Chapitre IV

 

Va pour Klinia. Le cœur battant, je demande à Val 3 :

— Que propose-t-elle ?

— D’unir ses forces aux tiennes et d’attaquer immédiatement Staran, qui est le plus vulnérable, pendant que tu contiendras Talmon, jusqu’à ce que vous soyez en mesure de l’écraser ensemble.

— Qu’exige-t-elle en compensation ?

— Ton compagnon.

— Felton ?

— Auquel il ne sera fait aucun mal... Tu le sais.

Exact. J’y suis passé... Je demande :

— Peux-tu me mettre en communication directe avec Klinia ?

 — Non, car Talmon et Staran capteraient votre conversation. Vous ne pouvez vous entendre que par le truchement de l’ordinateur.

— Avant de prendre une décision, il faut que je sache ce que sont devenues Marfa Trant et Lydia Ray, les amies d’Elsa Van Rolsen.

Sous l’impulsion de Val 3, les touches du clavier de l’ordinateur se remettent à cliqueter, puis le robot traduit la réponse :

— Klinia est disposée à te remettre immédiatement Lydia Ray en gage de sa bonne foi.

— Et Marfa ?

— Elle en aura besoin pour effectuer son propre transfert, mais tu pourras la reprendre dès que celui-ci aura commencé, comme tu pourras récupérer Felton.

Oui. Tout cela me paraît logique et acceptable. Pourtant, je reste méfiant :

— Qui est-ce qui pousse Klinia à vouloir traiter avec moi ? Je n’aurais pas la moindre chance dans une épreuve de force contre elle, Staran et Talmon réunis ?

Un temps... Les voyants de l’ordinateur lancent quelques éclairs, puis :

— Klinia ne tient pas à rester l’alliée de Staran et de Talmon. Au contraire, ce sont ses ennemis au même titre que Harrar l’était. De plus, elle est persuadée que tu ne te laisseras

jamais prendre vivant, donc qu’il n’y aura plus de transferts possibles après ta mort puisque tu as livré ton compagnon au grand sommeil.

Comment le sait-elle ?

La réponse met longtemps avant de me parvenir :

— Klinia refuse de le dire. Tu ne lui dis pas non plus tout ce que tu sais.

— Qu’est-ce qui lui prouve que je ne me retournerai pas contre elle dès que nous en aurons fini avec Talmon et Staran ?

L’ordinateur transmet la question et je n’ai pas besoin que Val 3 me traduise la réponse. Je la lis en clair sur l’écran de contrôle lorsqu’elle s’y inscrit.

— Les Terriens sont une race loyale à laquelle on peut faire entièrement confiance. Lydia Ray est déjà en route pour Trasor dans un transport rapide. Dès qu’elle sera arrivée, que Tarquin m’avertisse et j’ouvrirai les hostilités contre Staran.

Je m’incline et j’ordonne à Val 3 de charger l’ordinateur d’établir un nouveau plan d’action en fonction du nouvel équilibre des forces dû à la défection de Klinia.

Klinia!... Au fond, pour moi, c’est la meilleure solution. Comme c’est une femme, c’est avec elle que je m’entendrai le plus facilement et, une fois son transfert accompli, elle aura probablement l’apparence de Marfa Trant qui est une très jolie fille.

Une fois le transfert accompli... A condition qu’il réussisse. Et l’expérience tentée par Harrar n’est pas encourageante à cet égard. Pourtant il me semble...

Harrar m’a dit qu’il m’avait laissé toutes ses notes et que je poursuivrais ses travaux. Sur le moment, j’avais trouvé que c’était de la folie, mais plus maintenant. J’ai même l’impression que je suis très près de la solution, que je la connais, qu’il suffisait de peu de chose pour qu’elle jaillisse dans mon esprit...

Une brève sonnerie se déclenche au-dessus du clavier de l’ordinateur qui signale immédiatement :

— Un transport rapide entre dans la zone d’attraction de Trasor.

Comme je ne veux courir aucun risque, j’envoie Vor 6 et Vor 24 sur le spatiodrome dont un des écrans de l’ordinateur me donne une vue plongeante.

Je reste en communication mentale avec les deux robots qui me transmettent automatiquement tout ce qui fait réagir leurs détecteurs.

Le transport rapide à pilotage automatique n’a qu’une seule passagère, Lydia Ray. Une brune, visage énergique, de longs cheveux. Une femme très grande, moulée dans une combinaison spatiale d’un jaune clair.

Je la trouve beaucoup plus belle qu’Elsa Van Rolsen. Ce n’est pas le même genre de femme. Ce qui fait le charme d’Elsa, c’est sa joliesse, alors que Lydia impressionne par sa classe et son allure de grande dame.

