Markham disposa ses papiers sur la tablette. Il avait une place près d’un hublot et la perspective d’un long et monotone survol de l’Atlantique. Il se pencha sur les équations de Cathy Wickham. Elles étaient denses, chargées de promesses. Les indices des tenseurs semblaient l’inviter à les réarranger d’une manière ou d’une autre.
« Le déjeuner, monsieur », murmura le steward.
Sur cette annonce courtoise, il déposa sans la moindre cérémonie une boîte de carton sur la tablette. Markham rabattit les bords et une pluie de sachets s’abattit sur ses papiers. Les modules d’alimentation universels. Il en ouvrit un et découvrit sans surprise l’inévitable poulet caoutchouc. Il y donna un coup de dent précautionneux. Étouffant et aigre. Le seul agrément de ce festin, se dit-il, c’était l’absence de plastique. Le bombardement des champs de pétrole saoudiens, quelques années auparavant, en était venu à bout. On était revenu à l’humble carton. La surface grise et granuleuse du colis-déjeuner lui rappelait son enfance, bien avant que les hydrocarbures aient envahi le monde. La qualité humaine du papier ou du carton résidait dans le simple fait qu’ils acceptaient l’encre : on pouvait écrire dessus, laisser un message, au contraire du plastique lisse et intouchable qui jamais ne portait la moindre empreinte humaine. Sans y réfléchir, il jeta quelques équations du nouveau champ quantique sur la boîte des United Airlines. Les deltas et les epsilons cernèrent très vite les grandes capitales bleues du logo de la compagnie. Il prenait de temps en temps une bouchée de poulet et le temps passait. Il s’aperçut qu’il était possible de séparer les tenseurs en plusieurs équations réduites. Ensuite, à coups de réductions, il pouvait apparier les composants du champ. Il posa en marge les calculs de vérification. Du coin de l’œil, il entrevoyait les autres passagers, toutes ces têtes floues qui se penchaient dans la clarté du ciel. Au bout de quelques minutes, il disposait de cinq équations griffonnées sur le carton du déjeuner, dont trois qui lui étaient plutôt familières : les équations d’Einstein, avec des modifications pour les effets quantiques dès que l’échelle de longueur était suffisamment réduite. Des équations très connues. Les deux autres, par contre étaient plus riches d’implications. Un effet quantique accentué venait ajouter un terme nouveau ici, et là des tenseurs s’entremêlaient. Mais il ne semblait pas possible de réduire encore le système. D’un air rêveur, Markham tapota le carton de la pointe du stylo.
« Eh ! Regardez ! » s’exclama brusquement son voisin.
Markham se pencha vers le hublot. Ils approchaient d’un nuage énorme, d’un jaune sulfureux veiné d’orange.
« C’est le premier que je vois ! » dit son voisin d’un ton surexcité. Markham se demanda si l’avion allait vraiment passer au travers. Quelques secondes plus tard, ils étaient dans la brume et il comprit qu’ils venaient de pénétrer dans la partie inférieure de la formation. Son estomac fut soudain plus lourd : l’appareil prenait de l’altitude.
« Droit devant nous, les amis. Un de ces nuages dont on nous a parlé. Nous allons le voir de plus près. »
L’explication du commandant de bord était fausse à l’évidence, jugea Markham. Les pilotes ne changeaient pas d’altitude de vol pour un rien. Le nuage lui apparaissait comme plus lourd, plus dense que le cumulus d’un blanc neigeux qui l’accompagnait. Vers le sommet, il distinguait des filaments d’un bleu sombre qui formaient une sorte de coiffe.
