CHAPITRE 10

 
 
 

Chartier était parti pour l’Europe début juin, profitant des vents favorables. Le bateau qui le portait était le plus petit de la flottille. Les catholiques, trop contents de voir s’affaiblir si peu que ce fût le camp adverse, avaient accepté de le pourvoir d’eau et de vivres. En chantant des psaumes, les protestants accompagnèrent l’esquif des yeux jusqu’à l’horizon déjà chargé de nuages. Tous leurs espoirs étaient désormais en Calvin, auprès duquel le pasteur devait se rendre dès son arrivée. Les pluies n’allaient plus tarder, avec leur cortège de boue, de frissons et de miasmes. Richer, pour délivrer ses troupes du découragement qui les menaçait, insista pour reprendre sans tarder l’initiative. La date des mariages fut hâtée et huit jours suffirent pour organiser la cérémonie.

À l’évidence, le but de cette célébration n’était pas seulement l’union des deux jeunes filles restantes et des deux artisans qui leur avaient été choisis par du Pont. Quoique celles qui les avaient précédées fussent déjà grosses et promissent ainsi d’accroître le parti protestant, il était clair que ce moyen ne pouvait être employé à court terme pour faire masse contre l’adversaire. La véritable valeur des mariages était l’exemple. Il ne s’agissait plus, comme d’abord, de détourner les colons du vice car le conflit religieux avait au moins eu le mérite de les en distraire. L’ambition des chefs huguenots était de montrer à tous et donc surtout aux autres qu’ils demeuraient seuls dans la pleine capacité de convoquer Dieu et d’assurer le salut. En conséquence, il importait que la cérémonie ne fût pas cantonnée au réduit protestant mais qu’elle hissât l’étendard de la vraie foi à la vue de tous. Le seul lieu capable de lui donner cet écho était le fort. Témoin neutre, dominant de sa masse les deux territoires adverses, la hauteur de la forteresse ferait un autel convenable, au plus près du ciel.

Deux jours avant la cérémonie, un garde plus audacieux que les autres et qui ne se savait pas d’ennemis chez les ennemis fut commis par du Pont à porter au gouvernorat la nouvelle de la célébration. Il y remit une lettre à un Écossais et revint en racontant qu’on lui avait fait bon accueil mais que Villegagnon, à ce qu’il avait compris, demeurait toujours reclus.

Du Pont ne savait trop comment interpréter cette disparition. Certes, elle confirmait l’absence de chef dans le parti adverse et il fallait s’en réjouir. Mais ce silence pesait d’autre part trop lourd pour ne pas être gros de mystères, comme les papistes aiment en concevoir. Et pour les persécutés, les mystères ont toujours un arrière-goût de traquenard.

Quoi qu’il en fût, il était trop tard pour reculer. On ne pouvait même pas en tirer des conclusions militaires et déployer sur le front des hommes en armes. Une convention tacite entre les deux partis voulait que nul ne cherchât à embusquer des soldats dans le fort, sous peine de déclencher les hostilités. C’est donc en troupe débonnaire, le pasteur devant avec du Pont tête nue, les promis suivant puis, derrière, tout ce que le camp protestant comptait de civils, que s’avança de grand matin la procession. Richer eut la satisfaction de voir, en arrivant sur le toit du fort, que du côté catholique une cohue de curieux s’assemblait paisiblement. Plusieurs, quand il parut, mirent le chapeau à la main et se signèrent, ce qui était de bon augure. Les esclaves indiens au grand complet, toujours en mal de distractions, avaient pris place parmi les badauds.

Livrés à leur propre volonté, les huguenots donnèrent à la cérémonie le caractère bon enfant et simple, quoique grave et recueilli, qui était pour eux la manière convenable de s’adresser à un Dieu et non à une idole. Les mariés se disposèrent autour du pasteur et tout le monde fut frappé de leur bonne et naturelle figure, tout au moins en comparaison de ceux qui les avaient précédés dans cet emploi.