Les robots ne l’impressionnent pas du tout. Depuis son arrivée sur Thana, elle a eu tout le temps de s’y habituer. Elle suit sans hésitation Vor 6 et Vor 24, pendant que le transport qui me l’a amenée repart, immédiatement rappelé par Klinia.

J’imagine que son débarquement à Trasor doit donner le signal du début des opérations et, en attendant que Lydia me rejoigne, je reporte mon attention sur les écrans de mon ordinateur.

II se produit en effet de grands changements dans la disposition des engins de guerre.

La plupart des robots de combat et des fusées se regroupent sur les écrans 6, 7 et 8, qui sont les secteurs tenus par Talmon. Et, brusquement, je réalise que le secteur 11 est celui où se trouve le temple de Vartosse.

Il ne s’y passe absolument rien. Les machines de guerre sont toujours en place, mais ce sont aussi bien celles de Talmon que celles de Staran ou de Klinia. Pourtant, dans les secteurs 2, 3 et 4, une bataille sans merci est engagée entre leurs forces. .

Je ne comprends pas. Normalement, Staran aurait dû rappeler tous ses engins. J’interroge Val 3, mais il ne me répond pas et, à l’inspiration, je lui donne l’ordre d’attaquer dans les secteurs 7 et 8, c’est-à-dire contre le dispositif de Talmon.

Ce qui se passe me déroute... Les premières lignes de mon adversaire cèdent presque tout de suite et nos engins remportent un très gros succès initial, si considérable que j’ai l’impression que l’ordinateur qui dirige les manœuvres pour le compte de Talmon s’est déréglé.

En tout cas, ça n’a rien de comparable avec ce qui s’est passé lorsque les trois alliés d’alors ont attaqué, ensemble, la forteresse de Harrar.

On dirait une parodie, que Val 3 trouve tout à fait normale. Moi pas, et j’ai horreur des anomalies. Elles signifient toujours qu’on fait une faute de raisonnement.

Brusquement, je me dirige vers l’ascenseur installé au fond de la salle de l’ordinateur. Val 3 veut me suivre, mais je lui ordonne de rester.

— Je suis conditionné pour assurer ta sécurité partout où tu vas.

— En ce moment, je ne cours aucun risque.

— Mais, je ne peux pas te quitter.

Je fronce les sourcils. Une réaction que la machine ne peut pas enregistrer. En un sens, je suis son prisonnier. Je sais que, si elle le voulait, elle pourrait me paralyser à l’instant même. Il suffirait qu’elle estime que je suis en danger.

Son prisonnier!... Je viens seulement de réaliser à quel point je dépends d’elle et qu’elle me domine. C’est là une chose qu’un Terrien ne peut supporter.

— Bon. Suis-moi.

Je me dirige vers l'ascenseur, et les portes de la cabine s’ouvrent automatiquement devant nous.

— Où veux-tu aller ?

— Conduis-moi dans les appartements qui ont été réservés à Lydia Ray.

Tout en parlant, je fais le vide dans mon esprit. Je m’efforce de dissimuler derrière une barrière mentale toutes mes pensées intimes. C’est peut-être inutile, car je ne suis pas certain que le robot ait des facultés de télépathie, mais je préfère me montrer prudent.

Tout à coup, un voile s’est déchiré dans mon esprit. Je connais beaucoup de choses sur la civilisation de Thana, même si elles sont encore confuses dans ma mémoire. Beaucoup de choses, mais pas celle-là. Presque tout, même si je ne comprends pas encore très bien, et j’ignore si les détecteurs de Val 3 sont réglés sur mes ondes mentales.

Ça ne gênait pas beaucoup Harrar et les autres maîtres de Thana d’être entièrement sous la dépendance de leurs robots. Privés personnellement de moyens de se déplacer tout seuls, dépendant pour le moindre geste ; l’idéal, pour eux, était que leurs désirs soient réalisés à l’instant même où ils en avaient l’idée, sans même avoir à la formuler.

Ce n’est pas mon cas. J’ai besoin de mon libre arbitre et de pouvoir réfléchir sans témoin, serait-ce un robot.

Evidemment, l’ensemble de connaissances que je viens de découvrir en moi sont un peu empiriques. C’est comme s’il y avait un brouillard dans mon cerveau et qu’il soit en train de se dissiper lentement.

L’ascenseur stoppe et les portes coulissent... Nous sommes arrivés !

— Un homme ! s’exclame Lydia Ray. Un homme véritable.

