L’ÉNIGME DU TESTAMENT DE Mr MARSH

Le problème que nous soumit miss Violet Marsh nous changea agréablement de notre travail habituel. Le détective Poirot, ayant reçu de cette personne une brève missive demandant un rendez-vous, répondit qu’il l’attendrait le lendemain matin à onze heures.

Elle fut ponctuelle : une belle grande jeune femme vêtue simplement mais avec goût, l’air franc et déterminé. Quelqu’un qui, visiblement, avait l’intention de réussir dans la vie. Personnellement je ne suis pas grand admirateur de ce qu’on appelle la « Nouvelle Femme », et malgré une apparence plaidant en sa faveur, je n’étais pas particulièrement enclin à trouver sympathique miss Marsh.

— Mon affaire est d’une nature assez spéciale, monsieur Poirot, commença-t-elle. Pour que vous compreniez, je dois entreprendre un long retour en arrière.

— Je vous écoute, miss.

— Je suis orpheline. Mon père et son frère étaient les fils d’un petit propriétaire fermier du Devonshire. La ferme ne prospérant pas, mon oncle Andrew émigra pour l’Australie où, à la suite de spéculations heureuses sur des terrains, il devint très riche. Mon père, par contre, ne se sentait pas attiré par la vie campagnarde, il réussit à s’instruire un peu et entra dans une petite étude en qualité de clerc. Il épousa la fille d’un artiste pauvre, mais d’un milieu social un peu au-dessus du sien. Mon père mourut lorsque j’avais six ans et ma mère le suivit dans la tombe huit ans plus tard. Il ne me restait que mon oncle Andrew, revenu alors d’Australie, et qui avait acheté une propriété, Crabtree Manor, dans son comté natal. Il fut très bon pour moi, me prit avec lui, me traitant comme sa propre fille.

Crabtree Manor, malgré son nom, n’est en fait qu’une vieille maison de fermier. Mon oncle avait le goût de la campagne dans le sang et s’intéressa à diverses expériences d’exploitations agricoles modernes. Il avait malheureusement des idées préconçues sur tout ce qui touche à l’éducation des femmes. Lui-même d’une instruction très rudimentaire, compensée par un remarquable bon sens, accordait peu de valeur à ce qu’il appelait « les connaissances livresques ». À son avis, les jeunes filles devaient se contenter d’apprendre à devenir des maîtresses de maison accomplies et perdre le moins de temps possible avec les livres. Il me proposa de m’élever suivant ce principe, à mon grand désespoir. Je refusai d’emblée, car je me sentais attirée par l’étude et ne possédais aucun don pour les travaux ménagers. Nous nous disputâmes souvent sur ce sujet, car, bien que très attachés l’un à l’autre, nous étions tous deux des entêtés. J’eus la chance d’obtenir une bourse d’études qui me permit de m’engager dans le chemin que j’avais choisi. Le moment décisif arriva lorsque je décidai de m’inscrire à Girton[2]. Je possédais un peu d’argent laissé par ma mère et j’étais résolue à profiter des dons que Dieu m’avait donnés. J’eus une longue et dernière discussion avec mon oncle qui se montra très franc avec moi. J’étais sa seule parente et il avait l’intention de me faire son héritière. Comme je vous l’ai dit, il était très riche. Si néanmoins je persistais dans mes « résolutions d’un modernisme outré », il était inutile que j’attende quoi que ce soit de lui. Je lui répondis poliment, mais avec fermeté, que je devais décider seule de ma propre vie, ce qui ne m’empêchera pas de lui rester profondément attachée. Nous nous séparâmes après qu’il eut ajouté : « Contentez-vous de votre petite cervelle, ma fille. Je ne suis pas un intellectuel, mais je mesurerai mon savoir au vôtre quand vous le voudrez. Nous verrons bien alors qui avait raison. »

« C’était il y a neuf ans. Je passais parfois mes fins de semaine avec lui et nos rapports restaient parfaitement amicaux, bien que ses vues ne se modifiassent pas. Il ne fit jamais allusion à mes succès : mon entrée à l’université et mes réussites aux différents examens. Au cours des trois dernières années, la santé de mon oncle s’altéra. Il est mort le mois dernier.