Aude était placée au premier rang de l’assistance, assise avec naturel et, comme sous l’effet du hasard, du côté où elle pouvait embrasser du regard le port, le gouvernorat et tout le camp des catholiques. Ses yeux suivaient avec recueillement et tendresse le déploiement de la petite foule autour du célébrant et elle ne paraissait pas voir avec quelle avidité elle était, de toutes parts, dévisagée. En effet, il ne restait plus qu’elle, désormais, à unir. Après, il faudrait convoquer en renfort la troupe de réserve des gouvernantes, ce qui soulevait moins d’enthousiasme. Mais Aude, impavide et pudique, ignorait superbement la concupiscence dont elle était l’objet. Son regard flottait souvent dans le lointain et l’on eût été bien en peine de deviner la précision de ce qu’elle y cherchait et se désespérait de ne point voir.

La cérémonie était déjà bien entamée quand elle eut enfin la satisfaction de voir paraître Just. Il était resté longtemps, dissimulé par la redoute sud, à regarder la côte. On aurait dit qu’il attendait quelque mystérieux signe venu des jungles, un cri qui ne fût pas de singe ou de héron. Mais rien, bien sûr, ne lui était apparu pour faire contrepoids à sa décision. Depuis son entretien nocturne avec Aude, il n’avait pu penser à rien d’autre. Bénéfice de cette fascination, la mélancolie l’avait quitté, ainsi que le désespoir. L’énergie de la jeune fille et ce qu’il ne parvenait pas à appeler son désir l’avaient empli d’une espérance nouvelle. Une issue lui était montrée. À l’affreuse division des hommes, qui minait leur œuvre, ils pouvaient opposer la grâce de leur union. Mais n’avait-il pas d’autres raisons de le vouloir ? En un mot, qu’éprouvait-il pour elle ? Il était résolu à ne pas se poser ces questions, en mettant en avant les motifs généraux et généreux de sa décision. Pourtant, il sentait que, sous ces arguments de raison, s’agitaient des sentiments moins clairs et peut-être contradictoires. La jeune fille en elle-même ne laissait pas à la fois de l’attirer et de le remplir de crainte. Bien sûr, elle était la première femme civilisée qu’il lui avait été donné de rencontrer depuis qu’il était adulte. Tout en elle était beau, juste et bon, reflet de cette idée parfaite de l’Homme que Dieu, comme le disait Villegagnon, a déposée en la femme, pour en faire, malgré ses vices, l’instrument de sa rédemption. Mais, comme la surface vernie de la forêt, toute de moutonnements verts, de purs panaches de sycomores, d’ombrelles de bois Brésil, dissimule au-dedans des odeurs de mort et des combats sans amour, l’allure douce et humble d’Aude laissait sinon percevoir du moins deviner des fonds plus troubles, une moindre patience et peut-être, tout simplement, la violence.

Cependant, dans cette île abandonnée au bout du monde, au bord de la guerre fratricide, Just n’en était plus à chercher le paisible bonheur mais la force d’un idéal, l’élan d’une action. Il n’avait pas à faire un choix de bourgeois, comptable de son aisance et désireux de la répandre harmonieusement dans sa famille. Qu’il y eût en Aude une effrayante énergie n’était pas, au fond, pour lui déplaire. À vrai dire, dès le soir de leur conversation, il s’était déjà engagé face à lui-même. Il l’épouserait. Seule la pensée de Colombe, la certitude d’accomplir ainsi l’acte qui rendrait sa perte définitive, le remplissait de douleur. Mais aucun signe n’était venu, qui l’eût empêché de le commettre.

Par un début de courtoisie que lui avait appris sa sœur, laquelle, cependant, ne la pratiquait guère, Just alla se débarbouiller et ordonna ses cheveux avec une étrille. Il changea sa chemise pour une autre, qui faisait toute sa garde-robe. Celle-ci n’avait pas de col et il pensa malgré lui qu’il avait dégagé sa nuque, comme le condamné à mort. C’est alors qu’il parut aux yeux dévots qu’Aude feignait de promener sur l’horizon.