— Et même un Terrien comme vous, plus ou moins prisonnier de ce monde étrange.

— Complètement prisonnier !

— Pas moi... Je dispose tout de même d’une certaine autonomie de mouvements.

Le plus dur pour moi est de parler en continuant à cacher mes pensées secrètes derrière une barrière mentale.

— Pourquoi vous ?

— C’est une longue histoire.

Son visage se fait brusquement grave.

— Savez-vous où sont mes amies ?

— Elsa Van Rolsen est ici..., disons en état d’hibernation, bien que ce ne soit pas le mot qui convienne. De toute façon, sa vie n’est pas en danger et je crois savoir où se trouve Marfa Trant.

— Vous croyez seulement ?

Tout en discutant, je me suis approché de Val 3. J’espère que c’est un robot comme les autres, comme ceux que j’ai eu le loisir d’examiner. Brusquement, je le ceinture du bras droit et je relève une minuscule manette qu’il possède sur la hanche et que je dois aller débusquer au fond d’un alvéole protégé par un taquet.

Durant quelques secondes, j’ai l’impression d’être envahi par un commencement de paralysie, mais elle n’est pas suffisamment forte pour détruire en moi les automatismes ; j’ai relevé le taquet avant d’être incapable de bouger et mes doigts sont lancés. Je retrouve immédiatement l’entière liberté de mes mouvements.

— Que faites-vous ? s’exclame Lydia.

J’ai eu très chaud et je commence par essuyer la sueur qui ruisselle sur mon front. Lydia me regarde avec des yeux surpris.

— Les maîtres de cette planète s’en remettent entièrement à leurs robots qui ont pour charge essentielle de les protéger. Ils s’en remettent à eux sous prétexte qu’ils sont infaillibles, mais je n’ai pas la même apparence physique que les maîtres de cette planète et mon robot me donnait l’impression d’avoir perpétuellement à côté de moi un garde-chiourme.

— Les maîtres de cette planète?... Ce ne sont pas ces machines ?

— Non. Pour le moment, ce sont deux hommes et une femme... Mais vous ne pouvez pas vous rendre compte si vous n’avez pas vu des robots. Il vaudrait peut-être mieux qu’il ne reste plus qu’eux ici... Venez.

Maintenant, il s’agit de me débrouiller par mes propres moyens. Je n’ai plus Val 3, ni Vor 6, ni Vor 24 pour m’aider.

Dans le dos du robot, j’ouvre une petite trappe et je sors de sa cachette la bande qui le conditionne avant de la glisser dans ma poche.

Je sais que je pourrais analyser toutes les instructions qu’il avait reçues, mais malheureusement les techniques qui me permettraient d’obtenir ce résultat sont encore hors de ma portée.

La cybernétique a toujours été une science qui m’a échappé. Alors, fatalement, dans ce domaine, l’assimilation est plus longue que je craignais, c’est que, pour Val 3, les maîtres quels qu’ils soient passent toujours avant moi.

— Lydia, préférez-vous rester ici dans les mêmes conditions que lors de votre détention précédente, c’est-à-dire en sécurité, ou voulez-vous me suivre ?

— Je ne veux pas vous quitter.

— Très bien, mais je vais peut-être au-devant de terribles dangers.

Elle hésite tout de même une seconde et je la comprends. Il n’y a rien de plus terrible qu’un dépaysement total pour un être qui n’en a pas l’habitude. De plus, elle ne me connaît pas. Elle ne sait rien de moi. Je lui ai dit que j’étais originaire de Terre O., mais rien ne le lui prouve.

— Je vous suis, où que vous alliez... Comment vous appelez-vous ?

— Tarquin. Cyrille Tarquin. Dans notre civilisation, je suis ce qu’on appelle un coureur d’aventures spatiales. Je me rends dans les planètes inconnues ou mal explorées et je me livre à tous les trafics imaginables. Ça vous choque ?

— Non.

— Elsa Van Rolsen m’a parlé de vous... Très peu, car Elsa vous croyait morte et nous ne voulions pas raviver son chagrin.

— Nous ?

— J’ai débarqué sur Thana en compagnie de mon associé. Il s’appelle Felton.

— Où est-il ?

— Lui aussi, j’ai été obligé de le placer en état d’hibernation. Je suis le seul à avoir bénéficié d’un enseignement sur cette planète. Donc, je peux diriger les robots, et ça ne lui plaît pas.

Inutile de me perdre en longues digressions. J’entraîne Lydia vers l’ascenseur, où un problème se pose pour moi. Sur un grand tableau, il y a une centaine de boutons, tous marqués en thanien...

