HISTOIRE D’UN HOMME DU PEUPLE - LES BOHÉMIENS SOUS LA RÉVOLUTION
L'«Homme du peuple» est un ouvrier de Saverne, Jean-Pierre Clavel, orphelin élevé par une brave marchande des quatre saisons, la mère Balais, pauvre mais généreuse, qui a fait de lui un bon artisan et l'a envoyé à Paris pour se perfectionner dans son état de menuisier. À Paris, Jean-Pierre se loge dans le quartier des Écoles, où il retrouve Emmanuel, un de ses anciens camarades, étudiant en droit, qui lui fait découvrir la capitale. Il est embauché dans l'atelier de menuiserie Braconneau dont le principal ouvrier, le père Perrignon, lui fait petit à petit partager ses idées révolutionnaires. Notre héros assiste aux débuts de la Révolution de 1848 et finit par y prendre une petite part en combattant sur une barricade. Mais, plus qu'un acteur, il est pour nous un témoin de première main, relatant les seuls événements qu'il a pu voir. C'est cette description, sur le vif, au «ras des pâquerettes», que ce soit de la vie à Saverne, de la découverte des vieux quartiers de Paris, où d'un petit bout de la «grande histoire» en train de se faire, qui fait, comme toujours chez Erckmann-Chatrian, tout le charme de ce récit.
HISTOIRE D’UN PAYSAN - PREMIÈRE PARTIE - 1789 LES ÉTATS GÉNÉRAUX
«Moi, je suis un homme du peuple, et j'écris pour le peuple. Je raconte ce qui s'est passé sous mes yeux. J'ai vu l'ancien régime avec ses lettres de cachet, son gouvernement du bon plaisir, sa dîme, ses corvées, ses jurandes, ses barrières, ses douanes intérieures, ses capucins crasseux mendiant de porte en porte, ses privilèges abominables, sa noblesse et son clergé, qui possédaient à eux seuls les deux tiers du territoire de la France! J'ai vu les états-généraux de 1789 et l'émigration, l'invasion des Prussiens et des Autrichiens, et la patrie en danger, la guerre civile, la Terreur, la levée en masse! enfin toutes ces choses grandes et terribles, qui étonneront les hommes jusqu'à la fin des siècles. C'est donc l'histoire de vos grands-pères, à vous tous, bourgeois, ouvriers, soldats et paysans, que je raconte, l'histoire de ces patriotes courageux qui ont renversé les bastilles, détruit les privilèges, aboli la noblesse, proclamé les Droits de l'homme, fondé l'égalité des citoyens devant la loi sur des bases inébranlables, et bousculé tous les rois de l'Europe, qui voulaient nous remettre la corde au cou.»
La Guerre devait être une pièce à grand spectacle pour le Châtelet, basé sur un récit inspiré des souvenirs du père d'Erckmann à l'armée d'Helvétie, et découpé en scènes et en tableaux par Erckmann et Chatrian. Pour maîtriser à fond son sujet, Erckmann fit un voyage en Suisse, jusqu'à la Via Mala, pour contempler les décors grandioses dans lesquels s'était déroulée cette campagne. Le directeur du Châtelet trouva le drame «trop long, trop réel, trop historique» et peut-être surtout trop coûteux à mettre en scène...
LE BLOCUS - LE CAPITAINE ROCHART
Phalsbourg, en 1814. Pendant que les armées ennemies envahissent la France à la poursuite des troupes napoléoniennes défaites, la place forte assiégée est bombardée par les kaiserlicks mais résiste à leurs assauts grâce à sa vaillante garnison et à sa population civile mobilisée dans la garde nationale. Samuel Moïse, notable de la communauté israélite de la ville, a lui aussi été mobilisé et raconte...
Le grand-père Lebigre tient un cabinet littéraire sur la place des Acacias dans la petite ville de Sainte-Suzanne, sous Louis-Philippe. Alors que sa soeur Clarisse, confite en dévotion, accueille avec joie le retour des jésuites, son bréviaire à lui serait plutôt le «Dictionnaire Philosophique» de Voltaire. Le narrateur, son petit-fils Lucien, part faire ses études de droit à Paris...
UN CHEF DE CHANTIER À L’ISTHME DE SUEZ
Fin 1872, Émile Erckmann, contre qui un mandat d'arrêt a été émis par les Prussiens qui occupent l'Alsace et la Moselle, s'installe à St-Dié. L'été précédent, il a fait la connaissance à Paris d'un Lorrain, entrepreneur de travaux publics, qui avait longtemps travaillé en Égypte à la construction du canal de Suez, Alban Montézuma Goguel, qui possède une propriété dans sa ville natale de St-Dié, l'Ermitage. Erckmann y est très bien accueilli et s'y sent bien, au milieu des Vosges et tout près de la nouvelle frontière qui le sépare de chez lui.Mais bientôt, «une envie furieuse» le prend de revoir l'Alsace. Pour s'empêcher de commettre cette imprudence, il entreprend avec Montézuma Goguel un voyage en Égypte et dans l'Orient méditerrannéen. Le voyage leur procure leur lot d'émotions, leur navire manquant de couler entre l'Italie et la Grèce. Ils visitent les ruines de Grèce, puis Alexandrie, le Caire, Gizeh. Ils embarquent sur un petit vapeur qui les mène d'un bout à l'autre du canal de Suez, où ils s'arrêtent sur les lieux des chantiers de Montézuma. Le retour les mène par Jaffa, Beyrouth, Tripoli, Rhodes, Constantinople, Corfou puis Rome, Gênes et le champ de bataille de Marengo. Ils rentrent à St-Dié au bout d'un voyage de trois mois. Goguel a une grande expérience du monde oriental actuel, des ses moeurs, de sa religion, de sa langue. Erckmann, lui, est plutôt versé dans l'histoire des anciennes civilisations. Tout le long du trajet, ils échangent leurs observations. D'Égypte, Erckmann rapporte la matière des Souvenirs d'un chef de chantier à l'isthme de Suez. Il écrira plus tard à Chatrian : «C'est la première fois que nous sortirons d'Europe. Paysages, figures, tout est nouveau... Il faudra que le monde oriental y soit solidement indiqué, la couleur vive, originale de ces pays-là devra ressortir avec une grande vigueur, mais sans exagération.» De plus, Goguel, qui avait servi comme engagé volontaire dans la dernière guerre, s'était trouvé, en 1871, parmi les troupes chargées de réprimer l'insurrection de la Grande Kabylie. De ses souvenirs qu'il partagea avec Erckmann, celui-ci rédigea en grande partie pendant le voyage même, «Une campagne en Kabylie».
— Il s’appelait Felipe Zubia…
Un gitan né au hasard des chemins…
Nul n’a trop su ce qu’avait été sa jeunesse et comment il s’y était pris pour ne pas mourir de faim, et pour se consacrer à l’apprentissage de la tauromachie.
Très vite on se mit à parler de lui.
Des critiques se déplacèrent pour le regarder travailler.
Ils ne lui ménagèrent pas leurs éloges.
Le vieux torero vida son verre et passa sur ses lèvres le dos de sa main décharnée.
— … Pourquoi ce Felipe n’est-il pas devenu le maître qu’il promettait d’être ?
Mon interlocuteur haussa les épaules et cracha par terre pour bien montrer à quel point le monde le dégoûtait.
— A cause d’une femme, naturellement…
Genre : Policier Date originale : 1968