« J’en viens à présent au but de ma visite. Mon oncle a laissé un testament des plus extraordinaires d’après lequel Crabtree Manor et son contenu sont à ma disposition durant la première année qui suivra sa mort « année pendant laquelle mon intelligente nièce pourra prouver l’ingéniosité de son esprit » écrit-il. Au terme de cette période, « mon intelligence s’étant montrée supérieure à la sienne », tous les biens iront à différentes institutions charitables.

— C’est là une décision bien sévère, miss, du fait que vous êtes la seule parente de Mr. Marsh.

— Je ne vois pas la chose sous cet angle. Oncle Andrew m’avait prévenue et j’ai choisi d’agir à ma tête. Ayant refusé de me plier à ses désirs, il avait parfaitement le droit de disposer de sa fortune à sa guise.

— Le testament a-t-il été rédigé devant notaire ?

— Non, il a été rédigé à la main, par mon oncle et le couple ayant la charge de la maison a signé en qualité de témoin.

— Il est peut-être possible d’attaquer ce testament ?

— Je ne voudrais pour rien au monde entreprendre une telle action.

— Vous le considérez comme un défi sportif de la part de votre oncle ?

— Exactement.

— Les termes employés permettent certainement cette explication, répondit pensivement Poirot. Je pense que, quelque part, dans ce vieux manoir, plein de coins et de recoins, votre oncle a dissimulé une somme d’argent ou peut-être un second testament et vous a donné un an pour exercer votre perspicacité et le découvrir.

— C’est ce que je crois, monsieur Poirot, et je vous paierai ce que vous voudrez, convaincue que votre astuce sera beaucoup plus grande que la mienne, pour mener à bien cette recherche.

— Eh, eh ! Voilà qui est vraiment charmant de votre part. Mes cellules grises sont à votre disposition, miss. Vous n’avez pas encore entrepris de recherches vous-même ?

— Superficiellement, rien de plus, mais je respecte trop l’intelligence incontestable de mon oncle pour penser que la tâche sera aisée.

— Avez-vous le texte du testament sur vous ?

Miss Marsh lui tendit un document qu’il parcourut des yeux en hochant la tête.

— Rédigé il y a trois ans, portant la date du 25 mars et même l’heure – 11 heures – détail très intéressant qui doit restreindre notre terrain de recherches. Sans aucun doute, il nous faut trouver un autre testament. Écrit, même une demi-heure après celui-ci, il sera le seul valable. Eh bien, miss, c’est un problème attrayant et ingénieux que vous me proposez là. J’aurais plaisir à le résoudre pour vous. En admettant même que votre oncle ait été un adversaire intéressant, ses cellules grises ne pouvaient être de la qualité de celles d’Hercule Poirot !

(Vraiment, la vanité de Poirot devient insupportable.)

— Par bonheur, je n’ai rien à faire pour le moment. Hastings et moi irons à Crabtree Manor ce soir même. L’homme et la femme qui s’occupaient de votre oncle y sont encore, je présume ?

— Oui, leur nom est Baker.

Le lendemain matin, nous commençâmes la chasse proprement dite. Nous étions arrivés au manoir tard dans la soirée et avions été accueillis par les Baker, avertis par télégramme de notre arrivée. Un couple charmant. L’homme sec et noueux, les joues roses et ratatinées ; la femme massive et calme comme le sont les natifs du Devonshire.

Fatigués par notre voyage et les huit miles et demi en voiture depuis la gare, nous étions allés nous coucher immédiatement, après avoir soupé d’un poulet rôti et d’une tarte aux pommes accompagnée de crème du Devonshire. Nous venions de terminer un excellent petit déjeuner, installés dans une pièce lambrissée qui avait servi de cabinet de travail et de salon à Mr. Marsh. Un bureau américain chargé de dossiers, tous soigneusement étiquetés, était placé contre un mur et un lourd fauteuil de cuir montrait clairement qu’il avait été le refuge préféré où son propriétaire se reposait. Un divan massif, recouvert d’une housse à fleurs, occupait le mur opposé, et les sièges profonds, placés devant la fenêtre, portaient les mêmes housses aux couleurs délavées.