Si je commence à me tromper maintenant, je n’en sortirai jamais. Je me concentre, puis je prends mes risques...

C’est gagné. L’ascenseur nous dépose exactement où je voulais aller, dans un vaste hangar où, à côté de trants de combat, sont rangées de longues fusées de communication.

Des trants... C’est le nom de famille de Marfa. Il y a des coïncidences extraordinaires, même sur les mondes les plus lointains.

Je choisis une fusée. Dans le ciel, il n’est, de toute façon, pas question que j’engage le combat avec des engins de guerre. En ce moment, je mise sur le fait que, quoi qu’il arrive, je suis sacré aussi bien pour Talmon que pour Staran et Klinia, car je possède « l’étincelle de vie » dont ils paraissent avoir tant besoin.

Après avoir fait monter Lydia et l’avoir installée à côté du fauteuil de pilotage, je m’assieds dans ce dernier.

— Où allons-nous ? me demande-t-elle.

— Au temple de Vartosse.

— Où est-ce ?

— Dans le secteur 11 de l’ordinateur de Trasor où nous nous trouvons en ce moment.

— Et qu’est-ce que nous allons faire dans ce temple ?

— Peut-être réveiller cette planète.

— Comment ?

— Disons comme la Belle au bois dormant.

C’est tout ce que je peux vous dire, en dehors des coordonnées géographiques du temple.

24, 107. Elles viennent de jaillir dans ma mémoire, je ne sais pas trop comment. Si, je le sais, mais je ne peux pas en faire état devant Lydia et je me contente de lui dire :

— Je suis passé sous ce qu’on appelle une machine d’enseignement, sur Thana, et j’ai appris, grâce à cela, des tas de choses.

C’est exprès que je parle sur un ton badin, car je ne veux pas effrayer Lydia, ni même l'impressionner.

Tout en lui fournissant ces succinctes explications, j’ai fourni au pilotage automatique de la fusée les coordonnées du temple.

Ouverture du hangar. Démarrage. La fusée fait un véritable bond qui nous plaque littéralement sur nos sièges. Je maugrée :

— Depuis des millénaires, ces engins ne sont plus utilisés que par des robots.

Donc, il faut que je réduise notre vitesse. Je n’y parviens pas sans mal, mais je finis tout de même par obtenir une accélération supportable.

J’en profite pour raconter à Lydia comment il se fait que nous soyons arrivés sur Thana après la découverte, dans l’espace, du Tucson. Puis elle m’expose ses propres aventures qui se réduisent à peu de chose : sa fusée de survie l’a amenée dans une forteresse où elle a vécu en prisonnière et en recluse, soignée par des robots qui ont tout fait pour lui rendre la vie agréable dans les limites de leurs possibilités.

— Qui étaient minces, murmure-t-elle.

— Vous n’étiez pas prisonnière en compagnie de Marfa Trant ?

— Non.

— Vous ne l’avez jamais revue ?

— Jamais. Elsa non plus.

Un peu surprenant, puisque c’est finalement Marfa que Klinia a décidé de garder en vue de son transfert. Seulement, je n’ai pas le temps de m’attarder sur ce problème. Nous arrivons déjà.

Notre fusée fait d’abord le tour d’un énorme dôme en réduisant sa vitesse. Puis une énorme trappe s’ouvre devant notre engin et nous pénétrons à l’intérieur. Ce doit être le temple.

Je stoppe mes moteurs, j’ouvre le sas de sortie et je saute à terre. Immédiatement, un robot apparaît. Du type Val. J’essaye de le contrôler mentalement, mais, comme avec Val 3, j’éprouve un sentiment d’engourdissement soudain.

Dans un réflexe, je dégaine mon pistolet et je tire, visant l’œil de poitrine. Ma balle explose en frappant le verre qui éclate, et je vois le robot vaciller pendant que mon engourdissement se dissipe.

Je prends le bras de Lydia et je l’entraîne.

— Ne vous effrayez pas. Quoi qu’il arrive, toutes ces machines n’en veulent pas à notre vie. Le plus grave qu’il pourrait nous arriver est que nous soyons à nouveau prisonniers.

A la main, je garde mon pistolet et je suis décidé à m’en servir, sans même essayer d’entrer en contact avec les robots qui se présenteront devant nous. J’en rencontre encore deux avant d’arriver dans la salle où se trouve la machine dont Harrar m’a parlé.

Pour la garder, cinq robots, contre lesquels mes balles explosives font merveille. Puis, j’ai la fameuse machine devant moi... La machine du réveil.