Markham se surprit à marmonner une réflexion et se replongea aussitôt dans ses papiers. Il recopia les nouvelles équations et les étudia longuement en essayant d’oublier le sifflement suraigu des réacteurs de l’avion. Un ingénieur lui avait dit, il ne savait plus quand, que les moteurs de la nouvelle génération atteignaient des niveaux de bruits insupportables. Rockwell International avait été dans l’obligation d’investir pour essayer d’atténuer le son des moteurs des superjets. Il avait fallu six mois pour diminuer les aigus en produisant une mince couverture de graves qui protégeait miséricordieusement les êtres à sang chaud et billet coûtant disposés comme autant de cobayes dociles dans la prison de métal volante. Mais pour Markham, apparemment, il n’y avait pas de rémission. Il avait toujours été hypersensible au bruit. Il fouilla dans le compartiment du siège avant et trouva enfin des bouchons de plastique pour les oreilles. Trois secondes après, la vibration des réacteurs ne se diffusait plus que dans ses jambes et ses mâchoires.
Il lui fallut encore une heure pour vérifier les équations qu’il avait posées. Elles lui donnaient des solutions cohérentes pour quelques cas limites qu’il connaissait bien. En limitant l’échelle de grandeur et en négligeant les effets gravitationnels, il obtint les équations classiques de la théorie relativiste des particules. Quelques signes encore et le travail d’Einstein émergea à l’évidence. Mais on ne pouvait en dire autant des équations de Cathy Wickham : lorsqu’on les regardait en face, sans disposer du moindre point d’appui en terrain familier, elles étaient terriblement opaques. Markham examina les symboles. Oui, s’il tranchait un peu dans ces termes, là, s’il les abandonnait, il — mais non, c’était impossible. Il ne pouvait pas tenter le moindre bricolage. Il devait procéder avec habileté, avec doigté, pour ne rien perdre de la vitesse acquise. Au-delà des critères de logique, il devait respecter les questions esthétiques. Les derniers développements de la physique proposaient toujours une structure logique plus élégante. Deuxio : dès qu’on l’avait assimilée, cette structure était non seulement élégante mais aussi plus simple. Tertio : les conséquences qui en découlaient étaient plus complexes qu’auparavant. C’était ça le piège dès que l’on essayait une nouvelle approche : il fallait inverser les démarches. Difficile d’expliquer cela à un philosophe. Dans l’art des mathématiques, il y avait toujours quelque chose qui vous échappait, à moins que vous ne le guettiez. Platon avait été un très grand philosophe. Il avait décidé que les planètes devaient se mouvoir selon des cercles définis correspondant aux orbites observables. Mais Ptolémée avait découvert à son tour que les lois qui présidaient à des cercles étaient affreusement compliquées. Ça marchait à l’envers : des lois complexes conduisant à des conséquences simples. Et l’ensemble des travaux de Ptolémée ne proposait qu’une théorie grinçante et gémissante, avec des boules de cristal qui tournaient laborieusement par le jeu pénible de pignons, de rouages et de cardans, toutes pièces usées d’une machinerie dont les millénaires étaient comptés.
D’un autre côté, la théorie d’Einstein, sur le plan logique, était plus élégante que celle de Newton. Subtile, mais simple. Les conséquences en étaient plus difficiles à définir, à l’inverse. Markham, songeusement, se gratta la barbe. Si l’on gardait cela présent à l’esprit, il devenait possible de rejeter telle ou telle approche avant même de commencer, sachant qu’elle ne pouvait déboucher sur rien. Entre la vérité et la beauté, il n’y avait pas le choix, en vérité. Il fallait faire avec les deux. Dans le domaine de l’art, l’élégance n’était qu’une fille facile : chaque génération de critiques changeait son image. Mais en physique, les siècles précédents portaient les signes d’une leçon fragile. Les théories devenaient plus élégantes dès que l’on pouvait les transformer mathématiquement dans d’autres repères, pour d’autres observateurs. Une théorie qui demeurait invariante sous la transformation la plus générale était la plus habile, la plus proche de la forme universelle. La symétrie SU (3) de Gell-Mann avait donné aux particules une disposition universelle. Le groupe de Lorentz, l’isospin, le catalogue de ces propriétés qui portaient des noms comme Étrangeté, Couleur et Charme — tout cela transformait des Nombres flous en Choses concrètes. Ainsi, pour aller plus loin qu’Einstein, il fallait suivre les symétries.