— Eh bien, mon ami, remarqua Poirot en allumant une de ses minuscules cigarettes, nous devons nous tracer un plan de campagne. J’ai déjà eu un vague aperçu de la maison, mais j’ai l’impression que la piste susceptible de nous intéresser, se trouve dans cette pièce. Il nous faudra parcourir les documents du bureau avec un soin méticuleux. Naturellement, je ne m’attends pas à trouver le testament parmi eux, mais il est possible que quelque papier, apparemment innocent, contienne un indice sur la cachette. Tout d’abord, nous avons besoin d’un petit renseignement. Tirez le cordon de service, je vous prie.

J’obéis. Alors que nous attendions, Poirot marchait de long en large, jetant autour de lui des coups d’œil inquisiteurs.

— Un homme méthodique, ce Mr. Marsh. Admirez comme les piles de papiers sont rangées avec soin et la clef de chaque tiroir a son étiquette d’ivoire ainsi que celle de la vitrine murale. Et voyez avec quelle minutie la porcelaine est disposée à l’intérieur de cette vitrine. Cela réjouit le cœur. Rien ici n’offense le regard…

Il s’arrêta brusquement devant la clef du secrétaire à laquelle une vieille enveloppe était fixée. Poirot fronça les sourcils et retira la clef de la serrure. Sur le papier, les mots « clef du secrétaire américain » étaient griffonnés d’une manière presque illisible et contrastant avec les nettes inscriptions que portaient les autres clefs.

— Une note discordante, souligna Poirot. Je pourrais jurer que nous ne sommes plus en présence d’une initiative de Mr. Marsh. Mais qui d’autre s’est trouvé dans la maison ? Seulement miss Marsh… Et elle aussi, si je ne me trompe, est une personne d’ordre et de méthode.

Barker arriva à l’appel.

— Voulez-vous aller chercher Mrs. Barker et répondre à quelques questions ?

L’homme disparut et revint un moment plus tard accompagné de son épouse qui, le visage intrigué, s’essuyait les mains à son tablier.

En quelques mots brefs, Poirot expliqua l’objet de sa mission. Les Barker furent immédiatement d’accord.

— On ne veut pas que miss Violet perde ce qui est à elle, déclara la femme. Ce serait injuste de voir le tout aller à des hôpitaux.

Poirot commença son interrogatoire. Oui, Mr. et Mrs. Barker se souvenaient très bien d’avoir signé le testament. Auparavant Barker avait été dépêché au village pour s’y procurer deux formules testamentaires.

— Deux ? coupa vivement Poirot.

— Oui, sir, par précaution j’imagine, au cas où il aurait raturé sur la première… Et en fait c’est ce qui est arrivé. On en avait signé une…

— À quelle heure de la journée ?

L’homme se gratta le crâne, mais sa femme fut plus prompte.

— Je me souviens très bien. Je venais juste de mettre le lait sur le feu pour le chocolat, à onze heures. Vous ne vous souvenez pas, Jim ? Il avait débordé sur le poêle quand on est revenu à la cuisine !

— Et après ?

— Ce devait être environ une heure plus tard. Le maître nous a rappelés. « J’ai commis une erreur, qu’il a dit. J’ai dû déchirer le papier. Je vais vous demander de bien vouloir signer à nouveau. » Et on a signé. Après ça, le maître nous a donné une bonne somme d’argent à chacun… « Je ne vous laisse rien dans mon testament, dit-il, mais chaque année, vous en recevrez autant pour vous permettre de vivre de vos rentes quand je serai mort. » Et pour sûr, il a tenu sa promesse.

Poirot réfléchit un moment.

— Après que vous eûtes signé une seconde fois, que fit Mr. Marsh ? Vous en souvenez-vous ?

— Il est allé au village payer la note des fournisseurs.

Cela ne semblait pas très prometteur. Poirot essaya une autre voie. Il montra la clef du secrétaire :

— Est-ce là l’écriture de votre maître ?