Dès que je l’aurai branchée, la planète tout entière sera privée d’énergie jusqu’à ce qu’elle ait accompli sa tâche.

Plus rien ne fonctionnera en dehors des engins alimentés par des piles individuelles. Plus rien... Les ordinateurs, par exemple, et en cessant de fonctionner, ils arrêteront la guerre.

Lydia et moi, en revanche, nous pourrons toujours utiliser les fusées, les robots de service, qui ne dépendent pas des ordinateurs, et les compensateurs de gravité.

Pour moi, c’est un moment extraordinaire.

Un simple branchement, une fiche monumentale à enfoncer dans une autre, et toute une planète va revivre après plus de cinq mille ans. Du moins, je l’espère...

Lydia ne peut pas comprendre la gravité de l’instant que nous allons vivre et je n’essaye même pas de le lui expliquer. A quoi bon ?

Brusquement, j’empoigne la fiche et je l’enfonce. Immédiatement, l’intensité de la lumière autour de nous baisse de moitié.

Peu importe. Je sais que, sur l’ensemble de Thana, le processus de réanimation vient de commencer, dans les nécropoles et dans les retraites individuelles.

Je sais aussi que je dois prendre un certain nombre de mesures. Par exemple, en sortant de la salle, je bloque complètement le système d’ouverture, de façon que personne, même un robot, ne puisse l’ouvrir sans faire sauter tout ce qui est contraire à son conditionnement.

Des robots, nous n’en rencontrons plus un seul jusqu’à ce que nous ayons regagné le hangar où s’est posée la fusée qui nous a amenés. Elle est toujours là et, comme elle dispose d’un jeu de piles autonomes, nous pouvons repartir.

Je mets le cap sur la forteresse de Klinia. Pratiquement, il n’y a plus aucun risque, car tous les engins de guerre ne fonctionnent plus, les ordinateurs ne les alimentant pas en énergie.

La machine du réveil draine actuellement toutes les disponibilités de la planète à quatre-vingt-dix-neuf pour cent.

Le quartier général de Klinia, mon alliée, puisqu’elle m’a renvoyé Lydia, se trouve au cœur d’une forteresse semblable à celle d’Harrar. Pas question de nous faire ouvrir un hangar automatique quelconque, et je pose notre fusée sur la terrasse supérieure comme je l’avais fait avec le Lata III en arrivant chez Harrar. Je suis tenté de dire il y a une éternité.

Pas de robots pour nous accueillir. Peu importe, je connais le chemin. J’équipe Lydia d’un compensateur de gravité de façon à faciliter ses déplacements, puis, comme j’en porte un aussi, nous nous enfonçons dans les profondeurs de la forteresse.

Jusqu’à la salle du trône où un spectacle horrible nous attend. M’attend, car Lydia n’était pas au courant, elle.

Klinia est là, couchée dans son monumental fauteuil... Monumental à cause de son immense appuie-tête. Klinia, mais aussi Talmon et Staran.

Ils sont morts tous les trois, la tête tranchée, et, à leurs pieds, ils ont chacun un robot inerte qui tient un sabre à la main. Lydia pousse un hurlement et je la prends dans mon bras pour la rassurer.

Facile, de comprendre ce qui s’est passé. Ils se sont réunis, sans doute pour décider d’une façon quelconque de s’entendre pour s’emparer de Felton et de moi. Mais ils se haïssaient tous, et l’un d’eux, brusquement, a lancé son robot.

Lequel ? La pensée est plus rapide que n’importe quel geste et que n’importe quelle machine. Avant d’avoir pu arrêter quoi que ce fût, ils s’étaient condamnés tous les trois.

Etrange fin pour ces êtres qui s’étaient voulus immortels et qui n’ont pu aller jusqu’au bout.

Nous ne pouvons plus rien pour eux. J’entraîne Lydia.

— Où étiez-vous gardée prisonnière ?

— Au premier niveau.

Nous remontons et, dans la chambre où la jeune femme me conduit, nous découvrons Marfa Trant, terrorisée, car tout ce qui bougeait s’est subitement arrêté autour d’elle au moment où j’ai connecté la machine du réveil sur le réseau d’énergie central.

Pauvre Marfa Trant ! Elle est un peu moins jolie que Lydia et Elsa, mais elle a peut-être plus de charme. Elle tombe dans les bras de son amie en pleurant, mais je n’ai pas le temps de les laisser à leurs effusions.

— Nous devons repartir immédiatement pour Trasor, Lydia.

— En emmenant Marfa ?

— Naturellement.

Je veux être présent dès que Elsa Van Rolsen et Felton reprendront conscience.