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New York

Mardi 23 décembre

8 heures

Assis face à Taylor et John, le lieutenant Tony Eldridge et l'inspecteur Emily Callahan buvaient cappuccino sur cappuccino. Us s'étaient retrouvés pour le petit déjeuner dans le Heartbreak Restaurant de l'hôtel W. C'était une réunion de travail, consacrée à la recherche d'une stratégie.

Il leur avait fallu une bonne dizaine de minutes pour passer la commande. Emily voulait du muesli bio, des fruits coupés avec un couteau propre, un yaourt fermier produit localement, du jus de pousses de blé et un smoothie qui renforce les défenses immunitaires. Eldridge opta pour les flocons d'avoine avec du sucre roux, des canneberges, des raisins secs, des amandes grillées et du lait tiède. Même John se laissa entraîner dans cette frénésie de nourriture saine; il commanda des œufs mollets fermiers, du bacon fumé au bois d'arbre fruitier et des légumes rôtis à l'huile d'olive. Taylor voulut entrer dans le jeu, mais n'y parvint pas ; elle eut l'impression d'être un enfant en commandant ses crêpes au beurre de cacahuète et à la confiture, le plat le plus normal qu'elle ait trouvé sur le menu. Même la nourriture venait renforcer son sentiment d'aliénation. La seule chose qui la réconfortait, c'était la gerbera orange posée au milieu de la table dans un vase en métal brossé.

Après le départ de la serveuse, Taylor fit semblant d'éplucher une poire et contempla la colonne de verre réfléchissant multicolore, à sa droite. Elle avait envie de quitter New York, de rentrer chez elle et... et puis quoi ? Elle ne savait pas. En tout cas, Nashville lui paraissait un havre de paix, à présent, un endroit où fuir la grande ville et ses périls.

John remit le téléphone portable aux policiers de Long Island. Eldridge promit de faire tout son possible pour en retrouver l'origine.

Ils parlèrent à bâtons rompus jusqu'à ce que chacun ait fini de manger. Enfin, Eldridge aspira les dernières gouttes de son café et reposa délicatement sa tasse sur sa soucoupe.

— O.K. Lieutenant Taylor, j'aimerais qu'on reprenne tout ça une dernière fois. Dites-moi tout ce dont vous vous souvenez au sujet de Delglisi, tout ce qu'il vous a dit. On a forcément raté quelque chose.

Taylor posa la poire sur son assiette. Elle se concentra et, en pensée, retourna dans cette grande pièce froide et humide. Elle sentit le parfum de son ravisseur, elle entendit sa voix. Des frissons parcoururent ses bras.

— Il y a plusieurs choses qui m'ont frappée. Il m'a dit qu'il voulait parler affaires, qu'il avait une proposition à me faire. Je lui ai demandé s'il y avait un rapport avec Blanche-Neige, il m'a répondu que j'étais plus proche du tueur que je ne le pensais. Il m'a dit qu'il pouvait m'aider à résoudre un problème à Nashville, mais que si quelque chose allait à rencontre de ses intérêts, là-bas, il s'en prendrait à mes coéquipiers.

Si quelque chose va à l'encontre de mes intérêts dans ta jolie petite ville, je ferai tomber les têtes de tes amis l'une après l'autre... Taylor déglutit pour ravaler sa bile. Le simple fait d'évoquer cette menace la faisait bouillir de rage.

— Tu as eu l'impression qu'il parlait de Blanche-Neige, demanda John, ou bien de tout autre chose?

— D'autre chose. Il n'avait pas l'air de se soucier de Blanche-Neige. II l'a traité de minable. Comme s'il ne méritait pas son attention. Moi aussi, j'ai l'impression que tout ça va plus loin que l'affaire Blanche-Neige. Lieutenant Eldridge, vous pourriez nous en dire plus sur Edward Delglisi ? Ça me permettrait peut-être de mieux interpréter ses menaces.

Eldridge but une gorgée d'eau et fit un petit hochement de tête à Emily Callahan pour lui demander de prendre le relais. La jeune femme s'éclaircit la gorge avant de se lancer.