Je me trompai peut-être, mais j’eus l’impression que Barker hésita un moment avant de répondre.

— Oui, sir.

« Il ment, pensai-je, mais pourquoi ? »

— Votre maître a-t-il loué la maison ? Des étrangers sont-ils venus ici au cours de ces trois dernières années ?

— Non, sir.

— Pas de visiteurs ?

— Seulement miss Violet.

— Personne en dehors d’elle ne s’est trouvé dans cette pièce ?

— Non, sir.

— Vous oubliez les ouvriers, Jim, lui rappela sa femme.

— Les ouvriers ? lança Poirot. Quels ouvriers ?

La domestique expliqua qu’environ deux ans et demi plus tôt, des ouvriers étaient venus pour entreprendre des réparations. Elle ne savait pas exactement de quoi il s’agissait, mais, à son avis, ce n’était rien d’autre qu’un caprice de son maître et tout à fait inutile. La moitié du temps les ouvriers travaillaient dans le bureau, mais ce qu’ils y avaient fait, elle ne pouvait pas le dire car le maître ne les faisait jamais entrer dans la pièce tant que ces hommes y étaient. Malheureusement, ni elle, ni son mari ne se souvenaient du nom de l’entreprise employée, à part qu’elle venait de Plymouth.

— Nous progressons, Hastings, déclara Poirot en se frottant les mains, alors que les Barker se retiraient. Sans aucun doute, Marsh a rédigé un second testament et a appelé les ouvriers de Plymouth pour lui construire une cachette appropriée. Au lieu de perdre notre temps à enlever les lattes du parquet ou frapper les murs, nous allons nous rendre à Plymouth.

Après plusieurs essais infructueux, nous réussîmes à retrouver l’entreprise en question. La firme employait les mêmes ouvriers depuis des années et il fut facile d’interroger les deux qui avaient travaillé sous les ordres de Mr. Marsh. Ils se souvenaient du travail. Parmi diverses tâches sans importance, ils avaient retiré une brique de la vieille cheminée du bureau, creusé une cavité derrière la place occupée par la brique qu’ils avaient arrangée ensuite, de telle sorte qu’il était impossible de la différencier des autres. En pressant cette brique, l’avant-dernière, on découvrait la cavité. Un travail très délicat, pour lequel le vieux gentleman s’était montré très exigeant.

Nous retournâmes à Crabtree à toute allure et fermâmes derrière nous la porte du bureau afin d’expérimenter en toute quiétude. Aucune marque spéciale n’était visible sur la façade de la cheminée et cependant lorsque nous appuyâmes sur la brique indiquée, une sombre cavité apparut immédiatement. Poirot y plongea la main mais son visage exprima brusquement une profonde déception… Il ne trouva rien d’autre qu’un fragment de papier carbonisé !

— Sacré ! lança-t-il furieux. Quelqu’un est venu avant nous !

Nous examinâmes le papier noirci, sans aucun doute l’ultime vestige de ce qui nous intéressait. Seule, une partie de la signature de Barker était encore visible.

Poirot s’accroupit sur ses talons. Si nous n’avions pas été si dépités l’un et l’autre, j’aurais trouvé son expression comique.

— Je ne comprends pas, grogna-t-il, qui a détruit ce testament ? Et pour quel motif ?

— Les Barker ? suggérai-je.

— Pourquoi ? Aucun des deux testaments n’est en leur faveur, et ils ont plus de chance de garder leur place avec miss Violet qu’avec l’hôpital qui disposerait de la propriété. Comment la destruction de ce testament pourrait-elle profiter à quelqu’un ? Les hôpitaux en tireront avantage, sans aucun doute… Mais on ne peut soupçonner des institutions d’utilité publique.

— Peut-être le vieil homme changea-t-il d’idée et le détruisit-il lui-même ?

Poirot se releva en brossant la poussière de ses genoux avec sa minutie habituelle.

— C’est possible, admit-il. Voici une de vos observations les plus sensées, Hastings. Eh bien ! Rien ne nous retient plus ici. Nous avons fait tout ce qui est humainement possible de faire. Nous avons réussi à surpasser l’ingéniosité de Mr. Marsh, mais, malheureusement, sa nièce ne s’en trouve pas mieux pour cela.