Markham nota de nouvelles équations sur un bloc jaune. Il avait eu l’intention d’occuper le temps du vol à délimiter une tactique pour sa rencontre avec les gens de la Fondation nationale, mais, pour l’heure, la politique n’était rien en face de ce qui se passait dans le domaine de la science. Il se plongea dans le labyrinthe mathématique et affronta les tenseurs. Il suivait un principe directeur : la nature semblait apprécier les équations exprimées par des formes différentielles covariantes. Pour trouver l’expression juste…
Il hocha la tête. Il résolut les équations qui gouvernaient les tachyons dans un espace-temps plat, cet exercice étant un cas limité. Il se retrouvait maintenant en terrain familier. Les équations ondulatoires de mécanique quantique. Il savait à quoi elles aboutissaient. Les tachyons suscitaient une onde de probabilité qui allait et venait dans le Temps. Les équations montraient comment cette fonction ondulatoire se déplaçait vers le futur, puis vers le passé, pareille à un banlieusard égaré. Si l’on créait un paradoxe, cela signifiait que l’onde n’avait pas de fin mais qu’elle formait au contraire un réseau d’ondes stationnaires, comme les rides de l’océan autour d’une jetée. La seule façon de résoudre le paradoxe était d’intervenir, de briser le dessin des rides comme un bateau qui laisse derrière lui un sillage. Le bateau pouvait être considéré comme l’observateur classique. Mais, à présent, Markham ajoutait les termes de Cathy Wickham et les équations devenaient symétriques par l’échange de tachyons. Il chercha dans sa mallette le papier de Gott que Cathy lui avait donné. Oui. Une cosmologie de la matière, de l’antimatière et des tachyons symétriques par rapport au Temps. Beaucoup de choses. Mais les solutions de Gott étaient évidentes, lumineuses. Et les forces de Wheeler-Feynmann étaient bien là, mêlant les solutions tachyoniques aux sommes non euclidiennes. Markham était enfermé dans le silence de la réflexion. Son regard courait de ligne en ligne et son imagination sautait d’une solution à l’autre, en quête d’effets nouveaux, inattendus.
Les ondes étaient toujours aussi énigmatiques dans leur confusion. Mais le bateau, l’observateur classique, n’avait plus de rôle à jouer. La vieille idée de la mécanique quantique conventionnelle avait été que l’ensemble de l’univers était l’observateur. C’était lui qui forçait les ondes à se réduire. Mais, dans ces nouveaux termes sensoriels, il n’y avait pas de régression possible, aucun moyen de considérer l’univers dans son ensemble comme un point stable à partir duquel toute chose pouvait être mesurée. Non, l’univers était solidement couplé. Le champ tachyonique reliait chaque fragment de matière. En capturant d’autres particules dans le réseau, on ne faisait qu’empirer les choses. Les vieux théoriciens des quanta, depuis Heisenberg et Bohr, avaient atteint à la métaphysique à ce stade, se souvint Markham. La fonction ondulatoire s’effondrait et cela était un fait irréductible. La probabilité d’atteindre une solution certaine était proportionnelle à l’amplitude de cette solution à l’intérieur de l’ensemble de l’onde, si bien qu’on n’avait plus à terme qu’une estimation statistique du produit d’une expérience. Mais, avec les tachyons, cette touche de métaphysique devait disparaître. Les termes de Wickham…
Du coin de l’œil, il surprit un mouvement. Un passager, dans l’autre rangée, venait d’agripper le steward. Il avait le visage révulsé par la souffrance, les yeux glauques, la bouche béante. Ses lèvres étaient exsangues et des marques rouges apparaissaient sur ses joues. Markham ôta les bouchons de ses oreilles. L’homme hurla en se débattant. Le steward parvint à l’allonger dans la travée centrale.