— « L'Uomo » est en activité depuis une vingtaine d'années. On ne sait pas grand-chose sur lui, à part qu'on a épisodiquement affaire à des séries de meurtres qui portent sa signature. Des société font faillite, des magasins ferment, et on retrouve trois ou quatre macchabées dans la nature. Les gens qui s'opposent à lui ne font pas long feu. Il dirige une société d'import-export, mais il est discret et rapide. Il renouvelle systématiquement son personnel, il a beaucoup de fric, et il ne s'est jamais fait pincer.

— Et Burt Mars, il intervient où ? demanda Taylor. Callahan lui fit passer un dossier.

— Mars est une vraie ordure. Mais il est malin. Il a fait tomber la famille Tartulo presque à lui tout seul. C'est le banquier de l'Uomo. Voici des rapports qui risquent de vous intéresser. Mars s'occupe depuis un bon moment de gérer l'argent de l'Uomo. II utilise pour cela son fonds d'investissement immobilier, Manderley. Seulement, on n'arrive pas à mettre le doigt sur l'origine du financement. Chaque fois qu'on s'en approche, il s'évapore comme par magie. C'est l'un des meilleurs systèmes de blanchiment d'argent qu'on ait jamais vu. Les fédéraux sont sur le coup, eux aussi. Ils pourraient sans doute vous en apprendre davantage, docteur Baldwin.

Taylor fit passer le dossier à John. Ce dernier l'ouvrit, le parcourut et déclara :

— Je m'en occupe. Merci pour l'info.

— Il y a juste un problème. Hier soir, Burt Mars a été retrouvé mort dans son appartement. Le coup a été tiré de près. Ça ressemble à un cambriolage classique.

Callahan secoua la tête, et ajouta :

— D'ailleurs, l'intrus est parti avec les ordinateurs.

— Laissez-moi deviner, dit Taylor. Je parie que toutes les informations concernant sa société étaient stockées sur ces ordinateurs.

— On dirait bien, oui. Il avait un bureau énorme, installé dans la plus grande chambre de l'appartement, avec assez de câbles pour faire décoller une fusée. Mais il n'y a plus de machines auxquelles les raccorder.

L'inspecteur Callahan était déçue, cela se voyait

— Vous êtes sûre que c'était bien Mars ? Callahan fit glisser vers elle un nouveau dossier. Taylor

l'ouvrit sans le ramasser, et vit la photographie d'un homme de petite taille, aux cheveux blonds, portant des lunettes à la Buddy Holly. Il avait un gros trou noir à la poitrine. Elle le reconnut immédiatement. Les images de son rêve lui revinrent, vives et détaillées. Un homme aux cheveux couleur sable tapotait l'épaule de son père. C'est Manderley, ici...

Eldridge la ramena au présent.

— On a perdu une piste. Mais il reste Delglisi. Comme nous l'avons dit hier, personne ne l'a jamais vu. C'est une légende vivante, dans le coin. On n'est même pas sûrs qu'il s'appelle vraiment Delglisi. C'est simplement un des patronymes qu'il a utilisés au fil des années, celui qui revient le plus souvent.

— Il importe quoi ? demanda Taylor. De la drogue ?

— Non, répondit Callahan. Des êtres humains.

— D'où?

— De partout. Ces derniers temps, ce sont surtout des Hispaniques, à ce qu'il paraît. Il a essayé les Chinois et autres Asiatiques, mais depuis peu, il semble s'être spécialisé dans les émigrants mexicains et sud-américains.

— Et quand ils arrivent ici ?

— Il les met au boulot. Dans ses magasins, dans ses réseaux de prostitution, partout où il a besoin d'effectifs. Ils sont obligés de travailler pour lui, puisqu'il leur a avancé le prix du voyage.

John regarda Taylor.

— C'est un bon vieux marchand d'esclaves, quoi.

— Un marchand d'esclaves... Je commence à comprendre.

— Comment ça? demanda Eldridge.

— La semaine dernière, on a eu une drôle d'affaire à Nashville. Une Guatémaltèque du nom de Saraya Gonzalez a été retrouvée dans un sale état. Elle s'était échappée d'un prétendu salon de massage où on la forçait à coucher avec des clients devant une caméra. Ils tournaient des films pornos amateurs. Seulement, le jour même où on l'a retrouvée, Saraya a été assassinée à l'hôpital. L'homme qui l'a abattue a pris la fuite. Il essayait de l'enlever, mais quand on l'a rattrapé, il l'a exécutée. On a retrouvé des projectiles et des douilles qu'on a transmis au service balistique, mais on n'avait pas encore de pistes au moment où je... où je...

