Chronique d'une petite ville d'Alabama de 1929 à nos jours racontée par une vieille dame à travers l'histoire de son café, le Whistle Stop, tenu par deux femmes, Idgie et Ruth.
LA CRITIQUE LORS DE LA SORTIE EN SALLE DU 00/00/0000
La grande défaite, en tout, disait Céline, c'est d'oublier. » Beignets de tomates vertes a été fait (d'après un roman de Fannie Flagg paru en I987) pour qu'on n'oublie pas, justement. Pour qu'on n'oublie pas Whistle Stop, en Alabama, à l'époque de la grande dépression, ses maisons de bois en bordure de la voie ferrée, son salon de beauté, sa poste. Pour qu'on n'oublie pas ceux qui y vivaient, la famille Threadgoode entre autres et surtout Idgie (Mary Stuart Masterson). Idgie, c'est celle qui dit non. Non aux convenances, aux règles établies, à l'asservissement auquel on a l'habitude de soumettre les femmes. Idgie, c'est la rebelle, le garçon manqué qui n'a peur de rien, qui escalade les arbres, qui charme les abeilles, qui boit et joue au poker avec les hommes. Idgie, c'est la femme libre, qui décide seule de son destin, qui sait qui elle est, ce qu'elle veut, qui donne envie aux autres de relever la tête. C'est elle qui aidera Ruth (Mary-Louise Parker) à quitter son cogneur de mari, membre du Ku Klux Klan de surcroît. Ensemble, elles ouvriront un café dont la spécialité n'est autre que les beignets de tomates vertes. L'histoire de Whistle Stop, Ninny Threadgoode (Jessica Tandy), 82 ans, la livre aujourd'hui comme un héritage à Evelyn Couch (Kathy Bates). Evelyn, c'est l'Américaine type. 50 ans, oisive, boulimique, un mari qui ne la regarde plus. Elle prend des cours d'éducation conjugale, censés lui apprendre l'art et la manière de mettre du piment dans sa vie de couple. A toujours faire ce qu'on lui dit de faire, elle sent qu'elle va rater sa vie. Le fantôme d'Idgie, qu'on sent planer comme un génie tutélaire sur Whistle Stop, viendra souffler quelques décennies plus tard, grâce à Ninny (mais qui est réellement Ninny ?), au-dessus d'Evelyn, qui se décidera à prendre en main sa destinée. On pense à Bagdad Café (plus bouleversant cependant et moins académique), histoire d'amitié féminine aussi, qui racontait le magnifique envol d'une femme asservie. Bagdad Café ou Whistle Stop, ce sont dans les deux cas des mondes de liberté, des mondes en marge, qui résistent. Des mondes destinés à être ensevelis. A nous de ne pas les oublier, pour qu'ils ne disparaissent pas tout à fait. Whistle Stop n'est plus, mais tant qu'on se transmettra la recette des beignets de tomates vertes, le double cheeseburger n'aura pas tout à fait gagné la partie. Comptez donc une belle tomate verte par personne. Découpez en rondelles épaisses, salez, poivrez, farinez et faites frire de chaque côté dans de la graisse de bacon bien chaude. Faites passer. Une vie ne peut se concevoir sans résistance à la modernité - Marlène Amar