En retournant sans délai à la gare, nous eûmes juste le temps d’attraper un train omnibus pour Londres. Poirot était d’une humeur maussade. Quant à moi, fatigué, je m’assoupis dans un coin du compartiment. Soudain, au moment où le train quittait la gare de Taunton, Poirot poussa un cri perçant…

— Vite, Hastings ! Réveillez-vous et sautez ! Sautez donc, je vous dis !

Avant de réaliser ce qui se passait, nous étions sur le quai, nu-tête et sans nos valises, tandis que le train s’éloignait dans la nuit. J’étais furieux, mais Poirot n’y prêta aucune attention.

— Quel imbécile j’ai été ! s’exclamait-il. Triple imbécile ! Jamais plus je ne vanterai mes petites cellules grises !

— Ce sera au moins une bonne chose, grognai-je de mauvaise humeur. De quoi s’agit-il ?

Comme toujours lorsqu’il suivait ses propres pensées, Poirot ne m’écoutait pas.

— Des comptes de fournisseurs… Je les ai complètement négligés. Oui, mais où ? Où ? Aucune importance, je ne puis me tromper et nous devons retourner de suite.

Plus facile à dire qu’à faire. Nous eûmes cependant la chance de trouver un train qui nous amena à Exeter où Poirot loua une voiture. Nous arrivâmes à Crabtree Manor avant le point du jour. Je passe sous silence la confusion des Barker lorsque nous eûmes finalement réussi à les obliger à se lever. Ne prêtant aucune attention à personne. Poirot se rendit directement dans le bureau.

— Je n’ai pas été trois fois, mais trente-six fois un imbécile, mon ami, daigna-t-il remarquer. À présent, voyez !

Allant droit au secrétaire, il en retira la clef, et détacha l’enveloppe qui y pendait. Je suivis ses gestes d’un œil stupide. Comment pouvait-il bien espérer trouver une longue formule testamentaire dans cette minuscule enveloppe ?

Avec d’infinies précautions, Poirot l’ouvrit et la déploya. Puis il alluma le feu et tendit l’intérieur du papier vers la flamme. Au bout de quelques instants des caractères commencèrent à apparaître.

— Regardez, mon ami ! s’exclama Poirot triomphant.

Je regardais. Quelques lignes d’une écriture à peine visible précisaient brièvement qu’Andrew Marsh léguait tous ses biens à sa nièce Violet Marsh. Il y avait la date : 25 mars, et l’heure : 12 h 30. Légalisés par Albert Pike, confiseur et Jessie Pike, sa femme.

— Croyez-vous que c’est valable ? soufflai-je.

— Autant que je sache, aucune loi ne s’oppose à ce qu’on écrive son testament en se servant d’encre sympathique. L’intention du testateur est claire et le bénéficiaire est sa seule parente vivante. Mais quelle ingéniosité de sa part !… Il se procura deux formules de testament, demanda aux domestiques de signer à deux reprises, puis se rendit au village avec son testament écrit à l’intérieur d’une vieille enveloppe et un stylo contenant son petit mélange d’encre. Sous un prétexte quelconque, il poussa les confiseurs à apposer leur signature sous la sienne, attacha l’enveloppe à la clef du secrétaire et rit dans sa barbe. Si sa nièce mettait à jour sa petite ruse, elle aura eu raison de se consacrer aux études, et méritera de profiter de son argent.

— Mais elle n’a pas deviné, en vérité, remarquai-je lentement. Ce n’est pas très juste, car c’est bien le vieil homme qui a gagné !

— Mais non, Hastings. Vous faites fausse route. Miss Marsh prouva la finesse de son esprit et ce que l’éducation approfondie donne aux femmes, en remettant tout de suite l’affaire entre mes mains. Référez-vous toujours à l’expert. Elle a largement prouvé son droit à l’argent !

Je me demande… Je me demande vraiment ce que le vieux Andrew Marsh en aurait pensé !

 

FIN



[1] Hachis de viande et de rognons en croûte.

[2] Collège de Cambridge.