« Je… je… ne… peux pas… respirer ! »
L’homme fut agité d’un spasme. Il allait perdre conscience. Deux autres stewards l’emportèrent. Markham prit conscience d’une odeur aigre et fronça le nez. Là-bas, dans la clarté dorée qui filtrait par les hublots, l’homme haletait. Markham retourna au silence et se réinstalla dans la réflexion. Il n’avait conscience que du bourdonnement lointain des réacteurs. Le monde, sans bruits violents, devenait moelleux, douillet. Comme si l’éther si cher à ce vieux Maxwell était une réalité tangible. Pendant un moment, il se relaxa, tout en se demandant s’il aimait vraiment cela. En se concentrant sur un problème, on pouvait se trouver isolé, atteindre une perspective nouvelle, une définition plus fine. Il y avait tant de choses que l’on ne pouvait observer qu’à partir d’une certaine distance. Depuis son enfance, se dit-il, il avait recherché cette fuite progressive et tranquille qui le coupait du brouhaha du réel. Il s’était même servi de son humour paradoxal pour maintenir les autres au loin, il en avait conscience, pour qu’ils ne s’approchent pas trop de ce point précis de l’univers qu’il occupait. Même Jan, parfois. Pour affronter le monde, il fallait se forger un langage lucide, pour lutter contre l’assaut permanent de l’expérience, pour remplacer la vie de tous les jours, les difficultés et les doutes par — non, pas par une certitude mais plutôt par une ignorance supportable. Une ignorance profonde mais dont on connaissait les limites. Car les limites étaient essentielles.
L’image du monde, sa caricature, c’était peut-être les cubes de Galilée qui glissaient sur le marbre, obéissant à l’impulsion de la main, à la loi d’inertie. Au fond de lui, Aristote avait compris ce fait terrible : la friction commandait tout. Toute chose allait vers son arrêt. Tel était le monde où vivait l’homme. Seul le jeu enfantin des plans infinis et des corps lisses, la réalité sans rides, projetait une trame ordonnée, rassurante de vie harmonieuse, de trajectoires infinies. Il était nécessaire, régulièrement, de se dégager de ce monde de dessin animé. Des moments d’envol libérateurs qui avaient l’habit respectable de la réflexion, de la déduction. Pourtant, songea Markham, cela ne voulait pas dire, lorsque les théories étaient publiées, avec leur déguisement d’abstractions et de maniérismes germaniques, que vous n’étiez pas allé ailleurs, dans ce lieu dont vous ne parliez que rarement.
Enfermé dans le silence, Markham se remit au travail.
Il se demanda si sa première intuition était bonne : ces nouvelles équations de Wickham ne permettaient pas d’échapper au paradoxe, dès lors que l’univers entier était englobé dans l’expérience. L’onde permanente envoyait des tachyons en avant et en arrière dans le Temps, d’accord, mais elle les projetait aussi à des vitesses ultra-luminiques dans tout l’univers. En un instant, l’existence du paradoxe était connue de chaque grain de matière. Toute la structure de l’espace-temps devenait une seule trame, instantanément. C’était l’élément nouveau qu’apportaient les tachyons. Jusqu’à leur découverte, la physique avait considéré que les perturbations dans la métrique de l’espace-temps devaient se propager vers l’extérieur à la vitesse de la lumière.
Markham prit conscience d’une douleur dans son dos. C’était comme si quelques dizaines de petits couteaux rougis à blanc étaient enfoncés dans sa chair. Il y avait combien de temps qu’il était penché sur ces équations ? Son poignet était douloureux à force de griffonner. Il se laissa aller en arrière avec une grimace et jeta un coup d’œil par le hublot. L’océan était comme une immense ardoise. Dieu y tracerait peut-être bientôt ses équations, songea-t-il. Un cargo minuscule laissait un sillage d’argent sous le soleil. L’appareil avait entamé sa longue descente vers Dulles International.
Il sourit. Il était à la fois serein et fatigué. On se laissait emporter par les problèmes comme par des courants contraires. Est-ce qu’il existait un moyen de résoudre le paradoxe ? Son intuition lui disait que là résidait peut-être la base de la physique, la clé qui permettrait de prouver que l’on pouvait atteindre le passé. La note laconique que Peterson avait trouvée dans le coffre, à la banque, prouvait que quelque chose s’était produit. Mais quoi ?