L’intention de Just était simple. Concevoir ce qu’il avait à faire était un bon moyen de se calmer. Il en avait calculé les moindres détails, jusqu’au nombre de pas pour aller d’un point à un autre. Il prendrait d’abord sa place dans l’assistance, suivrait la cérémonie puis, au dernier instant, avant que le pasteur ne disperse l’attroupement, s’avancerait et lui demanderait solennellement la main de sa nièce. S’il l’obtenait, il ferait alors, de son poste élevé, une harangue aux deux camps dont il espérait la paix. Il remerciait en lui-même Villegagnon de l’avoir pourvu de références cultivées ; en allant d’une citation à une autre, comme le voyageur chemine d’auberge en auberge, il aurait moins de chances de se perdre, ou d’être attaqué en route.

Just entra silencieusement dans le fort, gravit l’escalier qui montait aux remparts et prit place dans la cérémonie. Le cœur lui battait. Il évitait de regarder Aude. Cette précaution était inutile, mais il l’ignorait encore. Car il était écrit que le danger, ce jour-là, ne viendrait ni des âmes ni des regards et qu’il surgirait au moment où on ne l’attendait pas, sous une forme imprévue.

Le célébrant avait entrepris de réciter des textes tirés de la Parole de Dieu. Tout allait son train de cérémonie, c’est-à-dire qu’un doux assoupissement commençait de saisir l’assistance, volupté qui dispose à accueillir le sacré et à laisser parler son âme.

Les gros nuages immobiles à l’horizon, en robe violette et chapeau blanc, faisaient comme une seconde assemblée, plus vaste que la première et qui l’entourait de sa muette bienveillance. Agités par les orages à venir, des bandes de perroquets volaient en boitant d’une cime à l’autre. Un gros papillon rouge et bleu, qu’un reste d’enfance dans les âmes fit regarder comme un ange, voleta longuement autour du pasteur. Deux des mariés, qui se contenaient mal, en profitèrent pour pouffer.

Richer lut la parabole de Lazare en lançant des coups d’œil vers le parti adverse. Tout le monde comprit qui était ce mort que Jésus pouvait ressusciter. Plus d’un se dit en effet que l’absence de prêtre semait chez les catholiques une véritable mort spirituelle. Une nostalgie de la concorde et de la communion s’emparait doucement des cœurs. Le pasteur la sentait et redoublait d’inspiration pour l’entretenir.

Le bruit soudain qui vint du gouvernorat produisit dans cette paix un véritable choc. Ce furent d’abord des éclats de voix, des bruits de ferraille, de portes. Puis on vit se former un petit groupe sur l’esplanade qui, bientôt, s’avança vers le fort.

On distinguait surtout dans cette escouade la haute silhouette des Écossais. En grande tenue, bonnet de tartan sur la tête, kilt bouclé, hallebarde brandie, les Calédoniens marchaient d’un pas martial mais rassurant car il évoquait plus la cérémonie que la guerre. Au milieu d’eux, sur le devant, dom Gonzagues trottait, la barbe lissée, en camisole de chevalier de Malte, un masque de colère sur le visage, où se lisait aussi la grimace de douleur de ses rhumatismes. Mais quand le groupe parvint au pied des remparts, il s’ouvrit comme une noix et, du dedans, en fait de cerneau, il évacua le grand corps de Villegagnon qui s’engagea majestueusement dans le fort. Quoique le pasteur eût poursuivi ses litanies sans paraître rien remarquer, nul ne l’écoutait plus. Tous les regards étaient tournés vers le débouché de l’escalier d’où l’amiral émergea lentement. Il était effrayant à voir. Ses longues journées de jeûne l’avaient rendu hâve et presque squelettique. Là où une barbe en broussaille semée de fils gris ne recouvrait pas sa peau, elle apparaissait jaune et luisante, tendue sur des flèches d’os qui manquaient la crever. Dans un cyclone de cernes et de rides, l’œil du chevalier, enfoncé comme celui d’un agonisant, jetait des gerbes de braises.

