Quelle aubaine pour nous que de la neige, de la vraie! Whistle Stop aurait pu passer pour le pôle Nord la semaine dernière. Qu’y a-t-il de plus beau que des buissons de houx poudrés de blanc ? Mais heureusement que nous n’avons de la neige que tous les dix ans! Ma chère moitié, qui se croit capable de conduire par tous les temps, a voulu emmener en promenade ses vieux chiens de chasse, et il n’avait pas dépassé First Street qu’il dérapait et se fichait dans le fossé. Aussi me voilà condamnée à la marche à pied pendant un mois, le temps que la voiture soit réparée.
Ma chère moitié s’était déjà illustrée au volant lors de cette tempête de grêle, où les grêlons étaient gros comme des œufs de poule. Il nous avait fallu attendre pendant trois semaines un nouveau pare-brise. C’est encore lui dont la barque a été frappée par la foudre, alors qu’il était en train de pêcher sur la rivière. Si jamais le temps se gâtait et que vous tombiez sur Wilbur, je vous en supplie, dites-lui de rentrer tout de suite à la maison. Je l’enfermerai dans un placard le temps que la tempête se calme. C’est que, voyez-vous, j’ai peur qu’un jour une tornade ne me l’emporte... et me prive d’une source d’embêtements sans lesquels mon existence serait bien terne...
J’ai entendu dire que Railroad Bill avait dévalisé cinq trains en une semaine. J’ai rencontré Gladys Kilgore au salon de beauté, et elle dit que son mari, Grady, qui travaille pour la compagnie ferroviaire, était fou de rage.
A ce propos, si Railroad Bill lit ces lignes, ne pourrait-il pas balancer une voiture neuve d’un de ces trains avant que Grady lui tombe dessus? Ça m’arrangerait bien !
... Dot Weems...