— Où tu as été enlevée, dit John.

— C'est ça. Ca me fait tout drôle d’utiliser cette expression pour parler de moi. Bref, rien ne semblait pouvoir nous aiguiller vers le meurtrier de Saraya. Mais ensuite, un ami journaliste qui nous donnait un coup de main sur l'affaire Blanche-Neige a été tué à son tour. Frank Richardson. Il venait de dénicher des informations au sujet de Burt Mars. Vous dites que Mars travaillait pour l'Uomo ? Eh bien, Frank a été tué avec la même arme que Saraya Gonzalez. H me semble que les « intérêts » de l'Uomo à Nashville sont aussi simples et aussi sordides que ça. Eldridge se cala dans sa chaise.

— On parle bien du même Frank Richardson ? Celui qui a décroché un Pulitzer? Vous dites que vous étiez amis?

— Brièvement. C'était un type bien. Callahan prenait des notes.

— C'est quoi, l'arme commune aux deux meurtres ?

— Un Désert Eagle Jéricho 9mm. Ça vient d'Israël, mais ils n'en...

— Fabriquent plus, acheva Eldridge en souriant. Une étincelle de joie pétillait dans le regard de Callahan.

Elle tapota des doigts sur la table.

— On a les rapports balistiques de plusieurs crimes impliquant Atlas, le principal homme de main de l'Uomo. Il utilise un Désert Eagle. Je ne serais pas étonnée qu'il ait été envoyé à Nashville pour régler quelques détails gênants. Par ailleurs, le trou dans la poitrine de Mars a certainement été fait par un gros calibre. Le rapport balistique le confirmera, mais je suis prête à parier que c'est également Atlas qui a tué Mars. Delglisi est en train de faire le ménage.

Je me demande ce qu'il va faire de Win, songea Taylor, avant de chasser cette pensée de son esprit.

— Mes souvenirs de lui sont assez flous, dit-elle. J'ai vu son visage et je me rappelle qu'il était immense, mais je ne suis pas sûre de pouvoir l'identifier. Vous croyez que c'est lui qui m'a enlevée ?

— Probablement. Surtout s'il était déjà à Nashville pour autre chose. Il a dû recevoir l'ordre de vous ramener vivante à New York.

— Juste pour que Delglisi puisse marchander avec moi et me menacer? Pourquoi ne pas m'apporter le message à Nashville ?

— Il voulait vous montrer l'étendue de son pouvoir. Vous enlevez le jour de votre mariage, c'était plus spectaculaire. Davantage d'impact.

Taylor lança un regard en coin à John.

— Désolée, dit-elle doucement.

Il se contenta de hocher la tête et de lui adresser un sourire. Après tout, ils avaient eu leur nuit de noces, d'une certaine façon, la nuit précédente. A présent, ils étaient liés par quelque chose de plus profond que n'importe quel serment ou morceau de papier.

Avec effort, Taylor s'arracha au regard de John et se tourna vers Eldridge.

— Donc, on a toutes les réponses, dit-elle. Tout se tient. Il ne reste qu'un détail.

— Win Jackson, intervint John.

— Exactement, dit Taylor avec gratitude. Quel est le lien entre mon père et Edward Delglisi ? Vous avez des informations qui pourraient expliquer son implication dans cette histoire ?

EIdridge et Callahan firent non de la tête.

Taylor ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter pour lui, même si ce sentiment la faisait enrager. Elle s'excusa pour aller aux toilettes ; en partant, elle lança à John un regard qui disait « Je vais bien, ne t'en fais pas ». 1-e talon de ses bottes résonna sourdement contre le parquet ciré. Elle s'arrêta un instant devant la cheminée vitrée pour se réchauffer les mains. A l'entrée du restaurant, une vraie New-Yorkaise s'était figée un instant pour que chacun puisse l'admirer. Cheveux bruns brillants, jean sombre rentré dans des bottes en daim chocolat, écharpe en cachemire blanche nouée autour du cou... Taylor cligna des yeux ; la belle inconnue ôta son écharpe, sa veste et ses lunettes de soleil, et traversa la salle du restaurant pour rejoindre ses amis. Elle avait une aisance naturelle, une qualité que Taylor estimait n'avoir jamais possédée.