Mais le plus spectaculaire était sa tenue. Quittant l’uniforme de Malte, dans lequel tous étaient accoutumés à le voir baigner, il s’était glissé dans un costume neuf, confectionné en grand secret par le tailleur les jours précédents. Le pourpoint était cousu dans un siglaton bleu roi qui luisait au soleil, des hauts-de-chausses jaune vif bouffaient sur ses hanches et ses deux jambes amaigries étaient enveloppées au plus juste par des chausses d’estamet vert pomme. Une cape rouge sang et une toque blanche, confectionnée dans une toile de voilure, complétaient le plumage de ce monstrueux perroquet. Mais la longue épée au côté ôtait à quiconque l’envie d’en rire.

Les rangs se fendirent et l’amiral, avec une naturelle majesté, s’installa au premier rang, vis-à-vis de Du Pont. Dom Gonzagues, en traînant la patte, vint se placer à côté de lui. Alors Villegagnon planta ses yeux terrifiants dans ceux du pasteur et attendit. Richer montra son courage en continuant d’officier comme si rien ne s’était passé ou presque mais on voyait sa main trembler en tenant la bible. Le silence était revenu, baratté par un vent moite et les paroles saintes s’y écoulaient comme d’une citerne éventrée. Tout à coup, dominant les mornes intonations du célébrant, s’éleva la voix de Villegagnon. Tous connaissaient assez la puissance de son organe pour comprendre qu’il ne parlait encore que tout bas. On l’entendait pourtant d’une redoute à l’autre.

— Je ne comprends pas, s’étonna-t-il en se penchant imperceptiblement vers dom Gonzagues, où sont les chasubles, les surplis, les ostensoirs ?

Richer, dans son éternel costume noir, se troubla légèrement. Il commençait à entrevoir ce qui allait suivre. On en était au point où il fallait unir les mariés. Il s’avança vers le premier couple, saisit la main droite des deux promis et prononça quelques mots.

— Ah ! s’exclama Villegagnon, Gonzagues, donne-moi le saint chrême, je te prie.

Le vieux capitaine, bien au fait de la mise en scène, tira de sa poche une fiole de terre.

— Voici ! fit l’amiral à l’adresse de Richer. Il est composé selon les règles : une partie de sel, deux d’huile d’olive et une de salive.

Ce disant, il s’était avancé, la petite fiole à la main. Le pasteur recula avec une mimique d’horreur.

— Comment, vous ne les oignez pas du saint chrême ! s’indigna Villegagnon.

Il laissa s’écouler quelques secondes, lui tendant la fiole, l’autre faisant mine de s’en garder. Puis avec un mauvais sourire et un faux air de courtoisie, l’amiral regagna sa place.

— C’est bien étrange, reprit-il à l’adresse de Gonzagues. Un mariage sans onction sainte. Enfin… observons la suite.

Du Pont s’agitait. L’assistance, figée de crainte, voyait le char de la catastrophe dévaler la pente fatale et attendait l’explosion.

Les couples, l’un après l’autre, furent unis à la mode protestante sous le regard de Villegagnon qui feignait la surprise et l’incrédulité. Vint le moment de l’eucharistie. Richer, tout en officiant, calculait mentalement ce qu’il lui était possible de faire pour éviter l’incident. Interrompre à cet instant la cérémonie eût été prudent. Mais sur deux tréteaux avait été dressé un panneau de bois où pain et vin attendaient trop visiblement pour être négligés. Avec plus de courage dans l’esprit que dans les veines, car le grand corps du chevalier faisait masse au premier rang, le pasteur entreprit d’administrer la communion.

— Par la Vierge et tous les saints ! s’écria joyeusement Villegagnon, le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ !

Le pasteur saisit le pain en tremblant tout à fait. L’amiral s’avança vers l’autel et se planta devant, de toute sa menaçante hauteur.

— Avant de me prosterner, dit-il en fixant le pasteur de ses yeux dévorés de jeûne, m’assurez-vous qu’Il est bien là ?

