta se laissa tomber sur une chaise. Si Laura Hayward, une douzaine d’agents du FBI ou un corps d’armée avaient, débarqué dans l’appartement à cet instant-là, il n’aurait même pas levé le petit doigt. On aurait tout aussi bien pu le jeter aux oubliettes. Pour ce que ça aurait changé... Quelle vie de merde...
Les deux hommes étaient prostrés depuis plus d’une demi-heure, sans bouger ni échanger une parole, lorsque Pendergast se releva brusquement. D’Agosta fit un bond sur sa chaise.
— Elle aura pris l’avion sous son vrai nom, déclara Pendergast, les yeux brillants d’excitation.
— Quoi ? fit D’Agosta en se levant à son tour.
— Jamais elle ne serait venue s’il lui avait demandé de prendre un pseudonyme ou d’utiliser un faux passeport. Et s’il m’envoie cette lettre aujourd’hui, c’est qu’elle vient tout juste d’arriver I
Se précipitant sur l’ordinateur le plus proche, il s’acharna sur le clavier.
— J’ai trouvé ! s’exclama-t-il au bout de quelques minutes. D’Agosta se précipita et lut sur l’écran :
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British Airways Vol 822
Départ : Londres Gatwick LGW, 27 janvier, 11 :54 pm GMT
Arrivée : New York Kennedy Intl JFK. 28 janvier 0 :10 am EST
Fin
Pendergast quitta l’écran des yeux, le regard incandescent.
— Vite, Vincent. A l’aéroport. Chaque minute compte. Sans attendre la réponse de son compagnon, il sortit de la pièce et se rua vers l’ascenseur.