Il s’agita sur son siège. Il se sentait à l’étroit, ankylosé. Les voyages en avion allaient redevenir l’apanage des gens riches, le Champagne en moins. Il détourna le cours de ses pensées des problèmes du monde réel. Son problème à lui n’était pas résolu et le temps passait.
Mais est-ce que l’on peut décider qu’il y a paradoxe après tout ? se dit-il. Le mathématicien allemand Gödel avait montré que dans les systèmes arithmétiques les plus simples il y avait des propositions qui étaient vraies mais que l’on ne pouvait prouver. En fait, on ne pouvait même pas prouver que l’arithmétique elle-même était cohérente, c’est-à-dire qu’elle ne comportait aucun paradoxe. Gödel avait obligé l’arithmétique à se décrire dans son propre langage. Il l’avait enfermée dans sa propre boîte, il lui avait interdit de se prouver constamment par référence à des choses qui lui étaient extérieures. Et il ne s’agissait que de l’arithmétique, le plus simple des systèmes logiques ! Qu’en était-il alors de l’univers, avec ses rafales de tachyons qui tissaient la trame de l’espace-temps ? Comment toutes les équations du monde griffonnées sur ces blocs de papier pouvaient-elles permettre d’enfermer cette trame si vaste dans les bonnes vieilles boîtes marquées oui/non, vrai/faux, passé/futur ?
Markham essaya de se détendre. L’avion vibra en prenant sa ligne de descente.
Ce qui continuait à le tracasser, c’était de savoir dans quelle mesure Renfrew avait besoin d’expédier un message, de créer un paradoxe. Les tachyons étaient produits en permanence par la collision naturelle de particules à haute énergie — du moins c’était comme ça qu’ils avaient été découverts. Pourquoi ces tachyons naturels ne créaient-ils pas un paradoxe ? Il plissa le front. L’avion descendait vers l’aéroport. Des tachyons naturels… Il fallait un minimum d’impulsion pour déclencher un paradoxe. Il fallait que ce soit la réponse. Il suffisait de tordre un volume critique de l’espace-temps pour que la perturbation se propage instantanément vers l’extérieur avec une amplitude suffisante.
On pouvait changer le passé à volonté, pour autant que l’on ne dépasse pas une certaine amplitude dans les paradoxes. Si l’on franchissait le seuil, l’impact de l’onde tachyon était transmis à l’ensemble de l’univers. Mais dans ce cas, comment savoir ce qui s’était passé ? Où étaient les indices ? Comment l’univers résolvait-il le paradoxe ? Ils savaient qu’ils avaient réussi à atteindre le passé — Peterson leur en avait apporté la preuve. Mais que pouvait-il se passer d’autre ?
Une intuition jaillit soudain dans son esprit. Si l’univers était un système totalement unifié sans le mythique observateur classique pour faire se réduire la fonction ondulatoire, celle-ci n’avait plus à se réduire. Elle…
Un choc déchirant. Markham leva les yeux et vit tournoyer le sol. Là-bas, c’étaient les paisibles étendues du Maryland. Une forêt défilait sous l’aile. Les gens s’interpellaient. Il y eut des cris. Un vrombissement assourdissant. Ils plongeaient vers la forêt. Les arbres étaient nets, précis. Pour Markham, ils avaient l’évidence et la clarté des grandes idées. Maintenant, ils claquaient sur un rythme de plus en plus rapide. L’avion était léger, il était comme un tissu aérien de métal, trame de matière inerte capturée par la géométrie courbe du champ gravifique. Dans la lumière oblique, de plus en plus vite, les arbres explosaient en boules vertes. Markham pensait à un univers à fonction ondulatoire unique. Un paradoxe se formait. Comme naît une idée. Si la fonction ondulatoire ne se réduisait pas…
Des mondes devant lui, des mondes derrière lui.
Il y eut un formidable craquement et il vit ce qui aurait dû être.