Du Pont jugea qu’il était temps d’intervenir. Il bondit du côté de la table où était Richer et, pour lui prêter son renfort, dit fermement :

— Cessez ce scandale, monsieur ! Reculez. Reprenez votre place.

— Ma place est au premier rang devant Dieu, quand Il me fait la grâce de se livrer à moi.

— Cette grâce ne vous est donnée qu’en proportion de votre humilité, rétorqua du Pont.

— M’assurez-vous qu’Il est bien là ? répéta Villegagnon sans tenir compte d’autre chose que du pasteur et de l’hostie qui frémissait au bout de sa main.

— Il est là en substance, dit Richer qui tentait une ultime feinte théologique.

— En substance ! À la bonne heure, reprit Villegagnon avec une joie effrayante. Car c’est sa substance que je veux. J’ai faim de Lui, m’entendez-vous, je veux déchirer Ses muscles et boire Son sang, me repaître de Sa chair et sentir dans mes entrailles la chaleur de Son saint cœur.

Il avait prononcé ces mots en criant. Sa voix de basse tonnait comme une tempête et son costume étrange, couleur de ciel d’orage, de sang et d’éclairs, semblait faire de lui un être d’un autre monde tombé là pour exécuter une indicible vengeance sur les hommes.

Richer recula. Tout allait s’effondrer. C’est alors que du Pont, dans un sursaut, prit la place de l’officiant, bien en face de Villegagnon, et prononça lentement ce seul mot :

— Cannibale !

Le vert brillant des eaux parut se rider sous ce choc. Le pain de sucre lui-même encaissa le coup en s’inclinant, les murailles du fort vacillèrent. Seule la stupeur empêcha la foule de s’enfuir. Villegagnon se raidit comme s’il eût été percé d’outre en outre. Cette immobilité était si terrifiante que quand la violence vint, elle rassura presque.

Dans la stupeur générale, seuls les Indiens, du côté catholique, firent entendre un murmure admiratif. Cette cérémonie leur paraissait moins statique que les précédentes et, pour tout dire, plus conforme à l’idée qu’ils se faisaient d’une fête. Villegagnon leur décocha un regard noir qui les fit taire et, d’un coup, tira son épée. Dom Gonzagues l’imita et les Écossais dressèrent leurs guisarmes.

Seule la présence du calice et des pains, confirmant, mais trop tard, leur puissance sacrée, empêcha Villegagnon de frapper celui qui se tenait derrière eux.

— Je vous ferai rentrer ce mot dans la gorge, hurla l’amiral.

Alertés par ces cris, les soldats huguenots couraient aux armes. On chargeait des arquebuses. Du côté catholique, en contrebas, se fit aussi une bousculade. Mais Villegagnon se tenait toujours immobile, le glaive en main comme un grand oiseau héraldique. Puis, soudain, il formula sa sentence, qui retardait le massacre.

— Disparaissez ! cria-t-il. Imposteurs, hérétiques, assassins du vrai Dieu ! Je vous donne quinze jours pour quitter cette terre que vous souillez et ne jamais y reparaître.

Du Pont connaissait trop le rapport des forces pour se hasarder à donner lui-même le signal du combat. Il peignit sur son visage une expression glaciale d’indifférence et de mépris.

L’amiral, sans rengainer son arme, fit demi-tour brutalement et sortit, accompagné de dom Gonzagues et des gardes. Les protestants, quand il eut disparu, descendirent à leur tour l’escalier.

Just, qui n’avait pas bougé, vit passer Aude devant lui, les yeux baissés. Il ne sut rien lire dans le bref regard brillant qu’elle lui lança.

Il resta seul sur le fort, désemparé, abasourdi, et comprit qu’il devait à son tour quitter ce lieu brûlé par la haine, choisir son camp. Il eut un instant la pensée de Colombe, le désir de se tenir près d’elle, de reprendre leurs antiques jeux, à Clamorgan. Il regarda longuement vers la jungle, puis descendit. Et son pas, malgré lui, le porta vers le gouvernorat.