Dans le hall de l'hôtel, des baies vitrées allant du sol au plafond donnaient sur Lexington Avenue. La rue était bondée ; chacun vaquait aux préparatifs de Noël. Même les bus et les voitures de patrouille semblaient rayonner de joie et de bonne humeur. Toute cette agitation donnait le cafard à Taylor. La ville lui paraissait sinistre, à présent. Savoir que son père était impliqué, ne serait-ce que de très loin, dans les affaires d'Edward Delglisi, cela l'horrifiait. Elle n'avait aucun moyen de savoir s'il était encore vivant, s'il se planquait par crainte de terribles représailles. Si Mars avait été jugé gênant, il s'ensuivait que Win l'était aussi.

Elle alla aux toilettes et retourna dans la salle de restaurant. A son arrivée, les autres mirent brusquement fin à leur conversation ; sans doute parlaient-ils d'elle. Pour dissimuler son malaise, Taylor croqua dans la poire restée sur son assiette, et s'étonna de sa douceur, de sa texture granuleuse. Cela atténuait un peu le goût d'amertume qu'elle avait dans la bouche.

Callahan fixait Taylor d'un air interloqué. Elle essayait manifestement de s'imaginer ce que cela faisait d'être un flic hors pair alors que son père frayait avec les pires ordures. Elle fronçait les sourcils comme si elle n'y arrivait pas. Taylor décida de lui faciliter les choses.

— Win Jackson est un escroc-né, Emily. Ne vous en faites pas pour ça. Je commence à rassembler les morceaux du puzzle, voilà tout. Maintenant, si seulement on pouvait résoudre l'affaire Blanche-Neige... John, on n'a pas eu de nouvelles de la petite Marias ?

Eldridge sauta en l'air.

— Quelle petite Marias ? De quoi parlez-vous ?

. — Une fille a disparu la semaine dernière, en plein milieu d'un bain de sang signé Blanche-Neige. Son signalement correspond à celui des victimes. Elle s'appelle Jane Macias.

— Nom de Dieu !

Callahan et Eldridge échangèrent un regard lourd de sens.

— Quoi ? demanda Taylor. Parlez ! Vous savez où elle est?

— Non, dit Eldridge, mais je sais qui elle est. Elle est journaliste, du moins elle l'était. L'année dernière, elle a publié plusieurs articles sur les activités de Delglisi. Son père était propriétaire d'un restaurant ici, à Little Italy. Toujours la même histoire : les gars de Delglisi sont allés le voir pour lui offrir leur protection. Macias les a envoyés promener. Ils lui ont fait clairement comprendre que s'il voulait rester ouvert, il avait intérêt à accepter. Il a fini par céder, comme tout le monde. Il y a à peu près un an, Macias a eu un accident. Il a glissé sur le carrelage de la cuisine et s'est empalé sur le couteau qu'il avait à la main. C'est sa fille qui l'a retrouvé.

« Le bruit courait qu'il essayait de sortir de la famille et que Delglisi avait commandité son meurtre. A l'époque, Jane Macias travaillait pour le New York Times comme assistant-reporter. Elle a signé un papier sur la corruption dans le milieu hôtelier, la mainmise des mafias étrangères sur la ville. »

— Et sa mère ?

— Ses parents étaient divorcés. La mère est remariée. Elle s'appelle Ayn Christiani. Elle a quitté New York ; je crois me souvenir qu'elle vit à Boston depuis quelques années. Et maintenant, voilà que Jane a disparu. Qu'est-ce qu'elle faisait à Nashville?

— Elle travaillait pour le Tennessean, notre quotidien local. Elle a disparu la semaine dernière, et elle correspond au profil. Depuis le début, on se dit que Blanche-Neige a dû la tuer et qu'on va retrouver son corps d'un jour à l'autre. Mais tout d'un coup, j'ai l'impression d'avoir fait fausse route. Delglisi a vraiment décidé de faire le ménage.

Taylor pensait à Frank Richardson, au visage de Jane Macias qu'elle avait vu en photo. A son père. A la voix doucereuse qui avait promis de lui faire du mal si elle refusait de fermer les yeux. La colère montait en elle.

Elle regarda John. Le moment était venu de rentrer chez eux.

 

 

 

 

 

Tu tueras pour moi
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